Le placement du micro est un domaine dans lequel l’art et la science se rejoignent. Choisir un micro et le placer est quelque peu subjectif, tout comme choisir une guitare et un ampli est une question de préférences personnelles. De plus, chaque situation implique une nouvelle combinaison de variables (interprètes, espace sonore, matériel d’enregistrement et forces créatives).
La question n’est pas de savoir si le micro ou la technique utilisée est la bonne mais simplement de déterminer ce qui fonctionne le mieux pour chaque situation. Néanmoins, il est bon de connaître les “règles” pour les enfreindre avec le plus de succès. Voici quelques généralisations à prendre en compte. Les micros à condensateur étant utilisés dans la vaste majorité des configurations de studio, tous les conseils qui suivent s’appliquent à eux.
Tous les espaces d’enregistrement ont une qualité d’ambiance qui leur est propre et qui détermine comment le son issu de la source sonore sera réfléchi. Ces réflexions sont recueillies par le ou les micro(s) avec le son venant directement de la source. Le choix du micro, de la directivité et de l’emplacement dépend en partie de l’équilibre que vous souhaitez trouver entre la source sonore et la caractéristique d’ambiance de l’espace d’enregistrement. Autre considération primordiale, l’isolement d’autres sources sonores. A bien des égards, cela se résume à imaginer la focalisation acoustique que vous souhaitez donner au micro.
Prise de son rapprochée vs. prise de son à distance
En général, les techniques de prise de son rapprochée (micro placé très près de la source sonore) sont associées à une directivité cardioïde ou super-cardioïde afin de focaliser la capture sur la source tout en évitant toute influence significative de l’espace environnant. Les techniques de prise de son rapprochée associées aux directivités cardioïdes (ou super-cardioïdes dans les situations extrêmes) sont également très utiles pour isoler la source sonore à enregistrer d’autres sources sonores. Sachez également que plus le micro est placé près de la source, et plus nombreux seront les sons tels que ceux de respiration, de frettes, du timbre de la caisse claire et de marteaux de piano qui seront captés. Avec la prise de son rapprochée, l’impression d’espace peut être ajoutée électroniquement lors de la post-production à l’aide d’une unité de reverb et/ou d’autres types de processeurs de “delay”.
Placer un micro à une plus grande distance de la source ajoute davantage de réflexions sonores. On parle de prise de son à distance lorsque l’on place un micro de manière à capter au moins certaines des réflexions sonores de la pièce. La directivité omnidirectionnelle ouvre véritablement l’enregistrement pour capter toute l’ambiance d’une pièce. Sans tenir compte de la directivité, un équilibre doit être trouvé afin que la présence de la source sonore puisse être maintenue tout en captant l’ambiance environnante. Lorsqu’ils ont suffisamment de micros à leur disposition, les ingénieurs du son emploient simultanément les techniques de prise de son rapprochée et à distance de façon à contrôler l’équilibre entre les sons directs et les sons réfléchis.
Plus un micro est placé loin d’une source et moins il est sensible aux sons émanant de cette source. Cette baisse n’est pas linéaire. La sensibilité des micros fonctionne selon la loi de l’inverse des carrés, c’est à dire que la puissance sonore atteignant le micro varie inversement au carré de la distance qui existe entre ce dernier et la source. Par exemple, lorsque l’on double la distance entre le micro et la source, le micro ne reçoit qu’un quart de l’énergie sonore à laquelle il était exposé auparavant. (C’est l’équivalent audio de la baisse exponentielle de lumière qui se produit à mesure que vous vous éloignez d’une ampoule.)
Rappelez-vous également que les micros à directivité cardioïde et à grand diaphragme présentent un effet de proximité qui se traduit par une augmentation des fréquences moyennes-basses à mesure que l’écart entre la source sonore et le micro s’amenuise. (L’effet de proximité ne pose guère de problèmes avec les omnis ou dans le cas de capsules de taille moyenne quelle que soit leur directivité). Avec les gros diaphragmes par contre, l’emplacement du micro affecte le volume, l’ambiance de la pièce et la tonalité
Capsules de grande taille vs. capsules de taille moyenne
Vous obtiendrez d’excellents résultats dans la plupart des situations en utilisant les micros à grosse ou à moyenne capsule. L’une des raisons en est que certains modèles à capsule moyenne (le GT33 et le GT44 de Groove Tubes par exemple), sont munis de diaphragmes dont la taille est équivalente aux “grosses” capsules de certains fabricants. Cela dit, il existe quelques différences pratiques. En règle générale, les micros à grosse capsule sont plus sensibles dans les basses fréquences que ceux à capsule moyenne, tout simplement parce que leur diaphragme est également plus gros. Comme mentionné plus haut, ils présentent également un effet de proximité accru avec les directivités cardioïdes (ce qui peut être positif ou négatif en fonction des circonstances). De plus, ils sont plus encombrants et sont donc moins adaptables lorsque l’espace est réduit. A l’inverse, les capsules moyennes ont tendance à présenter une bande passante plus plate quel que soit l’écart, mais sont plus souples d’utilisation lorsqu’il existe un problème de place. En somme, il est souhaitable d’avoir des modèles à grosse et moyenne capsule dans sa boîte à micros.
