Dis moi ce que tu lis.
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Nantho Valentine
Anonyme

Mémoires d'une homme singulier
Emmanuel Bove
1939
Paris, fin de l'automne 1938. Jean, 38 ans, attends avec impatience son rendez-vous du 17 décembre avec Richard. Que veut-il donc lui dire? Que se passe-t-il? Cela rend Jean anxieux. Le 14 décembre nouveau télégramme de Richard. Leur rendez-vous est reporté au 24 décembre. Il faut donc attendre encore, ce qui signifie pour Jean se perdre encore des jours durant dans d'interminables interrogations.
C'est un livre un peu différent de ceux que j'ai lu de Bove jusqu'à présent.
Divisé en trois parties, la première (titrée Richard Dechatellux) est toute bovienne, avec le monologue de ce héros presque quadragénaire qui se laisse porter par la vie car le peu de mal qu'il s'est donné pour essayé d'en faire quelque chose a toujours fini par échouer et donc le décourager rapidement.
Célibataire et sans emploi, il vit dans une chambre d'hôtel, vivant d'une maigre subsistance, n'ayant comme seuls biens pour ainsi dire, que son costume élimé, une chemise fatiguée, son par-dessus et un chapeau.
Il arpente Paris au gré de ses envies, rencontrant de temps à autres de vagues connaissances, ressassant sa vie en permanence dans une solitude presque choisie.
La seconde partie (Ma vie) propose une biographie très détaillée du narrateur, et donc une perspective qui n'est pas toujours aussi développée dans les autres romans de l'auteur. On retrouve Jean dans son enfance, sa jeunesse, sa vie de jeune adulte et pour chacune de ces périodes les différentes relations (parents, grand-parents, compagnes) qui ont fait de lui cet homme que nous découvrons aux portes de la quarantaine. C'est la partie la plus longue.
La troisième partie (Aujourd'hui) se déroule en 1939. Le rendez-vous tant attendu étant passé, le narrateur se retrouve au pied du futur.
En fait j'ai réussi à mettre un nom, une expression sur la caractéristique du personnage bovien: ils sont victimes de leurs biais cognitifs et appréhendent en permanence le monde selon des logiques toutes personnelles. Ils ont un logiciel de fonctionnement parfaitement rodé et n'acceptent que très rarement et avec méfiance les avis extérieurs. Toujours victimes et jamais coupables de leurs sorts. Peut-être également une forme de solipsisme.
Dans ce roman, certains personnages viennent toutefois mettre un peu d'air dans cet esprit encombré de lui-même, le secouant un peu et ouvrant ainsi un tant soit peu des fenêtres et des opportunités sur d'autres mondes ou vies possibles, là où habituellement nous sommes "coincés" seuls avec le narrateur, et qu'en simple lecteur nous ne pouvons qu'écouter son récit sans donner notre point de vue.
Toujours bien écrit*, ce roman souffre toutefois selon moi de quelques longueurs dans la seconde partie.
Mais globalement je trouve que c'est un bon roman pour découvrir Bove car il conjugue le personnage bovien pur avec son "double" un peu plus dilué dans une vie sociale normale.
* on trouve souvent des imparfaits du subjonctif qui font toujours un peu bizarre à la lecture, tant nous ne sommes plus habitués à en lire. Exemple:
Il n'avait pas compris que, dans de telles conditions, j'osasse songer à me marier.
Anonyme
Un soir chez Blutel
Emmanuel Bove
1927
Quatrième de couverture:
Quelques années après la fin de la Première Guerre mondiale, Maxime, un jeune vétéran, revient de Vienne, où il était parti faire fortune après l’armistice. N’ayant réussi à rien, sans un sou en poche, il reprend contact avec un ancien ami, André Blutel, dès son arrivée.
Blutel, devenu médecin, l’invite à dîner dans le bel appartement que lui a installé sa maîtresse. Cinq invités les rejoignent. Au fil de la soirée vont se faire jour la somme des luttes, des mesquineries, des résignations par lesquelles tous ces petits-bourgeois ont dû passer pour conquérir leur statut social et s’y cramponner.
