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Interview / Podcast
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Le futur de la guitare Vintage existe... et il est Pontoisien ! Interview de Pierre Woreczeck de Berg Guitares

Faire des guitares Vintage haut-de-gamme avec un cahier des charges écologique ultra-exigeant : c'est le défi que s'est lancé Berg Guitares. Entre chasse au plastique et usage de nouveaux matériaux, ancrage local et recyclage, la jeune marque invente la lutherie de demain, comme on le comprend avec Pierre Woreczeck...

Interview de Pierre Woreczeck de Berg Guitares : Le futur de la guitare Vintage existe... et il est Pontoisien !
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D’où vient l’idée des guitares Berg ?

Berg : jonathan bergCette histoire, c’est d’abord une rencontre. J’al­lais régu­liè­re­ment chez Georges Haymann (Guitars Addicts), et une fois, j’achète une guitare, une Les Paul Custom de 72. Il me dit « je vais te la prépa­rer » et quand je reviens la cher­cher, je croise celui qui l’avait prépa­rée : Jona­than. On papote un peu, je trouve super cool et il se trouve que peu de temps après ça, j’ai un problème d’inon­da­tion chez moi (je suis un passionné de guitare depuis toujours, j’en ai beau­coup mais ne me vois pas comme un collec­tion­neur parce que je n’achète pas une guitare pour la revendre. Je l’achète parce que j’ai été amou­reux du son qu’elle a). Les guitares n’avaient pas été touchées mais il fallait les régler. Il est donc venu passer un peu de temps chez moi pour cela et on a beau­coup parlé. Et là, j’ai rencon­tré un mec humai­ne­ment fantas­tique, avec des valeurs, et extrê­me­ment modeste sur son travail, fabriquant des guitares jazz à l’époque qu’il a vendues à de grands jazz­men améri­cains. Mais au-delà de cela, c’est un passionné qui entre­tient beau­coup de guitare de musi­ciens, Il s’oc­cupe beau­coup de guitares vintage (il a de formi­dables guitares entre les mains très régu­liè­re­ment), il aide aussi en tant qu’ex­pert pour des ventes aux enchères et a fabriqué aussi quelques guitares un peu parti­cu­lières pour des gens que ça inté­res­sait.

Je lui dit donc que ce serait quand même bien, quand l’op­por­tu­nité se présen­tera, de faire quelque chose ensemble. Et après COVID, je suis revenu vers lui pour voir s’il était partant pour se lancer avec moi et un ami qui, comme moi, est un fou de musique et de guitares. Nous, ce qui nous inté­res­sait, ce n’était pas tant de gagner de l’ar­gent mais de l’ai­der, sachant que moi j’avais un rêve… Avec tout le respect que j’ai pour ces marques, j’en avais un peu ras ras le bol des Fender, des Gibson et je me disais : pourquoi en France, avec tout ce talent d’un Jona­than comme d’autres luthiers, avec tous nos arti­sans fantas­tiques, on ne pour­rait pas propo­ser une alter­na­tive, qu’on ait plus souvent le choix entre une Gibson, une Fender et une belle marque française.

Il y a Vigier qui faisait cela, qui était très inno­vant, mais avec des guitares de carac­tère, un peu parti­cu­lières. On savait que les gens adoraient les guitares vintage et on s’est dit : est-ce qu’il n’y a pas moyen aussi d’être une alter­na­tive aux grandes marques dont on nous parle sans arrêt sur le marché de la guitare vintage ? Et donc on est partis là-dessus.

Berg : la-productionMais moi, parce que ce sont mes valeurs et mon histoire, je pensais que ça n’avait pas d’in­té­rêt d’être le énième fabri­cant de bonnes guitares. Parce qu’il y a des gens qui ont du talent et qui font des super guitares, il y en a. La diffi­culté, c’est peut-être de faire des guitares vintage, c’est-à-dire avec toutes les carac­té­ris­tiques qui font les meilleures guitares vintage, en prenant en compte les enjeux d’aujour­d’hui : le respect de la planète, l’éco­lo­gie, le local, la proxi­mité mais aussi la manière dont on travaille ensemble, les rela­tions humaines. Car aujour­d’hui, on est trois, les rela­tions sont donc formi­dables, mais si demain on est une entre­prise plus déve­lop­pée, il faut qu’on ait aussi des valeurs dans la manière dont on fait travailler les gens qui nous rejoi­gnent…

Un projet ancré dans la société donc !

