En voilà un qu'on ne s'attendait pas nécessairement à retrouver dans nos pages après la volée de bois vert qu'il s'était prise à l'époque. Mais qui dit nouveau protocole dit réactualisation des données : c'est l'heure de la seconde chance pour le SRH1540.
Premièrement, je tiens à préciser que je suis très fier de mon titre pourri, dont le jeu de mots ne marche pas du tout. Car si le jeu de mots est une tradition chez AF, le jeu de mots raté, c’est tout un art. C’est facile de faire des trucs drôles et de se faire féliciter dans les commentaires, c’est largement plus difficile d’échouer lamentablement et de l’assumer dès son introduction.
Sur ce…
Reprenons : après avoir testé en ce début d’année un ensemble de casques « de référence » situés dans la tranche 100–150 euros (environ), nous commençons désormais une série complémentaire avec les casques de la tranche supérieure (200–300 euros, et plus). Ils correspondent eux aussi à des références, parfois disponibles dans des studios professionnels, souvent déjà mis en avant sur ce site…
Et voici donc que le Shure SRH1540 refait surface dans nos pages. Il n’avait pas été bien accueilli à l’époque par Notre Vénéré Potentat… Se tirera-t-il mieux de ce nouveau round ? Obtiendrons§nous des mesures similaires ? Est-ce que le démontage va nous révéler des qualités cachées ?
Spécifications
Le SRH1540 est un casque de type circumauriculaire, fermé, avec un transducteur dynamique. La taille du transducteur est de 40 mm.
Les spécifications annoncées par le constructeur sont les suivantes :
impédance : 46 ohms
réponse en fréquence : 5 Hz — 25 kHz
Le câble est fourni en double : il s’agit d’un câble en Y, de 2 mètres environ, avec des terminaisons en plastique serti (pas moyen de les démonter aisément, il nous semble). À une extrémité, un jack TRS 3,5 mm avec son adaptateur à vis 6,35 mm. À l’autre, deux bornes qui s’insèrent dans les oreillettes avec un léger clic, système qui tient bien, mais qui permet aussi l’arrachage sans dégât en cas d’accident (du type : marcher sur le câble). L’idée d’avoir un double, c’est bien… Mais deux câbles différents, pour des situations d’écoute différentes, ça serait bien aussi… peut-être même mieux en fait !
Le casque est robuste tout en restant souple, et l’on sent que cet aspect a été pensé pour permettre de supporter les chocs durant un transport sans se briser. L’arceau, en particulier, d’apparence plutôt solide, est surprenant de souplesse (on y reviendra dans la partie transport).
La construction se partage entre métal et plastique (voir photo ci-dessus), penchant un peu plus pour ce deuxième matériau.
Le casque est fourni avec une mallette, une paire de coussinets en mousse supplémentaires (cachés sous un rabat dans la mallette) et deux câbles, comme mentionné plus haut.
Démontable ?
Oui, assez facilement. Mais, vous le verrez, il y a un défaut final qui nuit quand même à l’ensemble.
Alors, comme d’habitude, pour commencer on tire sur les mousses pour révéler la structure de l’oreillette :
Et l’on découvre 4 vis cruciformes. Celles-ci ôtées, on démonte facilement la plaque de maintien :
À noter : sans câble passant dans l’arceau, les designers de Shure ont opté pour une plaque qui porte l’intégralité des éléments. On peut donc la détacher et travailler directement dessus, sans avoir à manœuvrer avec les restes du casque. C’est un très bon point : une construction très rationnelle.
Le câblage est inhabituellement épais et robuste pour l’intérieur d’un casque. En revanche…
Le transducteur est collé !! Impossible de l’enlever sans sortir un outillage plus conséquent, et risquer de fendre les parties plastiques qui lui sont rattachées (ou d’abîmer le transducteur au passage). C’est un mauvais point, même très mauvais, car il vient annuler sinon totalement, du moins partiellement l’intérêt de cette construction « rationnelle » que nous soulignions précédemment.
Confort
Le poids de 286 gr est acceptable, et l’arceau rembourré fait bien son travail : l’écoute ne devient pas trop physiquement fatigante à la longue. Les mousses sont très confortables et s’adaptent bien à différentes morphologies de tête, d’autant plus que les oreillettes sont larges, et prennent bien tout le pourtour de l’oreille. Un peu chaudes certes, mais peu de casques de ce type n’ont pas ce problème, et ici ce n’est pas plus marqué que la moyenne. Rien à redire donc.
Isolation
L’isolation est bonne, on sent qu’on peut se servir du casque dans des environnements extérieurs sans trop de difficulté. Ce n’est pas l’isolation d’un ATH-M50x, mais ça fait l’affaire.
Transport
Bien sûr, il y a la mallette, qui est très robuste, mais même si le casque ne se plie pas, son point le plus intéressant, c’est cet arceau souple (souplesse accentuée par le fait que l’arceau est scindé en deux parties) qui supporte très bien les torsions en revenant parfaitement à sa place. C’est rare sur des casques de cette taille/gamme et cela permet des transports hors de la mallette de protection, sans craindre des dégâts. Bien pensé.
Benchmark
Voici donc le nouveau protocole de mesures objectives, mené par nos soins afin de compléter l’écoute subjective. Avec l’aide précieuse de notre testeur EARS de MiniDSP, nous avons le plaisir de pouvoir vous fournir des courbes de réponse en fréquence et distorsion, réalisées dans notre atelier.
