Huit ans après le premier du nom, Eiosis présente une édition « Premium » de son plug-in d’égalisation AirEQ.
Dès sa sortie en 2006, AirEQ s’était taillé une jolie réputation, notamment grâce à sa fameuse bande « Air » distillant une clarté sonore inédite pour l’époque dans le monde de l’audionumérique. Avec cette nouvelle version remise au goût du jour, l’éditeur prétend aller encore plus loin puisque le slogan de l’engin n’est ni plus ni moins que « Beyond Analog », soit littéralement « au-delà de l’analogique ». Une telle promesse n’a bien évidemment pas manqué de titiller la rédaction d’Audiofanzine qui m’a aussitôt mandaté pour réaliser un banc d’essai en profondeur. Après plus de trois semaines de tests, voici mes conclusions…
Once upon a time in Grenoble…
En guise de mise en bouche, je vous propose une petite parenthèse consacrée à l’éditeur de ce plug-in. Ceux d’entre vous qui ont bonne mémoire se souviennent peut-être qu’à l’origine cette société s’appelait Eliosound. Puis, courant 2007, cette entreprise française basée à Grenoble est devenue Eiosis. Outre AirEQ premier du nom sorti en 2006, Eiosis s’est fendu d’un vocoder, d’un de-esser, ainsi que d’un transient designer entre 2007 et 2008. Et puis plus rien… Cela est d’autant plus surprenant que chacun de ces produits a bénéficié à chaque fois d’un accueil chaleureux de la part des home-studistes de tout poil. Cependant, la chose est moins surprenante lorsque l’on sait que derrière Eiosis se cache Fabrice Gabriel. Ce nom vous dit quelque chose, n’est-ce pas ? Eh oui, il s’agit bien du petit « frenchy » qui s’est associé avec Steven Slate pour créer les fameux plug-ins VCC, VTM, etc. de Slate Digital. Ces dernières années, cette société américaine est devenue incontournable dans le domaine de l’émulation de matériel analogique de légende, et c’est monsieur Gabriel qui a codé tout ça. D’ailleurs, notez qu’en parallèle d’AirEQ pour Eiosis, Fabrice vient également de sortir le Virtual Mix Rack avec Slate Digital et qu’à l’heure où vous lirez ces quelques lignes, je serai en pleine rédaction du test de celui-ci.
Bref, tout ça pour dire que le « grand sommeil » d’Eiosis n’en était pas vraiment un, car Fabrice Gabriel est quelqu’un de toujours bien occupé. Malgré tout, il a eu la gentillesse de bien vouloir m’accorder un entretien téléphonique de plus de deux heures afin de parler de ses dernières réalisations. J’ai trouvé cela tellement intéressant que je lui ai demandé l’autorisation de publier quelques extraits sonores de ce dialogue. Si le cœur vous en dit, vous les trouverez en fin d’article. Et croyez-moi, ça vaut le détour !
Bien, le décor étant planté, passons aux choses sérieuses.
Back to the future
Éliminons d’entrée les considérations techniques. AirEQ est un plug-in disponible pour Mac OS X (10.7 ou supérieur) et Windows (Vista ou plus) aux formats VST (2 & 3), AAX, RTAS et AU en 32 et 64 bits. Le système de protection passe par iLok, et malheureusement l’option d’autorisation liée directement à l’ordinateur n’est pas permise. Du coup, un dongle USB iLok est obligatoire, même pour la version de démonstration. Un tel système de protection a ses avantages et ses inconvénients, mais j’y reviendrai plus tard…
Au niveau de l’installation à proprement parler, pas grand-chose à signaler, hormis peut-être la taille de l’installeur qui est étonnamment lourd, environ 300 Mo compressé et pas loin de 1 Go une fois installé. Ceci s’explique en partie par la présence de fichiers haute définition pour l’interface graphique et l’installation systématique de l’ensemble des formats disponibles pour votre OS. Par contre, après installation, aucune trace d’un manuel d’utilisation digne de ce nom… Il y a juste un « Operational Guide » en anglais qui décrit les actions de base à la souris et les raccourcis clavier. Cependant, il n’y a pas d’inquiétude à avoir à ce sujet, car d’une part, Eiosis m’a affirmé qu’un manuel complet arriverait sous peu (NDLR : le manuel est désormais disponible) ; et d’autre part, l’utilisation d’AirEQ n’a vraiment rien de sorcier tant son ergonomie est bien pensée.
