En continuation des tests de casques à petit prix, voici l'option t.bone : le HD 515, petit dernier du fabricant allemand, lié au magasin Thomann, et fraichement sorti pour Noël dernier. Un casque qui se révèlera être plus qu'un simple os à ronger ?
Ce HD 515 est donc présenté par la marque the t.bone comme casque d’écoute (monitoring) pour le travail en studio, la prise de son, les retours, aussi bien dans le domaine musical que « radio-télévisé », que je mets entre guillemets, car j’inclus dans cette catégorie tout ce qui en constitue l’équivalent contemporain : podcasts, streams, etc.
Un casque pas cher, à tout le moins, et peu discriminant au point de vue de l’usage ; en tout cas c’est comme cela qu’il apparaît sur le papier. Cela se révèlera-t-il vrai ?
Présentation
Spécifications
Le HD 515 est un casque de type circumauriculaire, fermé, avec un transducteur dynamique. La taille du transducteur est de 45 mm.
Les spécifications annoncées par le constructeur sont les suivantes :
- impédance : 32 ohms
- réponse en fréquence : 10 – 26 000 Hz
Je remarque déjà quelque chose : parmi tous les casques de la gamme the t.bone, les spécifications du HD 515 correspondent exactement à celles du HD 150 — même taille de transducteur, même impédance, même sensibilité SPL, même couverture en fréquence… Je remarque aussi, d’après la photo, que les deux casques partagent également une majorité de pièces mécaniques (même arceau, mêmes fourches, même câble…). On s’interroge… Et on y reviendra dans un futur article.
Il est accompagné d’un câble de 3 mètres environ, avec une fiche jack 3,5 mm TRS, complétée par son adaptateur 6,35 mm. Le raccordement au casque se fait par une fiche jack, là aussi, 3,5 mm TRS. On remarque ici l’absence de système de sécurité (type baïonnette par exemple). C’est toujours un point critique, mais qui dépend aussi de préférences personnelles : vaut-il mieux quelque système de blocage solide (au risque de dégâts si l’on tire trop fort sur le câble) ou un système qui se détache facilement comme ici (au risque de finir avec un câble arraché). En tout cas, le côté positif est que le câble sera facilement remplaçable : en effet, pas de connectique propriétaire ! Vous pourrez même aisément vous fabriquer (ou faire fabriquer) un câble de la taille exactement utile à votre home studio.
La construction fait la part belle au plastique, mais un plastique plutôt solide et épais. Sur ce terrain (le plastique robuste, j’entends), on avait été encore plus impressionné par le KNS-6402 de KRK Systems, récemment testé, mais le HD 515 ne nous a pas semblé pour autant avoir des fragilités flagrantes.
On remarque aussi (on y reviendra vite) la présence de vis, qui permettront donc d’intervenir en cas de casse ou de panne. De même, la prise jack 3,5 mm sur le casque est dotée d’un écrou, il est donc potentiellement possible de la remplacer (ou de la modifier) avec un peu d’ingéniosité.
Démontable ?
Presque entièrement.
Comme d’habitude, on retire les coussinets :
Qui découvre 4 petites vis au pourtour de la plaque de protection. Il suffit d’un petit tournevis cruciforme et…
Et l’on découvre l’arrivée des câbles, depuis la connectique vers le transducteur, ce dernier étant caché derrière une pièce en plastique.
Au passage, on découvre une connectique solidement arrimée, mais retirable (bon point), des soudures correctes (bon point aussi), mais on note que les câbles bénéficient d’une isolation assez fine, et qu’aucune gaine (thermorétractable par exemple) ne vient isoler les points de contact. On pourrait ici améliorer la construction du casque, pour une meilleure robustesse, une meilleure protection contre de futurs faux contacts.
On découvre aussi que le transducteur est installé en angle, et qu’il est donc important de respecter le sens de réinstallation des pièces qui le composent.
Finalement, quand on l’atteint, on découvre beaucoup de colle (ou d’époxy) autour du transducteur, mais aussi sur les soudures (c’est toujours un peu dommage). Toutefois, seules les soudures reliant la bobine du HP au circuit imprimé sont ainsi protégées, et il reste donc toujours possible de remplacer le câblage interne du casque.
