Après l’OB-X, l’OB-Xa est le deuxième synthé de la lignée des OB et sans aucun doute le plus célèbre d’entre eux. Simple et généreux, il a marqué à jamais la musique des 80’s. Voyons pourquoi…
Deux ans après la sortie de l’OB-X en 1979 pour contrecarrer le Prophet-5 présenté quelques mois plus tôt, Oberheim remet le couvert avec l’OB-Xa. Plus intégré, le synthé adopte les circuits CEM pour ses VCO et ses filtres (en plus des enveloppes), abandonnant de fait les circuits discrets de son prédécesseur. La technologie numérique ayant progressé entre temps, le processeur est cette fois capable de gérer deux timbres séparés et davantage de mémoires, ce qui lui donne une avance décisive sur la concurrence. Hélas, la stabilité et la fiabilité ne sont pas les points forts des premiers exemplaires ; il faudra 9 révisions majeures successives pour parfaire le synthé. Mais l’année 1983 arrive très vite et l’OB-8 succède à l’OB-Xa, avec une intégration des composants et un recours au numérique plus marqués encore. En attendant, retour sur le synthé à qui on attribue le son synthétique emblématique de Jump (on lit aussi que ce serait un OB-X pour la version studio, mais bon, ça reste encore à démontrer…). Loué soit le très discret ami PhilouPPG qui nous a prêté son OB-Xa pendant plusieurs mois, un magnifique Rev2 d’avril 1981 conservé dans un état cosmétique exceptionnel, que nous avons pour l’occasion restauré à quatre mains avec le tout aussi — si ce n’est plus — discret ami Geelew…
Blue line
S’il reprend la forme de l’OB-X, l’OB-Xa arbore un nouveau design, à base des célèbres lignes horizontales bleues sur fond noir. La coque est intégralement en métal et les flancs en bois massif teinté. Le synthé mesure 102 × 51 × 15 cm et pèse un peu plus de 20 kg ; c’est donc un beau gros bébé qui casse bien le dos quand on le transporte dans un flight. L’OB-Xa est un pur bonheur à manipuler, car tout est directement accessible en façade, avec des commandes largement dimensionnées et réparties sur toute la surface disponible. Mieux, chaque commande se limite à une fonction, impossible donc de s’égarer. La machine totalise 24 potentiomètres, 50 boutons-poussoirs (la plupart à LED) et deux leviers. Les potentiomètres ne bougent pas sur leur axe et les poussoirs offrent un clic bien franc, même après des années de service. Amélioration par rapport à l’OB-X, l’édition s’active dès que l’on bouge une commande (pas de touche EDIT) et fonctionne en mode relatif par rapport à la valeur stockée ; il y a aussi un mode MANUAL qui reflète la position physique des commandes.
À gauche du clavier, la section de modulation s’est musclée par rapport à l’OB-X. On retrouve les deux leviers de modulation à ressort (modulation/pitchbend), dont le mode d’action est si singulier : le pitchbend est à droite et est inversé ; il peut agir sur plus ou moins 2 ou 12 demi-tons, sur les 2 VCO ou uniquement sur le VCO2 (utile lorsque les VCO sont synchronisés). Le levier de modulation est à gauche et fonctionne en traction ; il pilote la quantité de vibrato (LFO indépendant des LFO principaux) sur les VCO (VCO1, VCO2 ou les deux). L’action des leviers peut être activée/coupée sur chaque canal dans les modes Split/Double. On peut transposer l’ensemble du synthé sur plus ou moins une octave avec des touches idoines. Côté clavier, c’est le même modèle Pratt-Read 5 octaves que sur l’OB-X, une merveille quand il est bien entretenu, une horreur lorsqu’il est rincé (touches décalées, mécanique claquante, faux contacts). Nous l’avons entièrement restauré.
Toute la connectique est située à l’arrière : 3 sorties audio jack 6,35 (gauche, mono, droite), 3 prises mini-jack pour l’interface cassette (transfert des programmes), 3 prises jack 6,35 pour pédales à interrupteur (Sustain, avance programmes, Hold), 2 prises jack 6,35 pour pédales continues (vibrato, fréquence du filtre), une interface numérique parallèle pour le séquenceur maison, un sélecteur de tension pour l’alimentation interne (115–230 V), une prise secteur IEC 3 broches et un interrupteur de puissance (sur le dessus en haut à gauche). Dans la machine, un interrupteur permet de protéger la mémoire et des potentiomètres permettent de régler le panoramique de chaque voix ; pas très pratique, comme pour l’OB-X. On peut par exemple alterner les voix pour élargir le rendu stéréo ou placer les premières voix à gauche et les suivantes à droite, afin de traiter les deux canaux séparément en mode Split/Double.