En ce qui concerne la consommation CPU, AirEQ est en revanche un champion de la légèreté. Sur ma bécane de test, à savoir un petit MacBook Air équipé d’un Core i7 bicœur cadencé à 2 GHz, une instance du plug-in consomme en moyenne entre 0.3 et 0.7 %, avouez que c’est impressionnant ! Si la qualité audio est au rendez-vous, vous pourrez aisément caler cet égaliseur par palette de douze sur chacune de vos pistes. OK, j’exagère un peu, mais il y a vraiment de quoi en mettre partout sans scléroser son CPU, ce qui est une très bonne chose. D’autre part, AirEQ n’engendre absolument aucune latence, ce qui permet d’envisager son utilisation en situation « Live ».
Voyons maintenant ce que cet égaliseur a dans le ventre…
Le 5e élément
AirEQ est un plug-in d’égalisation proposant pas moins de 9 bandes débrayables, mais on ne peut pas dire que ce soit les bandes de monsieur Tout-le-Monde. Il y a tout d’abord les bandes baptisées « Earth » et « Air » aux extrémités du spectre. Sur ces dernières, pas de réglages de la fréquence ou du facteur Q, juste un potard de gain naviguant entre plus ou moins 18 dB. Ces potentiomètres sont d’ailleurs curieusement placés sur l’interface graphique puisqu’ils se trouvent en regard des rotatifs contrôlant la fréquence des autres bandes. Rien de bien grave ici, mais c’est vrai que cela peut parfois prêter à confusion. Bref, avec leurs noms ésotériques, ces bandes n’en sont pas moins diablement efficaces. Utilisées à bon escient, Earth permet de redonner du poids dans le grave sans effets secondaires néfastes tandis que Air apporte une clarté assez jouissive sans une once d’agressivité. Je ne sais honnêtement pas ce qui se cache derrière, et à vrai dire je m’en fiche un peu parce que ça sonne !
Restons aux extrémités du spectre avec les filtres passe-haut et passe-bas. Ici, nous avons droit à des réglages pour le facteur Q (de 0.35 à 4) et la fréquence de coupure (de 5 Hz à 10 kHz pour le HPF et de 20 Hz à 30 kHz pour le LPF). Au niveau des pentes, nous avons le choix entre −6 et −12 dB par octave, ce qui est relativement peu par rapport à la concurrence. Cependant, l’éditeur affirme que le choix sera plus étoffé à la faveur d’une mise à jour future. Rien à signaler ici, ça fait le job proprement et c’est tout ce que l’on demande finalement.
Si vous avez bien compté, il nous reste 5 bandes à traiter, et celles-ci sont vraiment très particulières. Tout d’abord, elles peuvent toutes être configurées en filtre en cloche (Bell) ou en une sorte de filtre en cloche plus resserré (« Steep Bell ») qui sera idéal pour annihiler des parasites de façon ultra ciblée. D’autre part, deux de ces bandes offrent en sus une configuration en filtre de type plateau. Chacune des bandes peut se balader entre 10 Hz et 30 kHz avec +/- 18 dB de gain et un Q naviguant entre 0.10 et 7. Avec ça, il y a déjà de quoi faire, mais rien de vraiment transcendant par rapport à la concurrence. Sauf que l’AirEQ ne s’en tient pas là…
En effet, ces 5 bandes voient leur comportement modifié par le fader « Character » qui permet de se balader de façon continue entre les réglages « Water » et « Fire » en passant par « Neutral ». Mais qu’est-ce donc encore que cette tisane, me demanderez-vous ? Pour « Neutral », l’explication est évidemment toute simple puisqu’alors le comportement des bandes est semblable aux filtres ordinaires. Pour « Water » et « Fire », c’est assez difficile à exprimer… Disons qu’avec son sommet plat, « Water » agit comme une sorte de levier fréquentiel afin de trouver une balance idéale et transparente sur la largeur de bande choisie, alors que la rondeur exacerbée de « Fire » propose une action plus ciblée sur la fréquence centrale sans provoquer de résonance désagréable. Si le concept est difficilement compréhensible par écrit, il n’en reste pas moins qu’à l’usage, ce réglage « Character » est diablement efficace. L’effet sur le son est bien réel et surtout de toute beauté.
