Deux ans après la sortie de la Komplete 11, Native Instruments sonne l’heure de la mise à jour de son bundle emblématique, laquelle apporte évidemment son lot de nouveautés mais aussi une redéfinition de la gamme. De quoi craquer ?
Avant de nous intéresser aux nouveaux venus, il convient de s’arrêter sur la gamme Komplete qui a été quelque peu réorganisée et nous réserve deux nouveautés. La première, c’est qu’il existe désormais non plus trois Komplete mais quatre : Komplete Select à 200 euros, Komplete ‘normale’ à 600, Komplete Ultimate à 1200 euros et… Komplete Ultimate Collector Edition à 1600 euros ! À la sortie de la Komplete 11, bien des utilisateurs avaient en effet été déçus de voir que les instruments de la série Symphony n’étaient inclus dans le bundle que par le biais de version allégées, et qu’il fallait acheter les versions complète en sus de sorte que l’Ultimate n’était plus une véritable intégrale. À l’écoute des critiques, Native rectifie le tir avec Komplete 12 Ultimate Collector Edition qui inclut les fameux instruments complets et qui peut donc être qualifiée d’intégrale.
Ce terme est d’autant plus approprié si l’on considère la seconde nouveauté de cette Komplete 12 : chaque version est fournie avec des Expansions. 3 pour la Select, 10 pour la normale, 20 pour l’Ultimate et 50 pour l’Ultimate Collector Edition. En possédant cette dernière, on dispose ainsi de l’intégrale logicielle de Native, seuls Maschine 2 et Traktor ne faisant pas partie du pack. Soulignons-le au passage : vous n’avez pas le choix des expansions : c’est Native qui décide quel bundle est assortie de quels titres.
Ces précisons apportées, nous ne détaillerons pas la liste complète des produits compris dans chaque version, sachant que l’éditeur s’est fendu d’une page exhaustive sur le sujet, mais relèveront juste les évolutions de chaque offre.
Avant toutefois de rentrer dans ces détails, sachez que ce test vous attend dans le texte qui suit comme dans cette vidéo, nouvel épisode de notre screencast 'On refait le Patch’ :
S, M, L et XL : les tailles de Komplete
On commence avec la Komplete Select qui, conformément à ce que nous avions réclamé lors du test de la Komplete 11, se voit complétée de la basse Scarbee Rickenbaker, ainsi que du phaser Phasis et de trois expansions. Disons que cette version offre un kit d’instruments de base de qualité pour attaquer la production de musique populaire (comprend populaire au sens large du terme, allant du rock à l’électronique en passant par la pop ou le hip hop).
Le résumé en chiffres : 3 effets, 11 instruments, 3 expansions pour un total de 45 Go sur le disque dur et un tarif de 200 euros.
Les choses sérieuses ne commencent toutefois qu’avec la Komplete ‘tout court’ puisque cette dernière embarque la nouvelle version de Kontakt, la groovebox TRK-01, le Discovery Series Middle East, Session Strings 2, Mod Pack (trois effets à modulation), 10 expansions et… Massive X qui ne sortira qu’en 2019. Évidemment les horizons musicaux s’élargissent par rapport à la Select, grâce notamment à l’apparition de cordes et de cuivres pop, d’une guitare et de nombreux synthés, claviers et batteries ou encore d’un ensemble d’effets qui permet d’envisager le mixage. On reste toutefois dans un bundle qui cible les songwriters/producers de musique populaire mais qui laissera sur leur faim les compositeurs de musique orchestrale et ceux qui font du sons à l’image.
Le résumé en chiffres : 15 effets, 37 instruments, 10 expansions pour un total de 220 Go sur le disque dur et un tarif de 600 euros.
L’Ultimate fait évidemment plus fort puisque elle ajoute à tous ces produits les deux nouvelles guitares Session Guitarist (Strumming Acoustic 2 et Electric Sunburst), Session Strings Pro 2, Thrill, Kinectic Toys et le Crush Pack (trois effets pour salir le son), tout cela étant assorti de 20 expansions. Le champ des possibles s’ouvrent donc un peu plus encore avec l’arrivée de nombreuses banques sound designesques et les instruments orchestraux Symphony Essentials, laissant à penser que cette fois, tous les profils de musiciens devraient trouver leur compte dans le bundle, d’autant qu’on dispose d’une suite d’effets vraiment complète pour mixer ou faire du sound design.
