Présentés au NAMM 2014, les taktile, membres de la nouvelle série de contrôleurs MIDI signée Korg, n’avaient pas encore transité par nos bureaux. Le modèle taktile 49 est là, et on le décortique.
Ancienne est l’histoire du constructeur japonais en matière de contrôleurs MIDI, dont certains sont emblématiques du genre, de par leur richesse fonctionnelle ou de par leur concept. Si l’on remonte jusqu’à 1984, on trouvera ainsi le Korg RK-100 (pour Remote Keyboard), un des nombreux Keytar, un modèle portable pour tous les joueurs de clavier souhaitant rivaliser en termes de présence scénique avec le guitar hero du groupe. Historiquement, ce n’est pas le premier du genre (pensons aux Powell Probe créé par Roger Powell du groupe Utopia, datant de 1977, ou aux Royalex Probe de Jan Hammer et Davis Clavitar de George Duke, datant tous deux de 1980), mais il a marqué son temps, même s’il ne disposait pas de réponse à la vélocité ni a fortiori d’aftertouch (à la différence de son concurrent sorti la même année, le Yamaha KX5). 30 ans après, Korg a d’ailleurs décidé d’en sortir une nouvelle version, le RK-100S, qui devrait arriver incessamment.
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Même s’ils sont bien plus que de simples contrôleurs, les Kaoss Pad (et leurs nombreuses déclinaisons) ont aussi marqué leur temps (depuis leur sortie en 1999) par leur inclusion du contrôleur tactile avec deux axes x-y (offrant trois flux MIDI, x, y et x+y). Et, depuis le début des années 2000, le constructeur a offert une longue liste de divers contrôleurs, notamment dans des formats miniaturisés, comme les MicroKontrol, PadKontrol, la série des nano (nanoKey, nanoPad et nanoKontrol), puis sa déclinaison en nanoSeries 2, ou encore celle des microKey.
Après toute cette « petitesse », Korg revient dans le secteur des claviers de commande à touches de taille « normale » truffés de contrôles, avec les taktile, disponibles en version 49 et 25 touches, ainsi qu’une ligne embarquant des sonorités du Triton, baptisée (logiquement) Triton taktile (elle aussi en 25 et 49). La version ici testée est le taktile 49, vendu environ 320 euros en magasin.
Introducing Korg taktile 49
L’élégant carton blanc renferme le clavier, deux manuels multilingues (présentation déroutante façon carte routière à déplier…), un code pour télécharger des logiciels (voir l’encadré) et un câble USB. Ce dernier est bien trop court : en effet, les connexions du taktile 49 se trouvent sur son côté droit, et l’on peut tout juste connecter le clavier en ayant par exemple son laptop placé derrière (les connexions sur le MacBook Pro étant du côté gauche…). Des économies de bout de chandelle, le câble forçant sur ses prises et donc sur celles du clavier et du Mac, d’autant que Korg insiste dans son guide des paramètres pour qu’on l’utilise plutôt qu’un autre…
Puisqu’on en est aux connexions, saluons quand même la présence d’un duo MIDI DIN In/Out (le clavier devient autonome avec un adaptateur secteur, hélas non fourni, comme c’est devenu la règle chez tous les fabricants), d’une entrée pédale interrupteur (pas de demi-pédale possible, on est dans l’interrupteur basique) et d’une autre contrôle continu (typiquement pour une pédale de volume ou d’expression).
