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Test du Mono de Norand - Turbulences analogiques

8/10

Nouvelle venue dans le monde de la synthèse, la société française Norand présente le Mono, un synthé-ligne de basse très original : va-t-il renouveler le genre ?

Test du Mono de Norand : Turbulences analogiques

Mono_2tof 01.JPEGNorand est une toute jeune société fondée en 2019 par Mathieu Froh­lich, souhai­tant déve­lop­per sa propre vision des instru­ments de musique élec­tro­nique. Lancé fin 2020, le Mono est le premier d’une série que l’on espère aussi longue que possible. Mais ce n’est pas le coup d’es­sai de Mathieu, bien connu dans le monde du modu­laire, puisqu’on lui doit l’Her­mod (module séquen­ceur 8 pistes) chez Squarp Instru­ments et l’Al­tar (module VCF) chez Ritual Elec­tro­nics. Il est aujour­d’hui à la tête d’une équipe de 4 personnes, ce qui repré­sente déjà une force de frappe consé­quente en si peu de temps. Vendus en précom­mande fin 2020, les 100 premiers Mono ont été livrés début 2021. Deux mois plus tard, les 100 exem­plaires suivants ont été complè­te­ment écou­lés. Le troi­sième lot de cette fois 200 exem­plaires sera dispo­nible vers mai-juin, la moitié ayant déjà été précom­man­dée ! Norand vend en direct sur son site (https://norand.io/) et via une douzaine de maga­sins parte­naires. Nous avons reçu un exem­plaire que nous avons testé en OS 1.1. Présenté comme une ligne de basse orien­tée EDM, voyons si le Mono ne serait pas en fait beau­coup plus que cela…

Inspi­ra­tion TB

Mono_2tof 06.JPEGDe l’aveu même du concep­teur, le Mono s’ins­pire de la TB-303, sa compa­cité, son look, sa trans­por­ta­bi­lité, son carac­tère sonore et sa simpli­cité d’em­ploi. C’est un mono­lithe noir compact avec une façade en alu et un boitier plas­tique assez robuste. Affi­chant 32×15×5 cm pour 850 grammes, la machine est faite pour être trim­bal­lée. La construc­tion est parti­cu­liè­re­ment soignée : 23 poten­tio­mètres à LED bien ancrés, 24 boutons à bascule d’une réponse parfaite et 23 boutons-pous­soirs carrés rétroé­clai­rés. Posi­tion­nant le Mono comme instru­ment live, Norand a choisi une ergo­no­mie sans écran et un accès direct à tous les para­mètres, modulo certaines fonc­tions secon­daires. À l’usage, cela fonc­tionne plutôt bien, compte tenu des nombreuses fonc­tion­na­li­tés embarquées. Les poten­tio­mètres ont fait l’objet d’un déve­lop­pe­ment spéci­fique, ce qui explique en partie le prix du Mono : chacun intègre une LED blanche à inten­sité variable. Cela permet de repé­rer tout de suite le para­mètre de synthèse en cours de sélec­tion et l’in­ten­sité des modu­la­tions assi­gnées. Dommage que Norand ait choisi des capu­chons à pan coupé, ça les rend plus diffi­ciles à agrip­per.