Le résumé en chiffres : 28 effets, 73 instruments, 20 expansions pour un total de 600 Go sur le disque dur et un tarif de 1200 euros.
On termine enfin avec la Komplete Ultimate Collector Edition qui troque les banques Symphony Essentials pour les versions pros autrefois vendues séparément et propose 50 expansion, soit l’intégrale du catalogue de l’éditeur. On ne s’en étonnera pas, comme c’est la Komplete la plus complète, c’est elle qui est susceptible de réunir le plus de public différents.
Le résumé en chiffres : 28 effets, 73 instruments, 50 expansions pour un total de 900 Go sur le disque dur et un tarif de 1600 euros.
Comme vous le voyez, la gamme s’étend vers le haut tandis que Native semble vouloir fusionner les univers Maschine et Komplete jusqu’alors distinct. De ce fait, sans même parler des nouvelles banques Kontakt, de TrK-01 ou de Massive X, notre bonne vieille Komplete semble prendre un gros virage en direction des musiques électroniques et hip hop, sachant qu’il ne manquait déjà pas d’argument de ce côté.
Nous ne détaillerons d’ailleurs pas ces expansions pour nous en tenir à leur impact sur les logiciels du bundle : au-delà de Maschine qui ne fait pas partie du bundle, ce sont Battery, Massive, Monark et Prism qui se retrouvent, selon la Komplete choisie, avec des dizaines voire des milliers de nouveaux presets pensés pour la musique actuelle. Voilà qui redonne un coup de jeune à ces instruments, même si l’afflux de nouvelles données est tel que l’on se sent noyé au départ. Heureusement, Komplete Kontrol est là pour simplifier la recherche dans tout cela, sachant que ce dernier a gentiment évolué depuis que nous l’avions évoque dans le test du clavier Komplete Kontrol S Mk2. Bien évidemment, il gère toujours plus de banques au format NKS grâce aux divers partenariats tissés entre Native et des éditeurs de tierce partie, ce qui vous permet de naviguer dans vos milliers de presets via un système de tags et de disposer d’une préécoute pour chacun d’entre eux, mais aussi de disposer d’un mapping pour les contrôleurs matériels de la marque. La nouveauté, c’est que Komplete Kontrol gère désormais aussi les effets en inserts avec le même système de tags mais pas de préécoute (ce qui se comprend pour un effet). Bref, Komplete Kontrol tient bien son rôle de « facilitateur » même s’il a encore une bonne marge de progrès. On notera qu’il n’offre pas, comme Kore en son temps ou le VIP d’Akai, la possibilité de réaliser des multis combinant plusieurs instruments et utilisant des effets autrement qu’en série et en insert. Ce n’est pas nécessairement un problème vu que Komplete Kontrol n’a sans doute pas à se substituer à la STAN pour ce genre de choses, mais puisqu’on parle du rapport à son hôte, disons qu’il n’a toujours pas réglé un fâcheux problème ergonomique : lorsqu’on l’utilise comme surcouche pour charger ses instruments, on se retrouve avec une multitude de Komplete Kontrol dans sa table de mixage sans savoir lequel contient toi, et il faut alors s’amuser à tout renommer à la main… On voit mal comment Native pourrait régler ce problème inhérent à la nature même de plug-in du logiciel, mais on se dit que la solution pourrait peut-être provenir d’une intégration plus poussée via une plateforme comme ARA par exemple…
Mais laissons- la le flacon pour nous concentrer sur l’ivresse, en commençant par installer les 900 Go de notre Komplete 12 Ultimate Collector Edition sur le disque dur…
Install, des staux
Depuis Komplete 11, c’est l’installeur Native Access qui permet d’installer toute ou partie du bundle, ce qui est a priori une très bonne chose même si le logiciel n’a que très peu évolué en deux ans et que de nombreuses fonctions manquent encore à l’appel. On regrettera par exemple qu’il ne gère pas les désinstallations tout comme il ne permet pas, à l’instar hélas de nombreux autres installeurs de nos jours, de définir quels formats de plug-ins doivent être ou non installés (on se retrouve ainsi par exemple avec des plug-ins AAX sur son disque dur même lorsqu’on n’utilise pas Pro Tools). Enfin, à l’heure où une Komplete Ultimate Collector Edition comprend plus de 120 instruments et effets ainsi qu’une cinquantaine d’Expansions, on aurait apprécié de naviguer dans ces derniers autrement que par ordre alphabétique. Pouvoir distinguer clairement les instruments des effets et des expansions serait ainsi très judicieux au moment de l’installation, tout comme il serait intéressant de les classer par familles organologiques (pianos, synthés, batteries) ou par genre musical et de se voir proposer des installations types par profil (compositeur, musicien électronique, etc.). Enfin, il serait appréciable que l’hébergement des banques fasse partie des avantages des éditeurs partenaires, de sorte qu’on n’aurait à juste une seule interface pour gérer l’essentiel de toutes les grosses librairie de tierce partie dont on dispose. L’outil a donc encore du chemin à faire pour être vraiment pratique, d’autant qu’il n’est pas d’une stabilité exemplaire et que lorsqu’il crashe, il est incapable de reprendre un téléchargement en cours, voire de s’apercevoir qu’il était achevé pour passer à l’installation.
