Il n’y a aucun doute quant au fait que les Danois de chez T-Rex ont choisi le nom de leur dernière pédale de distorsion en pensant au charognard volant. Mais saviez-vous que la « Vulture » désigne également une région du nord de l’Italie célèbre pour son vin rouge, l’Aglianico del Vulture ?
Rassurez-vous, nous ne sommes pas là pour parler pinard, mais bien distorsion, et même si un nombre ahurissant de références existent déjà sur le marché, c’est toujours un petit « thrill » d’essayer un nouveau modèle, qui sera peut-être LA nouvelle distorsion, comme la TS-808, la Big Muff, ou plus modestement la MT-2 en leur temps.
Tiens, une pédale verte !
En ouvrant la belle boîte en carton, on peut apercevoir une solide pédale métallique au design « boutique » affirmé. Et en y regardant de plus près, on remarque l’épaisseur du logo « T-Rex » duquel partent des rayons de couleur « vert anglais en un peu plus clair » sur un fond kaki. J’en déduis alors que les danois ont peut-être choisi « Vulture » pour sa consonance avec « Future », à moins que je ne me fourvoie.
Revenons à l’essentiel puisque cinq potards sont présents sur la surface que notre ami spécialiste des Queneauseries involontaires, Perceval le Gallois, qualifierait peut-être de pédalière, voire de potardée.
Outre les indispensables Gain, Level et Tone dotés de beaux boutons à l’ancienne tout à fait pratiques, deux minuscules potards bien difficiles à manier, mais typiques des pédales « tweakées » complètent le tableau : un low boost et un fat boost. Quant aux entrées/sorties jack 6,35 mm, elles se situent à l’avant du vautour vert.
Je pourrais vous parler à nouveau du footswtich, mais je vais plutôt vous inviter à lire le précédent article à propos de la Creamer pour savoir de quoi il retourne.
En cas d’urgence
En retournant la pédale à la recherche du logement à pile, je constate ce que vous pouvez voir dans la photo ci-contre, que l’on peut traduire par « N’utilisez l’alimentation par pile qu’en cas d’urgence ». Ca tombe bien, j’ai oublié mon adaptateur secteur au studio et une envie pressante de gain se fait sentir. Je m’apprête logiquement à sortir le cruci quand je m’aperçois avec stupeur qu’il s’agit de vis étoilées. Ni une ni deux, puisque c’est une urgence, je fouille dans la boîte de la pédale et trouve une clef hexagonale… Si vous avez déjà essayé de dévisser une Torx avec une clef Allen, vous savez que cela relève de la gageure. Ainsi, je n’ai pu retirer que deux vis sur les quatre, car la clef a finalement pris une forme ronde, rongée de toutes parts à cause des vis (qui ont, fort heureusement, tenu le coup dignement). Je prends alors le temps de trouver l’outil adéquat et ouvre enfin le capot. L’emplacement dévolu à la pile est réduit à la portion congrue, ce qui est normal compte tenu du format retenu (60 × 50 × 115 mm).
Après plusieurs essais infructueux, j’arrive enfin à lover la pile dans son emplacement et remonte l’ensemble en me disant qu’en cas d’urgence, j’irai plutôt chercher un transfo, car l’autonomie annoncée n’excède pas les 6 à 9 heures.
Le son
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Dans le but de naviguer en terrain connu, j’y ai branché une Telecaster standard mexicaine en entrée et un VOX AC-30 en sortie.
Le premier extrait débute dry, puis la Vulture entre en scène, avec le gain et le volume à 11 h, le tone à 9 h, et les boosts à midi.
On est ici à la frontière entre un crunch très musclé et une distorsion modérée, avec une belle bosse médium. Je ne sais pas vous, mais moi j’adore.
Poussons alors un peu plus la petite boîte avec le micro chevalet de la Fender, en réglant le gain à 2 h et le tone à midi sans toucher aux autres réglages.
