Grand spécialiste du clavier de contrôle, M-Audio nous revient avec une série Code que nous entendons bien décoder.
M-Audio, entreprise créée en 1988 sous le nom de Midi Soft avant de devenir Midiman en 2000, puis enfin officiellement M-Audio en 2002, d’être rachetée en 2004 par Avid puis en 2012 par InMusic, propriétaire entre autre d’Akai et Alesis, n’en est pas à son coup d’essai concernant les claviers maîtres, loin de là. On lui doit notamment les séries Oxygen, Axiom et Keystation. Et si la marque ne s’est jamais distinguée par des produits d’exception, elle s’est en revanche taillée la réputation de proposer des appareils plutôt fiables, parfois astucieux, et à des tarifs compétitifs. On citera notamment en exemple le très bon Trigger Finger Pro, testé par nos soins.
C’est donc avec un réel intérêt que l’on accueille la série Code, présentée l’année dernière, et qui comporte trois claviers-maîtres de 25, 49 et 61 touches, dont les tarifs avoisinent respectivement les 200, 230 € (219€ dans la plupart des enseignes) et 280 € . Reste à savoir si cette série fait honneur à la marque, ou doit être vouée aux gémonies. C’est ce que nous allons voir tout de suite.
Présentation extérieure
La nouvelle série de claviers proposée par M-Audio se divise ainsi trois modèles distincts, les Code 25, Code 49 et Code 61. Si les deux derniers ne se distinguent que par leur taille et le nombre de touches de leur clavier, le Code 25 dispose d’un nombre plus réduit de contrôles, à savoir 5 faders, 5 boutons-poussoirs et 4 encodeurs rotatifs et au lieu des 9 faders, 9 boutons-poussoirs et 8 encodeurs proposés par les autres modèles.
La version 49 touches que nous avons eue en test mesure 86 × 25,5 × 7,1 cm, potards compris, pour un poids de 4,5 kg qui lui assure une bonne stabilité. Son clavier, tout comme celui de ses collègues, est un semi-lesté de bonne facture, sensible à la vélocité et à l’aftertouch par canal (mais non polyphonique). Les 16 pads rétro-éclairés grâce à des LED RGB sont eux aussi très agréables, répondent bien à la vélocité mais sont quant à eux totalement dépourvus de sensibilité à l’aftertouch. Enfin, comme nous l’avons évoqué à l’instant, on dispose de 9 faders, 9 boutons-poussoirs et 8 encodeurs rotatifs, le tout multiplié par 4 banques, ainsi que d’un pad tactile X/Y, ce dernier étant lui-même flanqué de deux boutons configurables. À ce niveau de tarif, on ne sera pas surpris d’apprendre que les faders et encodeurs ne sont pas sensibles au toucher.
Les valeurs des paramètres s’affichent sur un petit écran à LED de 6 caractères dont l’intensité n’est pas réglable, mais qui offre un confort de lecture tout à fait correct quelle que soit la luminosité ambiante. Sous l’écran, on découvre les boutons d’édition de paramètres, de gestion des zones de split, de transport, et enfin ceux permettant la transposition indépendante des notes envoyées par les pads et de celles envoyées par le clavier. A côté de l’écran, nous retrouvons les deux molettes traditionnelles de pitch et de modulation.
La tranche arrière de l’appareil présente une fente de sécurité Kensington, deux prises MIDI, respectivement IN et OUT au format DIN classique, une prise pour pédale de sustain, une autre pour pédale de modulation, la prise USB, le bouton marche/arrêt et la prise pour une alimentation 9V. Celle-ci n’est pas livrée avec l’appareil. Si elle s’avère inutile dans le cadre d’une connexion de l’appareil à un ordinateur, la prise USB assurant parfaitement l’alimentation électrique du Code 49, elle deviendra bien entendu indispensable si le clavier est prévu pour être utilisé en pilotage de modules hardware en-dehors de tout lien avec un ordinateur.
D’ailleurs, les seuls accessoires livrés avec le clavier sont un câble USB, un petit guide de démarrage rapide auquel on préférera rapidement la version PDF un peu plus complète mais exclusivement en anglais, ainsi que les cartes donnant les instructions pour télécharger une version d’Ableton Live Lite et les versions, complètes quand à elles, des excellents synthés virtuels Hybrid 3 et Loom d’AIR Music.
Après ce petit tour d’horizon, penchons-nous sur les fonctionnalités de notre clavier, et commençons, de manière absolument subjective, par la gestion des zones de split.