Autre réglage inhabituel pour un égaliseur, le fader « Strength ». Ce dernier permet d’atténuer ou d’accentuer l’impact sonore global d’AirEQ, ce qui est plutôt bien vu, car il est fort agréable de pouvoir « doser » une égalisation après avoir déjà trouvé une balance convenable pour le signal traité sans avoir à tout reprendre du début. Cela peut également servir à exagérer l’égalisation lorsque l’on travaille les fréquences pour mieux entendre ce que l’on fait, pour revenir ensuite à un équilibre plus raisonnable.
Comme si tout cela ne suffisait pas déjà, il se trouve qu’AirEQ permet de personnaliser le comportement de chaque bande indépendamment les unes des autres. Par un clic droit sur le switch d’activation de l’une des bandes, il est possible de choisir si celle-ci est influencée ou non par le réglage « Strength », si elle adopte le « Character » global ou si elle a un « Character » indépendant, et enfin si elle agit sur le signal stéréo, ou droit, ou gauche (en mode LR), ou mid, ou side (en mode MS) ! Une telle souplesse ouvre des perspectives sonores assez démentielles, et ce, sans nuire à l’ergonomie de l’ensemble. Imaginez donc, vous pouvez par exemple booster la bande « Air » sur la composante latérale du signal tout en égalisant les médiums sur la totalité de la stéréo ou en amplifiant le grave uniquement au centre. Et si vous y êtes allé un peu fort sur la majorité des bandes mais que vous êtes content de votre coupe-bas, vous baissez le « Strength » en pensant bien à exclure le coupe-bas et hop ! le tour est joué. Simple et sans bavure. Chapeau bas monsieur Gabriel !
En parlant d’ergonomie, AirEQ, comme beaucoup d’autres égaliseurs, propose l’écoute d’une bande en solo via la combinaison shift+click sur le potard de réglage de la fréquence. Mais Eiosis va beaucoup plus loin que ça en offrant quelques raffinements. Tout d’abord, il y a deux modes de fonctionnement : le « Band Solo » classique qui ne laisse écouter que la bande en question et coupe tout le reste, et le « Frequency Finder » qui booste la fréquence de la bande de travail tout en laissant le reste du signal intact. Si le premier mode est pratique pour partir à la chasse des fréquences parasites, le second est, quant à lui, hyper efficace pour chercher des zones fréquentielles telles que l’attaque ou le corps d’un instrument, car l’écoute reste dans le contexte du signal égalisé. Et comme chez l’éditeur grenoblois le souci du détail semble être une constante, il est possible de choisir de combien de décibels la bande sera amplifiée lors de cette écoute (3, 6 ou 12 dB) ainsi que la largeur de bande (soit le réglage actuel de la bande, soit le Q maximum).
Prenons maintenant un instant pour parler du comportement sonore de cet égaliseur. AirEQ peut être relativement déstabilisant au premier abord, car il est très « sensible ». J’entends par là qu’une amplification d’un simple petit décibel sur une bande de fréquences peut faire une différence énorme, contrairement à certains plug-ins où il faut y aller à coup de 6 dB pour entendre quelque chose. Au niveau sensation, cela m’a rappelé l’écart qualitatif que l’on peut percevoir entre l’égalisation d’une belle console de Live style Midas et une console d’entrée de gamme. Pour AirEQ, cette sensibilité s’explique par le rapport étroit entretenu par les paramètres de gain, de Q, et de « Character ». En effet, tout ce beau monde travaille de concert afin qu’un changement de Q et/ou de « Character » n’affecte pas la sensation de volume sonore perçu. Et c’est plutôt bien vu, car cela facilite grandement les réglages pour des corrections fréquentielles ciblées. De fait, mieux vaut considérer les potentiomètres de gain comme des réglages de « loudness » plutôt que de simples réglages de gain classiques.