Maxime n’a jamais su ni autant qu’eux voulu réussir. Ce soir-là, chez Blutel, il parviendra enfin à l’admettre, et peut-être même à comprendre pourquoi.
Plutôt que perdu dans sa solitude comme l'est habituellement le "héros" bovien, le voici en société. Il ne perd pas la finesse de son acuité psychologique quelques fois trompeuse, mais confronté à une groupe de personnes ne manquant pas elles-mêmes d'esprit critique, d'autres choses se révèlent à son sujet.
Bove excelle comme d'habitude dans sa façon de sonder des personnages et pas forcément dans ce qu'ils ou elles ont de plus reluisant.
À chaque nouvel invité, le portrait est dressé non seulement par l'auteur mais également par les autres convives. Festival d'hypocrisie, de préjugés, de méfiance, d'animosité contenue, de jalousie révélés par un petit mot, un geste silencieux, une attitude.
Lecteurs ! Mettez-vous à table avec ces gens et savourez les non-dits ! Invisibles et flottant au-dessus des pages vous ne risquez rien à observer tout ça de votre point de vue. À moins que l'un des personnages ne dévoile un de vos propre travers
Le petit plus du livre: la bibliographie très éclairante de l'auteur en quelques dates, qui permet de réaliser que pas mal d'éléments du livre précédent (Mémoires d'un homme singulier) sont autobiographiques.
[ Dernière édition du message le 12/05/2019 à 14:01:21 ]
Anonyme
:lapsusdesyeux:
le livre a l'air intéressant.
Anonyme

Quatrième de couverture:
André Poitou, honnête bourgeois d’une soixantaine d’années, vient d’être décoré de la Légion d’honneur. Après une vie de labeur consacrée au commerce de la chaussure, il est parfaitement satisfait de sa réussite. Son bonheur est pourtant teinté de mélancolie : célibataire et sans enfants, il prend peu à peu conscience de la solitude dans laquelle il s’est enfermé. Il entreprend donc de se bâtir une vie sociale, et sa Légion d’honneur est une splendide occasion d’offrir à l’ensemble de ses relations un grand banquet.
Cœurs et visages est construit autour de ce seul banquet. Fascinante galerie de portraits, le roman de Bove fait défiler un frère aigri, des subordonnés modestes ou flagorneurs, des « amis » autoproclamés, une chanteuse à la plastique impeccable, un président de syndicat pince-sans-rire, un journaliste raté…
Exercice de virtuosité d’une rare délicatesse, Coeurs et visages est l’une des plus belles réussites d’Emmanuel Bove.
Je n'ai pas grand chose à rajouter à ce quatrième de couverture qui décrit très bien le livre. Je rajouterais cependant que l'originalité est qu'ici, le héros bovien a réussi à se faire une situation sociale, là où généralement il est plutôt du genre à se laisser vivre.
C'est un peu la version "upgradée" du livre précédent, mais avec plus de personnages et d'autres rouages qui, derrière ces visages souriants cachent des coeurs méprisants, opportunistes, envieux et jaloux le tout sous le scalpel psychologique et littéraire de Bove. C'est vraiment grisant de voir comment il met tout ce beau monde à poil, mais on peut aussi ressentir une certaine gêne de réaliser à quel point les gens peuvent être moralement petit.
On s'en doute, mais le voir écrit comme l'écrit Bove c'est vraiment terrible.
C'est selon moi un excellent livre pour découvrir l'auteur avant de s'aventurer vers des romans plus arides comme "Mes amis", "La dernière nuit" ou le très pénible "Un homme qui savait".
Anonyme
Anonyme
Bon, alors à chaque fois que je lis un Houellebecq, j'y vais un peu à reculons, je sais que j'en sortirai pas indemne. D'autant que chaque année je me rapproche de l'âge moyen de son personnage principal, qui dans ses romans a toujours +/- 45 ans.