Oui ! Et ça a vrai­ment fait écho avec ce que Jonha­tan est puisque lui-même a parti­cipé à des projets asso­cia­tifs dans le Val d’Oise. On est donc tombé d’ac­cord sur le fait de deve­nir une société à mission, notre mission ayant ce double aspect : propo­ser les meilleures guitares vintage, avec une qualité qui soit au mini­mum au niveau d’une Master­built ou d’une Custom en les rendant plus acces­sibles, et faire cela avec les tech­no­lo­gies d’aujour­d’hui et de demain en allant le plus loin possible dans la dimen­sion écolo­gique. Et lorsqu’on parle d’éco­lo­gie, il y a bien sûr le fait d’être français, puisque cela veut dire forcé­ment qu’on essaie de trou­ver les choses les plus proches de nous, mais aussi le plus local possible, c’est à dire que beau­coup de nos parte­naires sont proches de Pontoise, tout près de Jona­than, pour qu’on ait le moins de distance possible à faire, et un impact CO2 le plus bas possible.

On s’est donc fixé cela comme règles, et on a commencé à regar­der tous les aspects de la guitare pour voir ce que l’on pouvait faire, et peut-être faire mieux.

on ne peut pas accep­ter qu’une guitare soit faite avec un bois qui vient de loin !

Pour­rais-tu nous donner un exemple illus­trant votre démarche ?

Pour les méca­niques par exemple, on les achète à Schal­ler France et comme c’est acheté en France, c’est consi­déré comme « France », mais c’est quand même des méca­niques alle­mandes à la base et on voudrait trou­ver une façon de faire des méca­niques françaises. On a réflé­chi à faire des méca­niques en 3D mais il est pas ques­tion qu’elles soient moins bonnes que les Schal­ler. Et c’est bien plus compliqué que ça en a l’air parce qu’une méca­nique est faite de plusieurs parties et ça, ce n’est pas possible à faire en 3D. Il faut faire ça en une seule partie, comme une pièce, ce qui veut dire un peu de travail. Ce sont là le genre de projets sur lesquels on travaille et qu’on va conti­nuer à à pous­ser.

Mais en amont de cela, notre première réflexion a bien sûr commencé avec le bois. Or, quand on étudie de manière appro­fon­die les impacts des maté­riaux, si le bois est géré comme il faut – et il y a des boites qui le font très bien, on n’est pas du tout sur une problé­ma­tique écolo­gique…

En effet ! Les chiffres chinois qu’on a sur le palis­sandre par exemple, c’est que seuls 5 % vont aux fabri­cants d’ins­tru­ments de musique. On est donc face à une consom­ma­tion modeste et qui n’est pas un enjeu majeur dans la défo­res­ta­tion par rapport au bois de chauffe ou de construc­tion…

Sur ce point, je dis un énorme stop car on ne peut pas accep­ter qu’une guitare, même si ça ne coûte que 5 % de 5 %, soit faite avec un bois qui vient de loin !

Oui ! Je voulais dire que le problème est plutôt quali­ta­tif parce qu’on déséqui­libre des écosys­tèmes, que la replan­ta­tion n’est pas évidente et que la problé­ma­tique qui n’est jamais abor­dée, c’est le trans­port avec ses émis­sions de gaz à effet de serre, sa pollu­tion des océans… Alors que les luthiers qui travaillent avec des essences locales arrivent à d’ex­cel­lents résul­tats !

Berg : la-priorite-au-localNon seule­ment tu arrives à d’ex­cel­lents résul­tats, mais surtout tu arrives à des résul­tats large­ment aussi bons ! Quand tu prends du noyer pour une touche et que tu le sélec­tionnes comme il faut, il n’y a aucune raison à la base qu’il y ait un problème par rapport à un palis­sandre ou un ébène, que ce soit en termes de confort, de son, de toucher ou quoi que ce soit ; il n’y en a pas ! Donc le problème, c’est l’es­thé­tique. C’est-à-dire que les gens se sont habi­tués, en tout cas pour certains, à aimer cette couleur, ce côté foncé et profond d’un palis­sandre ou d’un ébène, d’où l’in­té­rêt pour nous de torré­fier nous-mêmes le bois, de le « colo­rer » pour lui donner cette chaleur comme on le souhaite.