Nous avons presque fini le tour du propriétaire en ce qui concerne les possibilités d’égalisation en soi. Je ne vous ai pas encore parlé des potentiomètres pour les gains d’entrée et de sortie, ni du switch d’inversion de phase ou du bouton de bypass, mais il n’y a pas vraiment de quoi faire un roman là-dessus, ça fait le job et c’est tout ce que l’on demande. En revanche, je pourrai vous parler du grand absent : la compensation automatique du gain. Bien que cette fonction ne soit pas (encore) généralisée, elle est tout de même de plus en plus répandue et tellement pratique que l’on s’étonne de ne pas la trouver ici. D’autant qu’à l’usage, AirEQ est le genre d’égaliseur qui pousse naturellement à une approche additive de l’égalisation plutôt qu’à une approche soustractive, ce qui a une fâcheuse tendance à tromper l’oreille si l’on n’y prend garde. Heureusement, le plug-in propose tout de même un garde-fou que nous allons voir dans le prochain chapitre. D’autre part, Fabrice Gabriel m’a assuré qu’il travaillait à l’implémentation d’une telle fonction.
Bien, j’espère que vous n’êtes pas trop essoufflé, car il y a encore pas mal de choses à dire sur cet EQ qui s’avère décidément extrêmement dense au niveau des fonctionnalités. En effet, je n’ai pas encore évoqué les retours visuels proposés, et de ce côté-là non plus, AirEQ n’est vraiment pas en reste…
Eyes wide shut
Au-dessus de son habillage en métal brossé, AirEQ dispose de plusieurs aides visuelles aussi agréables à l’œil qu’efficaces. Il y a tout d’abord les indicateurs de niveaux d’entrée et de sortie. Pour la sortie, nous avons droit aux niveaux crête et RMS avec choix de l’échelle (dBFS, K-12, K-14 ou K-20). Pour l’entrée, il y a bien sûr le niveau crête, mais il est aussi possible d’afficher la différence RMS entre l’entrée et la sortie du plug-in. Cette fonction est le fameux garde-fou dont je vous parlais à l’occasion de l’absence d’une fonction de compensation automatique du gain. En effet, grâce à elle, il est très facile de compenser manuellement les fluctuations de niveau engendrées par l’égalisation via les potentiomètres de gain d’entrée ou de sortie.
Entre ces indicateurs de niveaux se trouve une zone d’affichage à usages multiples. Il y a tout d’abord la représentation graphique de chaque bande et la courbe d’égalisation globale. Bien que l’aide visuelle procurée soit indéniable, il y a tout de même deux défauts à signaler ici.
Premièrement, contrairement à ce que l’on trouve un peu partout, il est impossible de régler les bandes en les « attrapant » directement via ces représentations graphiques. Personnellement, cela ne me gène absolument pas, car je n’ai jamais été fan de cette façon de faire. Toutefois, ce système d’interaction avec le graphique est bien souvent plébiscité par les utilisateurs et il m’apparait important de signaler que pour l’instant cela n’est pas possible avec ce plug-in. Oui, vous avez bien lu, j’ai écrit « pour l’instant », car l’éditeur pense intégrer cette fonctionnalité dans un futur proche.
Le deuxième petit accroc vient du fait qu’il est impossible de savoir sur quelle bande du graphique on travaille tant que l’on n’a pas manipulé l’un des paramètres. Mais encore une fois, Eiosis est au courant de ce fait et semble travailler à une solution.