Les zones
Les claviers Code peuvent être splittés, et s’ils n’offrent pas de gestion de layers en fonction de la vélocité par exemple, il faut reconnaître que le système proposé est particulièrement bien pensé et représente l’un des points forts de cette nouvelle série. On peut en effet définir 4 zones de split indépendantes, auxquelles on peut affecter bien entendu un canal MIDI individuel. Mais la grande force du système réside dans le fait que chaque zone peut être activée ou désactivée individuellement.
Lorsqu’une zone est désactivée, les touches du clavier correspondant transmettent à nouveau les informations MIDI sur le canal par défaut du clavier. Il se crée donc de facto, sur ce canal par défaut, une cinquième zone « fantôme » qui n’est disponible que lorsqu’au moins l’une des autres zones est inactive. Il peut être alors intéressant de programmer sur ce canal un son dont l’emploi peut nécessiter l’utilisation de tout le clavier (son de piano par exemple).
Avant activation, les zones peuvent être pré-armées, ce qui permet de choisir quelles seront les zones qui seront activées par la pression sur la touche Zone. On peut ainsi se créer des configurations de zones assez riches et modulables. Bien sûr, touches de clavier et notes jouées ne sont pas dépendantes les unes des autres, et chaque zone peut bénéficier d’une transposition indépendante. Une fonction alternative des zones de split peut alors être non plus de diviser le clavier, mais de se créer des transpositions instantanément activables.
Si, comme nous l’avons vu, on peut choisir quelles zones on souhaite activer simultanément, on peut également choisir d’éditer simultanément plusieurs d’entre elles. Cela peut être intéressant lorsque l’on souhaite définir des zones dont certains paramètres seront communs, par exemple si l’on souhaite affecter un même canal MIDI à deux zones différentes sans avoir à répéter l’opération.
Enfin, pour terminer sur ce point, notons que chaque zone peut en outre envoyer deux messages, l’un de bank et l’autre de program change, afin de s’assurer que l’activation de chaque zone entraîne bien l’utilisation du bon preset sur le module contrôlé.
Contrôleurs et modes
Les claviers M-Audio Code disposent comme nous l’avons vu de plusieurs groupes de contrôleurs. Si leur nombre change en fonction du modèle, les types de contrôleurs restent les mêmes : nous avons des faders, des boutons rotatifs, des boutons-poussoirs et un pad X/Y.
Les faders et encodeurs ne sont au premier abord pas forcément très engageants, leur aspect étant plutôt bon marché. Je ne parierais pas nécessairement sur leur longévité, mais seul le temps permettra d’en juger. De plus, l’espacement entre les potards est un peu limite pour qui ne possède pas des doigts de nymphe. Toutefois, faders et encodeurs s’avèrent très précis (à l’unité près) dès qu’on les manipule avec délicatesse, et on aura la joie de découvrir que les potards sont à rotation exponentielle et permettent donc d’atteindre les valeurs extrêmes d’un seul tour de bouton.
Chacun des groupes de contrôleurs des claviers Code peut envoyer des types de messages différents, on parle alors de « modes ». En mode MIDI, les faders et les rotatifs peuvent envoyer des messages MIDI CC pour le contrôle de paramètres librement assignables, alors qu’en mode Mackie/HUI, ils enverront des messages de contrôle des fonctions de transport et de mixage d’une STAN, par exemple. Les boutons-poussoirs peuvent en plus de cela envoyer des messages HID (Human Interface Device), c’est-à-dire des commandes visant à piloter l’environnement informatique (réduire une fenêtre, sauvegarder un projet, quitter un programme, etc.). Le mode HID est totalement paramétrable, comme nous le verrons, ce qui en fait un outil particulièrement intéressant.
Il existe également un mode HID pour le pad X/Y, mais dans ce cas précis, il le transforme en touchpad pour piloter le curseur de la souris, les boutons X et Y remplissant alors la fonction des boutons gauche et droit d’un périphérique de pointage. En plus de ce mode HID, le pad X/Y peut également envoyer des messages de notes (un mode particulièrement adapté aux effets de pitch) et de MIDI CC. Notons que l’axe X et l’axe Y peuvent être paramétrés indépendamment l’un de l’autre pour envoyer des types de messages différents. Si les possibilités de ce pad X/Y sont très alléchantes sur le papier, précisons toutefois qu’il s’agit d’un pad « mono-touch » et qu’il ne s’avère pas d’une précision exceptionnelle. Son utilité réelle se limitera donc à de grosses modulations à la louche.