Le chal­lenge, c’est de satis­faire les gens qui adorent les guitares vintage au travers de trois dimen­sions, le son, le toucher et l’as­pect, et cocher ces trois cases sans d’au­cune manière renon­cer à quoi que ce soit d’un point de vue de l’éco­lo­gie. On aurait pu dire à un moment : « oui bon, pour un meilleur son, il faut quand même lais­ser ça ». Mais nous refu­sons cela : on cherche, on cherche, on cher­che… jusqu’à ce qu’on trouve. Et je pense qu’on est arrivé à trou­ver beau­coup de choses tandis qu’il y a des choses qu’il faut trou­ver encore plus proche de nous. Le seul élément de plas­tique qu’on a par exemple sur une guitare, il est recy­clé. Si on n’avait pu ne pas mettre de plas­tique du tout, on l’au­rait fait mais là, on n’a pas trouvé de solu­tion, et ce plas­tique vient d’un fabri­cant d’An­gle­ter­re… Pour les boutons, c’est que du Old Stock. Tu me diras : que ferez vous quand les stocks seront épui­sés ? Et je te dirais qu’on y réflé­chit, mais qu’on ne mettra jamais de boutons en plas­tique : ça, c’est sûr !

dans un monde qui évolue hyper vite, il faut faire atten­tion à pouvoir garder cette souplesse

Plus ce genre de démarche se géné­ra­li­sera toute­fois, et plus ça géné­rera des entre­prises spécia­li­sées dans le recy­clage ou la concep­tion de maté­riaux écolo­giques sur le terri­toire, avec des écono­mies d’échelle à la clé ?

Bien sûr, tu as tota­le­ment raison ! Et j’ai­me­rais bien que la France soit célèbre pour ça mais il faut garder une chose à l’es­prit : il y a une force à ne pas être indus­tria­lisé. Quand tu indus­tria­lises tout, à un moment donné tu est bloqué ou tu dois refaire des inves­tis­se­ments car une chaîne implique des contraintes. Prends nos pick­gards par exemple. On a cher­ché, ça nous a mis du temps pour trou­ver ce qu’on voulait, mais ce n’est pas nous qui les fabriquons, de sorte que si demain, il y a une nouvelle tech­no­lo­gie encore plus perfor­mante, qui peut permettre d’avoir un produit aussi écolo­gique mais avec un prix plus compé­ti­tif pour pouvoir rendre notre guitare plus acces­sible, on pourra l’uti­li­ser car on ne sera pas pieds et poings liés par une chaîne de produc­tion. Ce que je veux souli­gner, c’est que dans un monde qui évolue hyper vite, il faut faire atten­tion à pouvoir garder cette souplesse.

Et en même temps, quand on regarde le contenu du rapport Meadows, est-ce que l’ave­nir juste­ment, ce n’est pas l’ar­ti­sa­nat ? C’est-à-dire : est ce qu’on va pouvoir encore long­temps avoir des usines de l’autre côté de la planète pour fabriquer des guitares pour le monde entier ?

Je crois au collec­tif, c’est à dire qu’une somme d’in­di­vi­dua­li­tés, c’est inté­res­sant mais ça a ses limites. Par contre, quand ces indi­vi­dua­li­tés se mettent ensemble pour réflé­chir, c’est autre chose. La critique que je pour­rais faire à la France, c’est qu’on a plein de luthiers fantas­tiques, mais qui sont quand même tous assez isolés.

on voit dans le domaine du nautisme des compo­sites qui demain peuvent être de vraies alter­na­tives au bois

Tout le monde réin­vente la roue dans son coin…

Voilà, en sachant que beau­coup conçoivent leur créa­tion comme du sur-mesure, comme un tailleur. Et j’avoue qu’avec Jona­than, ce n’est pas ça qui nous excite. Ce qu’on aime­rait, c’est créer un élan car s’il y avait plus de gens pour essayer de réflé­chir ensemble et trou­ver des solu­tions tech­no­lo­giques, ce serait formi­dable et la France pour­rait peser davan­tage sur le marché. Quand tu es seul, l’in­ves­tis­se­ment en recherche et déve­lop­pe­ment est diffi­ci­le­ment acces­sible. Mais si tu es à plusieurs et que tu commences à repré­sen­ter un certain volume, il y a des gens qui vont vouloir faire ce travail.