Mono_2tof 08.JPEGLes poten­tio­mètres offrent trois modes de réponse : saut, seul et rela­tif, parfait. L’ac­qui­si­tion des valeurs se fait en 12 bits, mais les fréquences des VCO et du VCF sont quan­ti­fiées au demi-ton, donc on entend les pas (et c’est voulu). L’or­ga­ni­sa­tion des commandes a été bien pensée : para­mètres de synthèse en partie supé­rieure, édition du séquen­ceur et modu­la­tions en partie infé­rieure. La rangée de pous­soirs lumi­neux carrés permet d’édi­ter le séquen­ceur et de choi­sir les motifs. Un mini-clavier d’une octave (trans­po­sable sur plus ou moins quatre octaves) est inté­gré, utili­sable pour le jeu, la program­ma­tion des séquences et la trans­po­si­tion en temps réel. On note égale­ment des fonc­tions bien­ve­nues : Undo avec 1024 niveaux d’an­nu­la­tion (!), copier-coller, géné­ra­tion aléa­toire de sons et de motifs… futé ! Le repé­rage de la connec­tique est unique­ment séri­gra­phié en haut de la façade. Les prises sont situées sur le panneau arrière : sortie audio mono symé­trique (jack 6,35), entrée horloge, entrée Reset d’hor­loge, sortie CV pitch 1V/octave, sortie Gate 5V, sortie VC2 assi­gnable, sortie accent 5V, trio Midi DIN, prise USB type B (chan­ge­ment de programme, CC Midi, dumps Sysex des mémoires, mise à jour de l’OS), inter­rup­teur secteur et entrée pour alimen­ta­tion externe de type bloc à l’ex­tré­mité (de bonne qualité certes, mais bon…). Toutes les commandes en tension sont au format mini-jack Euro­rack. Dommage qu’il n’y ait pas d’en­trée audio…

Sons singu­liers et pluriels

Mono_2tof 09.JPEGLe Mono orga­nise sa mémoire par projet, au nombre de 32. Chacun comprend 64 motifs de 64 pas, leur programme asso­cié, 40 programmes indé­pen­dants et 4 échelles de tempé­ra­ment program­mables. Énorme ! Et si cela ne suffit pas, un petit dump en Sysex et c’est réglé. La machine est livrée avec un projet compre­nant 32 motifs de démons­tra­tion et des programmes sépa­rés, histoire de ne pas partir de zéro. Avant d’en­voyer la sauce, il faut penser à mettre les niveaux à zéro (ou allu­mer la table et les amplis en dernier), au risque de se prendre un « schplack » énorme dans les tympans (idem à l’ex­tinc­tion, ampli et table en premier, cette fois). Une cali­bra­tion sera peut-être néces­saire, à répé­ter à chaque fois que l’ap­pa­reil est soumis à d’im­por­tantes varia­tions de tempé­ra­ture, le prix à payer pour avoir un véri­table moteur analo­gique. Autre point, ne pas mettre le volume à fond, telle­ment le niveau audio est élevé, nous avons rare­ment vu cela sur un analo. Aucun bruit de fond n’est à déplo­rer, les circuits ont été très bien conçus.

Mono_2tof 05.JPEGLes quelques motifs livrés permettent de se rendre compte du grain spéci­fique et de l’éten­due du terri­toire sonore du Mono. Les basses acidu­lées font évidem­ment partie de la pano­plie, mais ça ne s’ar­rête pas là. Le filtre à variable d’état permet de sculp­ter de nombreuses variantes, dans tous les modes, avec ou sans réso­nance. On appré­cie la satu­ra­tion natu­relle quand on pousse le niveau des oscil­la­teurs. On trouve aussi de mons­trueuses synchro, ainsi que des sono­ri­tés obte­nues par modu­la­tion audio (FM, AM). Pas d’alia­sing en vue, la partie numé­rique fonc­tionne elle aussi à merveille. Les drums sont extrê­me­ment variés, le Mono a une pêche abys­sale : les hi-hats tranchent, les kicks défoncent, les snares crachent leur timbre, impres­sion­nant ! Ils sont secon­dés par une pléthore de brui­tages modu­lés, on sent là encore que le moteur sonore en a sous le pied et qu’il fonc­tionne à merveille avec le séquen­ceur. Les motifs sont évolu­tifs, avec des modu­la­tions aléa­toires, des sons qui changent à chaque pas, ça bouge dans tous les sens.

VCO maison

Mono_2tof 07.JPEGLe moteur de synthèse du Mono, analo­gique mono­dique, est consti­tué de 2 VCO, 1 VCF et 1 VCA. Tous les para­mètres sont modu­lables par des enve­loppes et des oscil­la­teurs, nous y revien­drons. Les VCO sont basés sur des circuits maison discrets à inté­gra­teur asymé­trique, capables de produire diffé­rentes formes d’ondes en continu à partir d’une onde triangle. Cela apporte un contenu harmo­nique plus riche aux ondes sinus et triangles. On passe progres­si­ve­ment par les ondes sinus, triangle, carré et dent de scie, c’est-à-dire du contenu harmo­nique le plus pauvre au plus riche. Si les oscil­la­teurs analo­giques variables ne sont pas une nouveauté sur un synthé program­mable (on peut citer l’OB-1 et le Kobol de la fin des années 70), la concep­tion rete­nue ici, tota­le­ment origi­nale, tend à prou­ver une nouvelle fois que l’in­no­va­tion vient le plus souvent des créa­tions arti­sa­nales !