Ce roman n'y coupe pas.
Pas facile de résumer ce roman, puisqu'à l'instar de génies littéraires comme Saramago ou Mac Carthy, le style fait part intégrante du fond du propos, et donc ne peut pas être résumé, faut le lire en fait pour comprendre le truc.
Là c'est pour moi son livre le plus maitrisé depuis La possibilité d'une île, avec un style qui a pas mal évolué, les phrases sont un peu moins courtes, et y a plus de gloire du lol (enfin y en avait déjà dès le début de son oeuvre, mais ici l'humour est moins acide, enfin le PH reste bloqué à 2, pas plus)
C'est plus construit et facile à suivre que son dernier livre, Soumission, qui était une incroyable prospective politique de la France ( là dessus, Houellebecq semble être un fin observateur de la société française, c'en est franchement flippant tellement il fout tout dans le coeur de la cible tout en donnant l'impression d'envoyer la flèche sans regarder) mais dans laquelle les personnages se perdaient un peu.
De manière générale, y a beaucoup plus d'optimisme dans ce roman (bon, au final le perso principal achète un appart en hauteur, en calculant le temps que mettra son corps à tomber hein
Mis à part donc le fait qu'on va tous crever et que la vie c'est de la merde, avec le perso principal qui renonce à tout pour vivre avec la passion et le dynamisme d'une huitre ou d'une noix de saint jacques, c'est vraiment porteur d'espoir.
Dr Pouet
crossroads

Il y a longtemps que je n'avais pas lu un truc aussi fort.
L'idée, les idées en fait parce qu'il y a en a plein, sont très bonnes.
L'histoire est très bien menée, avec les éléments qui arrivent au fur et à mesure sans nous perdre dans tout un tas de théories de physique quantique.
Du coup on plonge direct dans le suspense et on comprends petit à petit.
Plein de personnages, des intrigues, ça avance, rien de télescopé.
Je recommande.
Instrumental/Ambient/Post-Rock : https://dzeta.bandcamp.com/
[ Dernière édition du message le 03/06/2019 à 21:29:14 ]
oryjen
Une écriture dense et forte, qui confère force et densité (hein, c'est facile en fait!) aux personnages, aux lieux, images et situations.
Bon si vous êtes antisémite passez votre chemin, c'est que des histoires de juifs.
C'est intéressant historiquement (l'histoire se déroule vers 1540), l'intrigue est fascinante (la création du Golem), les situations sonnent vrai, mais surtout l'écriture recèle une profondeur sous jacente qui rend fascinant le moindre détail.
Chouette découverte!
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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.
[ Dernière édition du message le 03/06/2019 à 22:35:39 ]
Anonyme
Anonyme
Anonyme
oryjen
Mais moi aussi en salle ce film m'avait scotché au fauteuil.
Le scénar est très bon, je trouve.
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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.
Silverfish Imperatrix
Le ciné-club de mon collège avait diffusé Le Golem, film muet de 1920, le prof qui s'occupait de ça était un bon !!!
Mon thread sur le jazz, principalement bop et post bop:
Anonyme

La Chronique de Travnik
Ivo Andric
Bosnie-Herzégovine 1945
1806. Jean Daville est nommé consul français dans la petite bourgade de Travnik en Bosnie.
Travnik, se trouve dans une petite vallée humide, balayée par le vent où le Soleil est le plus souvent masqué par le relief. Lorsqu'il arrive, en traversant la rue principale, les enfants lui crachent dessus et l'insultent. Depuis les volets entrebaillés il perçoit les vitupérations des femmes. Au bazar, les commerçant ne lui prêtent aucune attention lorsqu'ils n'affichent pas une certaine forme de mépris. Habitué à certains protocoles, il se rend bien compte qu'ici les règles sont bien différentes et il n'est pas au bout de ses surprises.