Cette zone d’affichage offre également un analyseur de spectre en temps réel du plus bel effet qui permet de visualiser au choix l’entrée, l’entrée x l’égalisation ou la sortie.
La bonne idée derrière ces retours visuels, c’est qu’ils sont tous escamotables un à un. Et il est même possible de masquer entièrement cette zone supérieure pour ne plus avoir que la partie utile de l’égaliseur à proprement parler, ce qui privilégie le travail « à l’ancienne » en se fiant à nos petites oreilles plutôt qu’à nos yeux, ce qui n’est vraiment pas plus mal si vous voulez mon avis. D’autant que si malgré tout, vous souhaitez jeter un coup d’œil fugace à votre courbe d’égalisation, un simple Command+Click sur la partie « métallique » de l’interface graphique la fera réapparaître tant que le click sera maintenu. C’est simple et efficace, bravo.
Il me resterait encore beaucoup à dire mais cet article ferait alors plus de quatre fois la taille d’un article normal. Je vais essayer de me limiter à un petit « x3 » et pour ce faire, il va me falloir faire l’impasse sur les fonctions Undo/Redo, le comparateur A/B, l’affichage des fréquences en relation avec les notes (avec choix de la fréquence référence pour le La, s’il vous plaît !), l’affichage du Q en valeur octave, l’option de variation du potard de gain en continu ou par pas (avec choix de la taille des pas), etc. En revanche, il faut absolument que je vous parle des présets !
Pour bien comprendre ces présets, il faut savoir qu’AirEQ permet d’attribuer le nom de votre choix à chacune des bandes. Cela peut paraître bête et pourtant c’est quelque chose de diablement utile. Premièrement parce que cela permet de nommer une bande suivant l’usage que vous en avez eu sur telle ou telle piste de tel ou tel projet, ce qui vous facilitera la vie si vous devez un jour y remettre le nez dedans. Et deuxièmement, cela prend tout son sens lorsqu’on charge un préset… Prenons par exemple le préset « Kick Drum » dans la catégorie « Drum » et chargeons-le sur une piste de grosse caisse. Que se passe-t-il alors ? Eh bien absolument rien, et c’est toute la beauté de la chose ! En effet, les présets n’appliquent par défaut aucun boost ou cut. Par contre, le nom, la fréquence, le Q et le « Character » des bandes changent. Par exemple, pour notre Kick, il y a les bandes « LoClean », « Sub », « Bass », « Impact », « Attack », « Click » et « HiClean », ce qui est plus que parlant, et c’est à l’utilisateur de doser le gain et d’affiner les réglages en fonction de la matière sonore qu’il travaille. Ce système est simple, éducatif et tellement efficace que c’est bien la première fois de ma vie que je conseille d’utiliser des présets pour un égaliseur !
Voilà, je pense que nous avons enfin fait le tour de l’essentiel. Mais avant de passer aux exemples sonores, laissez-moi vous compter les mésaventures de votre serviteur en territoire iLok…
iLok Story
J’ai eu ma première clé iLok il y a quelques années de cela. Contrairement à la plupart des histoires d’amour, celle-ci ne commence pas vraiment bien. En effet, lors d’une prestation « Live », un malandrin passablement aviné s’est malencontreusement approché d’un peu trop près de mon laptop. Face à cette masse de viande saoule, la clé iLok ne put bien évidemment pas résister longtemps et se brisa dans un fracas tonitruant, emportant au passage le port USB sur lequel elle était branchée… Résultat des courses, ce soir-là, j’ai dû faire le deuil d’une dizaine de licences de plug-ins, sans parler du port USB mort au combat. Je m’étais alors juré que l’on ne m’y reprendrait plus…
