Si l’on vous demandait le point commun entre les Beatles, les Bee Gees, Opeth et Daniel Balavoine, vous auriez probablement du mal à répondre. Enfin, hormis le fait qu’il s’agit de groupes de musique. Pourtant, un instrument rare les lie : le Mellotron.
Outre son apport certain à tout un pan de la production musicale des années 60 et 70, ce clavier a marqué l’histoire de la musique en proposant un système unique préfigurant l’arrivée des sampleurs. Après de multiples versions hardware et software, les sonorités du mythique instrument sont enfin accessibles aux guitaristes grâce a une pédale développée par Electro-Harmonix. Vous l’aurez compris, c’est au Mel9 que nous nous intéressons aujourd’hui.
Ctrl C / Ctrl V
Le Mel9 s’inscrit dans une stratégie déjà éprouvée par Electro-Harmonix avec les pédales B9 Organ Machine, C9 Organ Machine et Key9 Electric Piano Machine. Il s’agit en fait de proposer aux guitaristes, et parfois à d’autres instrumentistes, de simuler des sons de claviers à l’aide de leur instrument de prédilection. Les pédales de ce type ont leurs détracteurs, mais elles représentent une véritable alternative aux systèmes MIDI pour guitare, couteux et complexes à mettre en œuvre.
Le Mel9, quant à lui, reprend la même technologie que le B9 et consort. La recette est donc strictement la même, avec un sélecteur en façade pour naviguer parmi les neuf sons simulés, deux réglages de volume dédiés aux sons Dry (son de votre guitare sans effet) et Wet (son de clavier), et deux contrôles Attack et Sustain pour sculpter vos sonorités. La sortie Dry et la sortie Effect sont toujours de la partie, ce qui permet de diffuser la guitare dans un ampli, et les sons du Mellotron dans un autre. Notons tout de même que le boîtier se pare cette fois-ci d’une robe blanche indubitablement plus élégante. Enfin, le tarif est strictement le même que pour les autres appareils, soit 239 €, et l’alimentation est toujours fournie.
George Mellotron
Comme tout grand fétichiste, le guitariste aime en avoir sous le pied. Ça tombe bien, le Mel9 propose neuf sons aux sonorités bien différentes. En voici la liste :
- Orchestra
- Cello (violoncelle)
- Strings (cordes)
- Flute
- Clarinet
- Saxophone
- Brass (cuivres)
- Low Choir (chœur grave)
- High Choir (chœur aigu)
Pour découvrir tout cela, j’ai préféré baisser le volume de la guitare au minimum de façon à entendre seulement les simulations de clavier. Chacun des extraits sonores est dédié à un son, et je joue à chaque fois avec les potards d’Attack et de Sustain. Je commence toujours avec ces deux réglages poussés au maximum (l’attaque est donc quasi inexistante et le sustain omniprésent) de façon à obtenir des nappes.
- 1 Orchestra Wet 02:00
- 2 Cello Wet 02:08
- 3 Strings Wet 01:48
- 4 Flute Wet 01:42
- 5 Clarinet Wet 01:42
- 6 Saxophone Wet 02:29
- 7 Brass Wet 02:32
- 8 Low Choir Wet 03:03
- 9 High Choir Wet 02:02
La première chose qui frappe avec le Mel9, c’est qu’il répond énormément à l’attaque, surtout lorsque le réglage dédié à ce paramètre est à son minimum. Cela se concrétise par le fait que les variations d’intensité modifient le volume plus fortement que dans un autre contexte. J’ai par exemple tendance à accentuer mes graves lorsque je joue de la guitare, mais ceci est fatal avec le Mel9 car les fréquences basses « mangent » rapidement les aigus. Il faut donc veiller à équilibrer son jeu, ou à accentuer les notes souhaitées.
Personnellement, j’ai une préférence pour le jeu aux doigts avec cette pédale, de façon à mieux maîtriser mon attaque, mais aussi car cela permet de jouer des notes simultanées à la manière d’un clavier. Cependant, avec certains sons comme les chœurs, j’aime utiliser un médiator pour jouer des accords puissants et m’amuser avec l’augmentation de volume qui en résulte. Le niveau de sortie des micros a aussi une influence, et les claviers donneront le sentiment d’être plus intenses avec des humbuckers.
La pédale d’Electro-Harmonix est aussi très sensible aux techniques propres à la guitare telles que les bends, les vibratos, ou les glissés. Les cordes ne réagissant pas comme une touche de piano, cela modifie la nature du son de Mellotron. Pour une véritable simulation, il faudra donc éviter à tout prix de jouer « comme un guitariste » et modifier son phrasé. Mais il est aussi possible de jouer avec le léger effet de pitch qui survient lorsqu’une corde vibre en dehors de son axe principal, et ainsi obtenir des anomalies synthétiques intéressantes.
