Depuis l’introduction de leur système Synergy Core, Antelope continue de rééditer ses appareils dans de nouvelles versions boostées aux DSP. C’est au tour de leur interface rackable Orion Studio de passer sur notre banc d’essai.
Il y a trois ans, on avait beaucoup aimé la Orion Studio originale. Antelope n’en était encore qu’à ses débuts dans le monde des interfaces, et nous proposait un produit haut de gamme avec de belles qualités et quelques défauts. Les performances sonores étaient excellentes, et l’interface pleine de promesses pour le futur de la marque. Depuis l’année dernière, Antelope réédite progressivement ses interfaces phares, avec une mise à niveau, grâce au système « Synergy Core ». Le principe est simple : en plus des traitements sonores basés sur les processeurs FPGA, Antelope ajoute désormais des processeurs DSP (six dans le cas présent). La marque souhaite ainsi développer son catalogue de nouveaux plug-ins drivés par les DSP, et offrir à ses utilisateurs des résultats en latence améliorés.
Passons au déballage de la nouvelle Orion Studio…
Présentation
La première chose qui frappe : elle n’a pas la même tête qu’avant ! On est passé de l’acier brossé à l’anthracite et rouge. En dehors de cela, le design reste absolument le même : minimaliste, simple et un peu mystérieux quant aux fonctions de chaque bouton (au premier abord en tout cas, cela s’éclairera progressivement).
On retrouve donc les 12 préamplis micro/lignes (connectiques combo XLR/jack 6,35 mm TSR), répartis entre l’avant et l’arrière de l’appareil, les connecteurs Thunderbolt et USB (c’est toujours bien d’avoir le choix), deux sorties casques, deux sorties pour le reamping, deux sorties monitoring, et un micro pour le talkback (assignable depuis le software). Du côté numérique, on a 16 canaux ADAT, une E/S SPDIF, et du Wordclock.
Comme avant, les 4 connecteurs XLR/jack 6,35 mm situés sur la façade permettent de brancher des micros, des sources niveau ligne mais aussi des instruments (guitare, basse…). À leur côté, le gros potentiomètre cliquable, qui servira à régler les différents niveaux d’entrée et de sortie et à naviguer les menus accessibles depuis l’écran. Par ailleurs, celui-ci est entouré de 6 petits boutons, disposés à sa droite et à sa gauche, qui permettent de sélectionner les gains à ajuster, ainsi que des presets réglables.
À noter aussi : comme toujours chez Antelope, l’interface requiert l’enregistrement du produit et l’installation du logiciel propriétaire pour être utilisée le plus complètement possible. Ce n’est pas grave, bien entendu, mais il vaut mieux savoir que la marque pratique toujours une politique du « tout propriétaire ». Cette règle s’étend aussi aux émulations gérées par les interfaces qui nécessitent toujours l’acquisition d’une coûteuse solution de déblocage pour être utilisées dans une autre STAN.
Le système de routage de l’appareil, en lui même, est assez particulier : on associe entrées et sorties sur un grand tableau multicolore et cliquant et déposant les cases, sauf pour le talkback qui se route indépendamment, grâce à un menu déroulant. Je trouve toujours cette interface confuse, mais comme j’ai pu le dire dans d’autres articles, ce jugement est très subjectif.
Nous l’avions noté auparavant, une fois raccordée, l’alimentation se sécurise avec une protection à vis : bien pensé, pour éviter les débranchements intempestifs, où les torsions au niveau de la connectique. Attention toutefois à ne pas se prendre les pieds dans le câble : l’interface risque de partir avec vous.
Et le bundle dans tout ça ?
La Orion Studio Synergy Core est livrée avec un pack de 48 plugins. Très orienté sur le traitement de son d’instrument, la suite FX comprend comme toujours onze émulations d’amplificateurs et onze émulations de baffles. À cela vient s’ajouter deux préamplis micro (BA-31 et Gyratec IX), quatorze égaliseurs (des émulations Neumann et Neve, le paramétrique Clear Q, le VMEQ-5 spécialement pour traiter les médiums…), dix traitements dynamiques (un noise gate, trois compresseurs, quatre compresseurs/limiteurs, un limiteur et un expandeur), un de-esser et un accordeur A-Tuner.
Pas de pédale de guitare dans cette suite d’effet gratuite, mais il est possible d’en débloquer par la suite : en effet, Antelope propose d’augmenter ce bundle de base par une suite de quarante neuf plugins compatibles avec la Orion Studio, achetables individuellement depuis leur site. On trouve alors de nombreuses émulations de grands classiques du studio (préampli Telefunken, compresseurs UA ou Fairchild, etc.), ainsi que la version Synergy Core d’Auto-Tune, lancée il y a un an.
