Sortie en fin d'année dernière, l'UFX III de RME s'annonçait comme une interface très complète, très performante et, comme toute interface haut de gamme, chère. Alors est-ce que ça donne assez envie pour sauter le pas ? AF se charge du test...
D’autant plus qu’elle bénéficie de l’excellente réputation de sa prédécesseuse, l’UFX II. On peut donc légitimement se demander s’il vaut le coup de sauter le pas et de passer au modèle supérieur.
Explorons donc cette belle interface argent et bleu, rapide comme l’éclair.
Présentation
Avant de commenter plus avant les avantages et désavantages potentiels de l’interface, il est nécessaire de la décrire pour savoir à qui l’on a affaire :
Du côté de la face avant, on trouve :
- quatre entrées de niveau micro/ligne sur combo XLR/jack 6,35 mm TRS, utilisables aussi comme entrée instruments avec réglage d’impédance d’entrée, plus une commutation individuelle du l’alimentation +48 VDC
- deux sorties casque (voie 9/10 et 11/12)
- deux ports (entrée et sortie) MIDI sur connecteur DIN 5 broches (tiens, j’en profite pour préciser que normalement il faudrait dire « 5 broches, 180 degrés », car il existe différentes orientations de broches ! #mercipèrecastor)
- un port USB qui permet d’enregistrer directement sur support externe, jusqu’à 80 pistes simultanément, indépendamment du contrôle par ordinateur puisque cette fonction est gérée en interne par DSP (gestion des supports mémoire jusqu’à 2 TB).
- sur la droite, dans la zone bleue, le contrôle par écran LCD (à contrôle TFT, donc avec une très bonne résolution et vitesse d’affichage), qui permet de visualiser tous les niveaux d’entrées et de sortie simultanément, et aussi de contrôler grâce à deux encodeurs et à quatre boutons, la navigation dans les sous-menus. Le gros encodeur à gauche de l’écran permet de gérer le niveau de monitoring, les deux à droite contrôlent les sorties casque.
Sur la face arrière :
- Huit entrées symétrisées niveau ligne (jack 6,35 mm TRS). On peut régler deux niveaux de gain différents (+4/+19) au sein de l’environnement logiciel, ou à travers l’écran de contrôle.
- Huit sorties symétrisées niveau ligne (6 sur jack 6,35 mm TRS, 2 sur XLR) — bien noter : elles sont toutes couplées en continu (DC-coupled) pour permettre l’envoi des tensions de contrôle vers des appareils externes ! Elles ont toutes trois niveaux max de sortie préréglés, sélectionnables dans le logiciel ou dans le menu (+19, +13, +4), sauf les deux sorties principales, sur XLR, qui ont quatre niveaux (jusqu’à +24) en plus d’être modulables par l’encodeur.
- Un couple entrée/sortie AES/EBU sur XLR (bien sûr)
- Deux couples E/S au format ADAT (acceptant aussi le S/PDIF)
- Deux liaisons E/S au format MADI, permettant d’augmenter de façon conséquente les entrées et sorties de l’appareil (jusqu’à 64 voies supplémentaires, comme le veut le format). Le protocole MADI peut aussi servir à faire transiter des signaux de contrôle MIDI, en ce qu’on appelle le « MIDI over MADI ». On les trouve à la fois au format optique SC et coaxial BNC. Les prises BNC peuvent également servir pour le Wordclock.
- Un autre couple E/S MIDI au format DIN 5 broches (« Combien de degrés ? Qui a suivi ? »)
- Une prise USB pour employer un contrôleur externe.
- La liaison à l’ordinateur par port USB 3.
On comprend rapidement, en tout cas, ceux qui connaissent la gamme UFX sur ces dernières années, que la UFX III est composée comme un retour vers ce qui faisait la UFX+ (tout particulièrement les E/S MADI), et qui n’était pas présent sur la UFX II. Cette dernière reste en revanche au catalogue, mais dans une version mise à jour, et c’est un point important : l’UFX III est donc la « grande sœur » d’une UFX II qui avait été pensée comme une version plus performante, mais aussi plus restreinte (moins d’E/S) de l’UFX+.