On peut régler la fréquence par demi-ton sur 8 octaves (C0-C8) et fine­ment sur deux demi-tons (bipo­laire). Le pitch peut suivre l’un des 15 tempé­ra­ments inté­grés globaux ou l’un des 4 tempé­ra­ments program­mables dispo­nibles par projet. Le cycle de l’os­cil­la­teur 2 peut être synchro­nisé par l’os­cil­la­teur 1, permet­tant d’ob­te­nir les sons pincés carac­té­ris­tiques de la synchro à la dure. On trouve aussi une véri­table FM « thru zero » dosable, où l’os­cil­la­teur 2 est le porteur et l’os­cil­la­teur 1 le modu­la­teur. Nous verrons égale­ment que tous les para­mètres de synthèse sont modu­lables dans le domaine audio par un oscil­la­teur et une enve­loppe (chacun !), ce qui revient ici à fabriquer un algo­rithme de FM à 4 opéra­teurs. Il n’y a pas de géné­ra­teur de bruit, ce qui n’em­pêche pas de créer tout un tas de bruits avec les diffé­rentes inter­ac­tions d’os­cil­la­teurs, comme les exemples sonores en témoignent. Dans le mixeur à deux entrées, on règle le niveau de chaque oscil­la­teur vers le VCF. Pous­ser les niveaux crée une jolie satu­ra­tion asymé­trique dans le filtre, du plus bel effet.

VCF maison

Mono_2tof 02.JPEGLe filtre du Mono utilise des inté­gra­teurs discrets maison pour produire une pente de 18 dB/octave. Il s’agit d’un VCF à variable d’état, capable de passer en continu de passe-bande à passe-bas, puis de passe-bas à passe-haut, ce qui là encore n’est pas habi­tuel (on a souvent le mode passe-bande au centre et parfois un inver­seur pour la réjec­tion de bande). Là, on peut créer une réponse passe-tout en plaçant le poten­tio­mètre à mi-chemin entre les modes passe-bas et passe-haut. La fréquence de coupure a une plage confor­table de 11 octaves (C-1 à C10), ça devrait conve­nir à tout le monde. Le poten­tio­mètre de fréquence de coupure est quan­ti­fié au demi-ton, mais un algo­rithme de lissage inter­vient en tâche de fond. Ce choix assumé permet d’as­su­rer un accord parfait avec le suivi de clavier, quel que soit le tempé­ra­ment retenu, lorsqu’on active le bouton idoine.

La fréquence de coupure peut être direc­te­ment modu­lée par l’en­ve­loppe ADSR prin­ci­pale, avec quan­tité de modu­la­tion bipo­laire. On verra plus tard que cela ne s’ar­rête pas là… Le pic de réso­nance n’est pas exces­sif mais plutôt maîtrisé, tout du moins par défaut. Ce choix de concep­tion nous parait très judi­cieux, car il y a plein d’autres moyens de produire des textures déchi­rantes avec le Mono. On peut toute­fois reca­li­brer globa­le­ment la réso­nance pour la rendre plus outra­geuse. Une affaire de goût. Après le VCF, le VCA. Ce dernier est modulé par l’en­ve­loppe ADSR géné­rale, la vélo­cité Midi entrante (niveau interne fixe à 100 par défaut), l’ac­cent du séquen­ceur, ainsi que deux sources addi­tion­nelles dont nous allons parler tout de suite telle­ment elles sont inté­res­santes.

