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Test du Pianoteq Pro du Modartt - Piano Construction Kit

9/10

Comment faire rentrer des milliers de pianos dans un logiciel de 20 Mo ? La réponse tient en un mot : Pianoteq, dont la version Pro vient d’arriver pour remettre pas mal de pendules à l’heure chez les mastodontes du sample…


Tandis qu’East­West, Vienna, Stein­berg, Synthogy ou Garri­tan se battent à grands coup  de Giga­Oc­tets pour rempor­ter la palme du meilleur piano virtuel, les irré­duc­tibles Gaulois de Modartt espèrent bien faire mieux avec leur Piano­teq, un logi­ciel d’une ving­taine de Mega­Oc­tets seule­ment. Le secret de cette légè­reté ? L’ins­tru­ment, contrai­re­ment à la plupart de ses concur­rents, n’est pas basé sur une banque de samples mais sur la modé­li­sa­tion physique d’un piano : des algo­rithmes en somme, capables de recréer à eux seuls le son et les proprié­tés acous­tiques de Sa Majesté à touches noires et blanches.

 

C’est le même genre de tech­no­lo­gie qu’on retrouve dans le Synful Orches­tra, le WiVi de Wallan­der, le Brass d’Ar­tu­ria ou dans de nombreux piano élec­triques logi­ciels, et qui procure de nombreux avan­tages par rapport aux systèmes à samples : outre une taille déri­soire sur le disque dur et une consom­ma­tion négli­geable de mémoire vive là où les grosses Bertha du sample réclament de grosses configs pour tour­ner, les instru­ments basés sur la modé­li­sa­tion physique sont à la fois beau­coup moins figés (on peut inter­ve­nir sur quan­tité de para­mètres acous­tiques pour person­na­li­ser le son de l’ins­tru­ment) et capables de resti­tuer des carac­té­ris­tiques extrê­me­ment complexes. Pour le cas qui nous occupe, l’énorme avan­tage du piano modé­lisé tient dans plusieurs points : non seule­ment on dispose vrai­ment des 128 niveaux de vélo­ci­tés auto­ri­sés par la norme MIDI, et non de quelques vélo­ci­tés arti­fi­ciel­le­ment étalées comme sur les pianos samplés, mais on jouit surtout d’une parfaite gestion des réso­nances, c’est-à-dire la façon dont les cordes résonnent diffé­rem­ment en fonc­tion des touches et des pédales qui sont enfon­cées ou non : selon que vous enfon­cez silen­cieu­se­ment les notes Do, Mi, Sol ou Fa, La, Ré sur la première octave d’un piano, ce que vous joue­rez à la cinquième octave ne provoquera pas les mêmes réson­nances. Et c’est à ce genre de « petit » détail qu’on a l’im­pres­sion d’avoir sous les doigts un instru­ment vivant. Un phéno­mène aisé­ment repro­duc­tible sur un instru­ment à modé­li­sa­tion, mais qui récla­me­rait des Tera­Oc­tets s’il fallait le sampler…

 

C’est sur ce genre de choses que Piano­teq a été salué dès sa première version comme une véri­table prouesse tech­no­lo­gique qui amenait du neuf dans le monde du piano virtuel. Toute­fois, en dépit de très bonnes choses, force est de consta­ter que le logi­ciel de Modartt n’était pas sans défaut et peinait à convaincre certains pianistes qui lui préfé­raient toujours des ‘vrais’ pianos samplés ou même des pianos élec­tro­niques pour diverses raisons. A l’écoute de ses utili­sa­teurs comme à celle des ses détrac­teurs, Modartt a donc revu de fond en comble sa copie et, après avoir progressé sur quan­ti­tés de choses avec la version 3 (gestion de micro­phones virtuels pour le rendu du piano, presets mana­ger, etc.), voici que débarque et la version 3.5 du Piano­teq et sa version Pro, bien déci­dées à convaincre les indé­cis. Voyons ce qu’il en est de plus prêt.

