S’il est relativement aisé de capter et de restituer avec fidélité le son de sa guitare acoustique en studio, c’est une tout autre affaire lorsqu’il s’agit de l’amplifier en concert.
Dans le cas d’une prestation scénique, la prise de son avec un micro statique placé devant l’ouïe peut très vite virer au cauchemar avec un niveau d’entrée de signal variant en fonction de la position de la guitare par rapport au micro, les larsens intempestifs, la repisse des autres instruments, etc. D’un autre côté, les transducteurs intégrés de série aux guitares acoustiques sont très pratiques, certes, mais (trop) souvent décevants du point de vue de la restitution sonore. Autant dire que le sujet méritait que l’on s’intéresse aux différentes possibilités d’électrification d’une acoustique proposées sur le marché. C’est ainsi que nous avons choisi de tester le système Anthem SL de la marque LR Baggs.
La guitare sur laquelle a été testé ce système de captation sonore est une Gibson J45 vintage sunburst. L’instrument est un modèle de série récent (2003) qui n’a pas été modifié. Nous avons choisi ce modèle pour son caractère, sa polyvalence, sa robustesse et enfin sa capacité à être aussi bien à l’aise dans les rythmiques charnues que dans les parties mélodiques élégantes et raffinées.
Nous avons enregistré simultanément tous les exemples de deux façons différentes. La première avec le L.R Baggs et enfin la seconde avec un microphone statique à transistor et large membrane, un Audio-Technica AT4040, nous permettant ainsi de faire une écoute comparative des deux qualités sonores ainsi enregistrées.
Présentation
Le kit tel qu’il est présenté sur la photographie est composé de 5 parties distinctes :
- Une barrette (souple) [revêtant la forme d‘un câble tressé] appelée Baggs Element à placer sous le sillet du chevalet
- Un jack de sortie avec vis de fixation contenant le pré-amplificateur interne
- Le système d’alimentation par une pile carrée de 9 Volts
- Un micro Tru-mic à coller à l’intérieur de la caisse sous le chevalet
- Un petit boîtier en plastique contenant un potentiomètre de volume de sortie (sous la forme d’une petite molette) et enfin une vis en métal permettant d’agir sur le niveau du gain du micro Tru-mic
Les soudures sont propres, la connectique simple, le jack de sortie avec son pas de vis robuste fera aussi office d’attache courroie. Le système n’a pas d’équaliseur intégré, la caisse de l’instrument n’aura donc pas besoin d’être percée et l’installation pourra donc être faite par vos propres soins sans avoir recours aux services (souvent onéreux) d’un luthier. L’alimentation se fait avec une pile de type carrée de 9 Volts à fixer sur la base du talon, à l’intérieur de la caisse de la guitare. La durée de vie de la batterie est estimée par le constructeur à 170 heures, ce que nous n’avons malheureusement pas pu vérifier.
La documentation fournie dans la boîte est très sommaire. Il sera donc impératif de se rendre sur le site du constructeur (https://www.lrbaggs.com/) afin de télécharger d’une part le guide d’installation du kit et d’autre part son mode d’emploi. Tous deux rédigés en anglais, ils sont complets et bien documentés avec des illustrations précises et soignées. Grosse déception pour ceux qui ne maîtrisent pas un mot de la langue de Shakespeare, il n’existe pas à ce jour de mode d’emploi traduit en français …
Principe et installation
Ce système d’électrification repose sur le développement par LR Baggs de son système Tru-Mic. Ce « mini-micro » est très léger et de petite taille. Il est protégé dans une petite boîte en plastique perforée de trois rangées de trous où vont s’engouffrer les vibrations sonores afin d’être transformées en un signal électrique. Il se fixe à l’intérieur de la caisse de résonance sous le chevalet devant les barres de renfort en « X » avec un adhésif double surface. Des languettes adhésives de rechange sont fournies dans le kit. Se trouvant ainsi à seulement quelques millimètres du sillet du chevalet, il va ainsi capter toutes les fréquences émanant de la table d’harmonie comprises entre 250 Hz et 20kHz.
L’autre composant est de type tranducteur : le Baggs Element. Il se présente non pas sous la forme classique d’une barrette plate [de type ruban noir], mais plutôt comme un câble souple facilitant du même coup son installation. Pour l’installer, il sera nécessaire de percer un trou à une des deux extrémités de l’interstice dans lequel se place la barrette des pontets compensés de votre instrument. Ce dernier va capter les fréquences situées en dessous des 250 Hz. Petite précision, l’action de la guitare étant légèrement plus haute une fois la barrette placée dans son logement, il vous faudra précisément réajuster l’action en fonction de vos préférences personnelles et de votre jeu.