Passons maintenant à la phase des tests.
Benchmark
Afin de tester l’interface, nous avons fait un benchmark avec notre fidèle APx515 d’Audio Precision. Comme d’habitude, nous publions les résultats obtenus en THD, rapport signal/bruit et déviation des voies, pour les entrées et sorties analogiques. Pour toutes les configurations, je règle le gain pour obtenir le meilleur résultat possible. Dans les cas où la comparaison est éclairante, je teste avec des gains plus faibles.
La mémoire tampon réglée à 32 échantillons, on obtient (à 44,1 kHz) une latence d’entrée de 2,22 ms et de 2,49 ms en sortie.
Commençons donc avec les entrées lignes :
J’envoie un sweep de 1 Vrms dans les entrées 1 et 2, et je règle le gain à 17 dB (sorties moniteur 1 et 2, non atténuées).
Du point de vue de la linéarité, la nouvelle Orion Studio s’en tire très bien, avec une déviation de ±0,048 dB au maximum. Rien à redire sur un tel résultat, c’est tout simplement très bon.
Résultat en THD : on tourne majoritairement autour de 0,0008 %. À partir de 3 kHz, on observe une montée progressive, qui oscille autour des 0,005 % à partir de 4 kHz. Les résultats ont donc changé depuis notre test précédent mais gardons en tête qu’il s’agit de bons résultats : on pourra plutôt parler d’un profil sonore légèrement différent.
D’ailleurs, le rapport signal bruit à 102 dB nous apporte la confirmation de la transparence de l’appareil.
Attention, ces tests ont été réalisés en routant les entrées ligne directement aux sorties moniteurs. En prenant le son à la sortie du mixer (software) et en l’envoyant dans les mêmes sorties moniteur, on observe une légère baisse de qualité (ce qui n’est pas étonnant par ailleurs) : 99,7 dB de signal/bruit et une THD avoisinant plutôt les 0,0012 % (en majorité).
L’Orion Studio Synergy Core propose également des entrées « Direct Out » qui contournent les préamplis discrets. Les résultats sont relativement similaires, mais avec une amélioration de la linéarité (±0,046 dB) et du rapport signal/bruit (109,1 dB ! Impressionnant).
On obtient des résultats tout aussi excellents sur les entrées micros :
Ici j’envoie un sweep de 100 mVrms et je règle le gain à 31 dB. Et là aussi, rien à redire sur la linéarité. C’est vraiment très bon, avec des résultats meilleurs que sur les entrées lignes : ±0,043 dB de déviation (fréquence de référence 1 kHz). Pour des entrées qui reçoivent un signal faible, on est impressionné de la précision des préamplis. Rien à redire, c’est exactement ce qu’on peut attendre d’un appareil de ce niveau de gamme : on observe même une amélioration nette par rapport à la version précédente (0,060 dB).
La THD, quant à elle, est un peu plus élevée que pour le niveau ligne (normal, avec un plus grand gain en préamplification), mais reste toujours excellente. Même si on remarque toujours ces pics dans l’aigu, au-delà de 3 kHz…
Pour continuer le test, j’ai voulu vérifier la réponse des sorties casques : très bonne surprise, la sortie casque est tout aussi linéaire, et ce jusqu’à 20 kHz, avec un rapport signal/bruit à 101 dB. Ces mesures gagent vraiment de la grande qualité de l’interface.
Pour finir, voyons les entrées instrument, d’abord sur sorties monitoring (signal de 200 mVrms, gain de 41 dB) :
Le rapport signal/bruit diminue (82,6 dB), et la linéarité est moindre (±0,197 dB) surtout au-dessus de 7 kHz, mais cela reste très satisfaisant, surtout du point de vue de la THD (en dessous de 0,005 % jusqu’à 5 kHz, puis jamais au-dessus de 0,01 %).
En revanche sur la sortie reamp :
On trouve là une courbe fortement filtrée, qui ne devrait pas poser de problème avec un signal de guitare, mais devraient moins bien se plier aux reamping de basse.
Conclusion
En résumé, on peut dire qu’on est content de voir évoluer positivement un produit Antelope, qui élimine progressivement ses défauts tout en conservant ses qualités : grand nombre d’E/S, ergonomie plutôt bien pensée, temps de latence excellent, connectique USB+Thunderbolt… Et des résultats sonores meilleurs ! Ajoutons à cela que l’offre de plug-ins s’est améliorée en un an, avec plus d’effets qui viennent désormais compléter les préamplis, compresseurs et EQ. On ne peut s’empêcher de regretter la politique très axée sur les éléments « propriétaires ». Mais on se doit de reconnaître qu’avec une offre aussi généreuse en E/S et des résultats sonores si bons, Antelope joue vraiment dans la cour des grands avec cette interface.