 

Du travail de Pro

Pro ou stan­dard, l’ins­tal­la­tion sera à la même : après avoir acheté, télé­chargé et installé votre logi­ciel, vous récu­pé­re­rez sur le site
une clé permet­tant de l’ac­ti­ver, sachant que la licence couvre 3 machines diffé­rentes. Utili­sable comme plug-in ou en version auto­nome, le soft reprend pour l’es­sen­tiel l’er­go­no­mie du Piano­teq origi­nel, avec une inter­face toujours en anglais unique­ment, cepen­dant que le copieux manuel au format est quant à lui traduit en français. En vis-à-vis d’un clavier occu­pant la partie basse de la fenêtre, on dispose dans la partie supé­rieure de l’in­ter­face de 3 panneaux esca­mo­tables pour les réglages du modèle de piano : Tuning pour tout ce qui concerne l’ac­cor­dage, du diapa­son au tempé­ra­ment de la gamme utili­sée (avec support des fichiers Scala) en passant par l’ac­cor­dage de l’unis­son ou encore la durée du son direct, Voicing pour tout ce qui concerne les proprié­tés acous­tiques du piano, tel que la dureté des marteaux, leur bruit, leur point de frappe et le profil spec­tral de la note (8 curseurs pour régler le niveau des 8 premières harmo­niques de la note) et enfin, Design qui vous permet de régler la table d’har­mo­nie, la longueur des cordes ou encore les réson­nances sympa­thiques et l’échelle Duplex (soit un système breveté par Stein­way pour enri­chir le contenu harmo­nique des notes)…

 

Dans la partie infé­rieure de la fenêtre, on dispose de 3 sections plus globales : Equa­li­zer/Velo­city réglables via deux courbes multi­points (l’éga­li­seur travaillant avant le calcul des sons), Effects  compre­nant limi­teur, réverb, trémolo (utile surtout pour les modèles de piano élec­triques) et action (soit la défi­ni­tion des aspects méca­niques du piano tels que les étouf­foirs ou le bruit de relâ­che­ment des notes et de la pédale de sustain), et enfin Outputs qui permet de choi­sir entre 4 types de rendu sonore : mono­pho­nique, stéréo­pho­nique, binau­ral (pour l’écoute au casque) ou Enre­gis­tre­ment.

 

Ce dernier mode dispose d’une inter­face de confi­gu­ra­tion avan­cée qui pren­dra alors toute la partie infé­rieure de la fenêtre, mais qui est aussi trans­for­mable en palette flot­tante. Dans celle-ci, on pourra posi­tion­ner graphique­ment jusqu’à 5 micros et régler le niveau et le delay de chacun, le tout étant suscep­tible d’être routé vers 5 sorties audio diffé­rentes pour goûter aux joies du multi­ca­nal. Une bonne inten­tion qui, couplée à la simple réverb de la section d’ef­fets, permet d’ob­te­nir plus de lati­tude dans le rendu de l’am­biance sonore. Toute­fois, on sent qu’il y a mieux à faire de ce côté : d’abord parce que la réverb en ques­tion, même si elle s’avère  rela­ti­ve­ment convain­cante (voir les Gymno­pé­dies dans les exemple audio, la première avec le Piano­teq, la seconde avec une Wizoo­Verb et une réponse à impul­sion de Room) et nette­ment supé­rieure à la Room­works de Cubase par exemple, est rela­ti­ve­ment basique et limi­tée dans ses réglages et, du coup, dans les ambiances qu’elle permet de recréer.

Ensuite parce que le posi­tion­ne­ment des diffé­rents micros change moins dras­tique­ment le son qu’il ne le ferait dans la réalité, ce qui prête à confu­sion : alors qu’on déplace 3 micros de deux mètres à droite ou à gauche, on obtient vrai­ment des nuances très fines, voire imper­cep­tible, alors que quelques centi­mètres en studio ont vite fait de faire la diffé­rence. Il n’est pas permis en outre de choi­sir tel ou tel type de micro (à la façon de Guitar Rig 4 Pro). De fait, on obtien­dra souvent des résul­tats plus inté­res­sants et variés en délais­sant cette partie du Piano­teq au profit d’une bonne vieille réverb à convo­lu­tion par exemple, où même d’une réverb algo­rith­mique plus évoluée. C’est  dommage car sur tous les autres compar­ti­ments sonores, le Piano­teq s’avère bluf­fant.

