40 ans après le Minimoog, le Voyager XL apporte plus de semi-modularité et de contrôle à la lignée des Voyager. Ne reculant devant aucun sacrifice, AF a mis ses doigts sur cet objet plus luxueux et inaccessible que jamais…
Depuis sa reprise par Mike Adams il y a une dizaine d’années, Moog Music semble aujourd’hui solidement installée sur le marché des instruments analogiques élitistes. La gamme s’est étoffée et structurée : Voyager, Phatty, Taurus, Moogerfooger, Etherwave Theremin… avec parfois quelques curiosités : le capteur PianoBar, des guitares électriques et même un applicatif numérique pour iPad (!). L’actualité est tout aussi riche : nouveau site internet, futurs nouveaux locaux… bref, le soleil brille pour Moog à Asheville et c’est bien mérité ! La société vient également de fêter les 40 ans du Minimoog et a profité de l’occasion pour sortir une version survitaminée du fleuron de la marque : c’est ainsi que le Voyager XL a été présenté aux musiciens en septembre 2010 et mis sur le marché peu avant le NAMM. Dès lors, nous n’avons cessé de traquer la nouvelle star, en véritables paparazzi de la synthèse, ce qui n’a pas été de tout repos. Car depuis 6 mois, impossible de mettre la main sur un Voyager XL… Heureusement nous avons fini par en trouver un et ce dernier a pris pour quelques semaines la place du Synthex, avec lequel il partage d’ailleurs le poids et le gabarit…
Construction premium
Le Voyager XL est une machine élitiste, de très haut standing. Chaque étape de l’expérience avec l’instrument est un véritable plaisir des sens. Au déballage du double carton, un immense poster à l’échelle 1 est inséré dans la première boîte, protégé par deux cartons spécifiques. À la seconde boîte, on découvre un instrument magnifique sous cellophane, protégé par des angles en composite mou. Une fois déballée, la machine dégage une agréable odeur de bois, comme si elle sortait de chez l’ébéniste. Quelques gouttes perlent à notre front, non seulement dues à l’émotion, mais aussi à l’énergie qu’il faut pour extraire les 28 kg du Voyager XL de son emballage et le hisser sur notre stand. L’inspection des lieux permet de juger immédiatement de la qualité de construction : superbe finition de l’ébénisterie (érable massif teinté), assemblages parfaits des parties métalliques, ancrage vissé des commandes… Le luxe jusque dans les moindres détails : logo cuivré édition spéciale « 40 ans », supports multiples en caoutchouc en sous face, câble de retenue du panneau mobile, pied de maintien surdimensionné… La moindre des choses, vu le poids de la bête. A tel point qu’on peut se demander s’il faut emmener cette beauté sur scène ! Un petit carton accompagne la machine : pédale de Sustain texturée, cordons Hosa de couleur pour patches, mode d’emploi en papier de luxe, autocollants Moog…
La façade est très impressionnante. Elle se compose, pour résumer, de l’équivalent d’un Voyager classique sur les deux tiers de droite et d’une baie de brassage modulaire sur le tiers de gauche. Au total, ce panneau ne comporte pas moins de 42 potards continus, 10 potards discrets, 13 interrupteurs à deux positions, 7 poussoirs, 5 diodes et 65 jacks de modulations (!), sans oublier la prise casque à droite (avec son potard de volume attitré). Manier ces commandes est un vrai plaisir : elles sont largement dimensionnées, bien espacées et leur réponse est parfaite (clics francs pour les potards à valeurs discrètes, fluidité exceptionnelle des potards continus). Les jacks sont solidement ancrés et le contact des connecteurs très ferme. Bref, le Voyager XL respire la qualité à tous les niveaux !
Prise en main aisée
L’ergonomie est excellente, comme toujours chez Moog : la partie physique est parfaite, d’une logique et d’une clarté implacables, avec de gauche à droite : section patches, LFO et bus de modulations, VCO, mixeur, VCF et VCA final. La partie logicielle fonctionne à l’aide d’un LCD rétro éclairé 128 × 64 points, complété par des touches de mode (Panel, Edit et Master) et de navigation (curseur, entrée avec Edit / Compare intégré, incrément / décrément). Dès qu’on bouge une commande, l’écran affiche son nom ainsi que ses valeurs (stockée / éditée), pour une durée à définir. Dans les différentes pages menu, on peut régler beaucoup de choses, y compris des paramètres de synthèse assez puissants dont nous reparlerons (en particulier les pôles des filtres, certaines modulations…). On imagine la taille de l’instrument s’il avait fallu mettre tout cela en façade : plus gros qu’un Schmidt Eightvoice !