Caractère bien trempé
Quand on veut utiliser l’OB-Xa, il faut le laisser chauffer plusieurs minutes puis lancer un Autotune. Cela prend deux secondes, puisque seules les fréquences initiales des VCO sont recalées. La calibration est donc primordiale, tout comme les tensions d’alimentation des cartes. Dans ces conditions, le synthé tient bien l’accord ; sinon, ça peut vite partir en live. Suivant la version, l’OB-Xa offre 32 ou 120 programmes simples, ainsi que 8 Splits et 8 Doubles, tous réinscriptibles. Le point de séparation est programmable. On peut aussi transposer indépendamment chaque partie, en désaccorder l’une par rapport à l’autre et régler la balance entre les deux. Tout cela est mémorisé dans chaque Split/Double. Les programmes d’usine ont un air très familier avec ceux de l’OB-X. Ils sont d’ailleurs compatibles via l’interface cassette, mis à part deux réglages qui diffèrent d’une machine à l’autre (X-Mod, modulation du VCO2 par l’enveloppe de filtre…).
Les nappes, strings, cuivres et polysynths sont emblématiques, avec un soyeux, une rondeur et un bas de spectre énorme, suivant que l’on utilise un filtre 2 ou 4 pôles. Les deux modes ont une différence de couleur beaucoup plus marquée que ceux de l’OB-8. C’est lié au fait qu’ils utilisent chacun une électronique spécifique. Le mode 4 pôles de l’OB-8 est presque trop sage à côté de la patate du mode 4 pôles de l’OB-Xa ! Le mode 2 pôles rend hommage à l’OB-X. D’ailleurs, on se prend vite au jeu en créant de nombreuses déclinaisons à partir d’une même base, en jouant sur les formes d’ondes, la quantité de modulation de la PWM par le LFO, les ouvertures de filtre ou la réponse des enveloppes. Mais ce ne sont pas les seuls domaines de prédilection de l’OB-Xa, puisqu’on trouve d’excellents orgues claquants, des pianos électriques émouvants, de plus ou moins subtiles synchro et d’énormes portamento polyphoniques façon générique THX. On n’a pas la souplesse des modulations de l’OB-8, on reste dans du classique, mais quel classique ! C’est d’ailleurs surprenant qu’une même machine puisse être tour à tour émouvante et imposante.
Quatre à huit
Tout comme pour l’OB-X, on pouvait acheter un OB-Xa en 4, 6 ou 8 voix au fur et à mesure que l’on devenait célèbre et riche. La machine est bitimbrale quel que soit le nombre (paire) de voix installées, la première moitié des voix étant assignée à la couche inférieure et la seconde à la couche supérieure. À l’intérieur, cela ressemble à l’OB-X, avec deux paniers superposés comprenant les cartes voix individuelles. La technologie employée est en rupture avec l’OBX : les VCO sont des circuits intégrés CEM3340, les VCF des CEM3320 et les enveloppes des CEM3310. Pour chaque voix, on a 2 VCO, 1 VCF, 1 VCA et 2 enveloppes. Les VCO peuvent générer des ondes non cumulables dent de scie ou impulsion variable. La largeur d’impulsion est commune aux deux VCO (50 à 5 %). La X-Mod de l’OB-X a disparu, dommage. Il ne reste pour interaction de VCO que la synchro du VCO2 par le VCO1. On gagne en revanche la possibilité de moduler la fréquence du VCO2 par l’enveloppe de filtre (quantité de modulation commune avec le réglage de contour du VCF), utile pour les sons de synchro évolutifs. Le VCO1 peut être accordé par octave sur 4 octaves, alors que le VCO2 bénéficie d’un accordage par demi-ton sur 5 octaves. Évidemment, les deux VCO peuvent aussi être finement désaccordés, pour un son épais ou des synchros fines. Le mélange des sources sonores est des plus basiques : marche/arrêt pour le VCO 1, plein pot/à moitié (-5 dB) pour le VCO2 et marche/arrêt pour le générateur de bruit rose. Les voix peuvent être jouées en polyphonie (en cycle) ou à l’unisson (monodique).