Arrêtons-nous sur deux points :
Les sorties coupées en CC — là aussi, l’UFX III fait mieux que sur l’UFX+ (où cette option n’était disponible que sur les sorties casques), et les anciennes UFX II… mais les nouvelles UFX II en bénéficient également sur toutes les sorties.
L’UFX III emploie l’horloge FSClock de RME, leur meilleure horloge numérique, mais il est important de noter que celle-ci est aussi présente (désormais, ce n’a pas toujours été le cas) sur les versions mises à jour de l’UFX II.
La grande différence concerne donc véritablement : le MADI, avec ses 64 voies supplémentaires (utilisables également en boucle de retour type loopback) et bien sûr l’USB 3, nécessaire pour le protocole MADI. RME annonce également une amélioration des spécifications en THD+N grâce à de nouveaux convertisseurs (— 6 dB).
Logiciel
Pour ce qui est du software, RME fournit l’ensemble TotalMix, en version ordinateur et tablette.
On ne pourra certes pas faire un tour complet du logiciel (on ne le peut presque jamais), mais cette fois-ci, peut-être encore moins que d’habitude, car le logiciel est si complet et si puissant qu’il requiert une vraie plongée (à travers des tutoriels, dans un premier temps, mais aussi peut-être grâce à un manuel d’utilisateur gros comme les pages blanches, sans rire) qu’il serait impossible de résumer ici. Nous nous contenterons de quelques éléments importants :
Il y a d’abord deux fenêtres principales : le mixer, qui comprend pratiquement TOUT, et la matrice de routage.
Dans le mixer, on trouve d’abord les entrées physiques (première rangée, en haut à gauche), puis les voies numériques (milieu à gauche) puis les sorties physiques (en bas à gauche).
Sur la rangée du haut, on voit plusieurs exemples d’affichage possible de la voie :
- « Normale »
- Avec l’onglet « réglages » ouvert, où l’on voit le passage de stéréo à mono, le réglage de la sensibilité max, le réglage du gain, l’envoi d’effet, et l’inversion de phase.
- Une tranche avec l’onglet EQ ouvert, trois types d’EQ (low shelf, notch, high shelf), les paramétrages des fréquences, du gain, du Q, puis un simple passe-haut, avec sa fréquence réglable, et sa pente.
- Une tranche avec l’onglet « dynamics » ouvert, avec les réglages de seuil et de ratio, plus le réglage de gain automatique.
- Une tranche complètement « repliée »
On remarque que des présets sont enregistrables pour l’EQ comme pour le compresseur. On remarque aussi que ces effets sont assignables sur les entrées et les sorties indépendamment, même les sorties casques ou monitoring.
Sur la partie droite du mixer, on a accès aux effets d’écho et de réverbe, disponibles sur les bus d’envoi (send), utilisable en temps réel lors des prises (merci le DSP). L’utilisation d’un bus d’envoi permet de régler indépendamment le recours à ces effets dans chaque mix envoyé en sortie, ce qui peut être particulièrement pratique pour répondre aux besoins des musiciens avec lesquels vous travaillez. De façon générale, il est d’ailleurs possible d’assigner un mix unique à n’importe quelle sortie physique, indépendamment les unes des autres.
On a également accès aux snapshots, c’est-à-dire des préréglages généraux mémorisés, qui permettent de travailler facilement sur plusieurs projets en même temps, et de travailler hors du studio également.
Et là, on ne fait que gratter la surface. Le système des onglets refermables est intéressant, mais peut vite devenir embrouillé pour celui qui ne pense pas bien à tout refermer hors usage. En effet, on dépasse vite la capacité d’affichage de la fenêtre, même en plein écran, et l’on se retrouve à beaucoup naviguer de droite à gauche pour retrouver des pistes aux deux points extrêmes (à moins de penser à complètement replier chaque voie inutilisée). Notons quand même qu’il est très intéressant que RME ait inclut la possibilité d’enregistrer sous forme de préréglage les états visuels du logiciel (quel onglet est fermé, lequel ouvert…) : onglet layouts presets (voir en bas à droite).