 

Piano modèle

Toujours en quête de perfec­tion, Modartt a en effet revu ses modèles de piano et nous livre ici deux pianos de base couvrant l’es­sen­tiel des usages : le C3 conçu pour la musique clas­sique, roman­tique et lyrique, et le M3 qui va plutôt lorgner du côté du rock et du jazz et propose ainsi un son plus brillant. Les premières notes ont vite fait de nous rassu­rer sur la qualité propo­sée. On est d’abord frappé par la dyna­mique et le sustain de chaque modèle. Les notes sont en effet extrê­me­ment longues  (32 secondes pour le Do enre­gis­tré comme exemple audio) et les nuances extrê­me­ment fines : aucun saut de vélo­cité n’est ainsi percep­tible et on sent bien que le pianis­simo n’est pas un piano atté­nué, ni le fortis­simo un forte gonflé aux stéroïdes. Couplé à la modé­li­sa­tion des réson­nances elle aussi amélio­rée, ces deux pianos sont indé­nia­ble­ment des bonheurs à jouer, offrant un son orga­nique et vivant qui fait défaut à nombre de pianos virtuels ou élec­tro­niques. En terme de sensa­tions, on est très au-dessus d’un Akous­tik Piano par exemple.

Ci-dessous, voici d’ailleurs quelques rendus de fichiers MIDI qui permettent de se faire une idée du son du C3 et du M3, à compa­rer avec ceux du test de l’Akous­tik Piano, ou à ce que vous obte­nez chez vous avec ces mêmes fichiers, dispo dans l’es­pace Médias du produit. Evidem­ment, un piano se joue et le compa­ra­tif de fichiers MIDI montrant vite ses limites, je ne saurais que trop vous conseiller de télé­char­ger la démo du logi­ciel pour vous faire votre propre idée, ou encore de consul­ter la page des démos audio de Piano­teq.

Sustain
00:0000:32
  • Sustain00:32
  • Velo­cité01:32
  • Tenderly C3 Piano­teq01:24
  • Tenderly Piano­teq M3 Recor­ding01:24
  • Test Piano­teq C3 Player01:24
  • Test Piano­teq M3 Player01:24
  • Ragg­time Piano­teq M304:18
  • Gymno­pé­die C3 Player Piano­teq01:32
  • Cymno­pé­dia Piano­teq C3 avec room Wizoo­Verb01:32


On notera au passage que Piano­teq a corrigé un des défauts majeurs de son logi­ciel, à savoir un manque d’at­taque dans les graves qui gênait l’in­tel­li­gi­bi­lité lors de passage char­gés : mieux défi­nies désor­mais, les notes jouissent d’une belle présence et se détachent plus nette­ment les unes des autres. D’au­cuns repro­che­ront peut-être trop de brillance aux deux pianos, mais si telle ou telle carac­té­ris­tique sonore ou physique d’un modèle venait à vous déplaire, Modartt a réponse à tout.
Si sur la version Stan­dard, vous pouvez modi­fier quelque 22 para­mètres pour agir sur la modé­li­sa­tion globale du piano, la version Pro, en plus de tour­ner en 192 kHz là où la Stan­dard se limite au 48 kHz, vous permet quant à elle de faire la même chose pour chaque note de l’ins­tru­ment. J’ai bien dit 22 para­mètres à éditer pour chaque note… Et Modartt de clamer que son Piano­teq Pro est plus qu’un piano virtuel : c’est une manu­fac­ture de piano logi­cielle.
On pourra s’amu­ser du slogan, mais il faut admettre qu’au­cun compé­ti­teur logi­ciel ou hard­ware ne propose autant d’op­tions et de réglages, et par consé­quent, autant de possi­bi­li­tés. L’in­con­vé­nient de la chose, c’est qu’on sent bien qu’en dépit de l’ex­cellent manuel fourni, il faut quasi­ment être accor­deur soi même pour bien comprendre les inter­ac­tions entre les diffé­rents para­mètres qu’on nous propose de régler, même si un bouton Random permet de géné­rer des modèles aléa­toi­re­ment. Mais le très gros avan­tage, c’est qu’au prix de quelques efforts, on peut tout à fait corri­ger selon ses goûts tel ou tel aspect d’un modèle sans pour autant craindre de le déséqui­li­brer, le tout dans une inter­face qui, souli­gnons-le, a le mérite de rester compré­hen­sible pour le commun des mortels.
En conjonc­tion avec les possi­bi­li­tés de microac­cor­dage du logi­ciel, la porte est en outre grande ouverte vers les pianos prépa­rés façon John Cage. Gageons que la commu­nauté d’uti­li­sa­teurs du logi­ciel ne devrait pas tarder d’ailleurs à s’em­pa­rer du Note Edit pour propo­ser de nouveaux modèles en plus de la ving­taine déjà télé­char­geable sur le site de l’édi­teur, et des douze instru­ments gratuits réali­sés par Modartt dans le contexte du projet KIVir (projet visant à propo­ser des recréa­tions numé­riques d’ins­tru­ments histo­riques et grâce auxquels les utili­sa­teurs de Piano­teq béné­fi­cient gratui­te­ment de 2 clave­cins, 5 piano­fortes, 1 Cimba­lom, 2 Grand Pianos, un CP80 et un jeu de carillons et de cloches).