Par exemple. Il y a un univers dont pour­rait s’ins­pi­rer le monde de la guitare, c’est celui du nautisme où les enjeux sont formi­dables et où s’in­ventent les maté­riaux de demain. Kopo a déjà déve­loppé quelques guitares comme ça, surtout acous­tique… En tout cas on voit dans le domaine du nautisme des compo­sites qui demain peuvent être de vraies alter­na­tives au bois, avec une vraie valeur ajou­tée écolo­gique parce qu’ils seront faits à partir de maté­riaux tota­le­ment natu­rels. Parce que je suis un petit peu plus critique quand on parle de l’alu ou de fibres carbone. Tout peut avoir un profil écolo­gique, mais il faut vrai­ment remon­ter pour voir d’où ça vient. L’alu, c’est un maté­riau qui d’un point de vue écolo­gique est catas­tro­phique. Donc si on utilise de l’alu recy­clé ou si on utilise en amont un certain nombre de choses tout à fait adap­tées aux impacts écolo­giques, très bien. Pareil pour les fibres de carbone, tout dépend d’où elles viennent et comment elles sont faites…

Berg : babaComme dit l’ADEME, la seule éner­gie propre, c’est celle qu’on n’uti­lise pas et la meilleure ressource, c’est celle qu’on ne consomme pas. Et dans ce contexte, je ne crois pas avoir jamais vu de démarche aussi jusque-boutiste que la vôtre. Vous recy­clez jusqu’aux cordes de guitare ! Comment ça se passe d’ailleurs ?

C’est extrê­me­ment simple. On demande aux gens de nous renvoyer leurs cordes de guitares usées sachant qu’à Pontoise, on est près d’un comp­toir à métaux. On leur apporte les cordes qui sont recy­clées et l’ar­gent qui en résulte est reversé à une asso­cia­tion qui s’ap­pelle B. A. BA, une asso­cia­tion du Val d’Oise qui depuis 2004 se bat sur le terrain de l’éco­lo­gie, de la perma­cul­ture, de l’agroé­co­lo­gie… Mais ils s’en­gagent aussi auprès des habi­tants du Val d’Oise dans la créa­tion de jardins collec­tifs où ils créent des événe­ments agri­cul­tu­rels sur mesure. Ils proposent encore des centres de ressources en ligne, avec des solu­tions pratiques.

Tu sais d’ailleurs s’il y a des pistes pour rempla­cer le nylon ? Car l’ar­rêt de l’usage du pétrole implique l’ar­rêt du nylon…

Ça me rappelle le tennis où les raquettes étaient montées avec des boyaux, mais ça pose le problème des animaux… En tout cas, tu as raison de te poser ces ques­tions car plus on se les pose tôt, mieux c’est…

Il y a toujours un déca­lage entre ce qui se produit dans certaines indus­tries de premier plan et la petite indus­trie de la facture instru­men­tale et on voit que dans notre métier, la plupart des gros acteurs ne se sont pas encore saisis des problé­ma­tiques écolo­giques

Parmi les grandes marques qui s’en sont saisies, il y a Taylor mais comme ce sont pour l’es­sen­tiel des guitares acous­tiques, ça ne parle que de bois. Pareil pour Martin : ils ont récem­ment sorti des guitares issues de forêts gérées comme il fallait même si le bois vient de loin… Mais chez Gibson, Fender…

je ne vois pas quel est le mérite, de reven­diquer des tech­no­lo­gies d’hier qui sont hyper polluantes. Quel est le talent ? Nom de Zeus ! Quel est le talent ?

