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Test du Kurzweil Artis - Du PC à l’Artis

Parmi les grandes marques de claviers, Kurzweil s’est particulièrement illustré dans deux domaines, les grosses workstations avec la série des K et les instruments de scène avec la série des PC et des SP. Ces derniers sont-ils complétés ou concurrencés par l’arrivée de l’Artis ? Réponses.

Ray Kurz­weil : en 1963 (à 15 ans…), il déve­loppe son premier programme infor­ma­tique de recon­nais­sance de formes pour l’ana­lyse de pièces de compo­si­teurs clas­siques afin de pouvoir créer via ordi­na­teur ses propres morceaux dans le style des grands maîtres. En 2014 (à bien­tôt 66 ans), il est chez Google, chargé de bâtir de nouveaux projets autour de l’in­tel­li­gence arti­fi­cielle. Entre les deux, il a conçu, inventé, écrit, théo­risé, imaginé. La liste de ses produc­tions, aussi bien concrètes que dans le domaine théo­rique, est assez incroyable et multi­di­rec­tion­nelle, le plus simple étant de renvoyer vers sa page Wiki anglaise ou vers son propre siteAI, non pas pour Arti­fi­cial Intel­li­gence, mais pour Acce­le­ra­ting Intel­li­gence… Rien n’oblige à adhé­rer à toutes ses idées, d’au­tant que certaines peuvent se montrer fort éloi­gnées de nos sujets musi­caux, voire farfe­lues, mais l’homme se montre un infa­ti­gable pour­voyeur ou défen­seur de concepts, de la Singu­la­rité au trans­hu­ma­nisme.

Mais, pour reve­nir au sujet qui nous préoc­cupe ici, Kurz­weil est aussi un des grands maîtres au même titre que Moog, Pearl­man, Smith, Kato et bien d’autres, envers qui tout musi­cien faisant appel à l’in­for­ma­tique doit être (au moins) recon­nais­sant, puisqu’on lui doit le Kurz­weil K250. On ne fera pas ici de réca­pi­tu­la­tif sur l’ins­tru­ment, la page Wiki lui étant consa­crée est suffi­sam­ment bien conçue pour éviter toute redite. De ce premier instru­ment ont découlé quelques-unes des plus puis­santes works­ta­tions jamais conçues, la série des K2500 puis K2600, dont les quali­tés sonores, via la synthèse V.A.S.T. maison, le savoir-faire des program­meurs, les fonc­tions d’édi­tion, d’échan­tillon­nage, de séquences, la qualité des effets embarqués (KDFX, telle­ment éton­nants que Kurz­weil les a propo­sés ensuite sous la forme d’un rack surpuis­sant, le KSP8) en font toujours des solu­tions à consi­dé­rer sérieu­se­ment si l’on veut se passer d’or­di­na­teur à propre­ment parler.

Machine de test

Kurz­weil Artis OS 2.26
Objects 1.10
MacPro Xeon 3,2 GHz
OS 10.8.5
Logic Pro 10.0.6
TC Studio­kon­nekt 48, v.3.0.1

Paral­lè­le­ment, le construc­teur a proposé la série des claviers PC (avec l’an­cêtre PC88, puis les PC2 et PC3, gagnant au fur et à mesure des possi­bi­li­tés issues de la série K) et SP (déri­vés du Micro Piano, demi-rack ayant fait ses preuves et son temps), plus ou moins conçus pour la scène, mais ne dépa­rant abso­lu­ment pas un studio. Le haut de gamme est pour le moment le PC3K, dont on trou­vera un test exhaus­tif sous la plume de l’ami Synth­wal­ker ici. Et voici que le fabri­cant envoie à l’at­ten­tion des joueurs de clavier un nouveau modèle baptisé Artis (du latin Ars, certai­ne­ment, dont la poly­sé­mie regroupe tout ce qui importe aux musi­ciens, l’art, l’ha­bi­leté, le métier, le savoir-faire, etc.). Autant dire qu’avec un tel nom, la barre est placée haut.

