Un plugin de plus qui émule le LA-2A ? Évidemment, c'est ce qu'on s'est dit en voyant arriver la proposition de UVI, il y a tout de même déjà de quoi faire. Mais en regardant Opal de plus près, on s'aperçoit rapidement que c'est davantage qu'une énième réplique du mythique compresseur optique.
Le LA-2A, c’est une référence absolue dans l’histoire de la production musicale et sonore, depuis les années soixante, en matière de traitement dynamique. Un compresseur optique avec une amplification (Leveling Amplifier) à lampe, dont la gestion des dynamiques et le rendu sonore sont très caractéristiques, franchement pas linéaires ni transparents. La cellule T4 est responsable de la compression optique, avec notamment un release assez spécifique en deux étapes, plutôt long sur la fin. Le tube d’amplification ajoute évidemment une certaine saturation et des harmoniques qui sentent bon le vintage (si tant est que ce dernier ait une odeur). Ce compresseur, beaucoup utilisé en broadcast à l’origine, a marqué de très nombreuses productions musicales au fil des décennies passées et demeure un classique pour beaucoup de mixeurs, particulièrement pour traiter les voix.
Un LA-2A qui ne dit pas son nom
Depuis vingt ans et le développement du numérique dans la production musicale, les développeurs de plugins ont émulé nombre de machines mythiques de l’analogique, dont le LA-2A. Universal Audio, qui fabrique encore aujourd’hui la version hardware, a naturellement été le premier sur le coup, suivi par de nombreuses marques comme Avid, Waves et son très répandu CLA-2A, Slate Audio, Cakewalk, Native Instruments, IK Multimedia… Bref, les références ne manquent pas dans ce domaine. La marque française UVI rentre dans le jeu avec Opal, son premier plugin de compression. Le développeur s’est jusque-là surtout spécialisé dans les instruments virtuels, et notamment les synthétiseurs. On avait déjà vu passer leur Falcon, entre autres, mais leur catalogue comporte aussi des orchestres, pianos, batteries, etc. En plus des instruments, UVI propose aussi quelques effets, principalement des modulations, delays ou reverbs, mais jusqu’ici aucun traitement de dynamiques. Opal ouvre donc une nouvelle porte pour la marque parisienne.
Simple et funky
Le LA-2A de base est une machine très simple en termes de contrôles (ce qui ne veut pas dire qu’elle est simple d’utilisation) : un rotatif « peak reduction » pour doser la compression (la réduction de gain sur les signaux les plus forts), un rotatif de « gain » pour augmenter le niveau en sortie (c’est là que se trouve le tube qui ajoute du caractère), et un sélecteur pour choisir entre compresseur et limiteur (qui aura un ratio de compression plus élevé). Mais Opal ne se contente pas de ces quelques réglages, loin de là : de nombreux autres contrôles nous sont proposés. On va commencer par le plus ludique, le Drive ! Notons déjà qu’un sélecteur peut nous permettre d’utiliser la simulation de lampe ou non ; ensuite, si on l’utilise, un rotatif nous permet de choisir le niveau de saturation indépendamment du niveau de sortie. On aime beaucoup ! Sur une basse, une légère distorsion harmonique bien dosée apportera beaucoup de caractère. Il semble que sur l’album des White Stripes « Icky Thump », un LA-2A ait été utilisé pour saturer la voix de Jack : voilà un outil qui pourra être très intéressant pour une production rock un peu « sale ». Les autres plugins auxquels on a comparé Opal ne proposent pas ce dosage du drive, et il est plus difficile d’aller le chercher sans risquer la saturation numérique ni devoir compenser les différences de niveaux ailleurs dans la chaîne. Ici, on obtient une coloration assez nette très facilement, et on peut aller chercher encore plus de distorsion avec un autre potentiomètre : le simplement nommé Input Gain. Sa course entre –20 dB et +20dB nous permet d’entrer plus ou moins fort dans la compression, et donc également dans l’amplification à lampe et son Drive. On se jette à l’eau (pâle) et on utilise le plugin sur le mix d’une chanson produite dans nos studios, « Walking on a ceiling » : la basse va nous servir de premier cobaye, notamment en utilisant un léger Drive. Cette basse manque de constance, on va donc la compresser pour gagner un peu de sustain, et lui apporter du caractère avec la saturation à lampe.
Sur les mesures 1 et 2 la basse sans traitement, puis 3 et 4 avec Opal, à nouveau 5 et 6 sans, puis 7 et 8 avec Opal.
Parallélisme
Une autre proposition qui nous intéresse fortement, c’est le Mix : le potentiomètre de 0 à 100 % nous permet de choisir le niveau du signal « wet » traité par rapport au signal « dry » non traité par Opal. Voilà une fonctionnalité qui va nous ouvrir la possibilité d’utiliser Opal comme une compression parallèle, et on pourra par exemple sur une batterie garder des transitoires dans une certaine mesure, tout en colorant l’ensemble et en gagnant de la constance par la compression. Le LA-2A classique comporte un circuit parallèle, mais c’est pour le signal optique et donc le contrôle de la réduction de gain qu’il est utilisé, et non pour un signal sonore qu’on retrouverait en sortie. Cette fonctionnalité est donc bien un bonus dont UVI a souhaité équiper Opal. On reprend notre basse, et on décide de revenir à un mix 50 % pour retrouver un peu des attaques et de la dynamique qu’on a réduite avec le réglage choisi sur Opal, tout en conservant le caractère et l’homogénéité.