Berg : spacexJe suis allé voir les enga­ge­ments de Martin en matière d’éco­lo­gie, et ils subven­tionnent tout un tas d’ONG, d’opé­ra­tion de refo­res­ta­tion… mais ils sont parte­naires de Star­dust, le programme spatial d’Elon Musk… Sans qu’on puisse parler de green­wa­shing carac­té­risé, on sent que tout ça n’est pas très cohé­rent…

Je pense que premiè­re­ment, ça ne freine pas leurs ventes pour l’ins­tant et deuxiè­me­ment, ça ne fait abso­lu­ment pas partie de leurs fonda­men­taux. Ce n’est pas quelque chose qu’ils ont décidé de véri­ta­ble­ment porter. Et c’est pour cela que j’y vois une oppor­tu­nité ; pour moi, valo­ri­ser des guitares qui sont faites comme dans le passé, je trouve ça tota­le­ment absurde. D’abord parce qu’elles ne sont pas toujours faites comme dans le passé (combien on fabriquait de Les Paul ou de Tele­cas­ter par mois dans les années 50–60 ? Une cinquan­taine ? Donc aujour­d’hui, quand on te dit qu’on fabrique les guitares comme à l’époque, ce n’est pas vrai : on prend les gens pour des cons. Et en outre, je ne vois pas quel est le mérite, de reven­diquer des tech­no­lo­gies d’hier qui sont hyper polluantes. Quel est le talent ? Nom de Zeus ! quel est le talent ?

Effec­ti­ve­ment, le seul aspect inté­res­sant des tech­no­lo­gies d’hier, comme on le comprend lorsque Philippe Bihouix parle des low tech, c’est de s’in­té­res­ser à celles qui étaient indé­pen­dantes de l’in­dus­trie pétro­chi­mique et consom­maient peu d’éner­gie…

Berg : les-cablesTout à fait ! On a trouvé un gars fantas­tique proche de chez nous. Il faisait les câbles de Bugatti aupa­ra­vant. Les tout premiers câbles qu’on avait reçus, on en était contents, mais il y avait encore un peu de plas­tique dedans. Donc on lui a dit niet et désor­mais, il nous fait des câbles sans plas­tique. Et la démarche est pareille pour tout : les poten­tio­mètres, les repères, bien au-delà du pick­guard car quand tu commences à cher­cher, tu te rends compte qu’il y a un peu de plas­tique partout. Alors vient le ques­tion­ne­ment : est ce qu’on ne peut pas le rempla­cer ? Est-ce qu’on n’a pas d’autres solu­tions ? Rien que ça multi­plie par un et demi le prix de la guitare. Mais ce qui est génial, c’est que tu te rends compte qu’il y a des idées formi­dables dans ce pays, des gens qui inventent des maté­riaux qui sont très bien, des gens qui qui trouvent des solu­tions.

96 % de notre guitare sont français

Berg : le-zero-plastiqueMais j’ima­gine que tout n’est pas toujours possible ?

Effec­ti­ve­ment ! 96 % de notre guitare sont français. Ça prouve qu’il y a des petites choses encore qui le sont pas. Donc on va trou­ver, on va cher­cher pour que ce soit aussi le plus proche de nous. Mais voilà, à un moment donné, si on a pas trouvé, il faut faire des conces­sions. La seule frus­tra­tion qu’on a eu, pour l’ins­tant, c’est dans la Métisse : il y a deux deux entrées et il fallait un jack special. Pour l’ins­tant, le seul endroit où on l’a trouvé, c’est aux Etats-Unis mais on ne déses­père par de la trou­ver en France. 

Autre exemple : les pein­tures. Cette qualité de pein­ture natu­relle, on ne l’a pas trouvé en France car ce qu’on avait en France n’était pas suffi­sam­ment bon. On a donc trouvé les pein­tures dans l’Union euro­péenne et elles sont tota­le­ment natu­relles avec tous les certi­fi­cats qui vont bien. Sur ce point, on a privi­lé­gié la qualité du produit par rapport à la distance, mais peut-être que demain on arri­vera à conci­lier la qualité et le français.

Au-delà de la fabri­ca­tion, il y aussi une réflexion sur la concep­tion en regard de l’uti­li­sa­tion ?