Modu­la­tions contex­tuelles

Les modu­la­tions du Mono ont été pensées comme une alter­na­tive aux matrices de modu­la­tion program­mables, complexes à mettre en œuvre avec une ergo­no­mie un bouton/une fonc­tion et une surface de contrôle compacte. Pour ne pas se limi­ter à quelques LFO et enve­loppes, le Mono est capable de modu­ler tous ses para­mètres de synthèse avec un oscil­la­teur et une enve­loppe AD indé­pen­dants. Seules excep­tions, les segments de l’en­ve­loppe prin­ci­pale, modu­lables unique­ment avec un oscil­la­teur dédié, ce qui semble logique. On parle bien ici d’os­cil­la­teur et pas de LFO, car les oscil­la­tions peuvent atteindre le domaine audio. Au total, on tota­lise 20 oscil­la­teurs et 16 enve­loppes AD ! On imagine tout de suite ce que cela signi­fie : FM sur les VCO, FM sur le VCF, AM sur le VCA et tout un tas de modu­la­tions audio les plus exotiques les unes que les autres. Le Mono n’a pas d’équi­valent hard­ware dans ce domaine !

Mono_3graph Signal FLow.JPGLà où Norand a vrai­ment bien pensé les choses, c’est dans la manière de visua­li­ser les modu­la­tions sans écran : dès qu’on tourne le poten­tio­mètre d’un para­mètre de synthèse, sa LED devient plus brillante pour signi­fier qu’il est sélec­tionné et les LED des poten­tio­mètres des sources de modu­la­tion asso­ciées brillent en fonc­tion de leur inten­sité d’ac­tion. Pour contrô­ler un routage de modu­la­tion sans chan­ger de valeur, on main­tient la touche FUNC en tour­nant le poten­tio­mètre voulu, astu­cieux ! Les oscil­la­teurs peuvent produire les ondes sinus, triangle, carré, dent de scie et S&H. Ils fonc­tionnent en mode LFO libre (0,025 à 10 Hz), LFO synchro­nisé (12 divi­sions tempo­relles + redé­mar­rage du cycle) ou audio (C0-C8, avec suivi de clavier calé sur l’os­cil­la­teur 1). Un algo­rithme anti­alia­sing est chargé de lisser la forme d’onde avant conver­sion analo­gique. C’est bigre­ment effi­cace, les 480 MHz du MCU sont bien mis à contri­bu­tion.

Les enve­loppes AD ont des temps variables de 32 micro­se­condes à 20 secondes (énorme !) et une action bipo­laire. Le Mono possède égale­ment une enve­loppe globale ADSR, comme déjà évoqué. Redé­clen­chée à chaque note, elle agit sur le VCF (quan­tité bipo­laire) et sur le VCA (hélas en perma­nence, sans réglage de quan­tité ni de posi­tion Gate). Les temps varient là encore de 32 micro­se­condes à 20 secondes, avec une courbe de réponse expo­nen­tielle. Cette enve­loppe ADSR a toute­fois un compor­te­ment parti­cu­lier, lié à l’orien­ta­tion séquen­ceur du Mono : si le temps de Gate est infé­rieur au temps d’at­taque, l’en­ve­loppe passe en mode AD : plutôt que bascu­ler sur le Release avant de termi­ner l’at­taque, le segment d’at­taque est lu inté­gra­le­ment et le Decay descend à zéro, bien vu là encore !

Séquences mouve­men­tées

Un projet comprend, nous l’avons dit, 64 motifs de 64 pas. Chaque motif stocke égale­ment son programme de base. Nous verrons que le Mono va beau­coup plus loin, en enre­gis­trant des mouve­ments de para­mètres (par déca­lage) ou en chan­geant de programme sur chaque pas (parmi la banque de 40 sons). Les moins de 20 ans diront que c’est comme chez Elek­tron, les plus vieux se rappel­le­ront peut-être du Kobol qui permet­tait déjà cela il y a plus de 40 ans ! Lorsqu’on sélec­tionne un motif, les 64 pas sont repré­sen­tés par la rangée de 16 touches de pas + 4 touches de page. On peut char­ger un projet pendant que le séquen­ceur tourne, chan­ger de motif à la volée suivant trois modes d’en­chai­ne­ment : à la fin du précé­dent, immé­diat avec saut de posi­tion, immé­diat avec retour au début. Il est possible de créer une boucle tempo­raire forcée à n’im­porte quelle posi­tion du motif, en choi­sis­sant les pas de début et fin. En plaçant la fin avant le début, le motif est lu à l’en­vers, sympa ! Il n’existe en revanche pas de modes de lecture pendu­laire ou aléa­toire, dommage. On peut aussi chai­ner 8 motifs, mais ce n’est pas un véri­table mode Song, dommage. Chaque motif mémo­rise un programme, mais il est possible d’en­chai­ner les motifs en conser­vant le son en cours.