Si l’on ajoute à cela les 3 add-ons payants qui, de 29 à 49 € l’un, vous permettent d’in­té­grer un nouveau modèle de piano, 2 vibra­phones, un Wurlit­zer et un Rhodes, vous aurez vite compris que non content d’être l’un des meilleurs pianos virtuels du marché, le Piano­teq est proba­ble­ment le plus poly­va­lent qui soit, même si on attend toujours un vrai piano droit façon grand-mère et un honky tonk digne de ce nom (encore que sur ce point, les utili­sa­teurs aient proposé quelques presets inté­res­sants et que Philippe Guillaume, fonda­teur et concep­teur du Piano­teq, nous ait avoué avoir quelques projets à ce sujet). Pample­mousse sur la pièce montée, les presets réali­sées avec le Piano­teq Pro sont utili­sables dans la version Stan­dard : une belle initia­tive qui va dans le sens de la commu­nau­té…

 

Finis­sons enfin sur un détail qui n’en est pas un : la consom­ma­tion des ressources. Si en terme de mémoire vive, cette dernière est aussi ridi­cule que l’es­pace disque occupé, on sent clai­re­ment que c’est le proces­seur qui travaille, et sur une machine vieille de quelques années mue par un Dual Core 6300 cadencé à 1,86 Ghz épaulé par 2 Go de RAM sous XP, on a vite fait d’ar­ri­ver sur des passages char­gés en poly­pho­nie à 70 % d’uti­li­sa­tion du CPU, quelques glitches se faisant entendre de temps à autre. Bien sûr, il est possible d’op­ti­mi­ser tout cela dans les options du logi­ciel (en limi­tant la réso­lu­tion audio ou la poly­pho­nie) et nul doute qu’une config récente se montrera beau­coup moins limi­ta­tive, cepen­dant que la fonc­tion Freeze des séquen­ceurs récents permet­tra de réduire encore la facture CPU au sein d’un projet. Mais soyez tout de même prévenu : le Piano­teq n’est pas fait pour les petites configs. Profi­tons aussi de l’oc­ca­sion pour mention­ner la parfaite fini­tion du programme : pas de bugs, pas de plan­tage : de la belle ouvrage !

 

Conclu­sion

A 249 € la version Stan­dard et 399 € la version Pro pour béné­fi­cier du Note Edit et d’une fréquence d’échan­tillon­nage à 192 kHz, le Piano­teq est dans tous les cas une excel­lente affaire. Pourquoi ? Pour 1000 raisons : d’abord parce que les pianos qu’il propose sont réel­le­ment convain­cants (voire hallu­ci­nant sur certains aspects comme la dyna­mique, les réson­nances ou le sustain) et complè­te­ment person­na­li­sables, ensuite parce qu’entre les presets d’uti­li­sa­teurs et les nombreux add-ons gratuits ou payants propo­sés par l’édi­teur, il est assu­ré­ment le logi­ciel le plus poly­va­lent de sa caté­go­rie sans être le plus cher. Enfin parce ce Modartt est très à l’écoute de ses utili­sa­teurs et que les reproches qu’on pourra adres­ser au logi­ciel, notam­ment sur la partie réverb/micros, vont très proba­ble­ment faire l’objet de nouveaux déve­lop­pe­ments si l’on en croit Philippe Guillaume.

Gageons qu’une fois la chose faite, il ne restera plus beau­coup d’ar­gu­ments aux pianos samplés et que Piano­teq se taillera la part du lion, que ce soit auprès des home studistes qui composent ou des pianistes les plus exigeants.


Notre avis : 9/10

  • Dynamique des pianos
  • Sustain hallucinant
  • Modélisation des résonnances
  • Note Edit : la réponse à la plupart des défauts du Pianoteq originel
  • Deux excellents pianos de base, plus de nombreux add-ons et presets
  • 20 Mo sur le disque dur et quasiment rien en RAM
  • Interface et ergonomie bien conçues
  • Manuel relativement clair
  • Rapport qualité/prix de la version Standard comme de la Pro
  • Gourmand en CPU : attention aux petites configs
  • Gestion de la pièce perfectible

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