S’il existe bien un ampli de guitare électrique qui a marqué son temps et influencé de nombreux musiciens, de Jimi Hendrix à Jack White, c’est bien le Silvertone 1484 Twin Twelve. Brad Jackson, papa de la marque américaine Jackson Audio, l’a bien compris et s’est associé à la marque Silvertone pour concevoir une pédale reprenant le circuit du 1484 Twin Twelve. C’est sur cette nouvelle bestiole que j’ai le plaisir de me pencher aujourd’hui.
Un ampli dans une boîte ?
Commercialisé entre 1963 et 1967 dans les supermarchés Sears, le 1484 est un ampli à lampes accompagné de son enceinte équipée de deux haut-parleurs de 12 pouces. Cette enceinte vaudra d’ailleurs son surnom à l’ampli : Twin Twelve. Le but de la marque Silvertone était de développer un ampli aux sonorités très claires et douces. Le destin du 1484 sera tout autre. En effet, des hordes de jeunes adultes se sont emparés de l’ampli et en ont sorti des sonorités pas si claires que ça. En effet, si on plaçait le réglage de volume sur ses valeurs maximales, l’ampli distordait d’une manière très particulière, faisant au passage du 1484 une véritable légende, presque au même titre que le Marshall 1959 Super Lead. Cette saturation si particulière a été adoptée quelques décennies plus tard par les musiciens d’Indie Rock comme Jack White, Dave Grohl, Beck ou encore Dan Auerback. C’est surtout Jack White qui contribuera à l’immense succès du Twin Twelve, notamment au moment de la sortie du hit planétaire « Seven nation Army » du groupe qu’il avait formé avec sa compagne Meg White, The White Stripes.
Presque soixante ans plus tard, c’est Brad Jackson, patron de la marque Jackson Audio, qui contribue à son tour à faire connaître ce circuit par l’intermédiaire d’une pédale. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’un fabricant s’essaie à intégrer le circuit du 1484 dans une pédale. C’est Josh Scott, créateur de la marque JHS Pedals, qui s’y était essayé avec sa pédale dénommée Twin Twelve. Brad Jackson a créé son entreprise en fabriquant des amplis et a poursuivi en créant une ligne de pédales il y a quelques années. Il possède donc un solide savoir-faire et d’importantes connaissances techniques dans le domaine des amplis à lampes. Et on le comprend en ouvrant le châssis de la 1484 Twin Twelve qui abrite un circuit absolument identique à celui de l’ampli, composant pour composant. La seule différence aux dires de Jackson Audio se situe au niveau des lampes qui ont été remplacées par des transistors de jonction à effet de champ (JFET). Ils offrent la particularité de se comporter comme des lampes une fois installés dans un circuit audio. Toujours d’après la marque, ils permettraient au circuit de la pédale de développer la même dynamique et la même sensibilité aux variations d’attaque et/ou de volume que celles du circuit de l’ampli. De plus, la pédale dispose d’un doubleur de voltage interne qui élève donc la tension à 18 volts, permettant aux transistors de développer davantage de dynamique.
Visuellement, Jackson Audio a fait les choses très bien. Le châssis est en acier inoxydable, comme celui de l’ampli 1484 d’époque. Les éléments visuels les plus iconiques de l’ampli sont les boutons de potentiomètres. Ce modèle n’étant plus fabriqué, Jackson Audio s’est chargé de leur conception, tout en adaptant leur taille à la dimension d’une pédale. Le logo 1484 et celui de la marque Silvertone sont identiques à ceux qui étaient apposés sur l’ampli, entre 1963 et 1967. Pour finir, le témoin de fonctionnement de la pédale est le même que sur l’ampli, un gros diamant rouge. Le look de la pédale est très réussi même si ses dimensions (13 cm X 10,5 cm) sont assez conséquentes. Heureusement que les fiches Jack d’entrée et sortie et la fiche d’alimentation sont placées sur le dessus. La 1484 Twin Twelve m’a été livrée dans une jolie pochette en velours, elle-même dans une boîte en carton portant le numéro de série (j’ai la pédale numéro 24).
Préampli ? Overdrive ? Boost ? EQ ?
Les contrôles présents sur la pédale (Volume, Bass, Treble et Gain) sont quasi-identiques à ceux qu’on trouve sur l’ampli original. Jackson Audio a ajouté un réglage de gain et un Master Volume, l’ampli ne disposant que d’un volume. Les potentiomètres exercent une bonne résistance qui permet une manipulation en finesse, c’est très agréable. Le poids de la pédale est rassurant bien qu’un peu élevé (on approche les 900 grammes) et le châssis inspire solidité et robustesse. Le footswitch choisi par Jackson Audio est un « soft-click » qui ne génère presque pas de bruit de manipulation. Il s’agit d’un switch True Bypass.
La marque décrit la pédale comme un préampli, un overdrive, un boost et un EQ, selon la valeur des réglages. J’ai effectivement essayé la 1484 Twin Twelve dans tous les cas de figure et n’ai pas été déçu. Aficionado du 1484 original et possesseur d’une JHS Twin Twelve, je connais très bien ce son et peux affirmer que Brad Jackson et Silvertone ont vraiment frappé fort avec la Twin Twelve. En l’utilisant comme overdrive, la pédale transforme complètement le son de l’ampli sur lequel on joue. La couleur sonore change complètement et on entre directement sur le territoire très vintage du 1484 Twin Twelve. Le réglage de Volume n’agit pas uniquement sur le volume d’écoute, mais ajoute également de la saturation, différente de celle ajoutée par le réglage de Gain. C’est très chouette et permet de donner pas mal de corps et de profondeur aux sons clairs et crunch. La course du réglage de gain est très progressive et va d’un son clair à la couleur très vintage sur sa position minimale à une saturation approchant la Fuzz déchaînée sur sa position maximale. L’égalisation est très réactive, surtout du côté des aigus. On entend très clairement qu’on ajuste le taux de saturation des fréquences aigües, le résultat est toujours hyper musical. Le réglage Bass est un poil plus timide, mais reste très efficace.