Problème des basses fréquences indésirables
Les sons basses fréquences superflus tels que ceux générés par la circulation ou les ondes stationnaires d’une pièce peuvent poser problème au cours de l’enregistrement. Il est plus difficile de compenser les basses fréquences avec un traitement acoustique que les hautes fréquences. La majorité des micros à condensateur sont munis d’un interrupteur qui permet à un filtre passe-haut d’atténuer les basses fréquences à partir d’environ 75 Hz. Cette fonction ne doit être utilisée qu’avec précaution puisque des sons tels que ceux des voix masculines peuvent se situer dans cette gamme. Toutefois, cette atténuation des basses fréquences peut parfois être utilisée intentionnellement, par exemple pour réduire la qualité sonore “explosive” d’une guitare acoustique. Comme c’est toujours le cas, il est préférable que le circuit électronique soit sollicité le moins possible. Ayez une écoute critique pour déterminer si l’atténuation des basses fréquences est véritablement souhaitable.
Environnement d’enregistrement
Les studios professionnels sont souvent composés de plusieurs espaces acoustiques différents, qui vont de la petite cabine relativement neutre aux très grandes pièces avec beaucoup de réflexions naturelles et de temps de réverbération très longs. L’opérateur d’un home-studio a moins d’options à sa disposition mais en faisant des expériences d’enregistrement dans des pièces différentes, il peut espérer obtenir des résultats intéressants. Les grandes pièces hautes de plafond donnent un son plus ouvert que les petites pièces à hauteur de plafond réduite. La quantité de meubles ainsi que la réflectivité des diverses surfaces jouent également un rôle. Les sols moquettés par exemple ont un effet absorbant à la différence des planchers ou des sols carrelés qui ont un caractère réfléchissant.
Il est très souvent souhaitable de créer des méthodes d’isolation des micros ou de contrôler l’acoustique de la pièce : par exemple lorsque l’acoustique de la pièce est mauvaise, lorsqu’un micro est ouvert dans la même pièce que du matériel d’enregistrement dont le ventilateur est bruyant ou quand on enregistre plusieurs interprètes simultanément. Dans ces cas de figure, vous pouvez par exemple appliquer un traitement acoustique à la pièce, improviser une cabine en accrochant des couvertures, ou encore ériger des cloisons amovibles. Les couvertures de déménagement, la mousse alvéolée et la moquette sont des matériaux d’absorption acoustique fréquemment utilisés dans les home-studios. Les pupitres à musique sont également réfléchissants mais vous pouvez pallier ce problème en les enveloppant dans des serviettes.
Si l’isolation requiert souvent une certaine absorption, lorsque cette dernière est exagérée, cela peut créer un espace anechoique qui enlève littéralement toute vie aux enregistrements. Dans les studios moins temporaires, envisagez de créer un environnement acoustique flexible. Une solution consiste à installer des “gobos” ou écrans acoustiques amovibles, qui possèdent une face réfléchissante et une face absorbante. Ils peuvent être installés et déplacés comme souhaité en fonction de chaque projet. Une autre solution consiste à créer des murs réfléchissants faisant face à des tentures amovibles et absorbantes.
Enfin, ne négligez aucune des options acoustiques que vous avez à votre disposition. Plus d’une piste de voix a été enregistrée dans une salle de bains carrelée ou en marbre. (Si les gens aiment chanter sous la douche c’est pour une bonne raison : grâce à la réflectivité acoustique des salles de bains, même les voix médiocres sont superbes!). Les ingénieurs du son placent souvent des haut-parleurs et des micros dans des cages d’escalier en béton pour faire de ces dernières des chambres réverbérantes. Dans le classique “When the Levy Breaks” de Led Zeppelin, la batterie de John Bonham sonnait de manière incroyable, du fait qu’elle avait été installée dans la cage d’escalier d’un château de pierre. De même, certains classiques de Jimmy Page ont été réalisés en plaçant son ampli de guitare dans une cheminée, la prise de son étant effectuée par le haut de cette dernière. La seule véritable règle est de recourir à ce qui fonctionne avec le morceau.
Utilisation de traitements durant l’enregistrement
L’avis des ingénieurs du son diverge quant à la quantité de traitement à appliquer au cours du processus d’enregistrement. La question est en partie de savoir quel est le nombre de processeurs dont vous disposez pour le mixage. De l’avis de la plupart des ingénieurs du son, la sagesse veut qu’on applique un traitement le plus minime possible à tous les stades de l’enregistrement. C’est l’une des principales raisons pour laquelle avoir un bon micro est essentiel pour réaliser des enregistrements de grande qualité. Plus vous devez appliquer d’égalisation et de compression, plus vous êtes susceptible de vous éloigner d’un son naturel.