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L’ensemble est conçu dans un matériau plastique semblant résistant même si l’on peut appliquer une légère torsion au clavier en le saisissant sur ses côtés. Au menu, 16 pads sensibles à la vélocité, 49 touches semi-lestées (dont l’implémentation est légèrement inclinée, sensibles à la vélocité, mais pas d’aftertouch ? En 2014 ?), deux molettes (dont une assignable), sept interrupteurs dédiés aux contrôles des STAN, huit interrupteurs, huit faders et huit rotatifs, un Touch Pad (touch, x et y) et un slider tactile d’in/dé-crémentation, un arpégiateur (six types, 50 patterns) et un écran OEL qui, malgré sa petite taille (128×64 points) est parfaitement lisible et donne les indications nécessaires et suffisantes. Le clavier, étant USB Compliant, est alimenté dès branchement, et reconnu automatiquement dans les logiciels installés (il faut parfois cocher la case correspondante dans les préférences desdits logiciels). Précision : l’envoi de l’aftertouch peut être effectué via la ModWheel, même si ce n’est pas l’utilisation à laquelle on l’assigne d’habitude (leurs deux noms sont clairs, non ?).
Il pourra donc sembler étrange de devoir installer un driver MIDI sur le site de l’éditeur, ainsi que le plug-in CS Control Surface, mais ils seront indispensables pour la bonne gestion des STAN, Logic ou GarageBand (version 10 pour les deux) en ce qui nous concerne. L’essai a été effectué sans, le clavier est reconnu (il envoie les informations MIDI de base), mais on ne dispose absolument pas des raffinements prévus par le constructeur). On y téléchargera aussi le Korg Control Editor. On prendra aussi soin de bien lire les Read Me lors de l’installation des divers logiciels, car de nombreuses restrictions sont formulées (entre autres l’impossibilité d’utiliser deux taktile simultanément).
Au travail !
Tout d’abord, le tour du propriétaire : le clavier répond plutôt agréablement, avec une résistance légère, mais comme tous les claviers dans cette gamme de prix, les touches pivotent légèrement autour d’un axe horizontal. Rien de rédhibitoire cependant, et plutôt avec un jeu moindre que chez d’autres concurrents (voir aussi encadré Un comparo de poids…). Les boutons poussoirs et pads sont assez rassurants, les faders et rotatifs un peu moins, ces derniers bougeant beaucoup sur leur axe. Côté molettes, pas grand-chose à dire, à l’exception de la molette de pitch qui montrait vers le bas un cran (une résistance) en plus de celui central. Cran qui a disparu après que l’on a fait bouger la molette dans son logement de façon horizontale, mais qui revient de temps en temps.
Les deux pavés tactiles montrent une solidité augurant une longévité certaine. Attention cependant, le plastique du taktile marque dès la plus légère trace de gras, et le matériau des pavés tactiles n’y échappe pas.
Le principe de la gestion MIDI repose sur des Scenes, correspondant à un ensemble de réglages sauvegardés dans une configuration que l’on stockera dans les emplacements prévus (14, dont sept déjà assignées, Basic MIDI, Cubase, Digital Performer, Live, GarageBand/Logic, Pro Tools et Sonar). La procédure d’installation et de configuration du clavier pour chaque logiciel est assez simple et expliquée dans le manuel, sachant que l’on est particulièrement gâté avec les STAN d’Apple, puisqu’une fois le CS plug-in installé, à l’ouverture de Logic par exemple, le taktile 49 est immédiatement reconnu et assigné, et bascule automatiquement en Native Mode, Logic.
Et là, total plaisir ! Toutes les commandes de transport, de sélection de pistes, de banques de pistes (par huit) sont effectives, les faders itou, et l’on passe en un geste des commandes Mute aux Solo et à l’armement des pistes pour l’enregistrement. Pour un peu, on se croirait presque sur une mini Euphonix… C’est une boutade évidemment, les deux produits ne sont pas comparables.
Mais l’efficacité est au rendez-vous, le regroupement commandes-clavier étant très efficace, empêchant de perdre concentration ou inspiration. Et si l’on ne dispose pas de retour visuel comme sur un Nocturn ou une Euphonix déjà mentionnée (pas plus que de faders automatisés comme sur cette dernière), le petit écran OEL affiche les valeurs réelles des commandes modifiées, et non pas les valeurs MIDI : ainsi au lieu du 0–127, on lit, par exemple, –64/+63 pour le pan, ou toutes les valeurs en dB pour le volume. Si l’on bouge rapidement fader ou rotatif, la valeur affichée saute directement de celle de départ à celle d’arrivée, si on le bouge lentement, l’écran affiche toutes les valeurs disponibles. Le Touch Pad peut même remplacer la souris (avec le clic droit sur le petit curseur).