Mono_3graph Structure.JPGLe clavier inté­gré permet aussi de trans­po­ser le motif en temps réel, en passant en mode Trans­pose (ce n’est pas une fonc­tion par défaut). Ce n’est en revanche pas possible avec un clavier externe, nous avons suggéré au concep­teur d’ajou­ter cette fonc­tion. De même, il n’est pas possible de muter les pas. Si on éteint un pas et qu’on le rallume, on le charge avec les valeurs du son en cours. Le concep­teur réflé­chit à une parade permet­tant de conser­ver l’er­go­no­mie de la machine (pour le moment, on peut muter n’im­porte quel pas en mettant son volume à zéro, mais ce n’est pas aussi pratique qu’un mute à la volée). Le swing est bien présent, ainsi que le réglage de tempo (avec diffé­rents modes d’en­trée et touche Tap) et de la divi­sion tempo­relle.

Allez, passons à la program­ma­tion. On peut entrer les notes en temps réel (à partir du mini-clavier inté­gré ou d’un clavier Midi externe) ou en pas-à-pas (pas après pas ou en main­te­nant le pas souhaité tout en jouant la note à enre­gis­trer). Pour lier une note sur plusieurs pas, il suffit de main­te­nir les pas extrêmes et d’en­trer la note, c’est immé­diat ! Sur chaque pas, on peut ajou­ter un certain nombre de réglages : accent (desti­na­tions et quan­ti­tés entiè­re­ment program­mables via les commandes en façade), Slide (glis­se­ment du pas en cours vers le pas suivant, pas seule­ment la note, mais tous les para­mètres de synthèse qui diffèrent entre les pas), micro­dé­ca­lage tempo­rel (plus ou moins ½ pas), ratchet (1 à 16 répé­ti­tions par pas) et proba­bi­lité (déclen­che­ment de pas et valeur de ratchet simul­ta­nés). Mieux, on peut enre­gis­trer les mouve­ments de toutes les commandes (48 para­mètres !), en temps réel ou pas à pas. Les valeurs sont stockées en rela­tif, par oppo­si­tion aux valeurs abso­lues plus couram­ment utili­sées, ce qui se révèle très pratique à l’usage lorsqu’on fait évoluer à la main un para­mètre déjà en mouve­ment. Les valeurs stockées sont repré­sen­tées par l’in­ten­sité des LED, on atteint ici la limite d’une machine sans écran. Signa­lons au passage qu’il est possible de disso­cier le redé­clen­che­ment de n’im­porte quelle enve­loppe AD des pas du séquen­ceur, inté­res­sant pour créer certains effets ryth­miques.

Ce n’est pas fini, puisque le séquen­ceur du Mono offre un mode spécial appelé Mod Note. Dans ce mode, le mini-clavier inté­gré ne joue plus de notes, mais est utilisé pour sélec­tion­ner, éditer et assi­gner un programme à chaque pas du séquen­ceur, parmi les 40 du projet en cours. À nous les ryth­miques complexes, les entre­la­ce­ments basses + percus­sions ou les tables d’ondes (en n’ou­bliant pas qu’on reste en présence d’un synthé mono­dique). Pour éditer l’un des 40 programmes, il suffit de main­te­nir la note corres­pon­dante et de chan­ger les para­mètres de synthèse. Pour assi­gner le programme à un ou plusieurs pas, on utilise les boutons de pas comme en mode clas­sique. C’est là encore très bien imaginé et cela diffé­ren­cie le Mono de la concur­rence.