Question contrôleurs, nous sommes plutôt gâtés : d’abord, le pavé tactile sous le LCD qui répond à la position en « XY » et à l’aire « A » de surface couverte ; à ce sujet, si on peut s’expliquer que le constructeur ait souhaité faire des économies d’échelle pour la conception du Voyager XL, on regrette cependant la position excentrée à droite du pavé tactile. Poursuivons notre visite par le ruban de contrôle de 500 mm bipolaire, situé au-dessus du clavier ; hélas il faut l’assigner à sa destination à l’ancienne, au cordon ; de plus, la modulation demeure en l’état quand on le relâche, il ne revient pas à zéro, ce qui en limite l’utilisation. Viennent ensuite les 2 molettes, opaques, l’une dédiée au Pitchbend (avec ressort un peu trop raide) et l’autre aux modulations. Enfin, le clavier léger Fatar 61 touches lestées, sensible à la vélocité et à la pression ; sa réponse en dynamique est très agréable et la pression se dose parfaitement, contrairement au Voyager originel qui est plutôt abrupte en la matière.
Le panneau avant peut s’incliner selon 5 angles, ce qui devrait convenir à tous. À l’arrière de ce panneau, on trouve le reste de la connectique : une paire de sorties audio stéréo, un trio Midi, 2 connecteurs BNC pour lampes col de cygne (non fournies), un interrupteur secteur et une borne pour câble secteur (alimentation interne universelle, of course !). Il y a aussi 2 jacks d’insertion d’effet et d’entrée audio pré-filtre (nous y reviendrons). Bref, c’est comme un Voyager classique, mis à part que les jacks d’entrée et le port de sortie 25 broches sont intégrés dans la baie de brassage en façade. Tiens, il n’y a pas de prise USB, alors que les instruments de la série Phatty en ont une. Autre point de mécontentement toujours pas réglé depuis que les premiers Voyager sont arrivés sur la Terre (2002), les potards fonctionnent uniquement mode saut, ce qui contraint les utilisations live. Ce n’est pas faute de râler auprès du constructeur !
Sound of Moog
Le Voyager XL est un synthé analogique monophonique à mémoires basé sur des composants discrets. Les VCO, VCF, VCA et modulations sont tous analogiques. Les tensions de commandes des paramètres sont converties en valeurs numériques pour le stockage (et réciproquement pour la relecture des banques). Toutes les commandes cruciales sont codées en 14 bits (16384 valeurs), ce qui évite tout effet de palier audible. Par exemple, la réponse des 3 VCO (hauteur, forme d’onde, niveau), des 2 VCF (tous les paramètres continus), du VCA et des 2 enveloppes est absolument limpide. Il en est de même pour la molette de modulation. Ces paramètres utilisent 2 CC Midi simultanés, sachant que l’on peu débrayer la molette sur 1 CC (7 bits) pour la rendre compatible avec tout appareil externe qu’elle serait amenée à piloter en Midi. La partie modulaire de gauche, elle, n’est pas mémorisable : les puristes apprécieront. Le générateur sonore est monophonique, mais le clavier est polyphonique, ce qui permet, entre autres, de piloter des instruments Midi externes et de réinjecter le signal dans l’entrée audio pour traitements globaux ultérieurs.
L’instrument renferme une mémoire de 8 banques de 128 programmes, dont 7 sont entièrement reprogrammables. Toutes les banques sont déjà remplies, avec tous les sons de la saga Voyager : Signature Edition, Electric Blue, Anniversary, Select, Rack Mount… la liste des contributeurs est impressionnante (Herbie Hancock, Rick Wakeman, Brian Kehew… pour n’en citer que trois). Naviguer dans un millier de programmes sans pavé numérique peut s’avérer très galère. Heureusement, lorsque l’interrupteur dédié à l’entrée audio est sur arrêt, le potard « External » permet de faire défiler les programmes très rapidement, bien vu ! Un éditeur externe est prévu, mais il est payant, pfff ! Bon alors comment ça sonne ? Du pur Moog, avec une qualité sonore exceptionnelle et une variété de timbres hallucinante. On retrouve avec pur bonheur les basses filtrées rondes avec cette résonance si musicale, les basses saturées grasses avec filtre ouvert, les leads subtils si purs. Signature maison, la patate incroyable qui coupe bien net dans un mix. Là où le Voyager XL va bien plus loin que le Minimoog et le Voyager « classique », c’est dans les possibilités de modulations induites par la baie de brassage : à nous les effets spéciaux, drones et autres sons évolutifs improbables. Cette qualité sonore est sublimée par les contrôleurs additionnels et le grand clavier qui rendent le Voyager XL plus expressif que jamais.