Armé de patience et d’une connexion Fibre, on parvient tout de même à installer les quelques 900 Go de notre bundle dont la version ‘boîte’ est évidemment livrée sur disque dur. La chose faite, l’orgie sonore peut commencer, et elle commencera par les effets.
Effets de Mod
Deux packs font leur apparition : le Mod Pack qui rassemble un flanger, un phaser et un chorus, et le Crush Pack qui rassemble une saturation, un bit-crusher/downsampler et un modulateur en anneau/phase shifter/simulateur de radio.
Presentant un indéniable air de famille en termes d’interface, les six plug-ins reposent sur le même principe d’offrir des outils relativement simple à contrôler mais offrant la plupart du temps une originalité dans leur conception qui permet d’emmener chaque effet au-delà des sentiers battus.
Basé sur la modélisation de chorus populaire, Choral couvre ainsi tout la palette de sons habituelle du chorus mais permet via le mode Scatter du feedback de tirer l’effet vers une simili-réverbe vraiment intéressante. En offrant via le mode ultra des vitesses de modulation bien plus élevées que ce qu’on trouve habituellement sur des phasers, Phasis permet d’obtenir des textures qui ne sont pas sans évoquer un modulateur en anneau ou la synthèse FM. Ma préférence dans le Mod Pack va toutefois à Flair, un flanger dont la particularité est d’avoir 24 couches accordées, de sorte qu’à la façon d’un résonateur, l’effet permet d’extirper des mélodies et des rifts de la plus neutres des boucles de batterie.
Voyez ce que ça donne :
- Chorus-dry00:10
- Chorus-normal00:10
- Chorus-verbish00:22
- phaser-source00:15
- phaser-normal00:15
- phaser-hard00:15
- flanger-source00:16
- flanger-normal00:16
- flanger-harmony00:16
Conçus pour salir le son, les trois plug-ins du Mod Pack m’ont paru excellent mais plus convenus, exception faite de Freak, un drôle de petit monstre capable de simuler la mauvaise réception d’une radio comme de tordre les sons en tous sens. Face à lui, Bite le Beat-Crusher/Downsampler et Dirt la double pédale de disto à routing variable sont en effet plus convenus, même s’ils s’avèrent très efficaces :
- dirt-source00:15
- dirt-smash00:15
- bite-source00:11
- bite-vintage00:11
- freak-source00:12
- freak-radio00:12
- freak-robot00:12
Le bilan est donc très positif pour ces effets, tous très convaincants au point qu’on espère qu’ils auront plein de petits frères. Passé cette agréable entrée, l’heure est toutefois venue de s’attaquer au plat de résistance : les instruments.
Massive X à la bourre, Kontakt à la traîne
Commençons par les véritables stars annoncée de ce bundle, à savoir Massive X et Kontakt 6. Pour le premier, c’est très simple : il n’existe pas encore et l’on sait encore très peu de chose sur lui si ce n’est qu’il sera gratuitement téléchargeable pour tous les possesseurs de Komplete 12 et supérieur à sa sortie annoncée en février 2019. Les seules infos que l’on a consistent en une interface aperçue dans un teaser vidéo, et l’annonce sur la page de l’éditeur que le logiciel sera doté d’un « moteur sonore nouvelle génération, de composants haut de gamme et de nouveaux effets ». Nous voici donc bien avancé ! Notons-le toutefois : ce n’est pas la suite de Massive mais un synthé de la même famille, de sorte que les deux logiciels coexisteront dans le catalogue de l’éditeur. La nuance est importante car Massive X ne sera vraisemblablement pas compatible avec les presets de Massive premier du nom…
L’autres événement de cette Komplete 12, réel celui-là, c’est évidemment la sortie de Kontakt 6 qui s’est fait attendre 7 ans. De ce fait, on n’imaginait que Native allait nous sortir quelque chose d’énorme et… disons que la montagne a accouché d’une souris comme vous pourrez le découvrir dans le test dédié au leader des samplers logiciels, consultable juste ici. Rassurez-vous : Kontakt demeure ce formidable sésame pour accéder à quantité d’instruments virtuels de référence, mais cette nouvelle version est si proche de la précédente qu’on l’aurait bien vu s’appeler Kontakt 5.9… Bref, allez voir le test pour découvrir ça en détail.