J'avais bien aimé Le Pont sur la Drina du même auteur, et dès les premières lignes de ces chroniques j'ai retrouvé ce qui m'avait plu, cette façon de vous faire entrer dans l'histoire sans trop de baratin.
On se retrouve donc dans cette petite ville de Bosnie du début du XIXème siècle sous l'Empire Ottoman. Les guerres napoléoniennes sont également en train de modifier la géopolitique contemporaine. Il y a donc ici des musulmans, mais aussi des catholiques, des orthodoxes et des juifs, chacun prenant partie pour celui qui lui est le plus favorable en ces temps de guerre: les musulmans s'en remettent au vizir, les catholiques au consulat français, les orthodoxes au consulat autrichien par opportunisme anti-napoléonien. Quand à la minorité juive, originaire d'Espagne, elle n'a aucun représentant ou lieu de culte religieux mais entretien des relations plus étroites avec le consulat français.
Aux nombreuses figures locales hautes en couleur, viennent s'ajouter les consuls français et autrichiens avec tout leurs entourages respectifs: femmes, enfants, assistants, fonctionnaires ambitieux, secrétaires exerçant des abus d'autorité, éminences grises voire troubles, médecins, interprètes et personnel autochtone employé de maison ou jardinier.
Nous avons droit à une multitude de portraits d'une psychologie extrêmement fine, révélant des personnages plus ou moins sympathiques et comment tout ce petit monde interagit dans ce contexte très particulier. Des interactions compliquées par les différences culturelles. Le pragmatisme oriental ne s'embarrasse pas des modalités bureaucratiques occidentales. Une chose dite un jour peut se voir infirmer le jour suivant. Les vizirs sont de véritables seigneurs locaux et il est rare qu'ils aient des comptes à rendre à Istanbul pour ce qui est des affaires locales mineures, là où les consuls d'Europe de l'Ouest passent leur temps à écrire des rapports.
Bien évidemment chacun essaye d'être au mieux avec le vizir mais pour ces derniers, tout n'est pas seulement question de pays ou d'administration mais aussi d'homme et de rapport d'homme à homme. Ce vizir aura plus de sympathie pour le consul français. Le suivant, un an plus tard, sera plus enclin à satisfaire le consul autrichien. Et c'est tout un travail de confiance et de relation à reconstruire pour l'un et/ou pour l'autre.
Mais il faut aussi satisfaire les habitants de la ville et les différentes confessions. Prendre les juifs en considération mais pas au détriments des catholiques et ne pas oublier les orthodoxes ou faire quelque chose qui porterait préjudice aux musulmans.
Je résume là extrêmement brièvement les près de 700 pages de ce roman passionnant partagées entre engagement politique, questions d'éthique, de morale voire existentielle, conflits culturels, petites histoires dans la grande histoire, idéaux confrontés à la réalité, désillusions, traits d'humour, quelques romances discrètes, problèmes de couples, problèmes de l'expatriation etc etc...
Pour ce genre de livre rien ne remplace l'immersion que permet la lecture que chacun fera. Ivo Andric est un conteur, et il saura peut-être vous rendre sympathique et attachante cette affreuse localité aux Étés suffocants et aux Hivers insupportables, peuplée d'autochtone divers et imprévisibles, administrée par des vizirs plus ou moins sympathiques et imprévisibles eux aussi. On s'y crois vraiment et à la fin de la lecture on se retrouve un peu comme lorsqu'on revient d'un voyage, avec des anecdotes à raconter, parler des gens qu'on a rencontré. Voyager dans l'espace et dans le temps, avec Ivo Andric c'est possible.
[ Dernière édition du message le 12/06/2019 à 10:29:50 ]
Dr Pouet
Cette fois c’est moins histoire que littérature. Petite discussion autour de Jules Verne : est-ce de la SF ? En est-il l’un des inspirateurs ?
Très intéressant :
Anonyme

Ce n'est pas un roman mais un recueil comprenant 5 nouvelles et 2 courts essais.