Le Tru-Mic (pourvu de la technologie dernier cri anti-feedback de Baggs) va se charger de la chaleur du son acoustique alors que l’Element aura lui pour mission de restituer le détail sonore et le côté très punchy et claquant des basses.
Les réglages
Contrairement au transducteur installé de série sur la guitare, il vous sera possible d’ajuster deux niveaux : celui du volume de sortie du signal capté (via une petite molette) et celui du gain du Tru-Mic. Concernant ce dernier, la vis permettant son réglage est très petite et enfoncée dans un trou profond et étroit. Il sera donc impératif, pour effectuer ce réglage de très grande précision, de se munir d’un mini-tournevis. Autant préciser qu’il faudra s’assurer avant de monter sur scène que le gain du Tru-mic soit correctement réglé, car il ne sera pas possible d’effectuer ou d’ajuster avec précision son niveau une fois l’instrument passé autour du cou. Le gain du Tru-Mic fait aussi office de balance préréglée entre le Tru-Mic et le Baggs Element, bof.
Et le son dans tout cela ?
Il n’y a aucune coloration artificielle de l’instrument. Le son capté est clair, la restitution des fréquences nettes et précises. Le système du Tru-Mic permet sans équivoque d’atténuer l’effet trop « canard » de la barrette seule. Les graves sont présents sans être trop sourds ou prononcés. Il vous faudra jouer du tournevis sur le niveau du gain du Tru-Mic afin de trouver l’équilibre sonore qui convient le mieux non seulement à votre jeu, à la couleur sonore que vous recherchez, mais aussi à l’équilibre spectral de votre prise de son.
On relèvera néanmoins deux petits défauts : une légère distorsion du signal lorsqu’on attaque de façon assez rude les cordes au niveau du chevalet avec le niveau de sortie poussé à fond (cf samples joués au médiator), mais aussi la très grande sensibilité de ce système à la captation des bruits parasites comme le glissé des doigts sur la touche de l’instrument ou encore le bruit du contact des câbles avec les éclisses à l’intérieur de la caisse qui devront être très bien arrimées avec les agrafes auto-collantes.
Même si on est encore loin du son obtenu avec un statique placé devant la guitare, les recherches et la mise au point de ce nouveau micro par L.R Baggs est une véritable innovation pour les guitaristes désirant électrifier leur acoustique. Autant en rythmique qu’en arpège, le L.R Baggs remplit bien son rôle. Mais on ne peut pas en dire autant pour les parties mélodiques. En effet, le son reste relativement plat et manque quand même de saveur laissant entendre un timbre trop écrasé et étriqué du point de vue spectral.
- Anthem SL – Gibson J-45 – Arpege doigt00:15
- AT-4040 – Gibson J-45 – Arpege doigt00:15
- Anthem SL – Gibson J-45 – Arpege doigt 200:15
- AT-4040 – Gibson J-45 – Arpege doigt 200:15
- Anthem SL – Gibson J-45 – Arpege mediator00:16
- AT-4040 – Gibson J-45 – Arpege mediator00:16
- Anthem SL – Gibson J-45 – Strumming 100:21
- AT-4040 – Gibson J-45 – Strumming 100:21
- Anthem SL – Gibson J-45 – Strumming 200:19
- AT-4040 – Gibson J-45 – Strumming 200:19
- Anthem SL – Gibson J-45 – Blues00:17
- AT-4040 – Gibson J-45 – Blues00:17
En conclusion
Ce système, même s’il n’est pas très difficile à installer, requiert une certaine précision dans la mesure où il vous sera nécessaire de percer un certain nombre de trous dans la caisse (mise en place du jack de sortie, perçage du chevalet, etc.). Il sera aussi important de bien veiller à attacher comme il se doit toute la connectique grâce aux agrafes fournies dans le kit afin de ne pas avoir de fils qui se promènent de façon anarchique dans la caisse de résonance susceptibles de créer des bruits parasites avec les parois internes de la guitare.
Même si les recherches de L.R Baggs ont repoussé les limites de captation et de restitution du son d’une guitare acoustique, on est encore bien loi d’avoir une restitution optimale, voire parfaite du son d’une guitare acoustique une fois amplifiée …