Après Alesis et son VX49, c'est au tour de M-Audio de nous dévoiler sa déclinaison du concept initié avec l'Akai Advance, profitant de l'occasion pour glisser ça et là quelques sympathiques améliorations.
Avant d’en venir toutefois à ce CTRL49, un bref résumé s’impose à l’intention de ceux qui prendraient le train en marche et se poseraient des questions sur le drôle d’air de famille qui existe entre ce clavier, le VX49 d’Alesis et l’Akai Advance 49. Autrefois propriété d’Avid, M-Audio est tombé il y a quatre ans de cela dans le giron d’InMusic, un groupe qui possède également les marques Akai, Alesis, Numark, Denon, ION, Alto, Mixmeister, Sonivox, Air Music Technology, Marantz Pro et Marq Lightning. De fait, pour réaliser des économies d’échelle comme pour simplifier la vente des produits (certaines de ces marques n’existent pas dans certains pays), InMusic organise du transfert de technologies entre ses différentes marques, ce qui aboutit parfois à des produits très proches, à l’instar du CTRL49, du VX 49 et de l’Advance 49 qui ont été conçus pour être vendus dans différents pays du monde. Or, il se trouve que les marques Akai, Alesis et M-Audio sont distribuées en France, de sorte qu’on aboutit à une situation un peu unique : les trois claviers sont en concurrence sur les étals de nos magasins alors qu’ils sont très semblables à quelques détails près. Mais le diable est dans les détails, n’est-ce pas ? Il s’agira donc de scruter les changements à la loupe, non sans avoir préalablement rappelé le concept du clavier qui est exactement le même que celui de l’Advance.
Équipé d’un écran en couleur de 4,3 pouces, le CTRL49 a été conçu pour être utilisé avec un logiciel nommé VIP qui permet de gérer intelligemment tous les instruments virtuels dont vous disposez. VIP est en effet une application hôte qui sert à la fois de navigateur évolué de presets (vous allez pouvoir chercher dans les presets de tous vos instruments au moyen de tags) mais aussi de gestionnaire de mapping assignant automatiquement les contrôles du clavier aux paramètres de chaque preset. Cerise sur le gâteau, VIP permet même de se bricoler des multis prêts à l’emploi, combinant effets et instruments. Et le meilleur de tout cela, c’est que grâce à l’écran couleur, toutes ces opérations peuvent se faire depuis le clavier même, sans avoir trop à se soucier de ce qui se passe sur son ordinateur. C’est donc à la fois un système qui permet de simplifier la recherche dans nos bibliothèques de sons toujours plus vastes, comme un moyen de se rapprocher de l’ergonomie des claviers matériels. Du moins, c’est la promesse qui nous est faite et sur laquelle nous reviendrons en fin de test car, pour l’heure, il convient de se pencher sur le CTRL49 tout juste déballé.
Un air de famille
Faisant sensiblement la même taille (81,4 cm x 31,4 cm x 10,4 cm) que les anciens Axiom Pro de la marque, le CTRL est un beau bébé puisqu’il pèse 6 kg sur la balance, soit 1,5 kg de plus que l’Advance et le VX. Il faut dire que M-Audio ne s’est pas contenté, comme Alesis, de changer l’ordre des pads et potards qu’on trouvait sur l’Advance mais a rajouté à tout ce qu’on trouvait déjà sur ses prédécesseurs 9 gros faders et pas moins de 21 boutons. Inutile de dire qu’avec tout cela, le CTRL est assurément l’un des claviers de contrôle les plus richement dotés du marché même si, fatalement, au-delà du poids, cela a plusieurs conséquences.
Alors que l’Advance et le VX pouvaient se contenter d’une alimentation par USB, le CTRL nécessite quant à lui d’être relié au secteur par un transfo fourni tandis que son bandeau de commandes assez chargé implique une révision à la baisse de la taille de certains contrôles : les pads rétro-éclairés sont ainsi plus petits, ce qui permet de les remiser dans le coin supérieur droit du clavier avec les 8 encodeurs et leurs boutons dédiés, eux aussi plus petits. Rassurez-vous toutefois : à l’usage, cette plus grande densité en termes de contrôles n’est pas handicapante et on reste bien plus à l’aise pour manipuler les différents boutons que sur un Novation Remote SL par exemple, d’autant que le système de sérigraphie des boutons comme leur rétro-éclairage a été amélioré. Là où Akai et Alesis se contentaient de labels blancs sous chaque bouton respectivement rétro-éclairé en jaune ou en bleu, M-Audio a choisi d’intégrer le label de la plupart des boutons sur le bouton même et joué la carte de la couleur. Rouge, bleu, vert, jaune : tout y est et si le clavier a forcément un côté plus sapin de Noël que ses aînés, il offre ainsi de quoi se repérer plus facilement.
Plus cohérent également, le bloc de commandes servant à naviguer dans VIP par le truchement de l’écran propose désormais les 4 touches directionnelles autour de la molette cliquable. Enfin, puisqu’on en parle, on sera ravi de voir que les molettes de pitch bend et de modulation sont revenues à la gauche du clavier et non au-dessus comme sur le VX et l’Advance, ce que je trouvais pour ma part assez peu pratique. Reste à parler du clavier proprement dit qui, sans être au niveau de qualité de l’Advance en termes de toucher (il est un peu plus mou et d’une finition plus matte), n’en demeure pas moins tout à fait correct.
Au-delà de cela, je vous laisse vous reporter aux tests de l’Advance 49 et du VX 49 pour faire le tour de toutes les fonctions, parmi lesquelles on retiendra surtout un arpégiateur, un Note Repeat hardware tel que n’en propose pas la concurrence.
