Uniquement disponible pour Mac à l’époque, pas d’exemples audio ou vidéo de la bête en action sur le site de la marque, un tarif jugé élevé au regard de ce que l’on comprend de l’engin…
Olli Erik Keskinen, l’homme derrière Oek-sound, aurait pu rêver meilleur accueil de la part de la communauté des AFiens pour la sortie de son premier plug-in en octobre dernier. Bien que majoritairement fondées sur des faits irréfutables, ces remarques n’en font pas moins l’impasse sur l’essentiel : que vaut réellement la bête dans les faits ? C’est ce que je vous propose de découvrir sur-le-champ…
Le secouriste qui venait du froid
Désormais disponible pour Mac (OS X 10.7 minimum) et PC (Windows 7 minimum) en 32 et 64-bit aux formats VST, AAX et AU, Soothe est un plug-in de traitement audio relativement ambitieux pour un premier produit. En effet, ce dernier se propose de supprimer de façon dynamique et quasi automatique les résonances indésirables présentes dans les médiums et le haut du spectre de vos prises. Ainsi, vos fichiers audio devraient s’en trouver beaucoup plus faciles à mixer, quand bien même ils seraient issus de sessions d’enregistrement de qualité douteuse. Bref, Oek-Sound nous promet non seulement la fin du fastidieux temps de balayage d’EQ à la recherche de ses odieuses fréquences, mais également l’arrêt de cette pratique barbare consistant à scarifier le signal à grand coup de filtres à encoche une fois les coupables identifiés.
Si l’idée n’est pas nouvelle, il faut bien admettre que les traitements du genre ne courent pas les rues et qu’ils sont bien souvent difficiles à appréhender. Or, l’éditeur finlandais se paie le luxe de présenter un produit de prime abord simple avec une interface épurée et, en définitive, très peu de paramètres à manipuler. Sur la gauche, Soothe dispose de trois potentiomètres virtuels qui définissent son action :
- « Depth » guide la réduction à proprement parler, et ce, en fonction du signal entrant bien entendu ;
- « Sharpness » s’occupe de la précision du traitement — plus la valeur est élevée, plus les coupes dans le spectre seront nombreuses, profondes, mais fines ;
- « Selectivity » gère quant à lui la sensibilité de la détection des résonances — la première moitié de la course du potard table sur l’obtention d’une bonne balance générale alors que la seconde donne plus dans le détail.
Ces trois paramètres sont interdépendants et le maniement de l’un nécessitera bien souvent le réajustement des deux autres afin d’obtenir le rendu souhaité. Rien de rédhibitoire toutefois, il s’agit juste d’une habitude à prendre et cela reste très intuitif à l’usage.
Parlons maintenant du graphique occupant les trois quarts de l’interface. Ce dernier affiche en temps réel les réductions spectrales appliquées au signal. C’est également ici qu’il est possible de cibler l’action du plug-in sur certaines zones fréquentielles. N’allez cependant pas croire qu’il s’agit là du fonctionnement typique d’un égaliseur dynamique « classique ». Les cinq bandes disponibles ne dictent pas de façon autoritaire la façon dont devrait agir Soothe, elles se contentent de le rendre plus ou moins sensible à telle ou telle zone du spectre. Avec au menu du glisser/déposer, des combinaisons clavier/souris pour le bypass ou l’ajustement du facteur Q pour chacune des bandes et une gestion plus traditionnelle via le bandeau situé à gauche du graphe, l’ensemble est on ne peut plus fonctionnel et efficace.
Terminons ce tour d’horizon des réglages disponibles par une petite liste en vrac :
- « Wet » pour le mélange entre le signal source et le signal traité — très utile lorsque l’on a la main un peu lourde avec les autres réglages ;
- « Trim » afin d’éventuellement récupérer quelques dB en sortie quand le traitement change le volume sonore réellement perçu ;
- « Delta » qui permet d’écouter uniquement ce que Soothe retire au signal — fonction non seulement pratique, mais surtout salutaire tant elle permet de prévenir les dérapages potentiels ;
- « Bypass » pour court-circuiter le plug-in sans souffrir du décalage audio induit par la compensation de latence des plug-ins de votre séquenceur ;
- « Stereolink » qui conditionne le traitement à une action stéréo, double mono, et tout ce qu’il y a entre les deux ;
- « Oversample » et « Resolution » pour un traitement haute qualité au prix d’une consommation CPU exacerbée — de 0,3 % à 4,2 % (!?) sur ma machine de guerre (Mac Pro fin 2013 Hexacœur Xeon 3,5 GHz – 32 Go DDR3).
