Nouvelle venue dans le monde de la synthèse, la société française Norand présente le Mono, un synthé-ligne de basse très original : va-t-il renouveler le genre ?
Norand est une toute jeune société fondée en 2019 par Mathieu Frohlich, souhaitant développer sa propre vision des instruments de musique électronique. Lancé fin 2020, le Mono est le premier d’une série que l’on espère aussi longue que possible. Mais ce n’est pas le coup d’essai de Mathieu, bien connu dans le monde du modulaire, puisqu’on lui doit l’Hermod (module séquenceur 8 pistes) chez Squarp Instruments et l’Altar (module VCF) chez Ritual Electronics. Il est aujourd’hui à la tête d’une équipe de 4 personnes, ce qui représente déjà une force de frappe conséquente en si peu de temps. Vendus en précommande fin 2020, les 100 premiers Mono ont été livrés début 2021. Deux mois plus tard, les 100 exemplaires suivants ont été complètement écoulés. Le troisième lot de cette fois 200 exemplaires sera disponible vers mai-juin, la moitié ayant déjà été précommandée ! Norand vend en direct sur son site (https://norand.io/) et via une douzaine de magasins partenaires. Nous avons reçu un exemplaire que nous avons testé en OS 1.1. Présenté comme une ligne de basse orientée EDM, voyons si le Mono ne serait pas en fait beaucoup plus que cela…
Inspiration TB
De l’aveu même du concepteur, le Mono s’inspire de la TB-303, sa compacité, son look, sa transportabilité, son caractère sonore et sa simplicité d’emploi. C’est un monolithe noir compact avec une façade en alu et un boitier plastique assez robuste. Affichant 32×15×5 cm pour 850 grammes, la machine est faite pour être trimballée. La construction est particulièrement soignée : 23 potentiomètres à LED bien ancrés, 24 boutons à bascule d’une réponse parfaite et 23 boutons-poussoirs carrés rétroéclairés. Positionnant le Mono comme instrument live, Norand a choisi une ergonomie sans écran et un accès direct à tous les paramètres, modulo certaines fonctions secondaires. À l’usage, cela fonctionne plutôt bien, compte tenu des nombreuses fonctionnalités embarquées. Les potentiomètres ont fait l’objet d’un développement spécifique, ce qui explique en partie le prix du Mono : chacun intègre une LED blanche à intensité variable. Cela permet de repérer tout de suite le paramètre de synthèse en cours de sélection et l’intensité des modulations assignées. Dommage que Norand ait choisi des capuchons à pan coupé, ça les rend plus difficiles à agripper.
Les potentiomètres offrent trois modes de réponse : saut, seul et relatif, parfait. L’acquisition des valeurs se fait en 12 bits, mais les fréquences des VCO et du VCF sont quantifiées au demi-ton, donc on entend les pas (et c’est voulu). L’organisation des commandes a été bien pensée : paramètres de synthèse en partie supérieure, édition du séquenceur et modulations en partie inférieure. La rangée de poussoirs lumineux carrés permet d’éditer le séquenceur et de choisir les motifs. Un mini-clavier d’une octave (transposable sur plus ou moins quatre octaves) est intégré, utilisable pour le jeu, la programmation des séquences et la transposition en temps réel. On note également des fonctions bienvenues : Undo avec 1024 niveaux d’annulation (!), copier-coller, génération aléatoire de sons et de motifs… futé ! Le repérage de la connectique est uniquement sérigraphié en haut de la façade. Les prises sont situées sur le panneau arrière : sortie audio mono symétrique (jack 6,35), entrée horloge, entrée Reset d’horloge, sortie CV pitch 1V/octave, sortie Gate 5V, sortie VC2 assignable, sortie accent 5V, trio Midi DIN, prise USB type B (changement de programme, CC Midi, dumps Sysex des mémoires, mise à jour de l’OS), interrupteur secteur et entrée pour alimentation externe de type bloc à l’extrémité (de bonne qualité certes, mais bon…). Toutes les commandes en tension sont au format mini-jack Eurorack. Dommage qu’il n’y ait pas d’entrée audio…
Sons singuliers et pluriels
