En 1969, alors que Neil Amstrong avait la tête dans les nuages et les pieds sur la Lune, Mike Matthews assemblait des composants électroniques et créait ce qui allait devenir Electro-Harmonix. Suivant la mode de l’époque il crée une fuzz : la Big Muff. Pour un guitariste non débutant, ne pas la connaitre, au moins de nom, revient à avoir vécu sur Mars ces 50 dernières années. Incontournable salisseuse de son de guitare, on peut dire que presque tout le monde lui est passé dessus. Elle nous revient aujourd’hui dans une énième mouture et non des moindres puisqu’il s’agit du modèle originel.
Du neuf avec de l’ancien dedans
Depuis 2017, Electro-Harmonix a lancé un modèle Reissue de la Big Muff chaque année. Celle qui nous intéresse aujourd’hui est une réédition en mode compact de la première version, celle qui a lancé la marque. Elle fait suite aux rééditions Green Russian en 2017 et Op-Amp en 2018. Le design est quasi identique à l’originale, très simple : pas de couleur, un symbole π/"Pi" en bâtons et le nom de la pédale. Avec un ajout tout de même, la dénomination « Triangle » qui intrigue un peu au premier abord. Après quelques études géométriques, un petit tour sur internet nous apprend qu’il ne s’agit en fait que d’une référence à la forme que prend la disposition des potards de réglages : Volume. – Tone – Sustain. Effectivement, il y a tellement de versions et d’évolutions de la Big Muff que pour s’y retrouver, on utilise aujourd’hui des surnoms qui les décrivent. C’est tout simplement le surnom qui a été donné à la première version car sur les modèles suivants les réglages étaient disposés en ligne. Le boitier en métal a été revu en format réduit, correspondant plus aux pedalboards actuels et le design des boutons est fidèle à ce que la marque pratique depuis un certain temps. Une habituelle diode rouge nous alerte de la mise en service. Une petite touche d’originalité à ce niveau, comme une diode bleue ou jaune, aurait été attractif mais cela reste secondaire.
Nous avons testé avec une PRS Custom 22 branchée dans une tête Diezel Einstein, sur le canal clair avec les 3 EQ à 50 % pour laisser place au son de la pédale. Le son est un mélange de SM57 devant et Audix D2 à l’arrière d’un haut-parleur Celestion V30.
BiiiiiiG
- big_muff_all_12_o’clock00:46
- big_muff_midtone00:48
- big_muff_tone_sweep00:21
- big_muff_no_sustain01:13
- big_muff_big_sustain_midtone01:00
- big_muff_max_sust_tone01:17
- big_muff_flatiron_rock_midtone01:41
- big_muff_lead_flatiron_rhy_st01:53
Pour les initiés de la grande dame, pas tellement de surprise et après tout ce n’est pas un nouveau modèle. Réglages tout au milieu pour commencer, ça sonne déjà : c’est gras, ça sature, ça distord, comme à l’accoutumée. On aime, on en redemande. Le potard Sustain dose la saturation et le Tone sert bien évidemment d’EQ. Ce réglage est assez fin, chose très appréciable car avec un potard on passe d’un son plein de basses, assez étouffé, à un son criard, strident, très médium qui fait facilement ressortir la saturation. La palette est d’ailleurs suffisamment riche pour s’octroyer le luxe d’en avoir deux sur son pedalboard avec des réglages différents pour passer de l’une à l’autre dans le même morceau. Sur une rythmique en notes seules on sentirait presque un son clair bien défini « en dessous » et une couche de son très saturé « au-dessus ». Nous avons trouvé les basses et les attaques de médiator bien présentes et définies malgré une saturation assez poussée. En revanche avec des palm mutes de furieux à 180 ou 200 BPM la précision s’estompe et le son devient assez baveux. Aucun reproche, après tout, il s’agit d’une fuzz.
Avec le Sustain à 0, autrement dit le gain au minimum, le son est déjà assez sale, mais permet tout de même de sympathiques escapades hors du domaine des gros bourrins. En revanche, le réglage n’est pas très linéaire et manque d’action sur la 2e moitié de sa course.
Comme toute fuzz, elle est parfaite pour des riffs à la Led Zeppelin, Jimi Hendrix ou tout autre groupe rock/hard rock de cette époque. Nous l’avons comparée à une autre fuzz récente de la marque, la Flatiron Fuzz, qui est basée sur une pédale de la décennie suivante, la Rat de ProCo Sound. Avec un réglage similaire de gain et d’EQ, sur un même riff, la Big Muff est plus sale/saturée – plus « Bass & Treble » alors que la Flatiron est plus médium, mais les deux nous ont beaucoup plu. De même, le mélange Big Muff en lead, accompagnée de la Flatiron en rythmique avec un léger gain nous a tenu éveillé un moment. Nul doute qu’Electro-Harmonix tient ici deux valeurs sûres.
1969 © 2019
La Triangle Big Muff vient enrichir une gamme déjà très large. Sur le site d’Electro-Harmonix, il existe pas loin de quinze modèles différents, juste pour la Big Muff. Avec cette réédition, son fondateur Mike Matthews, voulait une manière de fêter les 50 ans de la marque. On imagine que cela permet ainsi à ceux qui n’étaient pas nés à sa sortie de goûter à l’origine du mythe, chose difficile à faire aujourd’hui car un modèle d’époque se fait très rare et coûte très cher d’occasion. Sans être indispensable au catalogue, de notre point de vue cette pédale est réussie. Reste que l’on pourrait tomber dans l’éternel débat du « c’était mieux avant », avec de meilleurs composants ou autre… Chose que nous n’avons malheureusement pas pu vérifier précisément pour les raisons évoquées plus haut, et même si cela s’avère vrai dans certains cas, cela nous a paru secondaire tant la qualité sonore est là.