Il y a quasiment dix ans, Novation donnait naissance au tout premier Launchpad qui devint rapidement un incontournable parmi les contrôleurs MIDI à pads. Vendu toujours aux alentours de 200 €, le dernier né de la série est-il digne de son ancêtre ?
Tout nu
La boîte qui indique sobrement « The essential Ableton Live performance grid » ne renferme rien d’autre que le Launchpad X lui-même et un câble USB C. Un petit graphique imprimé sur l’envers du couvercle indique les branchements basiques à l’ordinateur, PC ou Mac, et le lien html à suivre une fois ce branchement effectué. Oui, car le petit dernier de la série Launchpad présente la particularité d’être reconnu comme une unité de stockage externe par votre OS qui affichera donc à la connexion de votre appareil le contenu stocké, à savoir un lien html et quelques icônes. Ledit lien vous permettra d’enregistrer votre achat et de télécharger le contenu additionnel. Celui-ci est exactement le même que celui du Launchkey Mini Mk3, je vous invite donc à aller consulter le banc d’essai (à venir) correspondant pour connaître le détail de ce bundle plutôt bien fourni.
Physiquement, le Launchpad X est un parallélépipède de 241 mm de côté pour 175 mm de haut et un poids de 800g. L’appareil marque bien son appartenance à la famille. On retrouve la matrice de 64 pads, sauf qu’ils sont aujourd’hui sensibles à la vélocité et l’aftertouch polyphonique et qu’ils adoptent un look plus fin et un revêtement plus doux que les précédents. On a clairement la sensation d’être monté en gamme, ce qui est très agréable ! La rangée horizontale de huit boutons située au-dessus permet la navigation dans la matrice de clips et l’activation des différents modes de fonctionnement du Launchpad. La rangée verticale de huit boutons à droite des pads permet quant à elle le lancement de scènes et l’accès à d’autres fonctions selon le mode de fonctionnement actuellement sélectionné. Sur le principe, rien de nouveau par rapport aux anciens modèles, on retrouve très facilement ses repères. La tranche supérieure de l’appareil dispose d’une prise USB C et d’une sécurité Kensington. La surface inférieure dispose d’une large bande caoutchoutée qui fait tout le tour de l’appareil et assure une très bonne adhérence à la surface sur laquelle il repose.
Mise en condition
La fonctionnalité de paramétrage du Launchpad est éclatée en plusieurs occurrences, là où celle du Launchpad Pro était groupée sur une seule page. On a d’abord une première page « Bootloader » qu’on obtient par la pression d’une touche en rebranchant la prise USB du Launchpad X. Ce mode permet de connaître le numéro de firmware actif dans le Launchpad, ainsi que de gérer la fonctionnalité d’unité de stockage et enfin la luminosité des pads. Celle-ci pourra être également configurée en maintenant simplement la touche session enfoncée, ce qui donnera accès aux autres paramètres du Launchpad X. Chacun d’entre eux est accessible via l’une des 4 premières touches de lancement de scène sur la droite. Chaque paramètre obtient alors un écran dédié avec une belle notification lumineuse de son nom qui prend bien toute la moitié de la matrice, et les quelques réglages disponibles pour chacun d’eux. L’avantage de ce système est sa grande clarté qui permet de prendre l’appareil en main de manière très spontanée et d’agir très vite en conditions de live. L’aftertouch peut être désactivé ou bien configuré pour être polyphonique ou non. La vélocité est gérée grâce à deux sous-modes différents, respectivement pour le finger drumming et la simulation de fader.
Toutes les positions
L’utilisation du Launchpad X ne diffère pas fondamentalement de celle de ses prédécesseurs et s’articule selon trois modes principaux : « Session », « Note » et « Custom ».
En mode « session », la matrice de pads reprend la configuration de l’écran du même nom d’Ableton Live. Elle permet alors l’enregistrement et le lancement de clips et de scènes, ainsi que la navigation à travers la matrice de clips. Et pour faire honneur à la version 10 de Live, le Launchpad X dispose d’un bouton dédié à la capture d’idées MIDI doublé de la fonction d’enregistrement de clips. Une seconde pression sur le bouton « session » permet d’accéder à tous les paramètres de mixage. On trouve bien entendu l’activation et la désactivation des pistes, leur armement ou leur mise en solo. Mais nous nous intéresserons ici davantage au contrôle du volume, du panoramique et des envois auxiliaires. Dès les premiers Launchpad, ces fonctions ont fait appel à des faders virtuels matérialisés par les pads. À l’origine, chaque pad correspondait à une fraction de l’amplitude totale du « fader », provoquant une progression par paliers très audibles qui n’était guère propice au mixage subtil. Le Launchpad Pro avait déjà amélioré les choses en permettant d’accélérer ou de ralentir la progression d’un fader virtuel en fonction de la vélocité appliquée sur le pad de destination de ladite progression. Sur le Launchpad X, Novation est allé encore plus loin en permettant dorénavant deux choses. Tout d’abord il est maintenant possible d’appliquer une vélocité sur l’ensemble des pads du fader virtuel, autorisant une progression fluide. Mais le contrôle est encore accru grâce à une seconde astuce. En effet la progression du fader peut également se faire par mini-paliers, quatre par pad et à raison d’un frappe par palier. Mais c’est qu’on en viendrait à prendre du plaisir à mixer sur un Launchpad !
