Une petite carte son sonnant très bien, munie de fonctions intéressantes, plutôt bien construite et pas très chère, ça vous dit ? Alors je vous propose de vous pencher avec moi sur la Quad Capture de Roland. Et si vous avez besoin de plus gros, ce n’est pas un problème comme nous le verrons.
Si vous demandez de citer des constructeurs de référence en interfaces audionumériques, on vous énumèrera pas mal de marques, mais probablement pas Roland.
C’est que la marque était peu visible sur ce marché où ses produits étaient jusqu’à ces dernières années estampillés Edirol. Ces interfaces audio n’étaient pas non plus des « références », mais offraient en général de bons rapports qualité-prix visant plutôt le marché amateur, leur qualité audio n’atteignant pas tout à fait les exigences de pros. Pourtant, Roland sait faire du son pro. C’est notamment le cas avec ses consoles numériques de live V-Sytem commercialisées par RSS (Roland System Solution).
Pourquoi ne pas mettre les technologies RSS dans une carte son Roland ? C’est ce qui a été fait avec la Quad Capture… Et ça marche !
Présentation
La Quad Capture est une interface 4×4 canaux munie de deux entrées analogiques et deux numériques, et la même chose pour les sorties.
Les entrées analogiques se font sur prises combo XLR/jack. Les sorties (ligne) se font sur jacks symétriques. Entrées et sorties numériques sont en coaxial. À ceci s’ajoute une sortie casque sur jack 6,35mm.
Voyons… si je compte bien, on a bien 4 canaux en entrée, mais en sortie ? Deux analogiques en ligne + deux analogiques pour le casque + 2 numériques, ça ferait 6 canaux ?
Hélas non. Comme sur les Duo et Tri testées récemment, la sortie casque n’est pas constituée de canaux indépendants de la sortie main, mais réalisée par un dédoublement dans le hardware du signal sortant. Je n’ai pas détecté de conséquence sur la qualité d’écoute. Mais c’est à l’usage que ça peut être un peu plus gênant.
Ajoutons à ceci une paire d’entrée/sortie MIDI et le tour est complet. On note l’absence d’ADAT, mais à ce prix…
Tout ceci est enclos dans un boîtier format ½ rack typique des cartes 4×4. Celui-ci est, à l’exception de la façade en plastique, en métal noir avec une belle finition. Ses bords arrondis et le liseré chromé qui entoure la façade contribuent d’ailleurs à un look sobre et classe. Les vis BTR chromées assez proéminentes donnent un peu un look pro. À cause de la légèreté de l’ensemble (570 g), le métal de la carcasse semble assez fin. Mais c’est de l’aluminium et non de la tôle, ce qui donne à la fois rigidité et légèreté. On n’hésitera donc pas à glisser cette carte dans un (grand) sac au côté de son ordinateur portable.
Par ailleurs, boutons et potards sont plutôt à la hauteur, de même que les affichages par LEDs qui se font au travers de la surface de la façade qui est donc transparente à ces endroits.
Seule ombre au tableau, les switchs à l’arrière. Ces petits switchs en plastique font, eux, un peu bas de gamme et rappellent qu’un tarif agressif ne tombe pas de la lune.
Le plus gênant n’est pas tant la nature de ces switchs que le choix de ceux-ci pour les fonctions qu’ils commandent.
Visuellement, la Quad est donc un bel objet dont l’aspect qualitatif est loin de beaucoup de productions pleines de plastique au faux look pro omniprésentes dans cette gamme de prix. Un professionnel n’aura pas à rougir en la sortant pour une prise de son en nomade.
Des boutons et des fonctions
Monitoring, oui mais…
On trouve nos deux entrées sur la partie gauche de la face avant. Sur la droite figurent la sortie casque et les contrôles de monitoring. Ils sont constitués de deux rotatifs, un gérant le volume général, l’autre la balance entre le mix (le son sortant de l’ordi) et les entrées. Très pratique. On trouve également un bouton poussoir « MONO » qui permet de vérifier les problèmes de phase ou de ne pas être embêté par la répartition stéréo des canaux quand on enregistre des sources mono. Bien vu.
Hélas, on a vu qu’il n’y a pas de contrôle de volume indépendant pour le casque et la sortie principale. C’est à mes yeux le défaut majeur de cette carte : avec des enceintes amplifiées, il est difficile de baisser le volume de celles-ci ou de les couper quand on veut faire une vérification au casque ou tout simplement lorsqu’on veut passer de l’écoute sur enceintes à l’écoute au casque pour enregistrer. Vraiment dommage. Pour qui a l’habitude de passer fréquemment du casque aux enceintes, il faudra que ces dernières disposent d’une possibilité de réglage accessible ou acceptent un signal numérique (prises coaxiales).
Switchs sans témoins
Les réglages d’entrées se partagent entre la façade et l’arrière, avec les switchs évoqués plus haut. L’un enclenche la fonction Hi Z (haute impédance) pour travailler avec des guitares ou basses branchées directement. Un autre allume l’alimentation Phantom pour les micros à condensateurs. Hélas, aucun témoin en façade ne vient rappeler l’enclenchement de l’un ou de l’autre. C’est surtout embêtant pour l’alim Phantom quand on sait le risque qu’il y a à brancher-débrancher avec celle-ci enclenchée. Ou encore son incompatibilité souvent dommageable avec les micros à rubans. Attention nécessaire, donc.