Quant au bundle, il n’y en a pas. On le mettra dans les points négatifs pour chipoter, et, car certains concurrents, dans la même gamme de prix, en incluent un. Ce manque incitera peut-être quelques utilisateurs à se tourner, par exemple, vers Antelope… Et cela peut se comprendre, selon les besoins de chacun, mais nous préférons dire combien, au vu de la « générosité » de l’appareil, cette absence ne nous a pas paru abusive pour autant.
Benchmark
Précisons-le d’abord, l’UFX III travaille dans une résolution max de 24 bits/192 kHz. Un petit tour du côté de RTL Utility nous apprend que la latence réelle est la suivante :
Le buffer sur 32 échantillons en 44.1 kHz, RTL Utility remonte une latence de 2,993 ms
Le buffer sur 64 échantillons en 44.1 kHz, RTL Utility remonte une latence de 4,444 ms
Le buffer sur 128 échantillons en 44.1 kHz, RTL Utility remonte une latence de 7,347 ms
Le buffer sur 256 échantillons en 44.1 kHz, RTL Utility remonte une latence de 13,152 ms
Le buffer sur 64 échantillons en 96 kHz, RTL Utility remonte une latence de 2,208 ms
Le buffer sur 128 échantillons en 96 kHz, RTL Utility remonte une latence de 3,542 ms
Le buffer sur 256 échantillons en 96 kHz, RTL Utility remonte une latence de 6,208 ms
Afin de tester l’interface, nous avons fait un benchmark avec notre fidèle APx515 d’Audio Precision (lien). Comme d’habitude, nous publions les résultats obtenus en THD, rapport signal/bruit et déviation des voies, pour les entrées et sorties analogiques. Pour toutes les configurations, je règle le gain pour obtenir le meilleur résultat possible.
Gain max : 60 dB, on peut monter jusqu’à 66 dB avec le gain numérique de la STAN, et c’est ce qui est annoncé par RME.
Plage dynamique (pondération A) : 115,347 dB
Commençons par les entrées ligne :
Déviation : ±0,042 dB
THD+N : 0,001 % THD : 0,0006 %
Rapport signal/bruit : 101,677 dB
Distorsion d’intermodulation : –99,928 dB
Passons aux entrées micro :
Déviation : ±0,033 dB
THD+N : 0,001 % THD : 0,0004 %
Rapport signal/bruit : 104,770 dB
Distorsion d’intermodulation : –98,077 dB
Qu’en est-il de la sortie casque
Déviation : ±0,196 dB
THD+N : 0,0009 % THD : 0,0005 %
Rapport signal/bruit : 103,756 dB
Distorsion d’intermodulation : –87,654 dB
Conclusion
Les résultats des mesures parlent d’eux-mêmes… La latence, le rapport signal bruit, la THD+N, tout est absolument excellent (et l’on ne s’attend pas à moins). La plage dynamique est très grande, et l’on est tout particulièrement impressionné par des sorties casques très silencieuses et avec une distorsion extrêmement basse.
Quant à la diversité des entrées/sorties, leur nombre très élevé, les infinies possibilités de routage, là aussi, on ne trouve rien à redire. L’interface est construite avec des matériaux de grande qualité, chaque connectique est robuste. Bref, il s’agit d’un appareil fait pour durer, et fait pour travailler au quotidien sans inquiétude.
L’élément principal qui mérite donc d’être soulevé, à nos yeux, c’est la proximité existante entre cette UFX III et la UFX II qui vient d’être mise à jour par RME. La différence est nette : 62 voies de plus (en plus de résultats apparemment légèrement meilleurs, mais on est là dans le domaine de l’inaudible, de toute façon). Elle est aussi monétaire : 500 euros de plus.
Il nous semble que c’est là que tout se joue. Un tel écart de prix ne nous semble pas injustifié, car le MADI ouvre des possibilités importantes et diversifiées d’utilisations de l’interface. Mais par ailleurs, l’option nous semble également ne correspondre qu’à des usages de « grande » ampleur, ce qui (d’une certaine façon) a pour conséquence inverse de revaloriser l’UFX II, qui apparaît soudain comme une option intéressante et raisonnable pour tous ceux qui n’ont pas l’emploi de 188 voies. Pour résumer, l’UFX III est donc une interface remarquable, mais qui ne détrône aucunement sa prédécesseuse, venant plutôt ajouter un échelon d’excellence à l’offre de la marque allemande.