Le deuxième mode, le mode Note, répartit les notes sur la matrice de pads à la manière maintenant courante qui avait été instaurée par à l’époque par le Push premier du nom. On peut facilement configurer le mode en question en maintenant enfoncée la touche « note » enfoncée. On peut alors choisir la répartition des pads selon seize gammes différentes en plus du mode chromatique : mineure naturelle, majeure, modes dorien, phrygien, mixolydien, gamme mineure mélodique, mineure harmonique, mode dorien bebop, gamme blues, gamme pentatonique mineure, mineure hongroise, mode dorien ukrainien, gammes Marva, Todi, par tons et Hirajoshi. On peut également choisir bien sûr la note fondamentale, mais chose plus intéressante encore, on peut choisir des configurations différentes selon le nombre de doigts que l’on souhaitera employer pour jouer : simple et hyper efficace !
Le troisième mode est le mode custom qui permet d’accéder à quatre sous-modes librement configurables. En passant, sachant que ceux-ci sont activés par les 4 premiers boutons de lancement de scènes et que les 4 suivants sont inutilisés, on se demande pourquoi Novation a limité le nombre desdits sous-modes à quatre au lieu de huit. Mystère…
Le premier sous-mode présente par défaut une mosaïque de quatre ensembles de 16 pads chacun prévus pour piloter des drum racks. Le deuxième sous-mode propose quatre octaves en mode chromatique. Et les deux sous-modes par défaut suivants proposent des versions non rétro-éclairées des deux premiers. On se fera un plaisir de les modifier grâce au logiciel de paramétrage maison de chez Novation, j’ai nommé Components.
Plus profond
Components est le logiciel qui depuis l’avènement du Circuit en 2015 permet théoriquement de plonger plus en profondeur dans le paramétrage des appareils les plus récents de Novation. On l’utilisera surtout pour créer les configurations personnalisées des modes « custom », les sauvegarder sur le disque dur de notre ordinateur et les recharger. En accord avec la nature même du contrôleur, Novation nous offre ici davantage de possibilités que pour le Launchkey Mini Mk3 que nous avons testé. On peut ainsi librement configurer sa matrice avec des poussoirs et des faders virtuels, des ensembles de 16 pads façon MPC ou bien encore des gammes. Les poussoirs peuvent être affectés à des messages de control change, de program change ou de notes MIDI isolées. On peut définir leur mode d’action, à savoir s’ils seront à effet momentané (« momentary »), à changement d’état (« toggle ») ou à déclenchement simple (« trigger »), ainsi que leur canal MIDI. Rien de particulier à dire concernant les faders. En ce qui concerne les gammes on retrouve toutes celles qui sont proposées dans la configuration du mode « notes » décrit précédemment.
Refroidi ?
Tout comme lors du banc d’essai du Launchkey Mini Mk3, c’est Components qui ouvre la voie des défauts. Le premier est la très faible quantité de custom modes proposés par Novation.
En ce qui concerne le Launchpad X, Novation ne nous offre pour l’instant que les quatre modes de base chargés dans l’appareil : il n’y a pas de template prévu pour d’autres STAN qu’Ableton Live pour l’instant. On pourrait considérer que cela n’a aucune importance, sauf qu’on touche ici à une incohérence de fond. En effet, il semble étrange que Novation n’ait pas proposé de pré-configuration pour un logiciel qui tirerait parti de la capacité polyphonique de l’aftertouch du Launchpad X ! Car ne l’oublions pas, Ableton Live ne prend actuellement pas en charge les messages MIDI polyphoniques. On ne peut qu’être tenté de penser que des futures templates officiels viendront compléter la maigre collection actuelle. Ou bien est-ce qu’Ableton serait en train de nous préparer une évolution en matière de gestion MIDI… ? Je n’irai pas plus loin dans cette voie car il ne s’agit que de pure spéculation. Il serait en tous cas tout à fait souhaitable que Novation n’oublie pas qu’un certain nombre des possesseurs de ses Launchpads ne sont pas des utilisateurs d’Ableton, mais d’autres STAN intérgrant des matrices de clips, telles que Bitwig ou FL Studio. Un autre manque de Components qui se fait sentir davantage ici encore que pour le Launchkey Mini Mk3 est l’absence de possibilité d’affecter les poussoirs à des raccourcis claviers. On se prend en effet à rêver de pouvoir associer les commandes d’ouverture du browser, de création et de duplication de pistes par exemple à des pads de la matrice.