Cela dit, nombreux sont les ingénieurs du son qui aiment effectuer leurs enregistrements avec des quantités variables d’égalisation et de compression lorsqu’elles sont manifestement nécessaires, et ce pour deux raisons. Premièrement, pour pallier toute déficience importante au niveau du son. Deuxièmement, pour obtenir les niveaux les plus hauts possible avant l’écrêtage, et ce afin de produire les rapports signal-bruit les plus élevés. En d’autres termes, l’utilisation de processeurs au cours de l’enregistrement permet de garantir un son techniquement optimal. Par contre, l’application d’effets de reverb, de chorus ou de délai par exemple doit généralement être réservée au processus de mixage afin d’assurer une souplesse maximale dans ces domaines plus subjectifs et plus créatifs.
Préamplificateur de microphone
Avant que le faible signal d’un micro puisse être utilisé dans les processus d’enregistrement et de mixage, il doit être transmis à un préampli afin que le gain soit augmenté. C’est pourquoi la plupart des ingénieurs du son professionnels vous diront qu’après le micro, l’appareil le plus fondamental est le préampli de micro. Même les meilleures entrées micro d’une table de mixage, d’une carte audio ou d’un appareil enregistreur tout-en-un bon marché ne peuvent rivaliser avec un préampli de micro dédié. Les studios professionnels paient couramment des milliers d’euros par canal pour des préamplis externes dédiés. Même si un tel coût est inconcevable pour la plupart des home-studios, cela montre bien que l’achat de préamplis de micro de bonne qualité n’est pas à négliger dans le budget de votre studio.
Microphones multiples et problèmes de phase
Utiliser deux micros peut provoquer des problèmes liés à des divergences de phase et cette probabilité augmente avec le nombre de micros utilisés simultanément. Par essence, les problèmes de phase se produisent lorsqu’un son atteint plusieurs micros à divers moments. Voici deux signes révélateurs de ce phénomène : lorsque diverses notes d’une même source sonore n’ont pas le même volume, ou lorsque les graves sont démesurément forts ou “caverneux”. Ci-dessous, vous trouverez quelques conseils à suivre pour réduire les problèmes de phase lorsque plusieurs micros sont utilisés :
Déplacez les micros. La première chose à faire est d’entrer dans le studio avec un casque sur les oreilles et de déplacer le ou les micros problématiques jusqu’à ce que le problème de phase soit résolu.
Vérifiez les câbles. Si un câble a été accidentellement déphasé, il est susceptible d’annuler le signal des micros qui se trouvent à proximité. Assurez-vous que les câbles des micros sont raccordés en continu (broche 1 avec broche 1, etc.).
Règle 3:1. Si possible, l’écart entre les micros doit être trois fois plus grand que celui qui les sépare de la source sonore. Par exemple, les micros placés à 10 cm d’une source sonore doivent être distants d’au moins 30 cm les uns des autres. (Cela ne s’applique pas aux techniques de prise de son stéréo dont nous allons parler dans une prochaine partie du dossier.)
Réduisez le nombre de micros utilisés simultanément. Plus les micros ouverts sont nombreux et plus les risques de problèmes de phase sont élevés. S’il peut être tentant d’installer un micro différent pour chacun des éléments d’une batterie par exemple, l’inconvénient est le temps que vous devrez consacrer à éliminer les problèmes de phase. Il vaut donc mieux compter avec un nombre inférieur de micros dans les situations où il est difficile de contrôler la phase.
Séparez les sources sonores. Lorsque vous utilisez plusieurs micros simultanément, hormis dans les cas d’enregistrement stéréo, la principale chose à faire est d’isoler les sources sonores. Les problèmes de phase représentent une autre raison pour laquelle il est nécessaire d’isoler les sources. Pour remédier à ces problèmes, on peut notamment tout simplement mieux répartir les micros, les placer dans des pièces ou des zones isolées, ou utiliser des écrans acoustiques et autres éléments permettant de créer des séparations supplémentaires. Lorsque deux micros sont utilisés pour un même instrument, il est parfois souhaitable d’envisager de placer un écran entre les deux.
Réduisez le nombre des surfaces réfléchissantes. Les surfaces dures telles que planchers, murs lisses, fenêtres et miroirs sont souvent responsables des problèmes de phase puisqu’elles rejettent les sons en direction des micros. Si les sons vous semblent étranges, essayez de placer la source sonore et/ou le micro à un autre endroit. Tentez également d’absorber ces réflexions avec des couvertures, des serviettes, des écrans ou autre.
Evitez de confiner les micros. Pour empêcher toute réflexion, les micros ont généralement besoin d’“un peu d’air”. Par exemple, lorsqu’un omnidirectionnel est placé dans un coin, l’effet qu’il donne est celui d’un micro… placé dans un coin. De la même manière, si l’arrière d’un cardioïde est placé trop près d’une surface ou d’un coin, les ports arrières peuvent être acoustiquement bloqués, ce qui pourrait entraîner la déformation de la directivité du micro. En outre, employez les écrans acoustiques avec discernement car ils n’absorbent pas complètement les sons et peuvent causer des réflexions lorsqu’ils sont placés trop près du micro.