1/ Dans "L'éléphant du vizir" la petite ville de Travnik attends son nouveau vizir. Si d'habitude chacun vient habituellement avec un animal exotique: lion, tigre, panthère, perroquet...mais là il s'agit d'un éléphant, ce que personne a Travnik n'a jamais et ne sait en fait même pas à quoi cela ressemble.
2/ "Gens d'Osatitsa" raconte comment la petite ville se retrouve dans l'embarras puisque la flèche de l'église est cassée et doit être réparée. Cela n'a l'air de rien mais la ville est divisée en deux, les chrétiens et leur église sont dans la partie haute et les musulmans et leur mosquée dans la partie basse. Perdre la pointe du clocher c'est un peu perdre de la hauteur, ce qui fait ricaner les musulmans. Il y a bien Lekso, un artisan qui sait travailler le métal mais il lui manque tout de même quelques compétences. Alors on en fait venir un plus qualifié, à gros frais donc, d'une localité voisine. Leskole secondera.
Le jour venu, les deux hommes grimpent sur le clocher, faisant ce qu'ils ont à y faire.
Une fois terminé, toute le monde se félicite du succès de l'opération et Lekso compte bien tirer quelque gloire de tout ça. Or, il n'a droit à aucun égard particulier, et les jours suivants personne ne le regarde autrement, personne ne le félicite chaleureusement, on ne lui prête pas plus d'attention que d'habitude. En fait, personne ne lève même la tête vers la flèche de l'église pour admirer le travail effectué, comme si elle n'avait jamais été endommagée. Mais la flèche neuve brille toutefois de tous feux.
Lorsqu'il se joint a un petit groupe dans la rue ou à la taverne et qu'il évoque insidieusement les travaux de l'église, personne ne semble se souvenir qu'il en a été un des acteurs.
Ce n'est pas seulement son orgueil qui est touché mais aussi sa santé mentale, sa perception de la réalité: il y est tout de même bien monté sur ce clocher non? À moins que...! Mais si ! Bien sûr que si ! Mais que s'est-il réellement passé?
3/ Maître Yevrem est le personnage principal de "Une année difficile". C'est un homme détestable. Outre son mépris et sa froideur, il a un certain don et il est intraitable en affaire. Ce don lui a permis d'amasser une énorme fortune et permet à lui et sa famille de vivre dans un confort dont bien des gens rêvent.
Malheureusement, voilà maintenant une quinzaine d'années que Maître Yevrem, aujourd'hui grisonnant, ne peut plus tenir sur ses jambes qui ne supportaient plus son poids. Il est donc assigné dans une grande pièce dans laquelle il trône et reçoit pour affaire. Pour ses tâches quotidiennes et autres besoins, il est assisté par sa femme, ses enfants et quelques employés.
Il y a quelques années, sa femme avait recueillie une jeune tzigane de moins de 10 ans que ses parents avaient abandonnée dans un fossé à une période où le typhus faisait rage. Elle a grandit et entre désormais a son service. Il sera troublé par cette jeune fille qui ose lui tenir tête alors qu'il est craint et haït dans toute la région.
4/ Un homme, raconte comment il lui arrive régulièrement non seulement de sentir soudainement la présence de Yéléna, une femme qu'il aime plus que tout, mais également de l'apercevoir ici ou là, mais toujours trop loin, disparaissant au coin de la rue, sur un quai de gare bondé alors qu'elle monte dans un train. Le titre de ma nouvelle donne le ton: "Yéléna, celle qui n'était pas". Plutôt romantique et onirique voire légèrement surréaliste, loin en tout cas des histoires "folkloriques" qui précèdent.
5/ "Figures" est un essai de moins d'une dizaine de page dans lequel l'auteur essaye de dire ce que nous avons quelques fois perdu en remplaçant le symbole par le verbe.
6/ "Entretien avec Goya" raconte l'entretien imaginaire entre lui et le peintre. Un texte réellement passionnant et un hommage intéressant à bien des égards, qui intéressera tous les gens faisant de la peinture mais également n'importe quel artiste.