Bien sûr, tout n’est pas aussi rose : impossible de placer un marqueur, malgré une touche dédiée. On ne pourra pas non plus basculer les contrôles pour passer en mode édition de plug-ins (précision, on est toujours dans Logic). Et le Touch Pad envoie les derniers contrôles auxquels il était assigné, et il n’y a pas moyen de les modifier une fois dans la STAN. Bien entendu, on peut utiliser les différents modes d’assignation à l’intérieur du logiciel hôte pour se caler sur ceux envoyés…
Un comparo de poids… Retour de nos mesures maison de l’envoi de la vélocité (qui est, rappelons-le, une mesure de la vitesse, et non de la force, avec laquelle on attaque une note) : courbe de réponse à la vélocité linéaire (quand c’est possible), neuf lâchers d’un poids de 100 grammes sur la même touche blanche (le bord du poids est à la verticale de celui de la touche, le poids est posé sur la touche sans le laisser peser, suivi d’un lâcher brusque), puis moyenne des neuf, avec indication des valeurs les plus faible et plus forte. Voici le résultat pour le taktile 49 :
Un bon résultat, montrant une réponse cohérente. Voici le rappel des mesures précédentes :
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Du pad et des notes
Mais le taktile ne fonctionne pas qu’en mode Native (c’est-à-dire dédié à une STAN), on peut aussi l’utiliser comme un « simple » contrôleur. Et là aussi, le fabricant a su intégrer des fonctions intéressantes : le Touch Pad, en mode Touch Scale envoie des notes MIDI, selon une tonalité et une gamme, mode ou intervalle (à choisir parmi 35 propositions). Les pads peuvent agir en mode Chord/Scale pour envoyer des accords en fonction de la gamme sélectionnée, selon huit variations différentes (construction de l’accord).
Un arpégiateur est aussi fourni, offrant six modes (Up, Down, Alt1, Alt2, Random et Trigger) et 50 patterns différents, un temps de Gate, une étendue (d’une à quatre octaves), Key Sync (une synchro au redéclenchement via le clavier ou l’un des deux pads de contrôle), un Swing réglable et un mode Latch.
Naturellement, tous les contrôleurs peuvent être assignés, avec choix du canal, du type de commande (CC, note, Program Change, Pitch Bend, etc.), de la plage d’action (réglages de valeurs minimale et maximale), du type de comportement (pour les boutons, en basculement ou momentané), on dispose de huit réglages de vélocité plus un envoi de valeur constante pour le clavier, de même type de réglages même si moins fournis pour le Trigger Pad, etc. Le tout pouvant être sauvegardé dans un des emplacements mémoire et rappelé instantanément. Bravo.
Bilan
Très rapide : excellent clavier/contrôleur, qui pourrait atteindre le sans-faute dans sa catégorie, ne serait-ce l’absence incompréhensible (hors optimisation des coûts, bien entendu…) de l’aftertouch. Un manque pour moi rédhibitoire, mais qui pourra ne pas être d’une telle importance pour d’autres utilisateurs.
Ceux-ci y trouveront alors un ensemble très bien conçu, avec deux pavés tactiles, l’offre logicielle jointe étant de plus un apport considérable. Une option très sérieuse en tout cas, sous réserve que le fonctionnement en mode Native dans d’autres STAN soit aussi efficace que dans Logic (il n’y a a priori pas de raison d’en douter) et une inclusion dans la réflexion nécessaire avant toute prise de décision d’achat d’un clavier-maître dans cette catégorie. Il y a de fortes chances pour que la balance penche en sa faveur…