Wham Bam Jazz
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Silverfish Imperatrix
6599
Je poste, donc je suis
Membre depuis 6 ans
Sujet de la discussion Posté le 08/04/2019 à 10:15:44Wham Bam Jazz
Salut, petit sujet créé pour laisser respirer le sujet des playlists jazz, suite à la demande de mon ami Sonicsnap je posterais ici des choix de discographies, conseils d'écoute, pourquoi pas discussions sur certains morceaux, le jeu, en étant plutôt orienté bop ou post bop, âge d'or des labels Blue Note ou Prestige par exemple.
Mon thread sur le jazz, principalement bop et post bop:
charlesozioulstoulouse
205
Posteur·euse AFfiné·e
Membre depuis 17 ans
41 Posté le 14/04/2019 à 22:34:19
et Bud Powell ? George Shearing ?
https://soundcloud.com/karl-bang
https://www.linktr.ee/charlesoziouls
El Migo
24005
Vie après AF ?
Membre depuis 16 ans
42 Posté le 15/04/2019 à 01:33:19
Histoire de flaguer constructif,
Albert Ayler lors de l'enterrement de John Coltrane à New-Yotk
Albert Ayler lors de l'enterrement de John Coltrane à New-Yotk
Silverfish Imperatrix
6599
Je poste, donc je suis
Membre depuis 6 ans
43 Posté le 16/04/2019 à 10:13:55
Le cas Kind of Blue.
Manifeste du jazz modal, le disque de jazz le plus vendu, le plus connu, que même ceux qui n'aiment pas le jazz écoutent...blablabla.
Mars 59, Miles entre en studio avec un groupe remanié, composé de lui-même, Coltrane, Cannonball, le pianiste Bill Evans (qui remplace donc Red Garland), le superbe Wynton Kelly (sur un titre), Paul Chambers, et Jimmy Cobb, qui remplace "Philly" Joe Jones. Jones et Garland ont été viré à cause de leur addiction à l'héroïne.
Miles sent que sa musique doit évoluer, il a retenu les enseignements de George Russell et son travail sur le modal. C'est ce même Russell qui va lui présenter Bill Evans, qui vient de passer quelques temps avec lui. Miles est fasciné par le jeune pianiste, la douceur de son jeu, très influencé comme lui par les compositeurs classiques, et particulièrement les impressionnistes français.
C'est vraiment l'alchimie Davis/Evans qui donne le ton de KoB, alors que les oppositions de style entre les solistes en varient la forme.
Dès le morceau qui ouvre l'album, So What, le ton est donné, avec son prélude rubato (écrit certainement par Gil Evans), suivi du célèbre riff de basse (une première ou presque à l'époque), auquel répondent les accords de Bill Evans.
Le thème comporte 32 mesures en AABA, et est dit modal, il n'y a que 2 accords pour tout l'ensemble. Contrairement au jazz qui précédait, et plus précisément le Bop où on pouvait avoir jusqu'à 2 accords par mesure, le fait qu'un même accord comme ici puisse durer 24 mesures donne plus de possibilité d'expression au soliste, libéré des contraintes des cadences, qui va développer ses idées sur les modes dérivés des accords (mode dorien à la base pour So What).
Le solo de Miles est un exemple de concision, de simplicité, de beauté, on peut facilement le chanter, il reste considéré comme un des plus beaux jamais joués, il reste strictement en dorien. Le solo de Coltrane est totalement à l'opposé, intense, beaucoup plus dans l'exploration. Le solo de Cannonball explore, lui, comme souvent avec Adderley, le côté blues-bop. A noter l'accompagnement tout en nuances d'Evans, ainsi que son solo avec ses dissonances à la fin, et la rythmique qui déroule.
Le morceau suivant, Freddie Freeloader, blues simple en Sib et 12 mesures, avec Wynton Kelly, préféré justement pour son côté plus bluesy à Evans. Si le morceau n'est pas modal au sens strict du terme, le fait que la grille d'accords soit simplifiée permet de développer des idées modales.
Blue in Green, balade minimaliste et bluesy en 10 mesures d'Evans (que Miles s'était attribuée...), pour moi le plus beau morceau du disque, avec sa construction "palindromique" (l'ordre des solos), le jeu magnifique d'Evans et Coltrane génial. Adderley ne joue pas sur le morceau, peut-être pour garder une certaine solennité qui aurait pue être bouleversée par les aigus et le lyrisme de l'alto...
All Blues, blues qui valse (en 6/8), en sol mixolydien, avec son ostinato, laisse une grande place aux improvisations modales, avec de nouveau de gros contrastes entre les différents improvisateurs.