Le Mono organise sa mémoire par projet, au nombre de 32. Chacun comprend 64 motifs de 64 pas, leur programme associé, 40 programmes indépendants et 4 échelles de tempérament programmables. Énorme ! Et si cela ne suffit pas, un petit dump en Sysex et c’est réglé. La machine est livrée avec un projet comprenant 32 motifs de démonstration et des programmes séparés, histoire de ne pas partir de zéro. Avant d’envoyer la sauce, il faut penser à mettre les niveaux à zéro (ou allumer la table et les amplis en dernier), au risque de se prendre un « schplack » énorme dans les tympans (idem à l’extinction, ampli et table en premier, cette fois). Une calibration sera peut-être nécessaire, à répéter à chaque fois que l’appareil est soumis à d’importantes variations de température, le prix à payer pour avoir un véritable moteur analogique. Autre point, ne pas mettre le volume à fond, tellement le niveau audio est élevé, nous avons rarement vu cela sur un analo. Aucun bruit de fond n’est à déplorer, les circuits ont été très bien conçus.
Les quelques motifs livrés permettent de se rendre compte du grain spécifique et de l’étendue du territoire sonore du Mono. Les basses acidulées font évidemment partie de la panoplie, mais ça ne s’arrête pas là. Le filtre à variable d’état permet de sculpter de nombreuses variantes, dans tous les modes, avec ou sans résonance. On apprécie la saturation naturelle quand on pousse le niveau des oscillateurs. On trouve aussi de monstrueuses synchro, ainsi que des sonorités obtenues par modulation audio (FM, AM). Pas d’aliasing en vue, la partie numérique fonctionne elle aussi à merveille. Les drums sont extrêmement variés, le Mono a une pêche abyssale : les hi-hats tranchent, les kicks défoncent, les snares crachent leur timbre, impressionnant ! Ils sont secondés par une pléthore de bruitages modulés, on sent là encore que le moteur sonore en a sous le pied et qu’il fonctionne à merveille avec le séquenceur. Les motifs sont évolutifs, avec des modulations aléatoires, des sons qui changent à chaque pas, ça bouge dans tous les sens.
VCO maison
Le moteur de synthèse du Mono, analogique monodique, est constitué de 2 VCO, 1 VCF et 1 VCA. Tous les paramètres sont modulables par des enveloppes et des oscillateurs, nous y reviendrons. Les VCO sont basés sur des circuits maison discrets à intégrateur asymétrique, capables de produire différentes formes d’ondes en continu à partir d’une onde triangle. Cela apporte un contenu harmonique plus riche aux ondes sinus et triangles. On passe progressivement par les ondes sinus, triangle, carré et dent de scie, c’est-à-dire du contenu harmonique le plus pauvre au plus riche. Si les oscillateurs analogiques variables ne sont pas une nouveauté sur un synthé programmable (on peut citer l’OB-1 et le Kobol de la fin des années 70), la conception retenue ici, totalement originale, tend à prouver une nouvelle fois que l’innovation vient le plus souvent des créations artisanales !
On peut régler la fréquence par demi-ton sur 8 octaves (C0-C8) et finement sur deux demi-tons (bipolaire). Le pitch peut suivre l’un des 15 tempéraments intégrés globaux ou l’un des 4 tempéraments programmables disponibles par projet. Le cycle de l’oscillateur 2 peut être synchronisé par l’oscillateur 1, permettant d’obtenir les sons pincés caractéristiques de la synchro à la dure. On trouve aussi une véritable FM « thru zero » dosable, où l’oscillateur 2 est le porteur et l’oscillateur 1 le modulateur. Nous verrons également que tous les paramètres de synthèse sont modulables dans le domaine audio par un oscillateur et une enveloppe (chacun !), ce qui revient ici à fabriquer un algorithme de FM à 4 opérateurs. Il n’y a pas de générateur de bruit, ce qui n’empêche pas de créer tout un tas de bruits avec les différentes interactions d’oscillateurs, comme les exemples sonores en témoignent. Dans le mixeur à deux entrées, on règle le niveau de chaque oscillateur vers le VCF. Pousser les niveaux crée une jolie saturation asymétrique dans le filtre, du plus bel effet.