Je ne m’étendrais pas non plus sur tous les produits déjà testés sur Audiofanzine :
- les très chouettes guitares rythmiques virtuelles ajoutées dans le pack, soit Strummed Acoustic 2 testé ici et Electric Sunburst testé là.
- la banque Middle East dédiée aux instruments du Moyen Orient, testée ici.
- les banques orchestrales Symphony qui ne sont pas à proprement parler des nouveautés et dont les cordes avaient fait l’objet d’un banc d’essai ici, et les cuivres d’un banc d’essai là.
Que reste-t-il du coup ? Bien des choses intéressantes, je vous rassure, à commencer par un petit ensemble Reaktor au nom de droïde starwarsien.
Get ready TRK-01
TRK-01 se concentre sur la base de la base de la musique électronique : le kick, qui occupe toute la partie gauche de l’interface, et la basse qui occupe sa partie droite. Mêlant synthèse et sampling, l’instrument intègre surtout deux step séquenceurs qui permettent de réaliser des boucles intéressantes une fois que l’on combine les différentes possibilités de génération sonore avec les effets et traitements embarqués.
Il y a vraiment de quoi faire des choses très variées qui pourront servir de « première piste » à beaucoup de compos, quel que soit leur genre musical, sachant que le gros son est toujours au rendez-vous. On se réjouit en tout cas de voir que sur un concept aussi minimaliste, il y a une vie après les vieilles scies TR/TB, au point qu’on rêverait presque de voir ce logiciel devenir une vraie petite boîte…
- TRK100:04
- TRK1hip00:04
- TRK1electro00:04
- TRK1dnb00:04
Si l’on excepte les Expansions dont nous avons parlées, le reste des nouveautés tourne sous le tout nouveau Kontakt 6. Je ne reviendrai pas sur les banques Play Series déjà largement évoquée dans le test du sampler de Native Instruments, pour passer directement aux banques sorties cette années, en commençant par la version 2 de Sessions Strings Pro, qui s’avère convaincante à plus d’un titre.
Pour l’occasion, toutes les banques enregistrées pour la première version ont été remixées et bénéficient de nouveaux scripts, d’outils de séquençage plus aboutis et d’une interface sensiblement améliorée. Le concept est toujours le même : proposer une petite section de cordes (4 violons, 2 altos, 2 violoncelles et 2 contrebasses) dans plusieurs configurations, avec une captation moderne ou vintage, dans l’optique de faire des cordes pour la musique populaire (rock, pop, soul, RnB, disco, hip-hop, etc.) et non pour la musique de blockbuster ou la musique ‘classique’. Un parti pris d’autant plus rafraîchissant qu’il n’est pas si courant et pourtant extrêmement utile.
C’est une nouvelle fois e-instruments qui s’est chargé de réaliser l’instrument et le moins que l’on puisse dire, c’est que Session Strings Pro 2 vaut vraiment la mise à jour : les outils pour générer des patterns rythmes ou des phrases ont nettement progressé (il est notamment possible de générer des rythmes utilisant plusieurs articulations dans le Rhythm Animator) et sont complétés d’un système d’accords automatiques et d’une fonction ‘Smart Voice Split’ répartissant les notes de vos accords sur les différents pupitres afin d’obtenir des choses plus réalistes. Voyez ce que tout cela donne :
- NoSmart(2)00:10
- Smart(2)00:10
- NoChords00:10
- Chords00:10
- SmartChords00:10
- SmartRhyAnimator00:10
- SmartPhraseAnimator00:15
- SmartPhraseAnimator200:18
À la faveur des nouveaux scripts, on dispose aussi d’articulations plus souples que par le passé, dont le Portamento ou le Glissando. Et si le Mercato est toujours aux abonnés absents, on se réjouit aussi de retrouver les différent Scoop et Falls qui permettent de programmer des cordes disco dans la plus pure tradition 70’s. Évidemment, ceux qui savent écrire des cordes hurleront à la musique préfabriquée, mais les autres ne tarderont pas à voir ce que SS2 Pro peut apporter à leurs compos, quel qu’en soit le style. Seul regret : contrairement à de nombreux instruments proposant de telles fonctions d’arrangement, Session Strings Pro 2 n’est pas capable d’exporter ses séquences sous la forme d’un conteneur MIDI. Dommage.