Les types de messages que chaque groupe de contrôleurs va envoyer sont sélectionnables via les boutons respectifs « Fader mode », « Button mode », « Encoder mode », et « X- » et « Y Mode ». Lesdits boutons s’illuminent alors selon un code couleur fixe (rouge pour les messages MIDI, vert pour les Mackie/HUI, etc.) ce qui permet de visualiser instantanément quel type de messages est envoyé par quel groupe de contrôleurs. Extrêmement pratique !
Signalons qu’en mode Mackie/HUI, les boutons-poussoirs peuvent être commutés entre les quatre fonctions principales que sont la sélection, l’armement, la mise en solo ou l’activation/désactivation des pistes. L’ensemble des boutons prend alors une couleur définie par fonction (rouge pour l’armement, bleu pour le solo, etc.), sans toutefois varier de teinte selon que ladite fonction est activée ou non. Cela implique donc malheureusement de devoir se référer à l’écran d’ordinateur, ce qui est dommage pour une fonctionnalité aussi basique.
Enfin, il est à noter que les pads peuvent envoyer aussi bien des messages de notes que de MIDI CC, mais qu’ils ne disposent pas, au contraire des autres contrôleurs, de bouton permettant de permuter aisément d’un mode à l’autre, ce qui est un peu dommage.
Banques… et modes
Les différents contrôleurs sont regroupés dans quatre banques dont la gestion se fait de manière un peu particulière. Nous avons vu plus haut que les contrôleurs peuvent adopter des modes différents et envoyer donc divers types de messages. Or, les banques sont modifiables en fonction du mode choisi pour chaque sorte de contrôleur. Admettons par exemple que les faders soient en mode Mackie/HUI et les rotatifs en mode MIDI CC. Si l’on passe de la banque 1 à la banque 2, cela ne concernera que ces modes spécifiques-là. Les faders en mode MIDI CC resteront ainsi affectés à la banque 1, ainsi que les rotatifs en mode Mackie/HUI. On peut toutefois également paramétrer les changements de banque pour qu’ils affectent simultanément l’ensemble des modes.
Comme on le voit, si le choix du type de messages que chaque groupe de contrôleurs peut envoyer est finalement assez restreint, il couvre toutefois l’ensemble des besoins les plus habituels, et la gestion des banques s’avère très astucieuse, à l’image de celle des zones de splits décrite plus haut.
Presets et paramètres
Et puisque nous parlons de paramétrages, il est temps de plonger un peu plus avant dans les possibilités que nous offrent les claviers Code en la matière, et notamment en ce qui concerne la gestion des presets. Ceux-ci sont au nombre de 12, ni plus ni moins, mais ils peuvent être sauvegardés sur un ordinateur. Toutefois, il est ici important de signaler qu’il n’existe pas, en tous cas pour l’instant, de logiciel dédié à cette fonction, comme on peut en trouver pour la plupart des appareils de la concurrence. Il en va de même pour la configuration du clavier, qui ne pourra s’effectuer exclusivement que sur l’appareil lui-même. C’est à mon sens un choix à double tranchant. S’il peut en effet être agréable de ne pas être obligé de passer par un logiciel tiers qui, bien souvent, oblige à quitter l’application que l’on est en train d’utiliser pour accéder aux ports MIDI de l’appareil, il peut être parfois moins intuitif pour certaines personnes d’effectuer les réglages voulus via des contrôleurs physiques que via l’écran d’ordi et la souris.
Pour en revenir à la sauvegarde des presets, précisons qu’en l’absence d’un logiciel de gestion dédié, il faudra passer par l’envoi d’un fichier SysEx regroupant l’ensemble des paramètres du clavier vers un soft autorisant la gestion de ces messages. Sur PC, Midi-OX fait parfaitement l’affaire, et sur Mac l’on trouve notamment SysEx Librarian – tous deux étant bien entendu totalement gratuits.
Les presets d’usine sont prévus pour donner instantanément accès aux STAN Ableton Live, Cubase, Pro Tools, Logic et Bitwig Studio, ainsi qu’aux deux plug-ins livrés en bundle avec les claviers, j’ai nommé les excellents Hybrid 3 et Loom de AIR Music. Et c’est tout. Ne vous attendez pas non plus par exemple à une reconnaissance automatique des paramètres façon Automap de Novation. Toute prise en charge MIDI de modules ou logiciels autres que ceux prévus dans les 12 presets de base devra se faire via la gestion MIDI interne des modules ou logiciels concernés et des affectations manuelles au contrôleurs du clavier.