On ajoutera que l’arceau se démonte aussi, mais plus difficilement, car il contient un ressort (un sur chaque côté) non fixé, qui se détache dès que l’on ôte les vis, et qui n’est pas facile à remettre en place.
Confort
Très correct.
L’arceau est bien rembourré, les coussinets sont confortables. Seul défaut, léger : ils sont un peu petits, donc le casque circumauriculaire risque peut-être de devenir supra-auriculaire pour les porteurs de grosses oreilles.
Isolation
Bonne.
Rien à redire là : les coussinets viennent bien se plaquer sur le pourtour de l’oreille et le serrage, plus l’inclinaison des oreillettes, sont suffisants pour bien les adapter à la forme du crâne.
Transport
Encore une fois, pas d’inquiétude quant à la robustesse du casque. En revanche, il n’est livré avec aucune mallette, aucun sac de protection.
Benchmark
Voici donc le nouveau protocole de mesures objectives, mené par nos soins afin de compléter l’écoute subjective. Avec l’aide précieuse de notre testeur EARS de MiniDSP, nous avons le plaisir de pouvoir vous fournir des courbes de réponse en fréquence et distorsion, réalisées dans notre atelier.
Réponse en fréquence :
On remarque :
- Un profil très linéaire, surprenant !
- Une accentuation entre 2 et 3 kHz
- Un creux à 3 kHz
- Un creux à 10 kHz
- Une bonne continuation jusqu’à 20 kHz
Les transducteurs sont très bien appariés, rien à redire à ce sujet !
On s’attend tout de suite à un manque léger d’aigu, ou alors à un peu trop de grave : c’est au fond pareil, car on juge souvent un ensemble de fréquences selon l’équilibre entre elles. Les casques « linéaires » compensent souvent cette linéarité, précise, mais un peu plate à l’oreille, par des aigus accentués, ou alors par un creux des hauts médiums pour faire ressortir l’aigu par contraste.
Distorsion :
La distorsion mesurée est vraiment basse pour un casque de cette gamme de prix. Elle ne dépasse jamais 1 %, et la plupart du temps reste sous 0,1 % voire 0,05 % (entre 90 Hz et 1,5 kHz). En revanche on remarque que les harmoniques tierces, impaires, sont presque autant présentes que les paires.
Écoute
Richard Hawley — Don’t Get Hung Up In Your Soul (sur Truelove’s Gutter)
Une ballade acoustique, avec beaucoup de réverbe et une différence de dynamique importante entre la voix et la guitare. La voix est bien mise en avant, avec à la fois du coffre (très baryton) et de l’articulation, grâce à la bosse au-dessus de 2 kHz. Les attaques du plectre sur la guitare ressortent un peu, mais pas tout à fait autant que l’on en a l’habitude. La contrebasse, toujours un peu « pâteuse » dans ce morceau, et qui bénéficie généralement d’un casque avec du grave en retrait, n’est pas présentée à son mieux : un peu trop en avant, elle a tendance à occulter certains détails et à prendre trop de place dans le rendu général du mix.
Sun Kil Moon – Butch Lullabye (sur Common As Light And Love…)
Sur l’intro, on doit entendre à la fois les notes graves, les harmoniques médiums ajoutées par la distorsion, l’attaque légèrement piquée des notes, tout en séparant bien la grosse caisse qui sonne assez sèche et médium. Le casque se sort très bien de cet équilibre entre différents instruments graves, et ne faiblit pas quand le clavier-basse descend très bas. La voix, déjà un peu nasale naturellement, est un peu trop « pincée », un peu trop soulignée par cette bosse à 2 kHz et des poussières. Le médium est très bien défini, sans être trop en avant (je pense en particulier à ces roulements de caisse claire ajoutés juste avant la deuxième partie du morceau). Parfois, comme sur le morceau précédent, le grave et le bas médium viennent un peu perturber l’équilibre du mix, mais rien de trop rédhibitoire non plus.
Massive Attack — Teardrop (sur Mezzanine)
Un titre avec beaucoup d’extrême grave, mais qui ne doit jamais masquer les nombreux détails dans le haut médium et l’aigu. Le HD 515 ne rencontre aucune difficulté pour rendre compte des résonances de la grosse caisse vers l’extrême grave, tout en n’occultant pas son attaque. La voix, comme on l’a noté avant, est bien accentuée, quoique parfois avec une touche de « nez pincé », mais là aussi, rien d’extrêmement gênant. Sur ce titre, les S sifflants passent parfois mal selon les casques. Il n’en est rien cette fois-ci, mais on en vient presque à trouver un manque d’aigu, dans un morceau soudain trop chargé de grave.