Sketches of Spain, qui clôt l'album, certainement une autre contribution Davis/Evans (pourtant créditée au seul premier), est la composition la plus modale de l'album; pas de thème, cinq modes sont jetés sur le papier, les solistes peuvent jouer avec autant qu'ils veulent. Contrastes entre les modes proposés: Do ionien, Lab mixolydien, Sib ionien, Ré phrygien (qui donne sa couleur "espagnole" au morceau) et Sol dorien. On a l'impression de flotter, que les musiciens avancent à pas feutrés, comme s'ils découvraient de nouveaux territoires.
Voilà, quelques mots sur KoB. J'avoue avoir mis du temps à entrer dans l'album, ce n'est que bien après avoir commencé à étudier sérieusement le jazz, à voir pourquoi quatre des cinq morceaux qui le composent sont devenus des standards absolus, que j'ai pu en comprendre l'idée, la logique, la subtilité et la beauté, et je reste baba aujourd'hui encore devant la maîtrise absolue démontrée par ce disque, et l'excellence des six musiciens qui jouent dessus.
Manifeste du jazz modal, le disque de jazz le plus vendu, le plus connu, que même ceux qui n'aiment pas le jazz écoutent...blablabla.
Mars 59, Miles entre en studio avec un groupe remanié, composé de lui-même, Coltrane, Cannonball, le pianiste Bill Evans (qui remplace donc Red Garland), le superbe Wynton Kelly (sur un titre), Paul Chambers, et Jimmy Cobb, qui remplace "Philly" Joe Jones. Jones et Garland ont été viré à cause de leur addiction à l'héroïne.
Miles sent que sa musique doit évoluer, il a retenu les enseignements de George Russell et son travail sur le modal. C'est ce même Russell qui va lui présenter Bill Evans, qui vient de passer quelques temps avec lui. Miles est fasciné par le jeune pianiste, la douceur de son jeu, très influencé comme lui par les compositeurs classiques, et particulièrement les impressionnistes français.
C'est vraiment l'alchimie Davis/Evans qui donne le ton de KoB, alors que les oppositions de style entre les solistes en varient la forme.
Dès le morceau qui ouvre l'album, So What, le ton est donné, avec son prélude rubato (écrit certainement par Gil Evans), suivi du célèbre riff de basse (une première ou presque à l'époque), auquel répondent les accords de Bill Evans.
Le thème comporte 32 mesures en AABA, et est dit modal, il n'y a que 2 accords pour tout l'ensemble. Contrairement au jazz qui précédait, et plus précisément le Bop où on pouvait avoir jusqu'à 2 accords par mesure, le fait qu'un même accord comme ici puisse durer 24 mesures donne plus de possibilité d'expression au soliste, libéré des contraintes des cadences, qui va développer ses idées sur les modes dérivés des accords (mode dorien à la base pour So What).
Le solo de Miles est un exemple de concision, de simplicité, de beauté, on peut facilement le chanter, il reste considéré comme un des plus beaux jamais joués, il reste strictement en dorien. Le solo de Coltrane est totalement à l'opposé, intense, beaucoup plus dans l'exploration. Le solo de Cannonball explore, lui, comme souvent avec Adderley, le côté blues-bop. A noter l'accompagnement tout en nuances d'Evans, ainsi que son solo avec ses dissonances à la fin, et la rythmique qui déroule.
Le morceau suivant, Freddie Freeloader, blues simple en Sib et 12 mesures, avec Wynton Kelly, préféré justement pour son côté plus bluesy à Evans. Si le morceau n'est pas modal au sens strict du terme, le fait que la grille d'accords soit simplifiée permet de développer des idées modales.
Blue in Green, balade minimaliste et bluesy en 10 mesures d'Evans (que Miles s'était attribuée...), pour moi le plus beau morceau du disque, avec sa construction "palindromique" (l'ordre des solos), le jeu magnifique d'Evans et Coltrane génial. Adderley ne joue pas sur le morceau, peut-être pour garder une certaine solennité qui aurait pue être bouleversée par les aigus et le lyrisme de l'alto...
All Blues, blues qui valse (en 6/8), en sol mixolydien, avec son ostinato, laisse une grande place aux improvisations modales, avec de nouveau de gros contrastes entre les différents improvisateurs.
Sketches of Spain, qui clôt l'album, certainement une autre contribution Davis/Evans (pourtant créditée au seul premier), est la composition la plus modale de l'album; pas de thème, cinq modes sont jetés sur le papier, les solistes peuvent jouer avec autant qu'ils veulent. Contrastes entre les modes proposés: Do ionien, Lab mixolydien, Sib ionien, Ré phrygien (qui donne sa couleur "espagnole" au morceau) et Sol dorien. On a l'impression de flotter, que les musiciens avancent à pas feutrés, comme s'ils découvraient de nouveaux territoires.