Pourtant, lorsque la rédaction d’Audiofanzine me contacta il y a un mois de cela pour me proposer de faire les tests de l’AirEQ et du Virtual Mix Rack, je ne pus m’empêcher de succomber une fois encore à la tentation tant les nouveaux joujoux signés par Fabrice Gabriel m’intriguaient. Cette seconde noce avec l’iLok allait-elle être plus heureuse que la précédente ? Eh bien, je dois avouer que ce fut le cas. Les premiers jours tout du moins… Car après une semaine d’utilisation sans la moindre anicroche, le logiciel « iLok License Manager » a décidé de ne tout simplement plus reconnaître ma clé, alors même que celle-ci était parfaitement identifiée par le système de ma bécane. J’ai tout essayé, redémarrage, réinstallation propre du logiciel, changement de port USB… sans succès. J’ai donc contacté le support iLok pour expliquer mon cas en espérant obtenir une solution rapide et efficace. Puis, plutôt que de ruminer dans mon coin et de perdre une journée de boulot, j’ai composé et enregistré un morceau qui se trouve être le dernier exemple audio que vous trouverez ci-après. Comme quoi, à toute chose malheur est bon ! Entretemps, le support m’avait envoyé un email m’enjoignant d’essayer telle ou telle manipulation afin de remédier à mon problème. Au passage, chapeau pour la réactivité ! Bref, le lendemain matin, avant de tenter les manœuvres de sauvetage préconisées, j’ai tout de même réessayé de connecter la clé sans le moindre artifice par acquis de conscience. Et là, contre toute attente, plus aucun problème ! Malgré la joie ressentie à ce moment-là, je ne pus m’empêcher de ressentir une certaine angoisse… En effet, absolument rien n’avait changé en apparence depuis la veille et pourtant tout était redevenu normal. D’où ce questionnement légitime provenant du plus profond de mes entrailles : « What the fudge !? ». Ainsi, tout en poursuivant le test des plug-ins, je n’ai eu de cesse de chercher à reproduire l’incident afin de ne plus jamais avoir à le subir à l’improviste. Et je me suis finalement rendu compte que l’iLok ne supportait pas d’être connectée après mon clavier maître… C’est moche la jalousie ! Enfin, tout va pour le mieux depuis plus de deux semaines maintenant. Ce qui m’amène à rêver que, certes, les plus belles histoires d’amour commencent bien et finissent mal, mais peut-être que la plus belle histoire d’amour commence mal et ne finit jamais.
« Pff… Que de poésie dégoulinante !
– M’en parle pas… Qu’est-ce que c’est long ! Et t’as compris où il voulait en venir toi ?
– Euh… Pas vraiment. Perso, j’attends juste qu’il nous file les exemples audio et puis je filoche parce que je suis garé en double file là… »
OK, pour les deux du fond qui sont pressés, je vais conclure en essayant de ne pas trop en faire. L’incident étant survenu lors du test, il m’apparaissait important de le signaler ici. D’autant que je suis sûr qu’une grande partie des AFiens se pose beaucoup de questions quant à l’iLok. Ces mésaventures montrent que ce système a des inconvénients, comme tous les systèmes d’ailleurs. Et je pense que c’est mon rôle d’en parler, même si les problèmes cités ne sont aucunement liés au plug-in en soi. L’iLok, ça bouffe un port USB, c’est fragile, et ce n’est pas à l’abri d’un plantage.
Ceci étant, il faut rendre à César ce qui est a César et parler également des avantages que ce système procure. Premièrement, à ce jour l’iLok n’est pas cracké d’après ce que j’en sais. D’autre part, il permet de pouvoir se balader avec la clé un peu partout et d’ainsi utiliser les plug-ins autorisés sur n’importe quel ordinateur. C’est un avantage incontestable pour ceux qui sont amenés à virevolter de studio en studio. Enfin, comme le soulignait à juste titre Fabrice Gabriel lors de notre entretien, il se trouve que les plug-ins utilisant l’iLok ont une valeur sur le marché de l’occasion autrement plus élevée que la majorité des autres plug-ins.
Vous en savez certainement assez maintenant pour peser le pour et le contre et vous forgez votre propre avis sur la question en toute connaissance de cause. Sur ce, retournons maintenant à nos moutons avec une session d’écoute consacrée aux joyeusetés sonores que propose AirEQ !