Plusieurs passages ont retenu mon attention, mais la description d'une des mains de Goya m'a particulièrement marqué:
Pendant qu'il parle, mon regard tombe sur la table où gît sa main droite, comme quelque chose jouissant d'une vie à part. Une main terrible, une sorte d'amulette, noueuse, grise, puissante mais sèche comme un monticule de sable. Cette main vit, mais de la vie invisible des pierres. Elle ne contient ni sang ni suc, mais une autre matière dont les propriétés nous sont inconnues. Elle n'est faite ni pour les poignées de main, ni pour les caresses, ni pour prendre ni pour donner. En la regardant, on se demande avec horreur si une main humaine peut devenir cela.
7/ "Histoire japonaise" est un petit conte moral dont je ne saurais dire si il est vraiment issu de la culture japonaise ou si l'auteur en a voulu ainsi afin de donner un réceptacle à une histoire qu'il ne savait pas où placer.
Un ouvrage divers ou les histoires et la réflexion sont au rendez-vous, toujours servies par le talent indiscutable de Ivo Andric.
[ Dernière édition du message le 01/07/2019 à 14:39:49 ]
Anonyme
Terre Natale
Marcel Arland
1938
Même à midi, la cuisine restait sombre. Tout le jour de la rue s'amassait en vain devant l'étroite fenêtre; je ne la vis jamais ouverte; de vieux rideaux d'alcôve et des pots d'hortensias la réduisaient encore. Et comme la pièce était longue et déclive, tous les degrés de la pénombre s'y succédaient jusqu'aux angles du fond, où quelque reste de la nuit passée semblait attendre la nuit prochaine.
C'est le premier paragraphe du livre et ça m'a tout de suite plu. Je l'ai aussi acheté par erreur, car il était mélangé aux livres de Marcel Aymé et comme je ne connaissais pas ce titre de ce dernier, je l'ai pris. Ça n'est que plus tard que j'ai réalisé que ça n'était pas un livre de Marcel Aymé.
Alors ça n'est pas Marcel Aymé, malgré un contexte rural qu'on trouve dans certains de ses livres, mais j'ai trouvé ça très très bon.
C'est une biographie de l'auteur né en 1899, comprise entre sa toute petite enfance et le début de l'entre-deux-guerres. Je ne sais pas dans quelle mesure elle est romancée. On suit donc notre homme, qui grandit à ce qui s'appelait Terre Natale, un petit village de la Haute-Marne, aujourd'hui disparu puisque rattaché à Varennes-sur-Amance.
Ça ressemble un peu à Ma vie parmi les ombres de Richard Millet, mais en moi prétentieux dans le style.
On retrouve tout l'environnement d'un village avec ses personnages (vieille femme assimilée à une sorcière, vieux célibataire taciturne habitant une maison légèrement isolée, bigots et bigotes, idiot du village, jeune femme vivant seule avec un enfant dont le père est inconnu, ce qui est bien mal vu à l'époque...) mais aussi l'omniprésence de la campagne où l'auteur, enfant solitaire et taciturne, aime se perdre et passer du temps dès que possible.
Ce qui donne lieu à de très belles descriptions champêtres, diurnes et nocturnes. Il y a quelque chose de contemplatif voire de mystique dans sa fascination pour son environnement et sa façon d'appréhender champs, bois, forêts, collines, animaux...
Les conditions de vie sont rudes, mais l'auteur ne tombe jamais dans le misérabilisme. Les gens, tous plus ou moins agriculteurs, fauchent à la main des km2 de champs sous un soleil de plomb, mais c'est comme ça, c'est ce qu'il y a à faire et ça ne se discute pas.
J'ai beaucoup aimé aussi ces anecdotes typiques de villages: la famille qui a perdu un fils, mort frappé par la foudre alors qu'il revenait des champs; un point d'eau assez petit mais apparemment très profond puisqu'on dit qu'un carrosse entier, chevaux compris, y était tombé sans qu'on n'ait jamais pu retrouver aucune trace; des noms de lieu-dits, comme Le Fossé de la Morte...