Tout à fait ! C’est comme cela qu’on en est venu à l’idée des plaques qui peuvent permettre à un guita­riste de chan­ger simple­ment la confi­gu­ra­tion de micros sur sa guitare, et lui éviter d’en trim­bal­ler deux ou trois, car sur une Solid­body, la forme impacte très peu le son. Du coup, ce sont autant d’ins­tru­ments à ne pas construire et des écono­mies de trans­ports aussi, pour nous qui lui envoyons juste une plaque de 900 grammes, comme pour lui à l’usa­ge…

les entre­prises de guitares doivent s’ap­puyer sur un réseau de reven­deurs de qualité

Les instru­ments sont excep­tion­nels et la démarche écolo­gique est un modèle. Mais du coup, les guitares Berg ne sont pas acces­sibles à toutes les bour­ses…

On s’était fixé au début de ne pas dépas­ser des 2000. On n’y est pas arrivé et il y a deux raisons pour cela. Premiè­re­ment, on ne veut pas tran­si­ger sur le choix des maté­riaux, tu comprends, sur notre mission de base qui est de conci­lier qualité irré­pro­chable et écolo­gie. Et la deuxième raison, c’est qu’on croit beau­coup aux reven­deurs, que les entre­prises de guitares doivent s’ap­puyer sur un réseau de reven­deurs de qualité. Du coup, tu te retrouves du coup dans une situa­tion mathé­ma­tique où tu te dis, soit j’ou­blie les reven­deurs et je peux bais­ser mon prix, soit je pense au reven­deur et ne peux pas propo­ser la même guitare sur mon site moins cher que lui. 

Pour vous aider à être compé­ti­tifs, béné­fi­ciez-vous d’aides natio­nales ou émanant de collec­ti­vi­tés terri­to­riales ?

C’est une bonne ques­tion ! Au niveau global, natio­nal, non. Mais on nous a dit qu’il fallait qu’on aille voir si on peut essayer d’avoir, au niveau local, terri­to­rial, des aides.

J’ai envie de dire à David Gilmour : « t’as pas envie d’être asso­cié à une marque qui fait un effort sur le sujet ? »

Oui, car ce serait bien que l’État qui nous dit qu’il faut éteindre la lumière quand on sort d’une pièce, aide en parti­cu­lier la première entre­prise de France qu’est l’ar­ti­sa­nat dans la tran­si­tion écolo­gique…

Exac­te­ment. Aujour­d’hui, j’ai rempli une candi­da­ture pour parti­ci­per à une expo­si­tion à l’Ély­sée pour les arti­sans français. On va essayer de faire partie de la sélec­tion, on verra bien s’ils sont inté­res­sés par les guita­res… Pour l’heure en tout cas, on sait qu’on va viser une clien­tèle qui a un peu d’ar­gent, et on espère que petit à petit avec nos parte­naires reven­deurs, on va trou­ver des solu­tions pour arri­ver à être plus compé­ti­tif.

On est aussi rentré dans une démarche de labé­li­sa­tion avec l’AF­NOR et c’est un chemin de croix. On aime­rait avoir une recon­nais­sance pour nos efforts en matière d’éco­lo­gie mais pour les instru­ments, ça n’existe pas. Et ce serait bien qu’au sein de l’AF­NOR comme au niveau de la Commis­sion euro­péenne, cette acti­vité ait une recon­nais­sance.

Enfin, instal­ler une nouvelle marque, c’est aussi se heur­ter à des colosses qui ont une puis­sance marke­ting de dingue. Les artistes ont peut-être un rôle à jouer là-dedans ?

Tout à fait ! J’ai­me­rais trou­ver un porte-éten­dard qui nous dise « c’est bien ce que vous faites, c’est génial » et je veux vous aider à percer le mur du silence, faire que ça se remarque… En France, je vois Gojira très engagé et ils sont endor­sés chez Char­vel alors que je trou­ve­rais ça plus cohé­rent qu’ils bossent avec une marque locale, Berg ou une autre, là n’est pas la ques­tion… Je rêve­rais de pouvoir parler à David Gilmour aussi, qui a fait des ventes aux enchères et des énormes dons pour des ONG spécia­li­sées dans l’éco­lo­gie. J’au­rais envie de lui dire : « t’as pas envie d’être asso­cié à une marque qui fait un effort sur le sujet ? » Par forcé­ment notre marque car il doit y avoir des anglais qui ont une démarche simi­lai­re… Mais ça me semble­rait plus cohé­rent…

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