Nous avons depuis peu investi dans du matériel permettant de mesurer les performances audio des différentes machines que nous recevons régulièrement pour test. Cependant, il n’est pas toujours aisé de comprendre ces avalanches de données numériques qui peuvent révéler les caractéristiques de ces équipements. Nous allons donc tenter d’éclaircir le sujet dans ce dossier…
Les ingénieurs du son s’accordent généralement à dire que quelques mesures suffisent à avoir une idée des performances d’un matériel audio. Voici donc les six mesures que allons faire régulièrement : le niveau (level), la distorsion harmonique (THD+N, pour Total Harmonic Distorsion + Noise), la réponse en fréquence (Frequency Response), le rapport signal sur bruit (Signal to Noise Ratio), la diaphonie (Crosstalk) et enfin la phase.
Le niveau et le gain (en dB, la valeur la plus élevée est la meilleure)
Ici, nous mesurons simplement le niveau de sortie maximum (ou l’amplitude) de l’appareil avant distorsion, qui peut être exprimé, entre autres, en dBV. Le gain, utilisé pour les amplis et préamplis, donnera le rapport entre le niveau en sortie de l’appareil et le niveau en entrée. Avec un certain niveau en entrée, plus le niveau en sortie sera fort, plus le gain sera élevé. Pour les préamplis, le gain est une donnée importante, car certaines sources faibles et certains micros requièrent un gain élevé pour un enregistrement correct.
Généralement, les ingénieurs aiment bien utiliser le décibel (dB) pour mesurer le niveau, car c’est une mesure logarithmique permettant d’exprimer de grands écarts avec de petits nombres. Le décibel est en vérité un rapport entre deux valeurs et lorsque l’on fait des mesures, il convient de choisir une référence. Le dBV fait référence au Volt, 0dBV étant égal à 1 Volt. À chaque fois que l’on ajoute 6 dB, le voltage est doublé. Il existe aussi le dBu, 0dBu étant égal à 0,7746 Volts. En audio pro, le 0 des Vumètres est égal à + 4dBu, tandis que le matériel plus grand public utilise un niveau nominal moins élevé de — 10dBV. Néanmoins, pas mal d’équipements permettent de choisir entre ces deux niveaux.
La distorsion harmonique (en dB, la valeur la plus faible est la meilleure)
Cette donnée permet de mesurer tout ce qui, à l’origine, ne fait pas partie du signal, et donc ce qui est indésirable. Par exemple, les appareils qui tentent de reproduire une sinusoïde pure introduisent systématiquement de la distorsion qui se traduit par des harmoniques qui n’étaient pas là initialement. Si le signal est une sinusoïde de 1 kHz, les harmoniques sont souvent des multiples (2, 3 ou 4 kHz et plus). La mesure THD additionne donc la totalité des harmoniques, le but des constructeurs étant généralement d’avoir le moins de distorsion possible. Mais on parle souvent de THD+N, qui prend aussi en compte le bruit de l’appareil, c’est-à-dire l’énergie qu’il produit indépendamment du signal en entrée. Le bruit provient généralement des alimentations, des interférences ou encore des composants. Il conviendra donc de choisir du matériel avec un THD+N le plus petit possible.
Le niveau de THD+N est souvent exprimé en volts RMS ou en dB, mais on préfèrera regarder le rapport (en dB ou %) entre le niveau de bruit et distorsion et le niveau total. Un ampli a généralement un THD+N de 0,01 % ou –80 dB (en dB, les valeurs sont toujours négatives, car le niveau de la distorsion et du bruit est inférieur au niveau du signal total).
La réponse en fréquence (déviation en dB, la valeur la plus faible est la meilleure)
Certains lecteurs doivent déjà connaitre cette mesure, qui donne les niveaux de sortie en fonction de la fréquence. Généralement, on obtient un joli graphique avec en abscisses, les fréquences (en Hertz) et en ordonnées, les niveaux (souvent en dB). Le but est d’obtenir une réponse en fréquence la plus « plate » possible, afin que l’appareil retranscrive toutes les fréquences de la même manière. L’appareil de mesure va donc envoyer un signal qui balaiera toutes les fréquences (un « sweep ») et pourra ainsi tracer la courbe de réponse de l’appareil en test.
Une fois la mesure faite, on peut calculer la déviation entre 20 Hz et 20 kHz, qui permet de mettre un chiffre sur la « linéarité » de la réponse en fréquence. Si les valeurs des niveaux varient entre 0 et –3dB, alors on dira que la déviation est égale à ± 1,5dB. Plus ce chiffre est petit, plus la réponse en fréquence est « plate » et meilleur est l’appareil testé.