VCF maison
Le filtre du Mono utilise des intégrateurs discrets maison pour produire une pente de 18 dB/octave. Il s’agit d’un VCF à variable d’état, capable de passer en continu de passe-bande à passe-bas, puis de passe-bas à passe-haut, ce qui là encore n’est pas habituel (on a souvent le mode passe-bande au centre et parfois un inverseur pour la réjection de bande). Là, on peut créer une réponse passe-tout en plaçant le potentiomètre à mi-chemin entre les modes passe-bas et passe-haut. La fréquence de coupure a une plage confortable de 11 octaves (C-1 à C10), ça devrait convenir à tout le monde. Le potentiomètre de fréquence de coupure est quantifié au demi-ton, mais un algorithme de lissage intervient en tâche de fond. Ce choix assumé permet d’assurer un accord parfait avec le suivi de clavier, quel que soit le tempérament retenu, lorsqu’on active le bouton idoine.
La fréquence de coupure peut être directement modulée par l’enveloppe ADSR principale, avec quantité de modulation bipolaire. On verra plus tard que cela ne s’arrête pas là… Le pic de résonance n’est pas excessif mais plutôt maîtrisé, tout du moins par défaut. Ce choix de conception nous parait très judicieux, car il y a plein d’autres moyens de produire des textures déchirantes avec le Mono. On peut toutefois recalibrer globalement la résonance pour la rendre plus outrageuse. Une affaire de goût. Après le VCF, le VCA. Ce dernier est modulé par l’enveloppe ADSR générale, la vélocité Midi entrante (niveau interne fixe à 100 par défaut), l’accent du séquenceur, ainsi que deux sources additionnelles dont nous allons parler tout de suite tellement elles sont intéressantes.
Modulations contextuelles
Les modulations du Mono ont été pensées comme une alternative aux matrices de modulation programmables, complexes à mettre en œuvre avec une ergonomie un bouton/une fonction et une surface de contrôle compacte. Pour ne pas se limiter à quelques LFO et enveloppes, le Mono est capable de moduler tous ses paramètres de synthèse avec un oscillateur et une enveloppe AD indépendants. Seules exceptions, les segments de l’enveloppe principale, modulables uniquement avec un oscillateur dédié, ce qui semble logique. On parle bien ici d’oscillateur et pas de LFO, car les oscillations peuvent atteindre le domaine audio. Au total, on totalise 20 oscillateurs et 16 enveloppes AD ! On imagine tout de suite ce que cela signifie : FM sur les VCO, FM sur le VCF, AM sur le VCA et tout un tas de modulations audio les plus exotiques les unes que les autres. Le Mono n’a pas d’équivalent hardware dans ce domaine !
Là où Norand a vraiment bien pensé les choses, c’est dans la manière de visualiser les modulations sans écran : dès qu’on tourne le potentiomètre d’un paramètre de synthèse, sa LED devient plus brillante pour signifier qu’il est sélectionné et les LED des potentiomètres des sources de modulation associées brillent en fonction de leur intensité d’action. Pour contrôler un routage de modulation sans changer de valeur, on maintient la touche FUNC en tournant le potentiomètre voulu, astucieux ! Les oscillateurs peuvent produire les ondes sinus, triangle, carré, dent de scie et S&H. Ils fonctionnent en mode LFO libre (0,025 à 10 Hz), LFO synchronisé (12 divisions temporelles + redémarrage du cycle) ou audio (C0-C8, avec suivi de clavier calé sur l’oscillateur 1). Un algorithme antialiasing est chargé de lisser la forme d’onde avant conversion analogique. C’est bigrement efficace, les 480 MHz du MCU sont bien mis à contribution.