Quand on utilise la pédale comme un Boost, en plaçant le réglage de Gain à zéro, on profite d’une large palette de couleurs grâce à l’égalisation et à la course très progressive du réglage de volume. On peut faire saturer une autre pédale ou un ampli, toujours avec une belle musicalité. Si on utilise la pédale comme un préampli, on peut jouir d’une excellente plateforme à pédales, ce qui est très sympa. J’ai personnellement réglé la Twin Twelve comme un ampli légèrement crunchy que j’ai ensuite boosté avec quelques overdrives et fuzz. Pour quiconque qui chercherait à se faire un Pedalboard inspiré Jack White, il suffit de placer la Twin Twelve en fin de chaîne suivie d’un simulateur d’ampli de puissance et d’enceintes (comme le Two Notes C.A.B. M ou le T.C Electronic IMPULSE testé dans nos colonnes) et le tour sera joué ! Même si c’est une utilisation conseillée par la marque, la Twin Twelve ne s’en sort pas si bien que ça en tant qu’EQ. Les deux bandes permettent certes de sculpter un peu le son, mais le circuit le teinte directement et lui ajoute un voile vintage très typé qui ne fonctionnera pas dans tous les cas. Pour booster uniquement les aigus de manière très musicale et vintage, elle fera en revanche un travail remarquable.
- SG – Boost – Boosting H&K Spirit of Vintage01:20
- Telecaster – Boost – Boosting H&K Spirit of Vintage01:30
L’ampli, en plus pratique
Dès le premier accord que j’ai fait sonner avec la 1484 Twin Twelve, j’ai vraiment été bluffé par les qualités de la pédale. C’est la première fois que j’entendais une pédale sonner à la manière d’un ampli de manière si réaliste. Pendant le test, bien que j’aie trituré les potentiomètres dans tous les sens, je n’ai pas obtenu un seul mauvais son. La pédale réagit très bien aux différents types de micros, aussi bien les simples bobinage vintage de ma Telecaster que les PAF bien mordants de ma SG. Elle a un caractère très typé, mais en même temps assez transparent, dans le sens où on reconnaît immédiatement la guitare qui est branchée. Ses congénères présentes sur mon Pedalboard se sont très bien entendues avec elle, qu’il s’agisse de fuzz, de chorus, de boost ou d’overdrives.
- SG – Overdrive – Volume&Gain Midi, EQ Tweak02:23
- SG – Overdrive, Gain tweak03:36
- SG – Overdrive, Volume tweak01:43
- Telecaster – Overdrive, Volume&Gain Midi, EQ Tweak02:33
- Telecaster – Overdrive – Gain Tweak01:57
- Telecaster – Overdrive – Volume Tweak01:45
Pouvoir doser très précisément la saturation, avec les réglages de Volume et Gain est quelque chose d’assez inhabituel et très agréable. On retrouve ce même concept dans les pédales « amp in a box » (la JHS Charlie Brown réagit de la même manière) en général, mais pas systématiquement. De plus, le son que développe la 1484 Twin Twelve avec Volume et Gain à fond est rigoureusement identique à celui que génère l’ampli avec le volume à fond. On a l’impression que chaque coup de médiator sur les cordes met un sérieux coup de massue à l’ampli, on ressent un côté très spongieux dans l’attaque, caractère présent sur l’ampli original. Avec le gain à la moitié et le volume aux deux tiers, on obtient un crunch très joli qu’on a ensuite qu’à embellir avec une fuzz et un octaver, et hop : on se prend instantanément pour Jack White !
- SG – Overdrive, Boosted with EP Booster00:58
- SG – Preamp – Crunchy 1484 + FUZZ FACE02:23
- Telecaster – Overdrive – Boosted with EP Booster01:03
- Telecaster – Preamp – Crunchy 1484 with FUZZ FACE02:42
Le Twin Twelve ultime
La Jackson Audio/Silvertone 1484 Twin Twelve est une belle réussite. On sent par tous les aspects qu’il s’agit d’un projet de longue haleine où chaque petit détail a été traité, vu, revu et corrigé. Le sentiment et les réactions de jeu sont identiques à ceux qu’on a en jouant le Silvertone 1484 original. Le son est lui aussi très proche de celui de l’original, si ce n’est rigoureusement identique. Cependant, la pédale offre l’avantage de ne coûter qu’une fraction du prix de l’ampli, de ne peser qu’une fraction du poids de l’ampli (et de l’enceinte !) et surtout de pouvoir être jouée à volume raisonnable. Il faut rappeler que pour faire saturer l’ampli, on se doit d’approcher un volume sonore parfaitement inutilisable en appartement. La Twin Twelve offre beaucoup de polyvalence pour une « simple »pédale d’overdrive. Seul son tarif de 295 € peut faire grincer des dents, bien qu’il soit à relativiser. Les deux marques signent une pédale polyvalente et presque parfaite à tous les égards. Bravo !