Et puisque nous évoquons le pilotage des STAN, on notera l’indigence du mode d’emploi qui ne fournit pas toutes les informations nécessaires à la juste configuration de celles-ci en vue d’une utilisation correcte avec les claviers Code. Pour obtenir lesdites infos, on visitera cette page. À noter également que de manière étrange, Bitwig Studio n’est pas mentionné dans la base de support de M-Audio, alors que deux presets lui sont dédiés dans les mémoires du clavier. Voici donc la petite astuce de configuration concoctée par tonton Newjazz, et qui vous permettra d’utiliser Bitwig Studio avec un clavier de la nouvelle série de chez M-Audio : Dans les options de contrôleurs MIDI de la STAN, il faut ajouter un « generic keyboard », et lui affecter l’entrée MIDI : « Code [25, 49 ou 61 selon les modèles ] ». Pour le pilotage des fonctions de mix et de transport, il faudra charger le script Mackie MCU Pro et lui affecter l’entrée MIDI « MIDIIN3 (Code [25, 49 ou 61 selon les modèles ]) ». Et tout devrait fonctionner parfaitement.
Voilà pour les presets, concentrons-nous maintenant sur les différents réglages que nous pouvons effectuer. Comme je le mentionnais plus haut, tous ceux-ci s’effectuent directement sur le clavier, et quand je dis « le clavier », je veux vraiment dire « le clavier » ! En effet, les différentes options du mode Edit sont accessibles via les touches de piano. Il est à noter que les modes Note et Mackie/HUI, où chaque contrôleur a un rôle bien défini, ne sont pas paramétrables, à l’inverse des modes MIDI et HID. Dans ce dernier mode, on peut affecter aux boutons-poussoirs de l’appareil n’importe quel caractère alphanumérique, sans compter les caractères spéciaux, les touches de fonctions, et des combinaisons allant jusqu’à trois touches.
Globalement, le paramétrage des presets et des contrôleurs s’avère très riche, et permet notamment de définir un canal MIDI général ainsi que le canal MIDI individuel de chaque contrôleur, le type de message ainsi que son numéro, d’envoyer des messages de bank et program change, d’envoyer l’état actuel de tous les contrôleurs simultanément à la STAN ou aux différents modules contrôlés, d’envoyer un message SysEx pour sauvegarder les presets dans un ordinateur, de choisir une courbe de vélocité ou encore de définir la couleur des pads…
Le système, s’il peut sembler contraignant dans un premier temps, s’avère au final assez bien pensé. Mais on apprécierait le fait de pouvoir modifier certaines données grâce aux flèches haut et bas situées sous l’écran, comme on ne cracheraiit pas non plus sur un petit soft de configuration offrant le confort d’une interface graphique.
Conclusion
Les claviers Code, sous leur apparence un peu plastico-cheap, en offrent au final plus que ce que l’on pourrait supposer, à condition de mettre un peu les mains dans le cambouis. Le clavier en lui-même, déjà, est un bon semi-lesté. On aurait juste souhaité qu’en plus de l’aftertouch par canal, il offre aussi la version polyphonique. Vous me direz : « les pads en sont totalement dépourvus ». Certes. Mais ils sont tout de même très agréables eux aussi et réagissent particulièrement bien à la vélocité. On appréciera également la gestion très astucieuse des quatre zones de split, avec notamment la possibilité de les activer/désactiver individuellement et de créer de facto une cinquième zone. Tout comme on saluera la gestion tout aussi maligne des modes et des banques de contrôleurs, ou encore la possibilité d’affecter des commandes HID aux contrôleurs. Enfin, on ne boudera certainement pas la présence dans le lot des versions complètes d’Hybrid 3 et de Loom.
On regrettera par contre le manque de précision du pad X/Y, le manque d’espace entre les boutons rotatifs pour des (pas si) gros doigts comme les miens, ainsi que l’absence totale de logiciel de paramétrage, obligeant d’effectuer les réglages de configuration uniquement sur le clavier ainsi que de passer par un gestionnaire de SysEx pour sauvegarder ses presets sur un ordinateur.
Mais dans l’ensemble, la série Code s’avère un choix tout à fait rationnel pour qui recherche un clavier USB/MIDI DIN correct avec de multiples contrôleurs, dans le cadre d’un budget serré. Mission remplie pour M-Audio donc.