- Bass Aaaargh00:30
- Bass Res & fluide00:32
- Bass NW00:12
- Bass Mabuse00:17
- Bass Space Freq00:30
- Bass Sweep00:21
- Bass Attack00:35
- Bass Acid00:16
- Bass Fat00:16
- Lead Sync00:28
- Lead Yazoo00:10
- Lead Voice00:46
- Lead Res00:16
- Lead Smooth00:39
Ondes variables en continu
Tradition Minimoog oblige, le Voyager XL offre 3 VCO analogiques capables de travailler sur 8,5 octaves, avec une parfaite stabilité en température. Le VCO3 peut également être commuté à basse fréquence, sous les 20 Hz, pour servir de modulateur vibratoire (sous les niveaux audio). Le VCO1 est l’oscillateur maître sur lequel sont accordés plus ou moins finement les 2 autres VCO, en positif comme négatif. Chacun possède des formes d’ondes continuellement variables et modulables, contrairement au Minimoog. Elles passent toutefois par les valeurs remarquables de l’ancêtre, parmi lesquelles, triangle, dent de scie, carré et rectangle. La modulation de largeur d’impulsion est possible (entre carré et rectangle, jusqu’au silence). Par contre, pas d’empilage de formes d’ondes au sein d’un même oscillateur ni de Sub-VCO, ce qui ne pose à vrai dire aucun problème de richesse sonore.
Les VCO peuvent interagir : synchronisation du VCO2 sur le VCO1, FM linéaire du VCO1 par le VCO3 (comme sur les synthés FM), le suivi de clavier de ce dernier pouvant être déconnecté pour créer des effets de résonance interne (formants). En revanche, il n’y a pas de modulation en anneau, un peu dommage… Il existe un portamento avec bouton de marche / arrêt direct situé juste au-dessus des molettes et potard de vitesse en façade. Enfin, un potard est dédié à l’accordage fin de la machine, qui nécessite quelques minutes de chauffe, mais devient parfaitement stable ensuite comme nous l’avons dit (on n’est pas sur un Minimoog). Aux VCO s’ajoutent un générateur de bruit (mélange blanc et rose, non éditable) et une entrée audio pour traiter des sources externes (niveau instrument / ligne) via les filtres.
Mélange détonant
Les 5 sources audio sont mixées très finement (bouton marche / arrêt et potard de volume pour chaque source) avant d’être envoyées dans les filtres. Les niveaux audio sont très élevés et permettent une légère saturation caractéristique du Minimoog, produisant un son gras et chaud. Voici une petite astuce que nous utilisons couramment sur notre propre Voyager pour accentuer cet effet de feedback avant filtrage : en fabricant un câble jack TRS stéréo avec TR ponté – câble mono – jack mono TS, on peut renforcer sérieusement la saturation analogique dans la section mixage pré-filtre. Le jack TRS ponté en TR, une fois connecté sur la borne « Mixer Out / Filter In », permet de prélever la sortie du mixeur avant filtrage tout en assurant la continuité du signal. Le jack TS, connecté sur la prise « External Audio In », permet d’injecter le signal de sortie du mixeur en entrée audio pré-mixeur. Avec l’interrupteur de la section mixage « External », on active l’effet et avec le potard de niveau, on crée un gain additionnel et ainsi de la saturation. La diode associée permet d’en contrôler l’action. Le mieux, c’est que c’est programmable ! À nous les basses bien grasses ou les leads qui coupent dans le mix.
Ce n’est toutefois pas équivalent à un véritable feedback, qu’il faut obtenir différemment. Pour ne pas endommager les circuits, il convient de travailler avec des niveaux instrument / ligne. Donc il faut éviter à tout prix d’utiliser la sortie casque, sauf à bas niveau, contrairement à ce qu’on voit parfois chez certains utilisateurs de Voyager. Au pire, mieux vaut prélever le signal audio sur l’une des sorties lignes stéréo. On regrette vraiment que le Voyager XL n’offre pas une connectique additionnelle pour cet usage, qui nous aurait permis de refaire les effets si prisés de feedback façon Minimoog sans faire d’acrobaties dans le câblage !