Le style est "simple" mais très travaillé avec de très beaux passages. Si vous avez vécu à la campagne dans votre enfance, vous trouver immanquablement de souvenirs avec des restes de ce genre d'ambiance. Acheté par erreur, le livre s'est avéré être une excellente surprise. C'est un des livres qui m'a le plus parlé ces derniers mois.
yun_clive
oryjen
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L'artiste entrouvre une fenêtre sur le réel; le "réaliste pragmatique" s'éclaire donc avec une vessie.
dugenou
De Goupil a Margot: https://fr.wikipedia.org/wiki/De_Goupil_%C3%A0_Margot
Le roman de Miraut (pas le peintre...
Bonne lecture
Fredglass
Anonyme
j'avais déjà lu la trilogie de l'Anneau, plusieurs fois, mais en pièces détachées. je trouve pas que ça soit un crime de lèse majesté que de parfois sauter 50 pages, tant que ça nuit pas à la compréhension globale.
Là j'ai un peu forcé et tout lu, sur la base suivante : lors de mes lectures précédents j'ignorais totalement que Tolkien était linguiste avant d'être écrivain, largement même, et qu'il était même un des spécialistes les plus réputés au monde du vieil anglois.
Du coup au lieu d'etre largué et endormi par les 55 000 noms sortant sortir de nulle part -justement non ils sortent pas de nulle part- j'ai pris le truc à bras le corps, et effectivement ça fait en fait mieux rentrer dans l'histoire globale, dans le sens où y a clairement une homogénéité et une logique de l'ensemble des noms.
Me suis demandé d'ailleurs si Lucas s'était inspiré ou pas de Tolkien en reprenant les caractéristiques linguistiques de LOTR pour starwars : des noms comme Anakin, Palpatine, Obi Wan, me semblent assez proches de l'univers de Tolkien...
Par contre j'ai commencé le Silmarillion : heu là y a un souci....j'ai pas l'impression de lire un roman mais un article wikipedia parlant d'un roman....Du coup, je vais effectivement sur wiki, et j'apprends qu'en fait c'est une oeuvre apocryphe, et une tentative de relier en une même oeuvre ce qui n'était parfois que des brouillons ou de lettres de Tolkien....
Là j'ai carrément plus de mal, sans oeuvre de fiction propre et nette, pour moi les paroles ou lettres de l'auteur n'ont pas de valeur....C'est comme J.K Rowling qui répond à ses fans en disant tiens Harry Potter est devenu ça 10 ans après, Hermione fait ceci : c'est pas bon ça.
Au total inverse, Stephen King disait que ses personnages cessaient d'exister dès lors qu'il n'écrivait pas de roman sur eux, et qu'il était surpris que des fans lui demandent ce que devenaient par ex les personnages du Fléau...
Point-virgule
Il pleut des coups durs de Chester Himes (1958)
On retrouve bien évidemment les inspecteurs John Fossoyeur et Ed Cercueil, dont la seule évocation fait trembler tous les voyous de Harlem, et qui enquêtent sur le meurtre d'un blanc en pleine rue. Comme toujours, toute la vie et la misère de Harlem sont envoyés sans fards, mais avec une bonne dose d'humour (la bande des Musulmans fumants
Pour ceux qui ne connaissent pas Himes, c'est un ancien taulard, black, qui s'est mis à lire des polars et à en écrire alors qu'il était encore en prison, et dont la plupart des romans se passent à Harlem, avec notamment une série qui met en scène les terribles flics John Fossoyeur et Ed Cercueil. Pour l'anecdote, c'est le mec qui m'a appris que quelqu'un à la peau noire pouvait devenir gris de peur, et qu'on pouvait avoir les cheveux qui devenaient blancs en une seule nuit...
« La vie sans musique est tout simplement une erreur, une fatigue, un exil. », Friedrich Nietzsche. ♫
Dr Pouet
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