Nous passerons vite sur Thrill, non pas qu’il ne soit pas intéressant, au contraire, mais qu’il se concentre sur un besoin de niche et remplisse parfaitement son rôle avec très peu de contrôles. Le but est de créer des textures pour les moments de tension et de suspense au cinéma, chose que l’instrument parvient à faire en combinant deux sources à choisir parmi 1038 et en les traitant et les morphant. Le pilotage de tout cela passe par un simple pad X/Y et on ne se lasse pas d’essayer toutes les combinaisons possibles pour générer des ambiances tantôt oniriques, tantôt effrayantes, mais toujours réussies.
Pour poursuivre au rayon des bizarreries, on s’intéressera ensuite à Kinetc Toys, un instrument réalisé à partir de sons de jouets. boîtes à musique, robots électroniques, xylophones premier âge et autres pianos Vilac : il y a là de quoi ravir un Pascal Comelade, sachant que les sonorités de cette banque apporteront une touche d’originalité enfantine à tout type de musique, et pas seulement la musique pour l’image.
Le seul reproche que l’on pourra faire à ce Kinetic Toys tient dans le parti-pris clivant de son interface que certains adoreront quand d’autres la détesteront. Plutôt que de réaliser une interface traditionnelle où les noms des instruments, effets et commandes sont clairement indiqués, où l’on dispose de traditionnels potards, faders et menus déroulants, l’éditeur a opté pour une approche autrement plus artistique en représentant différents jouets et jeux dont le déplacement va servir à paramétrer le son. L’idée est a priori excellente dans la mesure où elle offre un côté ludique qui sied à la thématique, mais elle peut se révéler toute aussi exaspérante lorsqu’on cherche précisément un son et qu’il faut tâtonner des plombes pour le trouver ou pour peaufiner ses réglages et comprendre ce qui se passe sur le plan sonore. On clique sur une fusée et cela fait monter une étoile tandis qu’un origami décrit des mouvements dans l’espace lorsqu’on fait tourner un robot dans le sens inverse d’une danseuse. Alors oui, on peut prendre le manuel sur les genoux et tenter de comprendre ce que le développeur a tenté de nous expliquer. Et oui, lorsqu’on dispose d’un contrôleur Native Instruments, le système Komplete Kontrol simplifie cette compréhension. Mais ce parti-pris de l’interface risque de détourner pas mal de gens de cette banque dont les sons sont toutefois réellement intéressants :
Le tour des nouveautés achevées, il nous reste à prendre un peu de recul sur la Komplete, parler des bonnes choses et des choses qui fâchent.
Dîner de Komp
Que ce soit clair d’emblée : en 2018, il n’existe toujours pas d’équivalent à la Komplete en termes de polyvalence et de rapport qualité/quantité/prix. Le seul bundle qui s’en approcherait est celui d’Air Music Technology et, à 500 $, il est très loin de proposer ce que propose Native en termes de variété comme de qualité.
Il faut dire que les berlinois disposent de deux atouts de poids dans leur jeu : Kontakt et Reaktor qui, plus que de simple plug-ins, sont devenus des plateformes ayant développé de vastes écosystèmes. Disposer de Reaktor ou de Kontakt, au-delà de la puissance de ces logiciels, c’est ainsi accéder à des milliers d’instruments ou effets développés par des éditeurs de tierce partie ou par des passionnés, sachant qu’on trouvera là dedans des banques à 1000 balles comme d’autres à 4 $ et quantité de freewares. Bref, Native demeure bien assis sur son trône et, à moins qu’EastWest rachète UVI, Arturia et Max/MSP, on voit mal qui pourrait lui disputer cette place.
La Komplete est d’autant plus indéboulonnable que Native a eu à cœur au cours de ces dernières années de proposer des contrôleurs qui lui sont dédiés : des claviers Komplete Kontrol S à Maschine, l’éditeur a bâti un écosystème hard/soft qui fait mouche en termes de productivité et dispose sur ce point d’une bonne longueur d’avance sur ses concurrents.