On regrettera que Components ne soit pas utilisable en fenêtre réduite : la partie centrale en effet, celle sur laquelle on fait glisser les éléments que l’on souhaite ajouter, étant rognée par les autres parties de l’interface graphique sans qu’il soit possible d’y remédier.
Mais revenons au Launchpad X lui-même. On regrettera tout d’abord une luminosité trop faible des LED pour être confortablement utilisable en plein jour. Concernant la manipulation des pistes, il est dommage que l’on ne puisse pas tout simplement sélectionner l’une d’elles sans forcément agir dessus. On aurait également aimé pouvoir lancer des scènes tout en restant dans le mode « note » comme sur le Launchpad Pro. Cela permettrait non seulement de continuer à lancer des scènes sans interrompre le jeu, mais aussi d’enregistrer et de lancer des clips sans être obligé de constamment jongler entre le mode « session » et le mode « note », ceci grâce à un paramétrage adéquat de l’enregistrement de clips au lancement de scène dans Live. J’ai déjà signalé mon étonnement quant à la limitation du nombre de custom modes à 4. Je suis encore davantage surpris que Novation n’ait pas rendu son dernier Launchpad compatible avec le module Max for Live « Launchpad StepSeq » que la marque avait pourtant développé elle-même pour ses contrôleurs. Espérons qu’elle propose une alternative prochainement ! Mais pour finir, je vous citerai les deux éléments qui me chagrinent le plus. Tout d’abord, la très belle amélioration de la fonctionnalité des faders virtuels, si elle apporte un véritable progrès dans la gestion du gain, du panoramique et des envois, rend encore plus crûment douloureuse l’absence d’une fonction « device » permettant de contrôler les plug-ins. Et puis vraiment, il n’est plus possible de proposer en 2019 un appareil destiné au contrôle d’Ableton Live sans possibilité de copier/coller/supprimer les éléments à partir du contrôleur. J’avais déjà critiqué cet aspect sur le Launchkey Mini Mk3 à 99 €, je le pardonne encore moins sur le Launchpad X 100 € plus cher. C’est d’autant plus inadmissible que les templates « Ableton Live » pour d’autres plateformes comme Maschine par exemple font infiniment mieux dans le domaine. Alors évidemment on comprend la motivation de Novation : ne pas faire d’ombre au Launchpad Pro qui dispose de toutes les caractéristiques ici manquantes. Et l’ironie de la chose c’est que les critiques que je formule dans le présent article pourraient bien inciter certains d’entre vous à préférer le Launchpad Pro et dépenser donc en moyenne 50 € de plus. Bien joué, le service marketing de Novation !
Conclusion
Avec le Launchpad X, Novation nous propose un contrôleur qui s’inspire de certaines des grandes qualités du Launchpad Pro comme la vélocité et l’aftertouch polyphonique. Le Launchpad X va encore plus loin que le Pro dans la gestion des faders virtuels, rendant ces derniers encore plus précis et sans plus aucune commune mesure avec leur implémentation dans les anciens Launchpads « non-pro ». Mais par ailleurs, on aurait parfaitement pu imaginer la reprise d’autres caractéristiques intéressantes comme la possibilité de déclencher des scènes sans quitter le mode Note et l’intégration native à d’autres STAN qu’Ableton Live, ce qui n’est malheureusement pas le cas. Ce dernier point est d’autant plus dommage qu’une partie de la clientèle Launchpad s'est précisément constituée autour d’utilisateurs des autres STAN à matrice de clips et qui ont fait des contrôleurs à pads de Novation des substituts tout à fait crédibles aux contrôleurs dédiés dont leurs STAN respectives n’ont pour l’instant pas encore réellement bénéficié, exception faite de l’Akai Fire pour FL Studio depuis l’année dernière. Espérons que Novation corrigera le tir. On espère également que la marque anglaise proposera une alternative à l’abandon de la compatibilité avec le module Max for Live maison de step séquenceur. Enfin, j’avoue que même si je comprends la raison commerciale de Novation de ne pas défavoriser le Launchpad Pro, j’ai de plus en plus de mal avec le fait qu’en 2019 un contrôleur dédié à Ableton Live vendu aux alentours de 200 € ne permette pas la copie et suppression de clips, de scènes ou de pistes en direct du contrôleur. Je conclurai donc en disant que le Launchpad X est un contrôleur tout à fait recommandable, mais dont on est en droit d’attendre plus.