Charlie Mingus – Solo Dancer (sur The Black Saint And The Sinner Lady)
Voilà un morceau avec beaucoup de soufflants jouant dans des tessitures similaires : c’est très touffu et le but est d’essayer de discerner les timbres. Sur ce morceau, le HD 515 s’en tire moins bien, comme souvent les casques riches en grave : la complexité des divers instruments médiums devient moins lisible, et ce malgré des timbres plutôt bien définis sur cette partie du spectre. Toutefois, l’écoute reste plaisante, et les cymbales qui parfois peuvent « couvrir » une partie du mix sont gardées juste en retrait comme il faut.
Edgar Varèse — Ionisation (New York Philharmonic, dir. Pierre Boulez)
Ici on cherche à juger de l’image stéréo et du suivi de la réverbération naturelle de la salle, qui joue sur l’impression d’espace. L’écoute se fait entre 0 h 30 et 1 h 15 min. Arrivé à la fin de l’écoute, peu de fatigue auditive se fait ressentir, le casque étant plutôt doux sur les aigus. Pour ce dernier programme, on regrettera juste que l’ampleur que peuvent prendre certaines percussions graves, ou même médiums, ne se retrouvent pas autant dans l’aigu. Certes, les attaques de la caisse claire ne sont pas absentes, loin de là même, et le HD 515 se tire bien des grands écarts dynamiques de l’enregistrement, mais on perçoit moins l’espace physique de la salle, avec son acoustique, ses résonances, que nous y avons été accoutumés par d’autres casques plus ciselés dans l’aigu.
Conclusion
On peut résumer simplement notre impression : le HD 515 est un meilleur casque que le HD 660 Pro de Superlux, autre casque testé récemment dans la même gamme de prix, tout simplement parce qu’il est mieux construit, avec des matériaux plus robustes et des finitions plus propres.
Quant au son, on peut en discuter : le Superlux a l’intérêt d’être très « tranchant », avec des aigus très en avant, permettant un suivi précis du son (des attaques, des défauts dans la prise…) ce qui lui confère un intérêt certain comme casque loupe, ou comme casque de prise (en particulièrement en environnement bruyant).
Le HD 515 nous a paru avoir dans l’ensemble une présentation sonore moins clivante, moins fatigante aussi, mais moins particulière : beaucoup de grave, des timbres précis, des voix bien mises en avant grâce à la bosse à 2 kHz (très bien pour le podcast), un peu trop de graves par moment, et pas tout à fait assez d’aigus dans l’ensemble, même s’il ne sont pas en retrait non plus (le son n’est du tout étouffé). Alors pourquoi pas pour de la prise, mais il nous a semblé que fondamentalement, sa réponse en fréquence en fera plus un casque adapté à un travail rapide de prémix au court d’une séance d’enregistrement, un outil quotidien ni trop spécialisé pour telle ou telle tâche, ni d’une qualité particulièrement élevée, mais qui rend service. Ou bien, précisons-le également, un casque adapté pour une écoute récréative, de loisir.
On conclura toutefois sur un mot concernant les produits petit-prix : oui, ça casse le marché, et cela permet certainement une démocratisation de la pratique musicale. Et très bien si l’on peut ainsi permettre à son ado de se lancer dans le home-studisme sans dépenser un mois de loyer. Mais cela ne nous empêche pas de savoir que, s’il existe des entreprises proposant des produits fabriqués sur des lignes de production entièrement similaires à celles de the t.bone, et coûtant dix fois le prix du HD 515, il existe aussi des produits assemblés en Europe (on n’en est plus à demander du « fabriqué » aujourd’hui, tristesse !), plus durables, et qui par leur qualité sonore supérieure n’amèneront pas l’utilisateur à vouloir changer de casque dans deux ans, ou moins encore. Et puisqu’on le sait, cela fera donc partie des points négatifs que l’on ne peut pas ignorer sur ce genre de produit.