Intro­du­cing Kurz­weil Artis

Kurzweil Artis

Dispo­nible unique­ment (pour le moment ?) en 88 notes, l’Ar­tis affiche un bon 21 kg, pour des dimen­sions rela­ti­ve­ment raison­nables quand on connaît la surface habi­tuel­le­ment occu­pée par les claviers Kurz­weil. Pas de bois, que du plas­tique et une bande d’alu­mi­nium brossé (c’est à la mode…), et une qualité de fabri­ca­tion ne déro­geant pas aux stan­dards du fabri­cant. Le clavier est aussi tout plas­tique, il s’agit d’un TP100 de Fatar ; un TP40 tel que celui embarqué dans le Physis H1, voir ici, nous aurait comblés, mais ce serait mettre l’Ar­tis au niveau du PC3K8, qui utilise un TP40L.

Les carac­té­ris­tiques semblent sans surprise quand on connaît les produits du fabri­cant. Au menu, on retrouve les 128 voix de poly­pho­nie avec allo­ca­tion dyna­mique (maîtri­sée depuis fort long­temps par Kurz­weil), la multi­tim­bra­lité sur 16 canaux MIDI, la double gestion de présets via programmes simples et Multis (256 de chaque, plus 256 empla­ce­ments de chaque pour l’uti­li­sa­teur), ces Multis pouvant être consti­tués d’au moins quatre zones indé­pen­dantes. Tous ces Programs et Multis sont consti­tués de sons issus des ROM du PC3 et de l’ex­ten­sion dispo­nible pour cette dernière série, la Kore 64, soit deux fois 64 Mo.

Kurzweil Artis

La Rom du PC3 peut être vue comme issue de celle du PC2 et d’une compi­la­tion des diverses ROM (d’usine ou option­nelles des K2000, K2500, K2600 et K2661). Si l’en­semble des Programs dispo­nibles (256, donc) semble faible en compa­rai­son des PC3 (1400 avec la Kore 64), l’im­por­ta­teur nous a confirmé que la tota­lité des ROM PC3 et Kore 64 est implé­men­tée, permet­tant ainsi l’im­port/char­ge­ment de n’im­porte quel programme conçu pour l’une ou l’autre. Ceci pourra s’ef­fec­tuer entre autres via l’édi­teur fourni direc­te­ment issu de celui du PC3 (on utili­sera les fonc­tion­na­li­tés USB), extrê­me­ment puis­sant, puisqu’of­frant quasi­ment toutes les fonc­tions d’édi­tion, de program­ma­tion, de gestion de biblio­thèque, etc. On appré­ciera aussi le fait qu’il soit dispo­nible pour iPad. Cette compa­ti­bi­lité et cette puis­sance d’édi­tion sont d’ex­cel­lentes nouvelles.

Connexions et contrô­leurs en tout genre

Kurzweil Artis

Fidèle à son habi­tude, Kurz­weil offre un nombre impor­tant de connexions et contrô­leurs : ainsi on dispose de deux molettes, neuf faders et neufs switches (multi­modes, dont le fameux KB3), un bouton Varia­tion (offrant des modi­fi­ca­tions au son de base), deux de trans­po­si­tions, deux entrées pédales inter­rup­teurs, une entrée pédale conti­nue, une borne pour prise secteur (de 90 à 256 V), une prise casque en façade (il faut arrê­ter les prises casque à l’ar­riè­re…), une paire de sorties stéréo symé­triques jack TRS (conver­sion N/A 24 bits), une entrée audio stéréo sur mini-jack pour connexion d’un lecteur par exemple (pas d’in­ser­tion dans la chaîne de trai­te­ment interne, mais un simple moni­to­ring), un duo MIDI, une connexion USB offrant une implé­men­ta­tion MIDI complète ainsi que toutes les fonc­tion­na­li­tés de trans­fert Artis vers ordi­na­teur (et vice versa) et mises à jour des objets et du système interne. Pas d’en­trée/sortie numé­rique, mais l’Ar­tis se desti­nant en prio­rité à la scène et non au studio, c’est cohé­rent. 

Du son, et du German, s’il vous plaît

Kurzweil Artis

On connaît déjà, grâce au test du PC3K déjà mentionné, de nombreux sons, Multis et FX Chains (suites d’ef­fets non modi­fiables dans leur routing, mais dont on peut choi­sir l’or­don­nan­ce­ment dans les Multis, tous les para­mètres restant eux modi­fiables, bien entendu) d’Ar­tis. Bien entendu, l’équipe Kurz­weil propose des programmes et multis inédits, il ne s’agit pas d’un simple « copié collé » des PC3 vers l’Ar­tis. On pourra pour infor­ma­tion complète télé­char­ger la liste complète en .pdf ou .xls des trois Objects (nom donné par Kurz­weil depuis, ouh, long­temps) à cette adresse. Le nombre des FX Chains dispo­nibles s’élève ainsi à plus de 1000 suites diffé­ren­tes… Quand on connaît la qualité des effets du fabri­cant (j’en parle en connais­sance de cause, étant l’heu­reux posses­seur d’un KSP8 et d’un K2500X), on se rend compte de l’énorme puis­sance ainsi offerte. Il suffit pour s’en persua­der de se rappe­ler que depuis les années 80 et l’ar­ri­vée du numé­rique, nombre des works­ta­tions ont usé et abusé des effets pour construire leurs sons, plutôt que de penser synthèse au départ. Quelle décep­tion, souvent, quand on désac­ti­vait les effets… Ce n’est pas le cas chez Kurz­weil (pensons à l’im­pact et la qualité des sons du K2500, pour­tant doté d’usine d’un Digi­tech très quel­conque).

On peut toujours être dubi­ta­tif quant aux 128 Mo (128 Mo !) d’échan­tillons embarqués à l’heure où les banques se comptent en centaines de Go. C’est oublier l’in­tel­li­gence des sound desi­gners maison qui appliquent à la lettre les consé­quences du théo­rème de Shan­non-Nyquist, à savoir qu’il est inutile d’échan­tillon­ner un son à 44,1 kHz quand ses fréquences les plus hautes sont de 5 kHz. Dans cet exemple, un échan­tillon­nage à 11 kHz suffira ample­ment. D’où un gain de place/poids consi­dé­rable, la puis­sance de la synthèse V.A.S.T. faisant le reste (à ce sujet, on rêve toujours du portage de cette synthèse dans le domaine virtuel…).

Kurzweil Artis

Une nouveauté reven­diquée est celle de l’adjonc­tion d’un nouveau piano, un German 9’, offrant 32 nouveaux programmes. Rappe­lons que les pianos du K2500 tiennent dans 4 Mo (4 Mo !, oui je sais, j’abuse du procé­dé…) d’échan­tillons… Comment un tel piano peut-il riva­li­ser avec les banques dédiées, ou les pianos modé­li­sés de type Piano­teq ou Physis ?

Voici d’abord le premier test, celui du passage d’une couche de vélo­cité à l’autre, sachant que les programmes offrent entre neuf et 15 layers (jusqu’à 17 pour l’Upright), sur le Program Concert Piano. Atten­tion, cela ne veut pas dire que l’on dispose d’au­tant de layers de vélo­cité : sont en effet inclus, les couches de pédale, de release, de bruits divers, etc. On profi­tera aussi à loisir des fonc­tions de Mute et Solo dans l’édi­teur afin de se rendre compte de la fonc­tion réelle de chaque layer dans chaque programme (il faudrait de toute façon un test entier dédié à l’édi­teur fourni par Kurz­weil et Sound­To­wer, exemple de logi­ciel dédié).

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Kurzweil Artis

On l’en­tend, les passages d’une couche à l’autre sont notables. Cela veut-il dire que les sons en eux-mêmes sont ratés, ou l’ex­ploi­ta­tion de ceux-ci impos­sibles ? Voici quelques exemples à partir des présets d’usine, repre­nant les fichiers MIDI utili­sés pour les multiples tests de piano effec­tués sur AF (qu’ils soient virtuels, ou pseudo-virtuels), afin d’en avoir le cœur net. D’abord la Romance de Rimsky-Korsa­kov, programme Concert Piano, puis Reci­tal Piano.

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Ensuite, Emotio­nal avec le programme Nola Piano.

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Le Triplets, avec le Jazz Piano, puis l’Upright.

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Et un extrait avec le Concerto Piano, montrant une bonne partie de sa plage dyna­mique.

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Kurzweil Artis

Conclu­sion, les défauts s’en­tendent : tenue des notes raccour­cie, manque de réso­nance sympa­thique, dispa­ri­tion parfois raide, réso­nances appa­rais­sant lors du jeu à la pédale, passage parfois abrupt d’une inten­tion à une autre donnant une impres­sion de dureté, etc. Mais le son est là, et à aucun moment on n’a cette impres­sion que l’on peut ressen­tir sur certains pianos virtuels ou maté­riels (eux aussi virtuels) avec des creux dans les fréquences à certaines octaves, un manque de tenue harmo­nique, etc. La musi­ca­lité est là, c’est l’im­por­tant. Comme déjà précisé, on se repor­tera au test de l’ami Synth­wal­ker pour les autres sono­ri­tés, en préci­sant que j’ai été plutôt bluffé par les pianos élec­triques, élec­tro­mé­ca­niques et élec­troa­cous­tiques. En voici quelques exemples.

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Pour le reste, Kurz­weil est fidèle à lui-même, c’est-à-dire que la qualité est là, en parti­cu­lier dans la capa­cité des sons à se mixer très faci­le­ment, sans avoir à les tritu­rer dans tous les sens.

Bilan

Alors, peut-on dire que Kurz­weil apporte une nouvelle révo­lu­tion sonore ? La réponse est simple : non. On peut cepen­dant mesu­rer la diffé­rence entre le Triple Strike, long­temps consi­déré comme le summum chez le fabri­cant (présent bien sûr sur l’Ar­tis) et les nouveaux programmes basés sur le German 9’ : aucune commune mesure. Certes, pas de réso­nance sympa­thique, pas de double pédale, pas de kilo­tonnes d’échan­tillons dédiés, et pour­tant, ça sonne. Le reste est à l’ave­nant, dont les fameux sons d’or­chestre, et le KB3, offrant toujours une émula­tion convain­cante de Hammond, Farfisa et autres orgues, renfor­cée par les multiples chaînes d’ef­fets dédiées. Et puis la qualité et l’in­ven­tion du sound design : rares sont les sono­ri­tés aussi bien conçues en fonc­tion des contrô­leurs embarqués, after­touch, molettes, faders et autres, qui sont très souvent et perti­nem­ment solli­ci­tés.

Certes, la concur­rence a proposé de nouvelles approches sonores, et certains des sons embarqués semble­ront un peu plus faibles. On peut peut-être se deman­der si l’uti­li­sa­tion d’un aussi petit nombre d’échan­tillons, autre­fois une prouesse, reste encore d’ac­tua­lité. Sans néces­sai­re­ment embarquer des To de samples, l’Ar­tis gagne­rait sur certains sons à dispo­ser d’une Rom plus consé­quente.

Malgré tout, l’Ar­tis démarre (peut-être) une nouvelle géné­ra­tion de claviers de scène de qualité, avec de nombreux sons et Multis bien conçus, un toucher plutôt agréable (pas le top de ce qui existe, mais déjà perfor­mant et permet­tant d’uti­li­ser tout type de sons), une belle program­ma­tion autour de nouveaux échan­tillons de pianos, un éditeur très puis­sant, un ensemble de contrô­leurs assez four­nis, un Master EQ permet­tant une correc­tion/adap­ta­tion très rapide, le tout à un prix très acces­sible en regard des tarifs habi­tuels du fabri­cant (prix cata­logue TTC, 2490 €, le prix maga­sin devrait être en dessous des 2000 €), avec la fiabi­lité et l’ap­pa­rente soli­dité des produits maison. Une solu­tion à réel­le­ment envi­sa­ger quand on recherche un clavier de scène, qui pourra aussi se révé­ler très perti­nente en studio.

Télé­char­gez les fichiers sonores (format FLAC)

 

  • Qualité et fabrication Kurzweil
  • Nouveaux échantillons German 9’
  • Programs et Multis bien conçus
  • Qualité et puissance des effets
  • Synthèse V.A.S.T. toujours là
  • Compatibilité sons PC3 et Kore64
  • Éditeur PC/Mac/iPad surpuissant
  • Connexion USB
  • Excellente musicalité
  • Nombreuses connexions et commandes
  • Section Master EQ
  • Bouton Variation
  • Petit temps de chargement parfois entre deux sons
  • Légers bruits de clavier non identifiés (sans incidence sur l’audio)
  • Certains sons en deçà de la concurrence
  • Intérêt de nos jours de limiter la taille de la Rom ?
  • Écran un peu petit
  • Entrée audio uniquement pour écoute, sans traitements possibles

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