Côté son, l’esprit du Mellotron est là ! Forcément, l’interaction avec une guitare modifie le résultat obtenu, mais c’est très convaincant. Le son du saxophone est probablement celui que j’ai le moins apprécié. Le fait de jouer une note rapidement après une autre altère la tonalité, mais sans forcément reprendre l’attaque. C’est un élément caractéristique du jeu au saxophone, mais je ne trouve pas que cela rende très bien à la guitare. À l’inverse, j’ai beaucoup aimé le son Brass. Contrairement à la plupart des sons, le réglage Attack a une grosse influence sur la tenue de note, et non pas uniquement sur le moment où l’on heurte une corde. En effet, le bouton devient un filtre et provoque une oscillation étonnante et un peu déstructurée que j’adore. Les autres sons ne réservent pas de surprises, et font ce que l’on attend d’eux. J’ai toutefois une réserve concernant le High Choir : lorsque les notes sont graves et puissantes, un petit bruit de moteur lié à l’oscillation se fait entendre, particulièrement avec le micro grave d’une guitare. C’est très étonnant, car ce bruit est quasi inaudible avec l’autre son de chœur.
Par curiosité, j’ai souhaité ajouter une saturation après la pédale. Le volume de la guitare dry est toujours à 0, et je passe en revue différents sons tout en utilisant les réglages Attack et Sustain.
Tous les sons ne se marient pas forcément bien avec la saturation, en particulier les chœurs et plus généralement les nappes. En effet, les accords deviennent vite cacophoniques ! Cependant, l’on s’imagine très bien balancer des riffs furieux ou des solos endiablés, et le résultat est parfois proche d’un octaver dont on aurait coupé les basses.
À présent, ajoutons le signal Dry au Mel9. Dans le premier exemple, je passe en revue de nombreux sons tout en modifiant les volumes des deux signaux, et les réglages Attack et Sustain. Je fais de même dans le second exemple, mais, cette fois, avec de la saturation.
- 11 9 sons Dry 07:06
- 12 Saturation Dry 08:47
Les boutons de volume Dry et Wet ouvrent beaucoup de possibilités, puisque l’on peut décider si c’est la guitare qui mène le bal, ou bien le clavier. Jouer avec le sustain et l’attaque change radicalement les sonorités, et cela permet de créer des nappes d’accompagnement discrètes (les chœurs fonctionnent très bien) ou des solos très synthétiques. Les possibilités sont infinies, et un sentiment en ressort : on s’amuse sans cesse avec le Mel9 ! Ce type de pédale offre une approche complètement différente de la guitare, et pousse à l’expérimentation.
Avec la saturation, le résultat est parfois trop brouillon, même si cet aspect bruitiste pourrait faire le bonheur de quelques-un. Pour remédier à cela, il existe une solution : EHX a pensé à installer deux sorties pour pouvoir jouer une guitare saturée tout en gardant les sons du Mel9 clairs. C’est génial, d’autant plus qu’il est envisageable d’utiliser deux amplis sur scène, ou un ampli et un système son (il faudra bien entendu amplifier le signal). Terminons notre découverte sonore en écoutant ce que cela donne.
Lapin Blanc
J’ai pris énormément de plaisir à jouer avec le Mel9. Cette pédale est fun, et pousse à la créativité. Les sonorités sont convaincantes et respectent l’identité du Mellotron, les différents paramètres modifient vraiment le rendu final, et le tracking est rarement pris à défaut. Les deux sorties Dry et Wet sont aussi un sérieux atout, que ce soit pour un jeu en stéréo ou pour appliquer une saturation sur le signal souhaité. De plus, la pédale d’Electro-Harmonix est même adaptée aux basses jusqu’à un accordage ouvert de La, et aux claviers.
Certes, il aurait été appréciable de pouvoir modifier le volume de la sortie Dry, et un bouton de tonalité, voire un EQ 3 bandes, n’aurait pas été de trop. Mais l’on s’accommode très facilement de ces menus défauts. Un autre élément a néanmoins refroidi mes ardeurs. Cette pédale a un petit problème que vous avez peut-être perçu lors de l’écoute des extraits sonores : elle est toujours en retard ! En effet, les notes de guitare arrivent toujours un peu avant les notes de clavier. Je ne ressentais pas vraiment cette latence en jouant uniquement avec le son Wet, et pourtant elle est clairement là. Écoutez donc cet extrait stéréo dans lequel j’ai placé à gauche la sortie Dry, et à droite la sortie Wet :
On entend la latence, et cela se confirme en jetant un œil aux ondes sonores dans le logiciel d’enregistrement :
La latence avoisine les 15 ms. Ce problème ne fait pas du Mel9 une mauvaise pédale, loin de là ! Certaines utilisations de la pédale ne nécessitent pas une réactivité à toute épreuve, et à aucun moment la latence ne m’a perturbé en jouant. Le caractère humain de la musique autorise certaines largesses, et vous devriez pouvoir assurer une prestation de qualité avec la machine d’EHX. Mais si vous envisagez un achat, ayez bien conscience de ce défaut.