Les enveloppes AD ont des temps variables de 32 microsecondes à 20 secondes (énorme !) et une action bipolaire. Le Mono possède également une enveloppe globale ADSR, comme déjà évoqué. Redéclenchée à chaque note, elle agit sur le VCF (quantité bipolaire) et sur le VCA (hélas en permanence, sans réglage de quantité ni de position Gate). Les temps varient là encore de 32 microsecondes à 20 secondes, avec une courbe de réponse exponentielle. Cette enveloppe ADSR a toutefois un comportement particulier, lié à l’orientation séquenceur du Mono : si le temps de Gate est inférieur au temps d’attaque, l’enveloppe passe en mode AD : plutôt que basculer sur le Release avant de terminer l’attaque, le segment d’attaque est lu intégralement et le Decay descend à zéro, bien vu là encore !
Séquences mouvementées
Un projet comprend, nous l’avons dit, 64 motifs de 64 pas. Chaque motif stocke également son programme de base. Nous verrons que le Mono va beaucoup plus loin, en enregistrant des mouvements de paramètres (par décalage) ou en changeant de programme sur chaque pas (parmi la banque de 40 sons). Les moins de 20 ans diront que c’est comme chez Elektron, les plus vieux se rappelleront peut-être du Kobol qui permettait déjà cela il y a plus de 40 ans ! Lorsqu’on sélectionne un motif, les 64 pas sont représentés par la rangée de 16 touches de pas + 4 touches de page. On peut charger un projet pendant que le séquenceur tourne, changer de motif à la volée suivant trois modes d’enchainement : à la fin du précédent, immédiat avec saut de position, immédiat avec retour au début. Il est possible de créer une boucle temporaire forcée à n’importe quelle position du motif, en choisissant les pas de début et fin. En plaçant la fin avant le début, le motif est lu à l’envers, sympa ! Il n’existe en revanche pas de modes de lecture pendulaire ou aléatoire, dommage. On peut aussi chainer 8 motifs, mais ce n’est pas un véritable mode Song, dommage. Chaque motif mémorise un programme, mais il est possible d’enchainer les motifs en conservant le son en cours.
Le clavier intégré permet aussi de transposer le motif en temps réel, en passant en mode Transpose (ce n’est pas une fonction par défaut). Ce n’est en revanche pas possible avec un clavier externe, nous avons suggéré au concepteur d’ajouter cette fonction. De même, il n’est pas possible de muter les pas. Si on éteint un pas et qu’on le rallume, on le charge avec les valeurs du son en cours. Le concepteur réfléchit à une parade permettant de conserver l’ergonomie de la machine (pour le moment, on peut muter n’importe quel pas en mettant son volume à zéro, mais ce n’est pas aussi pratique qu’un mute à la volée). Le swing est bien présent, ainsi que le réglage de tempo (avec différents modes d’entrée et touche Tap) et de la division temporelle.
Allez, passons à la programmation. On peut entrer les notes en temps réel (à partir du mini-clavier intégré ou d’un clavier Midi externe) ou en pas-à-pas (pas après pas ou en maintenant le pas souhaité tout en jouant la note à enregistrer). Pour lier une note sur plusieurs pas, il suffit de maintenir les pas extrêmes et d’entrer la note, c’est immédiat ! Sur chaque pas, on peut ajouter un certain nombre de réglages : accent (destinations et quantités entièrement programmables via les commandes en façade), Slide (glissement du pas en cours vers le pas suivant, pas seulement la note, mais tous les paramètres de synthèse qui diffèrent entre les pas), microdécalage temporel (plus ou moins ½ pas), ratchet (1 à 16 répétitions par pas) et probabilité (déclenchement de pas et valeur de ratchet simultanés). Mieux, on peut enregistrer les mouvements de toutes les commandes (48 paramètres !), en temps réel ou pas à pas. Les valeurs sont stockées en relatif, par opposition aux valeurs absolues plus couramment utilisées, ce qui se révèle très pratique à l’usage lorsqu’on fait évoluer à la main un paramètre déjà en mouvement. Les valeurs stockées sont représentées par l’intensité des LED, on atteint ici la limite d’une machine sans écran. Signalons au passage qu’il est possible de dissocier le redéclenchement de n’importe quelle enveloppe AD des pas du séquenceur, intéressant pour créer certains effets rythmiques.