Avant d’enchaîner sur les exemples audio, quelques remarques sur l’ergonomie générale. Bien que claire et bien pensée, l’interface graphique n’en demeure pas moins petite, et comme elle n’est pas redimensionnable, la lisibilité de Soothe est relativement mise à mal lors d’une utilisation sur grand écran. Autre souci, les réglages ne répondent pas à la molette de souris. Cela peut paraître bête, mais je ne m’étais jamais aperçu à quel point j’utilisais cette molette pour triturer mes plug-ins… Jusqu’à ce que je tombe sur un plug ne permettant pas cette manipulation. Un seul contrôle vous manque, et tout est dépeuplé.
Comme vous le savez sans doute si vous me faites l’honneur de lire mes bancs d’essai, la fonction de comparaison A/B est l’une de mes principales marottes. Autant je suis capable de reconnaître que certains plug-ins n’en ont pas réellement l’utilité, autant ici cette fonction fait cruellement défaut tant les différences d’un réglage à l’autre peuvent être subtiles à première vue, mais ô combien importantes quant au rendu final. Enfin, une fonction de type « lock » pour l’oversampling, la résolution ou le mixage dry/wet lors du passage d’un preset à l’autre aurait été un plus appréciable.
Bien, il est temps de passer aux extraits sonores. Plutôt que d’écouter ces derniers en « streaming » sur cette page, je vous conseille vivement de les télécharger en versions WAV via le lien en fin d’article afin de mieux vous rendre compte de l’impact sonore du joujou. En effet, les changements apportés sont réels, mais subtils, d’autant que j’ai pris soin d’harmoniser les volumes sonores perçus pour que vous puissiez vous forger une opinion en toute quiétude.
Homéoplasmine
Commençons cette séance d’écoute par un usage on ne peut plus classique de la bête : le traitement des voix.
- 01 Red Led dry 00:19
- 02 Red Led DeEssed 00:19
Sur ces extraits, Soothe est réglé de façon à éliminer les excès de sifflante de notre ami Red Led. Ce traitement n’a cependant pas laissé le haut du spectre indemne et la prise semble avoir légèrement perdu en « vitalité ». Heureusement, ce constat n’est pas une fatalité, comme nous allons le voir avec le prochain exemple.
- 03 Vox dry 00:11
- 04 Vox Soothed 00:11
- 05 Vox Soothed EQ 00:11
Ici, le plug-in sert à rattraper un enregistrement réalisé dans des conditions loin d’être optimales. Bien sûr, Soothe ne peut rien faire contre la réverbération de la pièce. En revanche, il permet de minorer les résonances dans le haut médium, ce qui rendra la prise plus malléable lors du mixage. La sensation de vie se récupèrera alors aisément avec une touche d’égalisation, comme illustré par le sample 05.
Passons à une rythmique de guitare folk de qualité discutable…
- 06 Gtr Rythm dry 00:22
- 07 Gtr Rythm Soothed 00:22
- 08 Gtr Rythm Soothed 69 00:22
- 09 Gtr Rythm LoM Clean 00:22
Le premier extrait se résume à la prise source. Sur le deuxième, Soothe s’attaque franchement au « strumming » qui était un peu trop en avant. Le traitement appliqué est assez drastique, mais en utilisant le réglage « wet » (69 %) pour réinjecter une légère dose du signal source, nous obtenons une prise beaucoup plus équilibrée sur le troisième extrait. Enfin, pour le dernier exemple, le parti pris est diamétralement opposé puisque l’action est ciblée sur le bas médium. Le résultat est, certes, moins naturel, mais le rendu axé sur le frottement des cordes pourra servir à faire ressortir facilement cette rythmique d’un mix. Comme quoi, Soothe ne se résume pas à un outil de correction de captations défaillantes, il peut également être un sérieux atout de modelage sonore.
Voici à présent un piano virtuel présentant une certaine agressivité entre 1,5 et 2 kHz.
- 10 Piano dry 00:29
- 11 Piano Soothed 00:29
Le rendu global est tout de même beaucoup plus agréable à l’oreille une fois passé au travers du joujou finlandais, non ?