Réponse en fréquence :
On remarque :
- un profil en V avec
- une accentuation à 100 Hz
- un plateau creux entre 200 Hz et 1,5 kHz
- une accentuation qui s’étend de 2 à 4,5 kHz
- un creux à 5 et 6 kHz
- une seconde accentuation qui couvre les aigus, à partir de 7 kHz
- Plus grand-chose au-dessus de 15 kHz
Distorsion :
La distorsion mesurée est inférieure à 0,2 % entre 200 Hz et 4 kHz, avec des petits pics de distorsion au-dessus de 2 kHz, mais surtout une montée importante sous 100 Hz, pour atteindre 3 % à 40 Hz. Surtout, on remarque qu’il s’agit d’ajout d’harmoniques du 3e ordre, harmoniques impaires que l’on essaie généralement de limiter en audio.
Écoute
Richard Hawley — Don’t Get Hung Up In Your Soul (sur Truelove’s Gutter)
Une ballade acoustique, avec beaucoup de réverbe et une différence de dynamique importante entre la voix et la guitare. Tout de suite, on est partagé à l’écoute : oui il y a du détail dans le haut du spectre, mais le creux dans les médiums ajouté à la bosse dans le grave déséquilibre vraiment l’écoute dans son ensemble. La contrebasse devient maousse, la voix manque de coffre. Les queues de réverbes sont très bien suivies, mais là où un casque « loupe » a une fonction en travail du son, car il vient se concentrer sur un ensemble de fréquences adjacentes, celui-ci met en avant trop d’informations qui se parasitent entre elles.
Sun Kil Moon – Butch Lullabye (sur Common As Light And Love…)
Sur l’intro, on doit entendre à la fois les notes graves, les harmoniques médiums ajoutées par la distorsion, l’attaque légèrement piquée des notes, tout en séparant bien la grosse caisse qui sonne assez sèche et médium. La grosse caisse est un peu trop gonflée, même si ça reste acceptable, mais le vrai souci tient plus au clavier dont les notes sont plus ou moins outrées, selon qu’elles s’approchent des 100 Hz ou qu’elles s’en éloignent. La voix est agréable, sans trop de résonance nasale, et le reste de la batterie également. Mais on a du mal à en profiter étant donné le déséquilibre du grave.
Massive Attack — Teardrop (sur Mezzanine)
Un titre avec beaucoup d’extrême grave, mais qui ne doit jamais masquer les nombreux détails dans le haut médium et l’aigu. Là aussi, la conclusion est rapidement la même : oui il y a du grave, mais pas tant que ça d’extrême grave. Il y a surtout la plage entre 60 et 130 Hz, très en avant, et les résonances sub sont largement absentes. La voix n’a pas de sibilance désagréable, c’est un bon point, car par ailleurs le haut du spectre est très détaillé. Le piano sonne un peu « creux », manquant un peu de médiums.
Charlie Mingus — Solo Dancer (sur The Black Saint And The Sinner Lady)
Voilà un morceau avec beaucoup de soufflants jouant dans des tessitures similaires : c’est très touffu et le but est d’essayer de discerner les timbres. Là, étonnamment, c’est pas mal, car c’est un morceau qui supporte bien les égalisations un peu « intrusives » : le manque de profondeur dans le grave permet aux instruments dans le bas médium et médium de s’en tirer plutôt bien, de se trouver comme « détourés » et bien lisibles. Les cymbales ne se retrouvent pas trop en avant non plus, c’est un bon point, car c’est un défaut possible avec les casques flatteurs dans l’aigu. Les suivis de réverbes sont toujours très aisés.
Edgar Varèse — Ionisation (New York Philharmonic, dir. Pierre Boulez)
Ici on cherche à juger de l’image stéréo et du suivi de la réverbération naturelle de la salle, qui joue sur l’impression d’espace. L’écoute se fait entre 0:30 et 1:15 min. Question détail, on est servi : acoustique de la pièce, placement des instruments dans le panoramique, dynamique… Tout cela est bien suivi, grâce à un profil très détaillé dans le haut du spectre. En revanche, on regrette une inflexion trop forte des instruments graves (les timbales, la grosse caisse d’orchestres) qui ont tendance à ressortir de façon exagérée dans le mix d’ensemble.
Conclusion
Au final, nos conclusions sont similaires à celles de Red Led il y a quelques années de cela : un casque sûrement agréable pour l’écoute récréative, bien construit, solide, transportable, confortable, mais… mais…
Certes tout cela est vrai, mais cela n’en fait pas un casque adapté à une écoute analytique, à un travail du son où l’on a besoin de savoir à quoi s’en tenir quant à l’équilibre des fréquences et à la justesse des timbres. Une égalisation serait bien entendu possible, et même recommandée, mais la distorsion par ajout d’harmoniques impaires dans le grave, sous 100 Hz, pose un vrai problème quand à la précision de reproduction offerte par le SRH1540. J’ajoute à cela que démonter tout le casque en se disant que l’opération est simple, et que le principe de montage est bien pensé, tout cela pour se retrouver face à un transducteur collé sur tout son pourtour, c’est vraiment une déception quant à la cohérence de la démarche du constructeur.
Bref, n’en jetons plus ! Pour cette deuxième chance, le SRH1540 ne s’en titre pas mieux que la fois précédente, et les points supplémentaires apportés par ce nouveau protocole de test ne vont pas spécifiquement en sa faveur.