Ce n’est pas fini, puisque le séquenceur du Mono offre un mode spécial appelé Mod Note. Dans ce mode, le mini-clavier intégré ne joue plus de notes, mais est utilisé pour sélectionner, éditer et assigner un programme à chaque pas du séquenceur, parmi les 40 du projet en cours. À nous les rythmiques complexes, les entrelacements basses + percussions ou les tables d’ondes (en n’oubliant pas qu’on reste en présence d’un synthé monodique). Pour éditer l’un des 40 programmes, il suffit de maintenir la note correspondante et de changer les paramètres de synthèse. Pour assigner le programme à un ou plusieurs pas, on utilise les boutons de pas comme en mode classique. C’est là encore très bien imaginé et cela différencie le Mono de la concurrence.
- 01 Pass Pass01:13
- 02 Hard Sync01:34
- 03 3P Bass00:54
- 04 Hat Tricks01:04
- 05 Big Bottom00:57
- 06 Bass & Perc00:53
- 07 Perc & Bass01:05
- 08 Many Drums00:47
- 09 Frouziro FM01:05
- 10 Analog Powa01:00
Conclusion
C’est toujours un grand plaisir de tester un premier produit d’une nouvelle société, qui plus est hexagonale. Présenté comme une TB des temps modernes, le Mono est beaucoup plus en réalité. Le moteur de synthèse analogique est très puissant, les possibilités de modulation pléthoriques et le séquenceur bien travaillé. Au son original se mêlent des fonctionnalités tout aussi originales, on sent une fertilité bouillonnante dans le cerveau du concepteur. Ce joli contrepied est d’autant plus agréable dans un monde où le clonage est devenu le sport mondial et le manque d’inventivité ou de prise de risque l’apanage des constructeurs établis de longue date. Ce sont les petits nouveaux qui portent les inventions et investissent en R&D, bien souvent sur leurs deniers personnels, un comble ! Il en résulte un tarif artisanal premium assumé et quelques compromis également assumés. Si on considère le Mono comme une simple ligne de basse pour faire de l’EDM, on risque de passer à côté d’un instrument bien singulier et très agréable à utiliser. Une belle découverte !
Prix : 839€, disponible sur le site du constructeur.
Interview de Mathieu Frohlich, fondateur de Norand
Quel est ton parcours ?
Avant de devenir un geek à temps complet, j’investissais mon temps et mon énergie dans la composition de musique techno sous le nom de Primitive et l’organisation de soirées avec mon collectif « BP », en enchaînant les boulots alimentaires à côté évidemment. J’ai toujours été passionné par l’électronique et le code, mon premier synthé hardware était Ambika d’Emilie Gillet (Mutable Instrument), à qui je dois beaucoup d’ailleurs, puisque je n’ai pas fait d’étude d’ingénierie. J’ai tout appris dans les bouquins et l’open-source. Il y a quelques années j’ai réalisé que je n’étais vraiment pas fait pour une carrière de musicien pro : trop de contraintes, et peut-être aussi pas assez de talent ! Je me suis donc débrouillé pour chopper une formation qui m’a permis de rejoindre Squarp Instruments il y a 5 ans. Ils m’ont donné énormément de liberté et m’ont chargé du développement d’Hermod, ça m’a permis d’appliquer mon savoir-faire « DIY » dans des conditions plus sérieuses !
