Aujourd'hui, si nous restons dans les pays de langue espagnole notre étude des musiques populaires nous emmène de l'autre côté de l'Atlantique à la rencontre d'une tradition musicale principalement issue de l'Afrique: la rumba cubaine !
Origine et histoire de la Rumba
Avant de commencer, il convient de marquer une différence notable entre la rumba sans « h » dont je vais vous parler aujourd’hui et dans les prochains articles, et la rhumba avec « h », apparue comme danse de salon dans les années 20 aux États-Unis et en Europe. Les deux danses ne partagent en effet qu’assez peu de points communs, même si la rhumba avec « h » est elle aussi issue d’une tradition cubaine — celle du « Son » dont on peut trouver de multiples exemples notamment dans le fameux album Buena Vista Social Club sorti en 1996.
La rumba sans « h » dont nous nous occupons ici puise plus directement dans les racines africaines de la culture cubaine. Le mot « rumba » d’ailleurs pourrait provenir des mots « koumba » ou « nkoumba » issus de dialectes congolais et qui signifient « nombril ». Il n’y aurait là rien d’étonnant pour une danse articulée autour du bassin et du ventre. Mais le terme peut trouver également son origine dans l’expression « mujer de rumbo », fille aux moeurs légères. Certains musicologues font remonter les origines de la rumba au 16e siècle parmi les premiers esclaves africains travaillant dans les plantations sucrières de l’île. Ceux-ci y perpétuent comme ils peuvent leurs traditions ancestrales, notamment une danse s’inspirant de la parade nuptiale du coq et qui serait à l’origine de la rumba. À l’époque ces danses sont également liées à la pratique religieuse, notamment celle de la santería qui associe les esprits (orichas) du panthéon des Yorubas d’Afrique de l’Ouest aux saints du christianisme inculqué aux esclaves.
Ce n’est qu’à la fin du 19e siècle avec l’abolition de l’esclavage que cette tradition musicale sortira des plantations pour se répandre dans toute l’île, et principalement dans les villes de Matanzas et de La Havane. Là, elle se mêlera aux couches pauvres de la population hispanique – la bourgeoisie riche ne s’intéressera longtemps pas à cette forme d’art — et prendra son nom actuel de rumba. Après avoir été révoltée et libératoire dans les plantations, c’est dans les quartiers populaires des villes et notamment dans les cours d’immeubles, les « solares », qu’elle acquierera définitivement son caractère festif. La rumba n’est certes pas le style de musique cubaine le plus connu à l’étranger, mais il en est certainement l’un des plus viscéraux et irrigue encore souterrainement les styles musicaux cubains actuels comme la salsa ou la timba.
Les artistes de la Rumba
De nombreux groupes mythiques encore actifs aujourd’hui se sont créés au siècle dernier, comme Yoruba Andabo, anciennement Grupo maritimo portuario zona 5, Los Muñequitos de Matanzas, Los Papines, anciennement Papin y sus rumberos, ou encore Clave y Guaguanco. La plupart sont très attachés aux racines mythologiques et culturelles de la rumba.
Ainsi, Yoruba Andabo présente ici une série de chansons basées sur les légendes des orichas du peuple Yoruba:
Los Muñequitos de Matanzas se rattachent aussi volontiers aux racines spirituelles et africaines de la rumba, ses membres se réclamant de confréries Abakuá qui perpétuent les traditions nigérianes à Cuba. Le caractère fédérateur et festif de cette musique est ici particulièrement perceptible :
Clave y Guaguanco fait ici ouvertement référence à l’Abakuá:
Enfin une prestation de Los Papines, qui sont globalement considérés comme comme faisant partie des meilleurs groupes de percussions de l’île: