Avec une régularité quasi horlogère, Propellerhead présente de nouvelles mises à jour de Reason. Qu’apporte cette huitième du nom à ses utilisateurs, habitués qu’ils sont à l’avalanche de nouveautés ? Réponses.
Certains éditeurs créent une proximité avec les utilisateurs de leurs produits, d’autres créent des attentes, plusieurs provoquent les deux attitudes à la fois. Entre « fanboyisme » et expectatives légitimes, notamment en termes de fonctions attendues, tous les cas de figure se rencontrent et les forums regorgent d’échanges plus ou moins amènes selon que l’on apprécie ou non tel ou tel changement apporté par une récente mise à jour. Les produits Apple en sont l’illustration parfaite, au point que l’on se demande finalement quels sont les plus à plaindre de ceux qui attendent des jours devant les magasins, ou de ceux qui ne peuvent s’empêcher d’exprimer leur mépris dès l’aperçu de la queue d’une pomme. Disons les deux pour simplifier…
|
Sans forcément présenter ces extrêmes (quoique…), la communauté réunie autour de Reason est parmi l’une des plus actives et l’une des plus attentives à l’évolution de son outil préféré. Cette communauté est bichonnée, puisque depuis quelques années, Propellerhead l’a habituée à un rendez-vous régulier, quasi annuel, présentant la nouvelle mise à jour de ce qui reste son produit phare. La station de travail audionumérique de l’éditeur n’a cessé de s’améliorer fonctionnellement et ergonomiquement, jusqu’à intégrer dans les récentes versions ce qu’attendaient de très nombreux utilisateurs, comme l’enregistrement audio, la communication avec l’extérieur via le MIDI et l’intégration d’un format propriétaire de plug-ins, Rack Extension. Ce dernier, s’il a pu faire pester les propriétaires de nombreux outils et instruments VST ou Audio Units ne pouvant toujours pas les utiliser au sein de la STAN de Propellerhead, n’en offre pas moins au fil des ans une offre plus que variée (du gratuit à quelques dizaines d’euros) et surtout aucune brèche dans ce qui est resté une des caractéristiques les plus appréciées du logiciel, sa légendaire stabilité.
Voici donc Reason huitième du nom, digne héritier (ou pas ?) de la dynastie. Qu’en est-il réellement ?
Introducing Propellerhead Reason 8
|
Comme d’habitude, on trouvera le logiciel sous plusieurs formes, de la version boîte aux versions à télécharger chez l’éditeur, suivant plusieurs options : version complète à 369 euros selon les revendeurs), ou un upgrade unique (changement) depuis Reason Essentials + Balance, n’importe quelle version de Reason ou même Record à 129 euros. Les possesseurs de Reason Adapted, Reason Limited, ou Reason Essentials devront eux débourser 279 euros pour passer en version 8 complète. Reason Essentials 8 est aussi disponible seul (99 euros), et, à la différence du passage entre version 1.5 et version 2, gratuit, il faudra une nouvelle autorisation. Il n’y a (pour l’instant ?) pas d’upgrade prévu de RE 2 à RE 8.
Une fois le fichier téléchargé, on le dézippe et on le glisse dans le dossier Applications, en ayant pris soin de mettre de côté tous dossiers ou fichiers rajoutés dans le dossier hôte sous peine d’écrasement définitif. Au premier lancement, le logiciel installe une nouvelle extension CodeMeter, ce qui pourra créer un conflit si l’on n’a pas jeté à la poubelle la version précédente de Reason (voir encadré). On retrouve la générosité de l’éditeur, qui nous permet de bénéficier de trois modes d’autorisations, sur l’ordi, la clé Ignition et une interface Balance, sans oublier le mode Demo (pour les précautions d’installation, les incompatibilités et autres, voir les précédents tests ici).
Les nouvelles Reason
Dès l’ouverture, les changements sont évidents. Ce n’est pas que l’on ne reconnaît plus son Reason, mais il faut avouer que l’impression est assez forte, avec la présence d’un nouveau Browser sur la gauche de la fenêtre, et la refonte graphique à base de blanc crème et de diverses nuances de gris, très épurée, et assez agréable. Les contrastes et la taille des éléments sont suffisamment bien étudiés pour permettre une utilisation sans problème sur scène.
Le navigateur peut être affiché ou masqué, et l’on s’aperçoit très vite que Reason gagne énormément en ergonomie (qui était pourtant plutôt réussie dans l’ensemble). Ainsi, la possibilité d’utiliser le glissé-déposé (eh oui, autre nouveauté…) simplifie tout autant la mise en œuvre des outils et instruments, l’interruption du geste créatif restant minime. On peut glisser les racks indifféremment dans le Rack ou dans la zone d’en-tête de piste de la fenêtre Sequencer. Si la présentation des modules ne change pas, celle des en-têtes de pistes bénéficie aussi du relooking, laissant tomber les principes d’encadrement et de boutons, pour jouer sur des zones colorées et prenant immédiatement le nom du module ou du fichier audio directement importé (le nom ne change pas si on l’importe après création de la piste). Mais attardons-nous sur le fonctionnement du Browser, plutôt bien pensé.
De haut en bas, une sélection du type de modules, avec un champ alphanumérique, et navigation vers dossiers voisins ou supérieur/inférieur. En dessous se trouvent deux colonnes rassemblant à droite les icônes des modules de la famille sélectionnée, à gauche les familles de modules (Instruments, Effects, Utilities). Tout de suite en dessous, on trouve les Library/Refills installées, les Rack Extensions, le renvoi vers Home et Bureau, ainsi que les Song Samples (qui ont donc disparu de la Tool Window, accessible via F8, dans laquelle il ne reste donc plus que les outils et les réglages de Groove) et les Patches récents.
On l’a dit, l’une des autres grandes nouveautés est le glissé-déposé, de l’extérieur à l’intérieur de Reason, d’un préset du navigateur aux modules chargés, ou d’un préset aux en-têtes de pistes, d’un sample au NN-XT ou à Kong, tandis qu’un double-clic sur un préset alors qu’une piste est sélectionnée chargera le module correspondant à la place du précédent. La partie inférieure du navigateur renseigne sur le nom sélectionné, son type (préset pour tel ou tel module, etc.) et permet de charger l’instrument ou effet correspondant (fonction Create) puis de naviguer dans l’ensemble des présets via deux flèches de déplacement.
Autres changements, notamment au niveau de la gestion des notes dans le séquenceur, en n’utilisant que l’outil flèche, via le double-clic pour les créer ou les effacer ou le redimensionnement dans les deux directions (par la droite, et par la gauche). Ce sont d’énormes progrès quant à l’ergonomie du logiciel, personne ne nous fera dire le contraire. Mais on y reviendra. Et est-ce tout ?
Make some noise here
Non, il y a deux autres nouveautés d’importance, nommées Amp et Bass Amp, toutes deux signées Softube, éditeur bien connu pour la qualité de ses simulations d’ampli, générateur de feedback, réverbes, etc., et qui a déjà commis quelques Rack Extensions pour le logiciel de Propellerhead. Il faudra aller charger lesdits amplis, car ils ne sont pas intégrés. Les précédentes solutions conçues par Line 6 sont toujours disponibles, mais l’éditeur prévient que ce ne sera plus le cas à partir d’octobre 2016 (quelle précision ! À l’occasion de la sortie de Reason 10, peut-être ?).
Le premier est donc destiné à l’amplification de guitares, a priori, mais chacun peut en faire ce qu’il veut après tout (voix, claviers, Rhodes virtuel, etc.). Les réglages sont minimes, l’éditeur ayant considéré apparemment que l’on trouvera réverbes et effets dans ceux fournis par Reason, ce qui n’est pas bête.
Au menu, un Gate, un Boost (pas vraiment façon AC30), Gain, Bass, Mid, Treble (pas de Presence) et le gain de l’ampli de puissance, ainsi qu’un volume global. Le tout au service de quatre modèles d’amplis, Twang, Crunch, Rock et Lead (et un Bypass), et quatre modèles de baffles, Bright, Room, Fat, Tight (et un Bypass).
Voici quelques exemples de réglages à partir d’une même guitare montrant l’action des différentes propositions de Cabinet sur Twang (neutre, puis dans l’ordre énoncé plus haut, Bypass y compris, et tous les volumes ont été ajustés).
Un autre extrait, neutre d’abord, puis avec plusieurs variations de présets nommés British.
Et quelques exemples de High Gain.
Voici plusieurs exemples à partir du Rhodes MK1 de la banque d’usine (NN-XT, pas le plus subtil des Rhodes virtuels, avec seulement deux couches de vélocité), avec ajout de divers effets.
Concernant les présets, on pourra regretter leur petit nombre. Certains pourront aussi ne pas apprécier de ne pas trouver de noms plus explicites que American Clean, ou British Drive. On peut aussi y voir une manière de pousser l’utilisateur à faire ses propres réglages… Les présets de l’ampli basse (proche visuellement d’une tête Ampeg) sont plus explicites, tels que Smooth Bass, Slap Essentials, etc.
Deux exemples sur cette ligne de basse.
Ajout de dernière minute Un ajout, tardif certes, mais pour cause, les essais ayant été tous effectués avec les différentes interfaces audio du studio, nous n’avions pu être confrontés à ce problème avant de le découvrir lors d’un cours (et bonjour la prise de tête avant de trouver la solution…) : si l’on utilise les entrées/sorties du Mac sous Yosemite (Built-in Input + Built-in Output), tous les instruments craquent dans le registre grave/medium, de façon totalement aléatoire. Il faut, pour résoudre le problème, choisir dans Preferences>Audio>Audio Device uniquement Built-in Output. Aïe… |
Bilan
Vu le tarif de la mise à jour, une (simple) refonte graphique, un navigateur (très performant, certes) et des améliorations d’édition somme toute légères pourraient rapidement se transformer en Reason de la colère, s’il n’y avait l’ajout des deux amplis, qui remplissent très bien leur tâche. Mais on peut aussi se demander si leur inclusion n’est pas une obligation envers les utilisateurs de Reason suite à une fin de deal avec Line 6… N’ayant aucune information concernant ce sujet, nous ne développerons pas.
Il semble en tout cas étrange, en 2014, qu’un logiciel avec de nombreuses qualités ergonomiques (et quelques points faibles du même côté) revendique comme une mise à jour essentielle, justifiant un changement de chiffre, l’ajout de fonctionnalités qui semblent être le strict minimum chez la concurrence.
Alors le passage à partir d’une version plus lointaine de Reason semblera assez doux aux acheteurs, de même pour les nouveaux acquéreurs, qui seront ravis de disposer d’une STAN plus que performante (et l’on ne dira jamais assez l’incroyable puissance pédagogique et créative qu’offrent Reason et Reason Essentials), tandis que le passage de Reason 7 à Reason 8 semblera moins immédiatement réjouissant (il suffit de rappeler ce que l’on a gagné dans les précédents passages d’une version à l’autre : Malström et NN-XT pour la version 2, RV7000, BV512, Scream 4, Spider Audio et CV pour la 2.5, MClass Mastering Suite, Combinator pour la version 3, nouveau Hardware Device, Thor, ReGrooveMixer, RPG-8 pour la version 4, Dr OctoRex et Kong pour la version 5, enregistrement audio, Pulveriser, the Echo, ID-8, Alligator et Neptune pour la version 6, les Rack Extensions, le MIDI externe pour la version 7, etc.).
Une mise à jour certes réussie, ne justifiant peut-être pas d’un numéro entier, une 7.5, pour ainsi dire. Mais nul doute que les têtes d’hélice sauront nous surprendre lors de la prochaine incrémentation. Du moins l’espère-t-on.