Soothe est livré avec un peu moins d’une trentaine de presets. L’un d’entre eux étant baptisé « Salvage from the mp3 », j’ai eu envie de voir comment l’engin allait s’en sortir dans des conditions extrêmes…
- 12 MP3 Source 00:33
- 13 MP3 96 dry 00:33
- 14 MP3 96 Soothed 00:33
- 15 MP3 96 delta 00:33
- 16 MP3 64 dry 00:33
- 17 MP3 64 Soothed 00:33
- 18 MP3 64 delta 00:33
Le premier sample est notre fichier source. Le deuxième est le fruit d’un encodage en MP3 à 96 kb/s. Sur le troisième, Soothe permet d’adoucir les effets de la compression de données dans le haut du spectre — écoutez bien la charley —, mais ne rattrape malheureusement pas la perte de précision dans les attaques. À titre d’information, le quatrième extrait illustre la fonction « delta » du plug-in ; il s’agit donc de ce que Soothe soustrait au signal. Les trois exemples suivants reprennent le même schéma avec, cette fois-ci, un encodage encore plus violent à 64 kb/s. Au final, sur des sources aussi abîmées, Soothe adoucit légèrement la pilule, mais ne vous attendez tout de même pas à des miracles.
Voyons maintenant comment se comporte le plug-in sur des enregistrements de batterie, en commençant par une caisse claire.
- 19 Snare dry 00:15
- 20 Snare Soothed 00:15
- 21 Snare Soothed Plus 00:15
- 22 Snare Mix dry 00:20
- 23 Snare Mix Soothed plus 00:20
La source est dotée d’une résonance particulièrement prononcée qui sera forcément difficile à gérer lors du mixage. Sur le deuxième extrait, Soothe réussit à endiguer le problème, mais les transitoires y perdent un peu des plumes… Qu’à cela ne tienne, un petit coup d’EQ allié à un processeur de transitoires et le tour est joué ! Avouez que le résultat réintégré dans la globalité de la batterie est assez bluffant. Cependant, il serait peut-être intéressant que Soothe propose une section de réglages avancés permettant de gérer le temps d’attaque du traitement. Cela offrirait sans doute une plus grande transparence au niveau de la frappe. Pourriez-vous considérer la chose à l’occasion d’une version 2.0 monsieur Keskinen ?
Pour finir, traitons une piste stéréo d’overhead.
- 24 OH dry 00:11
- 25 OH Soothed 00:11
- 26 OH Soothed 74 00:11
L’idée est ici de calmer sensiblement les ardeurs des cymbales. Soothe réalise la manœuvre en un tournemain et, une fois encore, le réglage « wet » se révèle diablement utile pour obtenir un rendu tout en douceur. Une remarque cependant, il est dommage que le plug-in ne propose pas de mode M/S pour ce genre de cas, cela permettrait de traiter le signal Side sans toucher à l’intégrité du signal Mid. Une autre idée à prendre en compte pour la prochaine version peut-être…
With great power comes great responsibility
À l’issue de cette séance d’écoute, force est de constater que, pour un premier produit, Oek-Sound tape fort ! Malgré quelques défauts de jeunesse, Soothe est un outil puissant et facile d’utilisation qui trouvera sa place dans n’importe quel arsenal, du home studiste n’ayant pas les moyens de réaliser des prises dignes de ce nom à l’ingénieur du son professionnel travaillant sur des enregistrements de provenance — et donc de qualité — aléatoire. Bien sûr, ce plug-in n’est pas un faiseur de miracles et rien ne remplacera jamais une captation de haute volée. Mais il faut bien avouer que l’engin améliore grandement l’ordinaire. Attention toutefois de ne pas trop en abuser sous peine de vous retrouver avec des pistes asphyxiées…
Reste la question du prix. Vu les capacités de ce plug-in ainsi que les tarifs pratiqués par la concurrence pour des produits plus ou moins dans le même genre, les 149 € demandés ne me semblent absolument pas exorbitants. Certes, la somme est non négligeable, mais l’investissement en vaut largement la peine à mon humble avis.
Pour conclure, je vous invite à télécharger la version d’évaluation sur le site de l’éditeur afin de tester la bête sur vos propres sources audio, vous m’en direz des nouvelles !
Téléchargez les fichiers sonores (format FLAC)