Belle paire de filtres
Le Voyager XL offre 2 filtres Moog résonants à échelle pouvant travailler sur 1–2–3–4 pôles. Le nombre de pôles se règle via le menu pour chacun des 2 filtres et est mémorisé par programme. Ces filtres peuvent être associés de 2 façons : double passe-bas ou passe-bas + passe-haut. En mode double passe-bas, les 2 filtres sont placés en parallèle ; le « Cutoff » agit sur la fréquence de coupure des 2 filtres simultanément alors que le « Spacing » joue sur la largeur de séparation des fréquences ; on crée alors une réponse à double crête, comme si on jouait 2 synthés en même temps ; la sortie de chaque filtre est routée vers l’une des sorties audio ; comme le « Spacing » est bipolaire, on peut inverser les signaux gauche et droit (moins filtré – plus filtré), bien vu ! Cela donne des résultats de dédoublement particulièrement intéressants sur tout type de son. En mode passe-bas + passe-haut, les 2 filtres sont placés en série, créant ainsi un filtre passe-bande dont le « Cutoff » règle la fréquence centrale et le « Spacing » la largeur de bande ; dans ce mode, le signal est indifféremment envoyé aux 2 sorties audio. On règle ensuite la résonance, qui n’agit que sur les filtres passe-bas, quel que soit le mode retenu ; cette dernière pousse le filtre en auto-oscillation à environ 80% de sa course. Dommage qu’il n’y ait pas 2 filtres totalement séparés (fréquence et résonance), avec possibilité de routage des sources audio avant filtrage et mixage en sortie des deux filtres. On reste sur la conception du Voyager originel, le modèle XL n’a pas évolué dans ce domaine.
La qualité audio de ces filtres est de tout premier ordre, surtout en mode double passe-bas, avec une musicalité tout en rondeur à fréquence basse et un grain très gras lorsqu’on ouvre le filtre. Quand on fait varier la résonance, il n’y a pas d’effet d’effondrement des niveaux, et ce jusqu’à l’auto-oscillation. De même, on ne note pas le moindre effet de palier quand on tourne le potard de coupure. Lorsque le Voyager originel était sorti, nous l’avions testé côte à côte avec un Minimoog en aveugle ; il nous avait été alors impossible de départager la réponse du filtre de chaque machine. La fréquence du filtre dispose d’une enveloppe ADSR dédiée avec modulation bipolaire et d’un suivi de clavier. Vient ensuite le VCA stéréo final, avec sa propre enveloppe ADSR.
Modulations programmables
Comme nous venons de la voir, le Voyager XL offre 2 enveloppes ADSR pré-routées vers le filtre et le volume. Les temps varient de 1 milliseconde à 10 secondes. On retrouve la patate des enveloppes de Minimoog, qui enterrent à peu près toutes les enveloppes connues. Au studio, seul l’OB1 (en plus du Voyager SE) arrive à rivaliser avec ses enveloppes entièrement discrètes. Un interrupteur situé au-dessus des molettes permet de neutraliser le temps de Release, si on le souhaite. On trouve aussi un LFO principal purement analogique, produisant simultanément 2 formes d’ondes : triangle et carré ; il est couplé à un circuit Sample & Hold, qui utilise l’onde carrée et le générateur de bruit pour produire des modulations aléatoires. La fréquence d’oscillation est ajustable de 0,2 à 50 Hz, c’est-à-dire le bas du spectre audio. Le cycle du LFO peut fonctionner librement ou être déclenché par différentes sources : clavier, entrée Gate des enveloppes ou synchro Midi ; dans ce dernier cas, comme le LFO est purement analogique, il s’agit du cycle qui est redéclenché en synchronisation, quelle que soit la vitesse, et non pas la vitesse qui est synchronisée. Une diode dédiée s’allume d’ailleurs suivant la fréquence du LFO.
