La semaine dernière, je vous ai proposé une introduction aux caractéristiques musicales du flamenco et plus particulièrement à certaines de ses variantes ou « palos ». Mais celles-ci ne seraient rien sans leurs rythmes particuliers !
Guidé par le rythme
Les chants du flamenco sont nombreux et variés. Et cette diversité repose en bonne partie sur la richesse des rythmes proposés. Comme pour nombre de musiques traditionnelles, le rythme est ce qui guide véritablement le flamenco. Ce n’est donc pas un hasard s’il est appelé « compás », soit le compas en français, l’autre nom de la boussole. Ça et le fait qu’en flamenco, le rythme revêt toujours une forme circulaire. La grande majorité des rythmes de flamenco se comptent en 12 temps, mais il en existe aussi en 6, 4, 3 et 2 temps. Ces derniers compases sont dits « réguliers ». Les autres, ceux à 12 temps, sont appelés « alternés » car ils imposent une alternance des accentuations dans leur structure.
Les accents
Car ce sont bien les accents qui caractérisent les rythmes du flamenco, davantage que les rapports de durées entre les notes. Et ces accents varient entre les différents styles de flamenco. Plus exactement les accents vont toujours se suivre dans un même ordre, mais chaque palo va démarrer sur un temps (et donc un accent) différent.
Nous allons reprendre comme exemples les principaux styles dont nous avons parlé la dernière fois, à savoir la seguiriya, la soleá et la bulería, toutes basées sur des structures à 12 temps. Les accents sont indiqués en gras.
La Seguiryia commence sur le 8e temps :
8–9–10–11–12–1–2–3–4–5–6–7
La Soleá commence sur le 1er temps :
1–2–3–4–5–6–7–8–9–10–11–12
La Bulería commence sur le 12e temps :
12–1–2–3–4–5–6–7–8–9–10–11
Le compás de bulería est considéré comme le plus complexe car susceptible d’être soumis à de multiples changements, fragmentations et éventuelles répétitions.
Pour ce qui est du tempo, celui-ci se situe aux alentours de 130–150 BPM pour la Seguiryia, varie entre 70 et 120 BPM pour la Soleá, et peut aller jusqu’à 240 BPM pour la Bulería.
Le compte
Il n’y a vraiment que si l’on compte en espagnol que l’on peut réellement commencer à appréhender le rythme du flamenco. Car les syllabes prononcées impliquent déjà un rythme par elles-mêmes différent d’une langue à l’autre. À noter que les finales entre parenthèses ci-dessous ne sont pas toujours prononcées.
un(o)-do(s)-tre(s)-cuatro-cinco-sei(s)-siete-ocho-nueve-die(z)-un(o)-do(s)
On voit que les onzième et douzième temps (« once » et « doce » normalement en espagnol) sont comptés également « un(o)-do(s) ».
Ainsi, le compás de Bulería se comptera de cette manière :
do(s)-un(o)-do(s)-tre(s)-cuatro-cinco-sei(s)-siete-ocho-nueve-die(z)-uno
Si on compte en français, on constatera que le « groove » n’est pas du tout le même !
Le compás est marqué par les percussions : les pieds des danseurs (bailadores), les claquements de mains (palmas), de doigts (pitos), le poing sur la table, les castagnettes, le cajón et même le marteau du forgeron sur l’enclume ! Nous nous pencherons sur tout cela et d’autres instruments dans le prochain article.