Pourquoi avoir créé Norand ?
Avec mes années de musicien, j’avais des idées bien précises de là où je voulais aller. Mono n’est que le début d’une longue liste d’instruments. Je n’ai jamais été 100 % satisfait de mes machines quand je faisais du son, donc tu me dis boite à rythmes, polyphonique, samplers… je sais précisément ce que je veux, et c’est assez délicat d’imposer ses idées dans une équipe préexistante, c’était donc assez naturel pour moi de créer ma structure.
Qu’est-ce qui fait l’ADN de Mono ?
Mono est clairement un synthé conçu par un geek, pour le geek. L’ADN de Mono, c’est assurément le système de modulation : la plupart des utilisateurs perdent la tête quand ils découvrent qu’on peut moduler tous les paramètres indépendamment en audio-rate pingé par une enveloppe elle aussi indépendante. Juste avec un oscillo sinus et le filtre ouvert, tu as déjà des milliers de timbres possibles, c’est infini ! En fait, c’est l’équivalent d’un mur de modulaire, dans une petite boîte.
N’est-ce pas risqué de lancer un synthé monodique aujourd’hui ?
Clairement, ça l’est ! Surtout qu’on fait peu de communication donc je ne peux compter que sur la qualité du synthé. Si c’est un mauvais monodique, je vais mettre la clé sous la porte ! Après c’est vraiment un ovni, et le but n’est pas d’en faire un best-seller, on n’est pas du tout sur la même gamme qu’un clone de 303 à 200 €. Tout ce qui compte pour moi c’est que les musiciens qui l’achètent aient vraiment l’impression de posséder un synthé unique, qui sera irremplaçable dans leur studio. Je n’ai pas besoin d’en vendre des milliers pour pouvoir continuer et développer de nouveaux produits, c’est le plus important.
Quelles difficultés as-tu rencontrées ?
J’ai rencontré des galères de production, de shipping, et je suis aussi affecté par les problèmes d’approvisionnement de composants du moment. Depuis le lancement je fais vraiment beaucoup d’heures, c’est comme ça qu’on surmonte les problèmes, il n’y a pas de secret ! Maintenant qu’on arrive au 3e batch, ça commence à être plus détendu, je maîtrise mieux mon approvisionnement et ma distribution, et le nouveau firmware qui sort cette semaine est vraiment solide donc plus trop de tracas à ce niveau.
Combien as-tu fabriqué de Mono ?
On en a fabriqué et vendu 250, on en reçoit 150 en plus fin mai. Dans l’immédiat, on n’a plus de stock, on a été un peu pris de court par la première grosse review du synthé ! Le synthé est assemblé en France et les pièces (PCB, aluminium et plastiques) sont fabriquées en Chine par des fournisseurs avec qui je travaille depuis longtemps.
Comment peut-on s’en procurer un ?
On vend en direct sur notre site en France et à l’international, ainsi que chez Modular Square pour la France et via six boutiques dans le reste du monde. Mono est un produit « boutique » on ne le distribuera probablement pas chez de gros revendeurs, notre marge est trop faible pour ça !
Quels sont tes futurs projets ?
Concrètement, je veux tout faire. On va commencer par de l’Eurorack, puis du granulaire desktop, et après on va partir sur les grosses pièces : boîtes à rythmes, polyphoniques… Ça prendra probablement 5 à 10 ans, mais je ne suis pas pressé !
Que fais-tu quand tu ne développes pas ?
Je fais de l’administratif, j’envoie des colis… Non blague à part depuis le lancement de Mono je n’ai pas beaucoup de temps libre et encore moins de vacances, mais sinon je fais toujours de la musique, et quand le Covid sera derrière nous, j’espère pouvoir reprendre les lives techno, ça me manque pas mal !