Puisqu’on parle des switchs, il en existe un troisième : « Ground lift » (coupure de la mise à la terre). Très pratique lorsqu’on se retrouve avec une boucle de masse et particulièrement précieux pour une utilisation sur scène, surtout avec un ordinateur portable. Bien vu.
Auto sens : le bon génie
Revenons sur la face avant avec les réglages de gain (ici appelés « SENS ») qui occupent la partie centrale. Ce sont deux rotatifs entourés de leur discrète (mais lisible) couronne de LEDs.
Entre ceux-ci, on trouve un bouton « auto sens » qui est une des fonctions géniales de cette interface. Il ne s’agit de rien d’autre qu’un auto-gain. Lorsqu’on veut enregistrer, on enclenche ce bouton et on joue. Les gains s’ajustent automatiquement. Un second appui sur le bouton mémorise le réglage et il n’y a plus qu’à enregistrer. Ça n’a peut-être l’air de rien, mais le gain de temps et de confort est super quand on s’enregistre soi-même jouant d’un instrument. Habituellement, il nous manque toujours une troisième main pour régler son préampli. Le gain est ici réglé automatiquement de façon optimum avec des crêtes autour de –12 dB. Au lieu de faire la navette entre son instrument et le bouton de gain avec un œil sur les vumètres, on peut donc se concentrer sur son jeu.
Merci Roland !
Le son ? Elle a tout d’une grande
La fabrication propre de cette carte et la géniale fonction auto-sens « musician friendly » ne suffiraient pas à susciter un enthousiasme démesuré, celui-ci étant grevé par les lacunes d’affichage et de monitoring.
Mais il y a le son, et de ce côté, c’est vraiment du tout bon. Mise face à une RME Multiface (et d’un préampli Quad Mic de même marque), la Quad Capture s’est montrée largement à la hauteur, voire meilleure. Il est vrai que le RME Quad Pre est un préampli très neutre, souvent considéré comme froid. Mais rappelons qu’il coûte à lui seul près de deux fois le prix de la Quad Capture !
On est donc très loin des résultats « très corrects » que donnaient les générations Edirol et la Quad peut sans problème revendiquer une utilisation professionnelle.
Un document de chez Roland (en anglais) explique les nombreuses techniques mises en œuvre pour atteindre cette qualité audio. Je vous résume les quelques points :
- Pour éviter les interférences entre les circuits, les circuits analogiques et numériques ont été montés sur des PCB différents, chacun possédant par ailleurs sa propre alimentation, ce qui permet d’alimenter les circuits analogiques à une tension bien supérieure au circuit numérique. Roland annonce ainsi un rapport signal/bruit de 104 dB.
- Un travail particulier a été fait sur les alimentations afin de les affranchir des instabilités de l’USB.
- Une horloge à cristal de quartz assure une parfaite synchronisation, diminuant fortement le jitter.
Notez qu’on peut trouver des choses similaires sur d’autres interfaces, mais Roland affirme que la technologie d’alimentation présente dans la Quad lui est propre, de même évidemment que le driver « VS Streaming ».
Mais quoi qu’il en soit, le résultat est là : le son est bon. Et j’ai aussi pu travailler à des latences très basses avec cette carte sur un portable pourtant « à tout faire » et pas optimisé pour l’audio.
- entree Ligne-2200:33
- Basse-1600:39
- Basse COMP-1500:47
- SM58–2300:34
- comp SM58–1900:34
- SM58 prise Y-2600:34
- C414–1700:34
- comp C414–1800:35
- C414 prise Y-2700:33
- Gtr COMP directe-2000:16
- Gtr directe-2100:34
Fonctions supplémentaires
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La Quad Capture embarque un DSP (Digital Signal Processor) 40 bits qui permet de disposer, pour chaque entrée, d’un compresseur, d’un filtre coupe-bas et d’un inverseur de phase.
Je suis un peu réservé sur l’utilité du compresseur, préférant compresser les prises a posteriori, au mixage. L’intérêt d’un compresseur à la prise est surtout d’éviter le clipping du convertisseur analogique/numérique. Mais comme ici, c’est le signal numérisé qui est traité, il n’empêche pas de saturer le convertisseur (l’auto-sens diminue tout de même grandement ce risque).
Cependant, comme ce compresseur fonctionne bien et sonne bien, il pourra être utile notamment pour les enregistrements directs sur 2 pistes, avec une paire de micros ou au cul d’une console.
Le coupe-bas et l’inverseur de phase sont des outils précieux, particulièrement pratiques à la prise, notamment pour le placement des micros.
Conclusion
Si elle n’avait ce défaut de partager les mêmes canaux pour la sortie principale et la sortie casque, j’aurais sans hésité délivré un award « valeur sûre » à cette carte. Malgré quelques lacunes, cette carte offrant une belle construction, des ports MIDI et numériques, une latence basse et un excellent son pour seulement 200 € mérite bien un award qualité/prix.
Ceux qui sont séduits par sa qualité, mais ont besoin de plus gros pourront sans problème se tourner vers l’Octa Capture qui serait sans doute mon choix s’il me fallait remplacer ma RME Multiface.