Pour toutes ces raisons, au Home Studiste débutant désireux d’investir dans une solution tout terrain, on conseillerait aujourd’hui d’investir dans n’importe quelle STAN (Cubase, Logic, Live, Reaper, FL Studio, Studio One, peu importe) mais dans un seul et unique bundle : la Komplete.
Select, normale, Ultimate ou Ultimate Collector Edition, tout est question de budget et d’ambitions, les prix passant du simple à l’octuple aux deux bouts de la gamme. À bien y regarder en tout cas, il n’y a pas de mauvaise Komplete et même si à 1600 euros, le haut de gamme semblera trop cher à bien des utilisateurs, on se rend vite compte en essayant de trouver des équivalents ailleurs que cela nous reviendrait beaucoup plus cher encore. En tous cas, ceux qui vivent de la musique et travaillent abondamment avec des instruments virtuels n’hésiteront pas longtemps.
Bref, la Komplete, c’est bon, c’est bien. Est-ce pourtant un bundle sans défaut ? Loin de là ! En termes de polyvalence d’abord, on notera que la guitare, malgré les trois Session Guitarist publiés ces dernières années, est toujours le parent pauvre du lot tandis qu’on ne dispose toujours pas de cordes frottées solo ou de banques dédiées à la voix. Plus drôle encore : malgré ses 900 Go de samples, la Komplete ne couvre toujours pas les 128 instruments du kit General MIDI ! Bref, la Komplete est loin d’être exhaustive, probablement parce que ses concepteurs enfoncent un peu plus souvent le clou synthétique que les autres, et que la façon dont la Komplete grandit semble plus souvent une affaire d’opportunités que de stratégie, donnant parfois un côté Bric et Broc à l’ensemble : tout à coup, on nous sort par exemple un Gamelan qui laisse à penser qu’on aurait droit à d’autres instruments ethno aussi détaillés. Mais non. Les redondances ne sont en outre pas rares et l’on se rend compte par exemple qu’un Polyplex n’apporte pas grand chose face aux centaines de kits d’un Battery.
Plus gênant, on se rend compte que pas mal de logiciels prennent d’année en année un coup de vieux toujours plus prononcé. C’est manifeste sur Guitar Rig 5 dont les modélisations sont très loin de valoir celle d’un BIAS Amp, d’un Amplitube 4 ou d’un TH3, même si le soft a de beaux restes pour faire des sons de guitare trafiqués façon AdrenaLinn. Mais ça l’est aussi sur les batteries Abbey Road qui sonnent bien mais ne proposent toujours pas de fonction Tap 2 Find, de module de Drum Replacement, d’interface pour faire du layering et qui, parce que leurs kits ne sont pas combinables au sein d’un même logiciel, sont très loin des EZdrummer, Addictive Drums, BFD et autres Superior en termes de possibilités. Que dire encore de Battery 4 face à un Geist 2 ? Du rustique Vintage Organs face au fabuleux B-5 d’AcousticSamples ? Il n’y a rien de scandaleux dans tout cela et l’on comprend bien sûr que la Komplete ne peut pas être la Perfect, mais il y a des choses plus agaçantes dans la façon dont les produits vieillissent sur le plan visuel. Je ne parle pas là d’esthétique mais bien d’érgonomie et de lisibilité vu que une grosse partie des logiciels a été conçu à l’époque où la résolution de base des moniteurs était le 1280 × 1024. Loin de s’être intéressé aux problématiques de Responsive Design comme la plupart de ses concurrents (IK Multimedia, Arturia et UVI en tête), Native ne fournit aucun moyen d’agrandir ses interfaces de sorte que sur un 27 pouces de base 2560 × 1440, on s’éclate les yeux à lire des caractères minuscules et parfois mal contrastés dans quantité de logiciels composant le bundle (et dans Kontakt notamment). Bref, un travail de fond est attendu sur ce point.