Mix Basse final
Puisqu’on est sur la compression parallèle, on passe évidemment à la batterie. Une compression assez légère sur le bus de celle-ci fait beaucoup de bien à la caisse claire, qui gagne en régularité et en sustain. On écoute d’abord avec un mix à 60 % pour bien se rendre compte de la différence, mais on pourra revenir en dessous de 50 pour retrouver davantage les attaques et la brillance.
Sur les mesures 1 et 2 la batterie sans traitement, puis 3 et 4 avec Opal, à nouveau 5 et 6 sans, puis 7 et 8 avec Opal.
On découvre trois autres contrôles à cette occasion, le premier d’entre eux se nomme Responsiveness. Il s’agit d’un potentiomètre qui agit sur la vitesse de l’attaque et du release simultanément : on peut aller d’une attaque très lente pour une compression plutôt « glue », à un réglage beaucoup plus « responsif » qui agit très rapidement sur les transitoires. Sur une batterie, on peut avoir des différences énormes en passant d’un côté à l’autre, ce contrôle ouvre à des utilisations assez différentes de ce qu’on ferait avec un LA-2A classique. Les deux suivants sont un peu dans la même catégorie, le Mid Presence et son voisin Treble. Le premier est un rotatif qui est lié à la détection du signal devant être compressé, c’est en gros un égaliseur side chain sur une bande de fréquence fixe dans les hauts médiums. Pas aussi évident d’utilisation que les précédents, ce réglage peut nous aider à perdre moins de grave dans la compression, en augmentant la détection des mediums dans le signal qui doit être compressé. C’est intéressant, mais le fait de ne pas avoir une bande de fréquence précisément désignée, nous rend un peu méfiants. Dans le même esprit, le sélecteur Treble permet de compenser les aigus perdus dans le circuit de compression. Sur un bus master, ou un bus stéréo dont le spectre de fréquences est très large, ces deux contrôles agissants sur les fréquences s’avèrent vraiment utiles.
Opal appliqué sur le bus master, avec une compression volontairement exagérée. Mesure 3 le Mid Presence passe de 0 à 80, libérant ainsi les graves, mesure 5 le Treble s’ouvre et l’impact est assez radical
Ce boost aigu est parfois étonnant, et réagit plus ou moins selon l’ensemble du réglage qui précède, par moments un peu trop. En parcourant les préréglages proposés par UVI, on se rend compte qu’il est presque toujours activé par défaut. Puisqu’on travaille sur des bus stéréo (la batterie, le master), on peut aussi ajouter qu’on a un choix important de Link : on peut lier ou non les deux canaux, choisir comme source de détection le gauche, le droit, ou le plus fort des deux. C’est assez rare d’avoir autant d’options, et plutôt pertinent.
Plus de 2 cordes à son Arc
Ce qui est le plus mis en avant par la marque, c’est l’émulation de 7 machines différentes. En effet, UVI ne présente pas directement Opal comme un LA-2A, même si la mention de la cellule optique T4 et le fonctionnement du compresseur nous permettent de lire entre les lignes que c’est bien de cela qu’il s’agit. Le constructeur s’est donc basé sur sept compresseurs optiques, qui nous sont proposés dans un menu au-dessus du vumètre. En faisant défiler ces différents compresseurs aux noms d’aéroports (LAX, SFO, PAR…) avec un réglage un peu subtil, on n’entend pas de différence spectaculaire, il faut donc pousser un peu le Peak Reduction et placer le Mix à 100 % pour goûter un peu à ces différentes émulations. Là, on peut entendre des différences assez flagrantes, un DTW — Vintage qui « pompe » nettement plus que d’autres, par exemple. On profite de cette exploration pour écouter Opal sur la voix, qui est tout de même la grande spécialité du LA-2A ! Après un petit tour d’horizon des modèles proposés, on opte pour PAR — Sharp, un léger Drive et un Mix à 50 %.
Première phrase en contournant l’effet, puis 2ᵉ phrase avec la compression Opal
Comme on pouvait s’y attendre, ce plugin fonctionne très bien sur les voix ! Ce n’est pas une surprise pour un compresseur de cette catégorie, mais sans doute est-il encore un peu plus pertinent grâce aux propositions audacieuses d’UVI. Autre addition intéressante, Opal offre la possibilité d’un side chain externe, qui devient un élément incontournable dans la production musicale moderne. Enfin, pour terminer le tour d’horizon, le vumètre nous est proposé pour visualiser (au choix) le niveau ou la réduction de gain, qui peut nous être indiquée aussi par une extension de la fenêtre en bas.
Conclusion
Opal est un plugin vraiment intéressant à explorer, et sans doute à utiliser sur le long terme. Certes, beaucoup d’entre nous possèdent déjà un compresseur de ce type dans leur arsenal, mais celui-ci a des atouts supplémentaires très bien pensés qui se révéleront pertinents à l’usage. Avec le Mid Presence et l’émulation de sept modèles différents, il faudra passer un peu de temps à creuser et expérimenter pour s’y retrouver et faire ses choix, mais le reste est facile à prendre en main et immédiatement efficace. Pour terminer, Opal est vendu 99 €, ce qui est moins cher que l’original (plugin, on ne parle pas du hardware évidemment !) mais plus onéreux que certaines autres émulations (qui sont moins élaborées et polyvalentes).