Le rapport signal sur bruit (en dB, la valeur la plus élevée est la meilleure)
Le rapport signal sur bruit, ou SNR de son petit nom (Signal-to-noise ratio), permet de mesurer la quantité de bruit dans le signal. Cette quantité dépend généralement du niveau du signal en sortie : quand on pousse un ampli ou préampli, le bruit rapplique ! Pour faire la mesure, on regarde d’abord le niveau de bruit quand il n’y a rien en entrée sur l’appareil à tester, puis le niveau avec un signal en entrée, et on divise ce dernier par le premier. À l’instar du THD+N, on utilise généralement le dB, et quand le THD+N, qui divise le niveau de bruit et distorsion par le signal, donne des nombres très bas (0.01 % ou — 80dB), le SNR, qui divise le signal par le bruit, donne des nombres élevés (comme 100 dB, par exemple). En audio, on fera les mesures dans le domaine de fréquences qui nous intéresse, c’est-à-dire entre 20 Hz et 20 kHz, car finalement ce qu’il se passe au-dessus et en-dessous est peu significatif. Il peut même arriver de pondérer le résultat en appliquant des filtres afin de coller à la courbe de réponse de l’oreille humaine. En effet, nos esgourdes sont plus sensibles à certaines fréquences, et du bruit à 30 Hz sera moins important qu’à 2 kHz. Sur du matériel audio, on cherchera donc à avoir un SNR le plus élevé possible.
La diaphonie (en dB, la valeur la plus faible est la meilleure)
Appelée crosstalk par nos amis anglophones, la diaphonie est un résultat important dès qu’un appareil propose plusieurs canaux audio. Il s’agira de mesurer ici les fuites d’un canal sur un autre. Pour cela, on envoie un signal sur un canal (le gauche sur un appareil stéréo, par exemple), et on mesure le niveau de sortie sur le canal adjacent (le canal droit) qui lui, n’a aucun signal en entrée. Dans un monde parfait, on ne devrait rien avoir sur le canal droit, et la diaphonie serait nulle. Sauf qu’en pratique, il arrive de récupérer du signal sur le canal supposé muet. La mesure consiste alors à diviser le niveau du résidu par le niveau du signal sur le canal stimulé. On aura donc un rapport, souvent exprimé en dB.
La phase (en degré, la valeur la plus faible est la meilleure)
En audio, la phase fait référence à la relation temporelle entre deux signaux de même fréquence. Chaque onde sinusoïdale a une amplitude et une fréquence (nombre de cycles par seconde), généralement représentées par un graphique avec sur l’axe des abscisses, le temps, et l’axe des ordonnées, l’amplitude. La période d’une onde sinusoïdale est la durée d’un cycle. A la fin de la période, et donc du cycle, l’onde revient au point initial. On peut découper le cycle en degrés, de 0 à 360 : quand vous faites un tour complet sur vous-même (360 degrés), vous revenez au point initial.
On voit sur le graphique ci-contre que l’onde atteint son amplitude positive maximale à 90 degrés, revient à zéro à la moitié de sa période (180 degrés) et atteint son amplitude négative maximale aux trois-quarts de sa période (270 degrés) pour enfin revenir à zéro à la fin de son cycle (360 degrés).
Deux ondes sinusoïdales sont dites « en phase » lorsqu’elles commencent leur cycle en même temps. Elles sont « hors phase » lorsque leurs cycles ne sont pas synchronisés, comme sur ce graphique :
Un décalage de phase est souvent inaudible sur un seul canal. Mais lorsqu’il y a au moins deux canaux impliqués et qu’il sont en décalage de phase, cela peut provoquer des variations de niveau (additions ou soustractions) à certaines fréquences. Pour une onde sinusoïdale simple (une seule fréquence), on pourra entendre des baisses et hausses de niveaux. Pour une onde complexe (combinaison de plusieurs fréquences), certaines fréquences seront modifiées (amplification, atténuation ou même annulation) et d’autres non, ce qui affectera la réponse en fréquence des signaux combinés. Le décalage de phase dans le matériel audio est parfois dû à la présence de délai dans le circuit, causé en analogique par certains composants ou par des DSP en numérique. Si certains canaux ont du délai et d’autres non, il y aura alors un décalage de phase entre eux. Dans un équipement audio, plus le décalage de phase est petit, mieux c’est.
Vous connaissez maintenant les six principales mesures effectuées en audio, et les résultats n’auront désormais plus aucun secret pour vous !