Pump up the volume
Commençons par une suite d’accords basiques réalisée à la va-vite avec un patch de son d’orgue pour Kontakt.
- 01 Organ dry 00:19
- 02 Organ Attack Neutral 00:19
- 03 Organ Attack Fire 00:19
- 04 Organ Attack Water 00:19
- 05 Organ Body Neutral 00:19
- 06 Organ Body Fire 00:19
- 07 Organ Body Water 00:19
- 08 Organ Q 00:19
- 09 Organ wet 00:19
Le premier sample est le son brut. Avec les trois suivants, j’ai essayé de renforcer l’attaque des notes au moyen d’un filtre en cloche. Le gain et le facteur Q sont les mêmes pour les trois exemples, seul le paramètre « Character » change et passe d’un réglage « Neutral » à « Fire », puis « Water ». En position neutre, le résultat sonne familier, mais nous pouvons cependant remarquer un excellent respect des transitoires. « Water » ne semble pas forcément adapté à l’usage recherché. En revanche, la position « Fire » prend ici tout son sens. Le résultat est précis, musical et transparent, car exempt de résonance désagréable.
Refaisons maintenant la même expérience, mais cette fois-ci en cherchant le corps de l’instrument. Le meilleur résultat semble ici être le réglage « Water ». En effet, ce dernier apporte un bel équilibre et une rondeur dépourvue d’agressivité.
Le huitième exemple, quant à lui, illustre parfaitement la symbiose entre le gain et le Q. Ici, j’ai automatisé le facteur Q pour qu’il évolue de 0.10 à 7 sur un filtre en cloche en position « Water ». Remarquez qu’il n’y a aucun changement du volume perçu ! À l’usage, ce comportement est diablement pratique pour cibler avec précision la zone du spectre que l’on cherche à retravailler.
Enfin, le neuvième sample propose une égalisation « idéale » selon moi pour insérer cet orgue dans le mix du morceau dont il est issu. Le but était de redonner du corps au son, ainsi que de raviver la ligne de basse qui était bien pâlichonne, tout en calmant les aigus et le haut-médium sans pour autant nuire à l’attaque. Le résultat parle de lui-même, non ?
Après ça, je me suis attaqué à un cas vraiment difficile, à savoir une prise de guitare acoustique réalisée dans de piètres conditions. À l’origine, cet enregistrement n’était qu’une prise témoin, voyons si nous pouvons tout de même en tirer quelque chose…
- 10 Gtr Acc dry 00:43
- 11 Gtr Acc wet 00:43
La possibilité de régler le paramètre « Character » de façon indépendante pour chacune des bandes a ici été décisive. En effet, il a été possible de calmer le bas-médium baveux via une bande en « Water », tout en réduisant la résonance plus que désagréable sur les attaques dans cette même zone de fréquences avec une autre bande en « Fire », et ce, sans trop dénaturer l’instrument. D’autre part, j’ai pu mettre en avant le « strumming » sans être agressif via une bande dans le haut-médium réglée à mi-chemin entre les positions « Neutral » et « Water ». Le résultat global n’est bien entendu pas transcendant, mais il permettra de caler cette guitare acoustique en fond de mix tout en lui garantissant une présence rythmique grâce au « strumming », ce qui est pour le moins inespéré vu la qualité de la prise de départ !
Passons maintenant à une grosse caisse.
- 12 Kick dry 00:22
- 13 Kick wet 00:22
Le son d’origine est loin d’être idéal. Cependant, grâce à l’AirEQ, j’ai pu constater qu’il renfermait tout ce dont j’avais besoin. Ainsi, j’ai pu nettoyer le grave avec un léger coupe-bas tout en accentuant la portion utile avec un filtre « Water ». Un coup de « Fire » pour mettre en avant l’impact, un « Water » pour diminuer le « click », un autre « Fire » pour dompter l’attaque et le tour était joué. J’ai tout de même utilisé la bande « Air » afin de ne pas trop étouffer le son. Bref, le résultat est plus que probant, il me semble. Notez que pour réaliser cet exemple, je suis parti de l’un des présets fournis, ce qui m’a grandement facilité la tâche.