Évoquons maintenant la partie logicielle, sachant que je ne reprendrai pas point par point tout le descriptif de VIP largement évoqué dans les tests de l’Advance ou du VX pour me contenter d’un état des lieux sur le soft qui vient de passer en version 2.1.
Ghost in the keys
Outre le support de ce nouveau CTRL49, cette mise à jour apporte pour l’essentiel deux choses : la possibilité de sélectionner plusieurs plug-ins pour les activer/désactiver simultanément et une harmonisation des couleurs entre le mode Navigateur et l’interface du clavier. Pour le reste, le logiciel présente les mêmes qualités relevées lors du test du VX49… et les mêmes défauts, ce qui, plus d’un an après la sortie de l’Advance et les lacunes que nous relevions, s’avère un tantinet décourageant concernant certaines d’entre elles.
Au rang des points positifs, outre un système de multis gérant les effets mis en place en v2 et qui ravira ceux qui pensent utiliser leur clavier en live, on rappellera que VIP est autrement plus ouvert que son grand concurrent le Komplete Kontrol S de Native Instruments, parce qu’il gère notamment quelques incontournables du virtuel comme les logiciels de Spectrasonics, d’EastWest ou les instruments du Vienna Symphonic Orchestra, mais aussi les productions de plus petits éditeurs comme Sugarb Bytes, LinPlug ou encore Image Line (parmi quantité d’autres).
Hélas, même si la qualité du logiciel n’est pas à remettre en question, la base de tags et de mappings proposée par InMusic fait la grossière erreur de miser sur la quantité plutôt que sur la qualité, sans doute parce qu’elle est le fruit de moulinettes sans qu’aucun humain ne supervise la qualité du résultat. Du coup, il est toujours impossible de trouver d’autres pianos acoustiques que l’Alicia Keys dans la Komplete Ultimate de Native Instruments via les tags « Piano » et « Acoustic », cependant que la gestion de softs pourtant populaires comme EZdrummer, Addictive Drums ou encore Battery est au pire inexistante (pas de mapping ou pas de presets) et au mieux risible. Écrivons-le pour la troisième fois, certains que les gens d’InMusic ne liront de toute façon pas ces phrases plus qu’il n’ont lu les précédentes : assigner les fonctions Solo et Mute à des potards rotatifs laisse dubitatif sur le contrôle qualité qui entoure cette base de données. Et comme c’est sur cette dernière que repose l’essentiel des promesses de ces trois claviers, ça fait tache.
Et si des promesses de cloud étaient brandies à la sortie de l’Akai Advance, laissant à penser que la communauté d’utilisateurs pourrait prendre le relais du travail non ou mal fait par InMusic, force est de constater, un an après, que VIP ne permet toujours pas à ses utilisateurs de collaborer pour améliorer les choses. On reste donc tributaire de ce que InMusic voudra bien mettre ou corriger sur ses serveurs, à moins de s’échanger des fichiers sur des forums ou de se taper le long travail de tagage et d’assignation soi-même. Bref, même si tout cela n’est pas gravé dans le marbre et si InMusic pourrait faire évoluer son VIP dans le bon sens prochainement, force est d’admettre que la concurrence a montré plus d’application à travailler au cours de l’année sur les critiques qui lui ont été adressées…
Notons aussi que si cette version de VIP est compatible avec le CTRL49, aucun des mappings que j’ai pu essayer durant le test ne tire parti des contrôleurs supplémentaires proposés par le clavier : c’est donc à la main que vous devrez assigner vos 9 faders si vous désirez les utiliser avec vos instruments virtuels.
Enfin, il reste un problème central posé par ce CTRL comme par les autres VIP Keyboards ou les Komplete Kontrol : vouloir nous donner accès depuis le clavier à la navigation parmi des dizaines de milliers de patches est une intention très louable, mais nous proposer de le faire avec une simple molette non motorisée et un pavé directionnel a vite fait de rendre la chose parfaitement contre-productive au point que l’on en vient vite à reprendre sa souris pour échapper au calvaire comme à la tendinite. De ce fait, on voit mal comment les concepts novateurs proposés par ces claviers pourraient vraiment se réaliser pleinement autrement qu’en intégrant des écrans tactiles multipoints en guise d’interface de navigation… ou en proposant une appli déportée sous iOS ou Android. À bon entendeur…
Conclusion
Même si l’inertie dont fait preuve InMusic déçoit sur la partie base de données et même si ce clavier est frappé des mêmes limitations ergonomiques que ses cousins, l’Akai Advance et l’Alesis VX49, il s’agirait toutefois de ne pas occulter les qualités réelles de VIP et du tandem qu’il forme avec le CTRL49. En dehors de cette histoire de toucher de clavier et d’une meilleure finition pour l’Advance, ce dernier pourrait même faire de l’ombre à son grand frère. Mieux équipé, mieux pensé en termes d’organisation comme de rétro-éclairage, le CTRL49 m’a ainsi paru plus pertinent en matière d’ergonomie que son aîné alors qu’il est bien plus abordable. Un bon plan à ce prix donc, d’autant que le concurrent direct chez Native est 190 euros plus cher et que le Panorama P4 de Nektar, à 30 euros de plus, n’est pas tout à fait sur le même segment : les deux claviers se ressemblent certes, et sont tous les deux nettement tournés vers la MAO, mais les fonctions de gestionnaire de presets et de multis offertes par VIP n’ont pas d’équivalent sur le Nektar. Reste que ce clavier, comme tous les autres, dispose d’une très confortable marge de progression : on a donc hâte de voir la suite…