01 Pass Pass
00:0001:13
  • 01 Pass Pass01:13
  • 02 Hard Sync01:34
  • 03 3P Bass00:54
  • 04 Hat Tricks01:04
  • 05 Big Bottom00:57
  • 06 Bass & Perc00:53
  • 07 Perc & Bass01:05
  • 08 Many Drums00:47
  • 09 Frou­ziro FM01:05
  • 10 Analog Powa01:00

 

Conclu­sion

C’est toujours un grand plai­sir de tester un premier produit d’une nouvelle société, qui plus est hexa­go­nale. Présenté comme une TB des temps modernes, le Mono est beau­coup plus en réalité. Le moteur de synthèse analo­gique est très puis­sant, les possi­bi­li­tés de modu­la­tion plétho­riques et le séquen­ceur bien travaillé. Au son origi­nal se mêlent des fonc­tion­na­li­tés tout aussi origi­nales, on sent une ferti­lité bouillon­nante dans le cerveau du concep­teur. Ce joli contre­pied est d’au­tant plus agréable dans un monde où le clonage est devenu le sport mondial et le manque d’in­ven­ti­vité ou de prise de risque l’apa­nage des construc­teurs établis de longue date. Ce sont les petits nouveaux qui portent les inven­tions et inves­tissent en R&D, bien souvent sur leurs deniers person­nels, un comble ! Il en résulte un tarif arti­sa­nal premium assumé et quelques compro­mis égale­ment assu­més. Si on consi­dère le Mono comme une simple ligne de basse pour faire de l’EDM, on risque de passer à côté d’un instru­ment bien singu­lier et très agréable à utili­ser. Une belle décou­verte !

Prix : 839€, dispo­nible sur le site du construc­teur.

Inter­view de Mathieu Froh­lich, fonda­teur de Norand

Quel est ton parcours ?

Avant de deve­nir un geek à temps complet, j’in­ves­tis­sais mon temps et mon éner­gie dans la compo­si­tion de musique techno sous le nom de Primi­tive et l’or­ga­ni­sa­tion de soirées avec mon collec­tif « BP », en enchaî­nant les boulots alimen­taires à côté évidem­ment. J’ai toujours été passionné par l’élec­tro­nique et le code, mon premier synthé hard­ware était Ambika d’Emi­lie Gillet (Mutable Instru­ment), à qui je dois beau­coup d’ailleurs, puisque je n’ai pas fait d’étude d’in­gé­nie­rie. J’ai tout appris dans les bouquins et l’open-source. Il y a quelques années j’ai réalisé que je n’étais vrai­ment pas fait pour une carrière de musi­cien pro : trop de contraintes, et peut-être aussi pas assez de talent ! Je me suis donc débrouillé pour chop­per une forma­tion qui m’a permis de rejoindre Squarp Instru­ments il y a 5 ans. Ils m’ont donné énor­mé­ment de liberté et m’ont chargé du déve­lop­pe­ment d’Her­mod, ça m’a permis d’ap­pliquer mon savoir-faire « DIY » dans des condi­tions plus sérieuses !

Pourquoi avoir créé Norand ?

Avec mes années de musi­cien, j’avais des idées bien précises de là où je voulais aller. Mono n’est que le début d’une longue liste d’ins­tru­ments. Je n’ai jamais été 100 % satis­fait de mes machines quand je faisais du son, donc tu me dis boite à rythmes, poly­pho­nique, samplers… je sais préci­sé­ment ce que je veux, et c’est assez déli­cat d’im­po­ser ses idées dans une équipe préexis­tante, c’était donc assez natu­rel pour moi de créer ma struc­ture.

Qu’est-ce qui fait l’ADN de Mono ?

Mono est clai­re­ment un synthé conçu par un geek, pour le geek. L’ADN de Mono, c’est assu­ré­ment le système de modu­la­tion : la plupart des utili­sa­teurs perdent la tête quand ils découvrent qu’on peut modu­ler tous les para­mètres indé­pen­dam­ment en audio-rate pingé par une enve­loppe elle aussi indé­pen­dante. Juste avec un oscillo sinus et le filtre ouvert, tu as déjà des milliers de timbres possibles, c’est infini ! En fait, c’est l’équi­valent d’un mur de modu­laire, dans une petite boîte.