Côté modulation matricielle, le Voyager XL possède 2 bus analogiques programmables. Leur architecture est assez complexe, alors c’est le moment de s’accrocher un peu. Pour chaque bus, on choisit d’abord une première source de modulation : LFO triangle, LFO carré, VCO3, S&H, On / Entrée modulation 1 ou 2, bruit / programme ; par « On / entrées modulations », il faut comprendre que la modulation est contrôlée par 2 entrées CV / Gate externes (Mod 1 et Mod 2) ou activée plein pot si rien n’est connecté à ces entrées ; par « programme », il faut entendre une destination programmable que l’on peut affecter via le menu en plus du bruit : enveloppe de filtre, enveloppe de volume, S&H, VCO1, VCO2, position X de la surface tactile et position Y. Ensuite, on définit un modulateur de signal (enveloppe de filtre, vélocité, pression, On / programme) ; pour la position « On / programme », le choix du modulateur se fait dans le menu, parmi 43 valeurs : en gros, tous les contrôleurs physiques et tous les potards mémorisables du Voyager XL ! Puis vient le réglage de la quantité de modulation (positive uniquement) et le choix de la destination (pitch, VCO2 seul, VCO3 seul, filtre, toutes les ondes des VCO, vitesse du LFO / programme) ; là encore, le choix « programme » se fait dans le menu : niveau du VCO1, niveau du VCO2, niveau du VCO3, niveau du bruit, coupure du filtre, Spacing et panoramique. Mais ce n’est pas fini, puisque la modulation finale est commandée par un contrôleur physique : sur le premier bus, c’est la quantité de modulation produite par la molette qui vient se multiplier à la modulation créée, alors que sur le second bus, c’est la modulation produite par une pédale (ou une valeur fixe si rien n’est connecté) qui module le signal. C’est un peu compliqué à expliquer, mais bigrement puissant et totalement mémorisable.
Semi-modularité
Le Voyager XL se distingue des « petits » Voyager par sa baie de brassage modulaire embarquée dans son tiers gauche qui vient compléter les 2 bus évoqués juste avant. Elle ne renferme pas moins de 65 points de patch et 12 potentiomètres, une bénédiction pour ceux qui pensent que la musique se fait obligatoirement avec des spaghettis. Les modulations sont entièrement analogiques, ce qui signifie que les commandes passent physiquement par tous les potards et jacks reliant les points de patch. Il n’y a pas de conversion numérique des tensions de commande et points de patch, donc pas de mémorisation des patches, contrairement à ce qu’on peut trouver sur certains Buchla. Vu rapidement, on pourrait presque assimiler cette section à un mélange de VX-351 pour les sorties CV / Gate, à la reprise en façade des entrées CV / Gate du Voyager clavier (ou à un-demi VX-352) et à un processeur de signal type CP-251, à quelques atténuateurs près. Tout ce beau monde fonctionne en CV / Gate pour véhiculer des modulations, mais rien n’est prévu pour patcher l’audio. Bien évidemment, le Voyager XL peut s’interfacer en CV / Gate avec un système modulaire extérieur compatible. Les jacks cerclés de blanc délivrent de la puissance pour fonctionner avec des pédales d’expression en plus des CV. Détaillons un peu la partie supérieure de cette baie de brassage : parmi les sorties de modulation, on trouve la surface de contrôle (X, Y, A et Gate), le générateur de bruit, le clavier (hauteur, vélocité, pression et Gate), les 2 molettes, les 2 modulations de pédales, les 2 formes d’onde du LFO1, les 2 bus, les 2 enveloppes et le S&H (signaux brut et adouci). Parmi les entrées, on retrouve l’ensemble des jacks présents sur le Voyager clavier classique : enveloppe (Gate, Release et vitesse des temps), oscillateurs simultanés (hauteur et variation d’onde), coupure du VCF (mais pas la résonance, accessible via les 2 bus programmables), VCA (volume et panoramique), LFO (vitesse et synchro de cycle), 2 modulations et le S&H (entrée et Gate). Il y a aussi 4 multiplicateurs de signal, chacun capable de router 1 entrée CV vers 3 sorties (et surtout pas l’inverse !). Enfin, le ruban dispose d’une sortie CV et d’une sortie Gate séparées.