Le potard de gain tient ses promesses et l’ensemble de sa course s’avère utilisable. Autre bonne nouvelle, la pédale respecte le son du simple bobinage en particulier lorsque j’intercale des petites notes entre les power chords, tandis que ces derniers sonnent gros et gras sans être nasillards. Yabon !
Vu le caractère bestial du petit boîtier, je troque la Tele pour une Les Paul Gothique, bien décidé à voir si celui-ci peut aller au-delà du hard-rock. C’est donc parti pour de la chevauchée endiablée sur le micro chevalet, en ne changeant que les réglages de tone et le low boost, respectivement à 4 et 2 h.
Le son reste relativement typé vintage, sans doute grâce (ou à cause, suivant le point de vue où on se place) à la bosse dans les fréquences médianes. On navigue alors entre une fuzz et une distorsion métal « old school », avec un grain pas déplaisant du tout.
Calmons le jeu quelques instants en utilisant le micro manche de la LP et en baissant le gain, le tone et le low boost à 10 h, pour laisser la part belle au fat boost réglé pratiquement à fond.
La Vulture respecte aussi bien le jeu aux doigts qu’au plectre. En cela, elle sera particulièrement appréciée des guitaristes qui aiment « gérer le taux de gain » à la main droite. Néanmoins, les corrections apportées par les boosts sont assez brouillonnes et il faudra faire attention à ne pas en abuser.
Pour faire un tour un peu plus complet des possibilités offertes par le vautour danois, je l’ai branché dans un Triamp MkII avec une Telecaster Deluxe 72 mexicaine dont j’ai utilisé les deux micros ensemble. J’ai alors poussé le gain au maximum, et remis les autres potards à midi.
Bien trop brouillon pour du métal avec ce genre de réglages, elle comblera plutôt les « stoners » ou les amateurs de gros son déstructurés à la Neil Young dans ses moments les plus énervés.
Vous remarquerez que, quels que soient le réglage, l’ampli et la guitare utilisés, la pédale délivre toujours une belle bosse dans les médiums, souvent plébiscitée pour percer dans le mix mais qui sera difficile à creuser à l’aide des réglages embarqués.
Enfin, j’ai utilisé le micro chevalet d’une Universe, toujours sur le Triamp, pour voir ce que le low boost avait dans le ventre. J’ai ainsi mis le low boost pratiquement à fond, le fat boost à 10 h, le gain à 1 h et la tonalité à midi.
On sent que le low boost est plutôt conçu pour des guitares manquant de graves que pour le drop tuning. Néanmoins, le son, certes excessivement chargé en graves, possède un grain toujours chaleureux, au détriment de la précision.
Mais on notera surtout un point important qui ne se dévoile pas immédiatement tant le confort de jeu en est amélioré : les buzz, criii, et autres parasites exacerbés par la distorsion lorsqu’on ne joue pas sont d’une discrétion notable. Vous pouvez le remarquer sur les parties saccadées, où l’on pourrait presque croire que j’ai triché en collant un petit noise gate en douce. Ce n’est évidemment pas le cas, et il faut rendre un bel hommage à ce détail signifiant, capable de faire la différence par rapport à d’autres pédales plus « baveuses ».
Un vautour qui vaut le détour ?
C’est toujours difficile de critiquer objectivement une distorsion quand on a conscience de la myriade de grains et d’harmoniques pouvant siéger dans la galaxie des pédales de saturation et qui empêche l’être humain esgourdé que je suis de pouvoir comparer objectivement la Vulture à l’ensemble des empreintes sonores existantes sur le marché. Sans compter l’influence, ou plutôt la pulpe sonore délivrée par le trio musicien-guitare-ampli.
Néanmoins, la Vulture (199€ tarif conseillé) m’a semblé avoir sa propre « pulpe » avec une sensation de rapport signal/bruit assez impressionnante et, sans aller jusqu’à l’award, ce n’est pas si fréquent. Donc, si vous êtes à la recherche d’une pédale naviguant entre le super crunch et la grosse disto, allez donc l’essayer, c’est peut-être la vôtre.