N’est-ce pas risqué de lancer un synthé mono­dique aujour­d’hui ?

Clai­re­ment, ça l’est ! Surtout qu’on fait peu de commu­ni­ca­tion donc je ne peux comp­ter que sur la qualité du synthé. Si c’est un mauvais mono­dique, je vais mettre la clé sous la porte ! Après c’est vrai­ment un ovni, et le but n’est pas d’en faire un best-seller, on n’est pas du tout sur la même gamme qu’un clone de 303 à 200 €. Tout ce qui compte pour moi c’est que les musi­ciens qui l’achètent aient vrai­ment l’im­pres­sion de possé­der un synthé unique, qui sera irrem­plaçable dans leur studio. Je n’ai pas besoin d’en vendre des milliers pour pouvoir conti­nuer et déve­lop­per de nouveaux produits, c’est le plus impor­tant.

Quelles diffi­cul­tés as-tu rencon­trées ?

J’ai rencon­tré des galères de produc­tion, de ship­ping, et je suis aussi affecté par les problèmes d’ap­pro­vi­sion­ne­ment de compo­sants du moment. Depuis le lance­ment je fais vrai­ment beau­coup d’heures, c’est comme ça qu’on surmonte les problèmes, il n’y a pas de secret ! Main­te­nant qu’on arrive au 3e batch, ça commence à être plus détendu, je maîtrise mieux mon appro­vi­sion­ne­ment et ma distri­bu­tion, et le nouveau firm­ware qui sort cette semaine est vrai­ment solide donc plus trop de tracas à ce niveau.

Combien as-tu fabriqué de Mono ?

On en a fabriqué et vendu 250, on en reçoit 150 en plus fin mai. Dans l’im­mé­diat, on n’a plus de stock, on a été un peu pris de court par la première grosse review du synthé ! Le synthé est assem­blé en France et les pièces (PCB, alumi­nium et plas­tiques) sont fabriquées en Chine par des four­nis­seurs avec qui je travaille depuis long­temps.

Comment peut-on s’en procu­rer un ?

On vend en direct sur notre site en France et à l’in­ter­na­tio­nal, ainsi que chez Modu­lar Square pour la France et via six boutiques dans le reste du monde. Mono est un produit « boutique » on ne le distri­buera proba­ble­ment pas chez de gros reven­deurs, notre marge est trop faible pour ça !

Quels sont tes futurs projets ?

Concrè­te­ment, je veux tout faire. On va commen­cer par de l’Eu­ro­rack, puis du granu­laire desk­top, et après on va partir sur les grosses pièces : boîtes à rythmes, poly­pho­niques… Ça pren­dra proba­ble­ment 5 à 10 ans, mais je ne suis pas pressé !

Que fais-tu quand tu ne déve­loppes pas ?

Je fais de l’ad­mi­nis­tra­tif, j’en­voie des colis… Non blague à part depuis le lance­ment de Mono je n’ai pas beau­coup de temps libre et encore moins de vacances, mais sinon je fais toujours de la musique, et quand le Covid sera derrière nous, j’es­père pouvoir reprendre les lives techno, ça me manque pas mal !

Notre avis : 8/10

  • Caractère sonore très singulier
  • Grande variété de timbres
  • VCO à ondes variables
  • Synchro et FM "thru zero"
  • VCF 3 pôles à variable d’état
  • Pléthore de modulations audio
  • Séquenceur à mouvements
  • Microplacement des notes
  • Mod Note (un programme par pas)
  • 64 pas par motif
  • Conception originale et intelligente
  • Prise en main aisée
  • Création aléatoire de sons et séquences
  • Capacité mémoire importante
  • Compact, léger et assez robuste
  • Absence d’écran gênante pour visualiser certains paramètres
  • Potentiomètres à pan coupé difficiles à agripper
  • Pas de transposition avec un clavier externe
  • Pas d’entrée audio
  • Pas de sens de lecture alterné ou aléatoire des motifs
  • Pas de véritable mode Song
  • Le tarif d’une production artisanale

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