Penchons-nous à présent sur le mixage d’une batterie dans son ensemble.
- 14 Drums dry 00:27
- 15 Drums wet 00:27
Le but ici était de donner à cette rythmique un peu plus de punch sans nuire à la sensation d’espace. Et pour le coup, j’avoue que le résultat va au-delà de mes espérances. La caisse claire n’a plus trop de résonances désagréables tout en étant plus pêchue ; le bas est solide sans paraître étouffé ; et la bande « Air » accentue même la largeur de l’ensemble, que demande le peuple ?
Pour finir, je n’ai pu résister à l’envie de vous présenter ce plug-in dans le contexte d’un mix.
- 16 Whatsoever EQless 02:20
- 17 Whatsoever AirEQ 02:20
Le premier extrait n’est qu’une mise à plat rapide avec tout de même un poil de réverbération et une légère compression sur la voix pour qu’elle ne soit pas trop noyée par le reste. Le second reprend exactement la même mise à plat avec une instance d’AirEQ sur chacune des pistes. Et puis c’est tout ! Pas de compression par piste, pas d’automation des volumes, etc. Il y a juste un limiteur en sortie qui rabote une ou deux crêtes par-ci par-là histoire d’obtenir un niveau d’écoute global convenable, mais c’est également le cas et dans les mêmes proportions pour l’extrait sans égalisation. Avouez que le résultat est sympathique. On gagne en largeur, en profondeur, en définition, en punch, ainsi qu’en clarté. Bref, il ne manque vraiment pas grand-chose pour arriver au résultat final, une petite session de gestion de la dynamique, un léger affinement des réverbérations, puis une passe d’automation et l’affaire sera dans le sac. Bien sûr, je ne prétends pas que je ne serais pas arrivé à un résultat satisfaisant avec d’autres égaliseurs. En revanche, je peux affirmer que le travail avec AirEQ sur ce titre a été diablement facile et rapide, et ça, c’est quelque chose de primordial à mon sens.
The Fresh Prince
N’en déplaise aux ayatollahs du « tous les plug-ins d’égalisation sonnent pareils », AirEQ est bel et bien différent. Et ce, sans user d’un quelconque artifice puisqu’il n’y a ici aucune trace de génération de distorsion harmonique. Ainsi, plutôt que de maquiller votre signal comme un camion volé, Eiosis vous propose plus simplement avec AirEQ de révéler la beauté naturelle que renferment vos enregistrements. Avec sa souplesse d’utilisation, sa transparence, ses courbes hors-normes à l’efficacité redoutable, ses présets bien sentis et sa faible consommation CPU, cet égaliseur est un outil de choix tant en condition de mixage qu’en situation de mastering. Certes, il n’est pas exempt de défauts. Cependant, la plupart d’entre eux devraient être résolus à l’occasion de mises à jour futures que j’attendrai avec impatience. Pour le reste, AirEQ a tellement su me séduire que je lui décerne sans sourciller un Award « Valeur Sûre ».
Interview
Comme je vous le disais en début d’article, Fabrice Gabriel a eu la gentillesse de bien vouloir m’accorder un entretien téléphonique de plus de deux heures afin de parler de ces dernières réalisations (AirEQ et VMR). En voici quelques extraits que nous publions avec son aimable autorisation. Veuillez m’excuser pour la qualité audio médiocre de ces enregistrements. Pour ma défense, au moment de l’enregistrement, l’idée de vous en présenter quelques morceaux choisis ne m’avait pas encore effleuré l’esprit…
- 01Parcours Fabrice 11:13
- 02Genese Eiosis AirEQ 09:59
- 03AirEQ 40:33
- 04AirEQ Futur 11:27
- 05Contrôleur 04:16
- 06iLok 09:35
Voilà, c’est tout pour aujourd’hui. Vous aurez droit à la suite de cet entretien à l’occasion du test du Virtual Mix Rack de Slate Digital.