Voilà, quelques mots sur KoB. J'avoue avoir mis du temps à entrer dans l'album, ce n'est que bien après avoir commencé à étudier sérieusement le jazz, à voir pourquoi quatre des cinq morceaux qui le composent sont devenus des standards absolus, que j'ai pu en comprendre l'idée, la logique, la subtilité et la beauté, et je reste baba aujourd'hui encore devant la maîtrise absolue démontrée par ce disque, et l'excellence des six musiciens qui jouent dessus.
Mon thread sur le jazz, principalement bop et post bop:
sonicsnap
84966
AF, je suis ton père
Membre depuis 18 ans
44 Posté le 16/04/2019 à 12:09:53
Bravo pour cette belle chronique de "Kind Of Blue" qui me permet notamment de mieux comprendre ce que signifie "jazz modal". Cet album est, avec "Ascenseur Pour l'Echafaud" une des rares disques de Miles Davis que j'aie connu et aimé dès ma jeunesse. Pas étonnant, c'est un de ces opus qui font l'unanimité autour d'eux. Bref, c'est grand.
Hit !
22424
Vie après AF ?
Membre depuis 19 ans
45 Posté le 17/04/2019 à 19:12:18
x
Hors sujet :Grandiose !
Et c'est (vraiment) jusqu'à la lie que je bois vos échanges et me nourris de ces somptueux extraits.
Comme dit + haut par notre confrère , je n'ai, Hélas ! rien de constructif à amener à l'excellence de ce topic; et qu'en vue de ne pas polluer vos lignes, les liens et toute la Culture que vous nous faites partager, je me contenterai de redire sous d'autres termes que tout ce que nous ne connaissons pas devrait prioritairement nous intéresser.
Encore faut-il pour cela pouvoir hériter d'un savoir; de personnages qui nous donnassent les clefs.
Mais en somme, le savoir-faire ET le faire savoir, c'est tout ce qu'on retrouve ici dans vos chapitres !
Très heureux que Sonicscap (qui, de fait, s'épargnera lui aussi quelques marches de purgatoire) m'ait montré un virage en me bifurquant ici malgré lui peut-être, mais complètement conquis que ce thread -qui pourtant se voulait modeste-, monte pas-à-pas vers toute la puissance qu'il mérite.
Merci encore, Wham', pour l'excellence détaillée de tes explications.
On s'y met !
J-Luc Fabre
651
Posteur·euse AFfolé·e
Membre depuis 20 ans
46 Posté le 17/04/2019 à 20:13:06
Le dernier morceau est "Flamenco Sketches". Sketches of Spain, c'est l'album dont il a déjà été question ici, avec le Concierto de Aranjuez, arrangé par Gil Evans
sonicsnap
84966
AF, je suis ton père
Membre depuis 18 ans
47 Posté le 17/04/2019 à 21:04:17
Comme quoi, il y en a qui suivent!
Silverfish Imperatrix
6599
Je poste, donc je suis
Membre depuis 6 ans
48 Posté le 17/04/2019 à 21:43:15
Citation de J-Luc :
Le dernier morceau est "Flamenco Sketches". Sketches of Spain, c'est l'album dont il a déjà été question ici, avec le Concierto de Aranjuez, arrangé par Gil Evans
Merci (et bienvenue)! Un bon point... effectivement, j'ai un peu mélangé les pédales... et j'avais fait la même erreur un quart d'heure avant, sur mon brouillon, que j'avais corrigée... la vieillesse est un naufrage !
Mon thread sur le jazz, principalement bop et post bop:
[ Dernière édition du message le 17/04/2019 à 21:43:40 ]
lulu ramec
794
Posteur·euse AFfolé·e
Membre depuis 18 ans
49 Posté le 17/04/2019 à 22:16:03
Le jazz aussi, laissons la perfection à Mozart et ses potes
Silverfish Imperatrix
6599
Je poste, donc je suis
Membre depuis 6 ans
50 Posté le 17/04/2019 à 23:16:52
48v:
Hit !
merci pour ton message.
Je m'emballe parfois, mais ça reste modeste, j'espère.
Je mène le sujet de façon très personnelle: mes goûts, mes expériences, ma passion, mais tout le monde est bien sûr invité à poster.
Hit !
merci pour ton message.
Citation :
complètement conquis que ce thread -qui pourtant se voulait modeste-, monte pas-à-pas vers toute la puissance qu'il mérite.
Je m'emballe parfois, mais ça reste modeste, j'espère.
Je mène le sujet de façon très personnelle: mes goûts, mes expériences, ma passion, mais tout le monde est bien sûr invité à poster.
Mon thread sur le jazz, principalement bop et post bop:
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