En partie inférieure de la baie de brassage, on commence par 2 atténuateurs, avec offset et quantité réglables ; LFO2 et ruban se substituent, respectivement, à l’une des deux entrées, si rien n’est connecté aux jacks ; chaque atténuateur a sa propre sortie CV. Pour mélanger les modulations en CV, il faut utiliser le mixeur 4 canaux (dont 2 avec niveau réglable), qui offre un offset, un niveau global et 2 sorties de modulation (une positive et une négative). Vient ensuite un générateur de Lag avec adoucissement séparé vers le haut et vers le bas (plage de 1 milliseconde à 1 seconde). Enfin, un second LFO à 6 formes d’ondes vient clôturer la section, avec entrées synchro / horloge, sorties positive / négative et réglage de vitesse. Il est à contrôle numérique et est optimisé pour répondre à une plage de 0,02 à 20 Hz en se synchronisant à l’horloge Midi ; il est également capable de monter à 500 Hz (niveaux audio) lorsqu’on envoie les CV adaptés (+5V). Via des CC Midi, on peut accéder à des réglages supplémentaires : formes d’onde additionnelles, formes d’ondes distinctes pour les modulations positives et négatives ; les quantités de modulation et les divisions d’horloge de synchronisation sont également distinctes pour chaque polarité de modulation. Attention toutefois, changement par CC Midi ne signifie toutefois pas mémorisation des paramètres modifiés à l’extinction. Et pour finir, signalons qu’il n’y a pas d’arpégiateur ni de séquenceur, dommage !
Place au numérique !
Le Voyager XL renferme un processeur lui permettant non seulement de sauvegarder ses banques, mais également de régler un tas de paramètres supplémentaires via les menus. On trouve en tout 24 paramètres supplémentaires par programme, dont certains ont déjà été abordés plus haut (pôles des filtres, routages additionnels des modulations). Nous n’avons en revanche pas encore cité la quantité de Pitchbend (vers le bas et vers le haut), le mode de réponse du clavier (priorité note haute / basse / dernière / première), le déclenchement des enveloppes et LFO (simple ou multiple), le déclenchement du Glide (8 positions, avec ou sans notes liées), les destinations de la surface de contrôle (4 sources X-Y-Aire-Gate vers 32 destinations possibles) ou encore le choix de la catégorie du programme pour un triage plus efficace…
On y trouve aussi certains réglages globaux astucieux qui aident au jeu ou à la programmation : par exemple, on peut décider du mode de défilement des programmes avec le bouton « External » : changement de son immédiat ou prévisualisation + sélection avec la touche « Enter » ; autre exemple, les volumes maître et casque peuvent être globalisés ou mémorisés par programme ; la position physique actuelle de toutes les commandes peut être chargée instantanément en mémoire. Comme toute machine moderne, toutes les commandes émettent des CC Midi et offrent 4 mémoires de Mapping. En retour, le Voyager XL répond aux CC Midi, ce qui permet une automation quasi complète. Il est enfin capable de dumper un programme ou une banque complète via Midi et mettre à jour son OS (nous en avons d’ailleurs testé la version 3.6, il était temps de le dire !).
- Fifth00:11
- Descente00:23
- PulseSeq01:05
- Modular 100:31
- Modular 200:12
- Modular 300:30
Conclusion
Au final, le Voyager XL est un instrument impressionnant et résolument élitiste. C’est un plaisir pour les sens, du déballage à l’extinction. L’utilisation est jouissive, accentuée par cette immense façade, l’ébénisterie de luxe, les commandes abondantes et la qualité de fabrication. Quant aux qualités sonores, elles sont, là encore, exceptionnelles. Le son Moog est bien là, avec sa présence constante, sa saturation colorante, son grain épais, sa pêche légendaire et son tranchant décisif. L’expérience va bien au-delà des Voyager traditionnels, avec la puissance des patches de modulation, le grand clavier et le long ruban. La perfection n’étant pas de ce monde, on regrettera que le concept n’ait pas été plus loin, en intégrant mieux les nouvelles modulations aux programmes (comme le second LFO), ou encore en ouvrant la baie de brassage aux signaux audio (modularité totale, ajout de VCO), ou enfin en ajoutant un arpégiateur / séquenceur et des effets analogiques. De même, il est dommage que certains défauts du Voyager n’aient pas été corrigés, comme l’unique mode saut des potards, le routage des filtres, le feedback direct sur le filtre ou l’absence de prise USB. En tout état de cause, le niveau de gamme réserve la machine aux studios élitistes ou aux riches musiciens. Combinant l’héritage du passé et les technologies actuelles, à la fois accueillant et intimidant, le Voyager XL est incontestablement la Rolls des synthés analogiques monophoniques.