Enfin, ultime point de discussion : on pourra remettre en question l’intégration des Expansions dans la famille Komplete. Dans l’absolu, il n’y a rien à reprocher à cela vu que l’on dispose désormais d’une intégrale de l’éditeur au travers de la Komplete Ultimate Collector Edition, sauf qu’il n’est pas sûr que ce rapprochement des gammes Maschine et Komplete dont on comprend parfaitement les enjeux du point de vue du constructeur (conduire l’utilisateur à utiliser tous les produits de la gamme et donc à acheter tous les contrôleurs) soit forcément judicieux du point de vue des utilisateurs. Bien des utilisateurs de Maschine ou des musiciens électroniques apprécieraient de pouvoir acheter l’intégrale des Expansions sans pour autant investir dans la coûteuse Collector Edition et ses instruments Symphony qui ne leur seront d’aucune utilité. À l’inverse, ceux qui composent exclusivement des la musique orchestrale auraient sans doute bien troqué les 20 expansions proposés par la version Ultimate pour un Symphony String… De fait, on en vient à se demander si le temps n’est pas venu pour la Komplete d’organiser son offre en fonction des profils des utilisateurs plutôt qu’en fonction de leur budget. Sachant que rares sont ceux qui font tous les genres de musique tout le temps, il ne serait ainsi pas dénué de sens de proposer en marge des offres actuelles d’autres bundles thématiques : une Komplete Electro, une Komplete Orchestral, une Komplete Pop, etc.
Conclusion
Massive X nous pose un lapin, Kontakt 6 n’est pas à la hauteur de l’attente qu’il a suscité et la Komplete garde toujours certaines lacunes tandis que certains des produits qu’elle comprend commencent à prendre un petit coup de vieux. Qu’importe, malgré tous ces reproches, Native Instruments parvient sans trop de problème à nous proposer, comme à chaque fois, le bundle logiciel le plus incroyable du marché en matière de rapport qualité/prix. Rien que pour Kontakt et Reaktor qui vous donnent accès à des milliers d’instruments et d’effets d’une grande variété, l’achat vaut le coup pour celui qui ne le possède pas, quelle que soit la version vers laquelle il se tourne en regard de ses besoins. Et la Komplete est d’autant plus attractive qu’elle s’inscrit désormais dans un workflow hard/soft qui n’a pas d’équivalent sur le marché grâce à Maschine et Komplete Kontrol.
La question est donc tranchée pour ceux qui s’intéressent à la MAO et n’ont pas encore sauté le pas, mais il reste à discuter de la pertinence des mises à jour pour les actuels utilisateurs d’anciennes versions du bundle, ce qui est autrement plus complexe. Une chose est sûre, plus on a une Komplete ancienne, plus la mise à jour vaut le coup, sachant que le tarif est le même suivant qu’on dispose d’une Komplete 11 ou d’une Komplete 2 ! Quant à savoir si les fidèles Kompletistes possesseurs de la version 11 auront intérêt à mettre à jour, c’est une affaire que chacun devra examiner en fonctions de ce qu’il a déjà dans ses répertoires samples et plug-ins. Et si ceux qui contentaient des Symphony Essentials via l’Ultimate seront probablement motivés par le fait de mettre la main sur les Symphony tout court dans la Collector Edition, il n’est pas sûr que ceux qui se sont déjà équipé en la matière auprès de Spitfire, Cinesamples, Orchestra Tools ou ProjectSam succombent à la même tentation.
Reste enfin la grosse nouveauté des Expansions intégrées aux différentes Komplete : ceux qui ont déjà intégré Maschine à leur config en seront enchanté, sachant que l’intégrale de ces banques coutait jusqu’ici 2500 euros. Mais forcément, ceux qui ne s’intéressent pas à la plateforme de Beatmaking de Native ne valoriseront pas forcément le fait de disposer d’encore plus de presets pour Monark, Massive ou Prism et de kits pour Battery, sachant qu’on ne manquait déjà de rien pour faire de la musique électronique dans le bundle. Bref, comme toujours, il faudra voir midi à sa porte, sachant que Native rend ici une copie de bonne facture, mais sans aucune nouveauté vraiment excitante qui fasse dire : DO WANT ! Kontakt 6 aurait pu être la killer app déclencheur d’achat compulsif mais il ne l’est pas, et Massive X est encore coincé sur le disque dur d’un développeur berlinois. Ce constat de retire rien à l’excellence de TRK-01, de Thrill, des Session Guitarist, de Session Strings Pro 2 ou encore des nouveaux packs d’effets réellement enthousiasmants, mais parce que Native est leader dans son domaine, c’est incontestable, que la Komplete n’a pas d’équivalent sur le marché, c’est également incontestable, on attend mieux que le meilleur et il nous tarde déjà de voir où la Komplete 13 nous emmènera dans deux ans.