On passe au filtre, ou plutôt aux filtres. Il s’agit de deux filtres passe-bas résonnants fonctionnant alternativement en mode 2 ou 4 pôles. On écrit filtres au pluriel, parce que chaque mode dispose de son propre CEM3320. Ils restent toutefois exclusifs. L’avantage, c’est que la circuiterie autour des CEM3320 est très différente entre les deux modes, ce qui donne des résultats très contrastés, plus extrêmes que le filtre de l’OB-8 dont les deux modes sont basés sur le même CEM3320. En mode 2 pôles, pousser la résonance augmente le niveau audio du signal en restant à la limite de l’auto-oscillation. En mode 4 pôles, le niveau de sortie est plus fort, au point de faire saturer l’étage de sortie dans certains cas, mais la résonance l’atténue. On obtient une belle diversité de sonorités, entre subtilité et bourrinage ; rien à voir avec le filtre 2 pôles SEM discret de l’OB-X, brillant et généreux. Revers de la médaille, il y a quatre ajustables par voix rien que pour les filtres (fréquence et pente !) dans un OB-Xa. Un potentiomètre contrôle le contour du filtre (et le pitch du VCO2) piloté par une enveloppe dédiée (modulation positive uniquement). On trouve aussi un simple interrupteur de suivi de clavier (donc 0 ou 100 %). Vient ensuite le VCA avec, rappelons-le, un panoramique individuel réglable au moyen d’un potentiomètre interne, peu pratique. Les fonctions HOLD et CHORD permettent de maintenir un accord et de le transposer au clavier. Enfin le portamento polyphonique est la fonction idéale pour les glissements de notes vertigineux. Il fonctionne en mode continu par défaut, mais peut passer en mode chromatique sur les dernières version d’OB-Xa à portamento numérique.
Modulations basiques
L’OB-Xa totalise trois LFO analogiques : un LFO par couche sonore (un en mode simple et un pour chaque canal en mode bitimbral) et un vibrato global piloté par les modulations à gauche du clavier. Pour ce dernier, on choisit l’onde sinus ou carrée en baissant ou levant le potentiomètre-interrupteur RATE. La quantité de modulation est pilotable par le levier de modulation/l’entrée pédale CV VIBRATO ou réglée par la commande DEPTH. Il est assignable à chaque VCO et à chaque canal sonore en mode bitimbral. Tous ces réglages sont globaux. Le LFO principal (ou les deux en mode bitimbral) est programmé dans chaque Patch. Il peut osciller entre 0,1 et 20 Hz. Il offre les ondes sinus, carrée et S&H. Il y a deux bus de modulation par LFO, chacun avec sa propre quantité d’action : fréquence du VCO1, fréquence du VCO2, coupure du filtre pour le premier bus ; PWM1 et PWM2 pour le second (mais rien sur le volume, il faudra attendre l’OB-8 pour cela !). Les LFO étant globaux par canal sonore, toutes les voix d’un canal sont modulées en même temps.
Ce n’est en revanche pas le cas des enveloppes, présentes à deux exemplaires pour chaque voix (circuits intégrés analogiques CEM3310, rappelons-le). L’une est assignée au filtre et routable vers le pitch du VCO2 (utile pour les synchro à balayage d’onde), l’autre est uniquement assignée au VCA. Elles sont de type ADSR, avec une plage de réglage très confortable, permettant à la fois une bonne pêche et des temps longs. Voilà, c’est tout, on ne peut pas dire que l’OB-Xa soit une bête au rayon des modulations ou des paramètres de synthèse au sens large, nous restons bien au contraire dans du très basique et il faudra attendre l’OB-8 et sa fameuse « Page 2 » pour voir augmenter les possibilités de modulation, avant qu’Oberheim ne se lâche plus encore sur les modèles suivants (Xpander/Matrix-12), au point que cela devienne une spécialité maison.
À cœur ouvert
L’OB-Xa qui nous a été prêté nécessitait une bonne restauration mécanique et électronique, après un long et profond sommeil (des photos des opérations sont jointes en fin de test). D’abord, le clavier. La restauration d’un clavier Pratt-Read est une œuvre d’amour. La bonne nouvelle est qu’on peut le remettre dans son état de fonctionnement originel. La mauvaise, c’est qu’il faut prévoir au moins une journée pour ouvrir le synthé, déconnecter et sortir le clavier, démonter et nettoyer toutes les touches, extraire tous les ressorts (en évitant d’en prendre en pleine poire), enlever tous les supports de touches, donner à cette jolie araignée une digne sépulture (cet OB-Xa est en fait un modèle 8 voix à 8 pattes), réaligner les crochets, remplacer puis lubrifier les bushings, décrasser le bus bar, redresser les aiguilles de contact, remettre les supports de touches, chercher dans toute la pièce les ressorts qui ont sauté et les remettre en place (d’où l’intérêt de faire ça dans une petite pièce sans épaisse moquette), chercher les ressorts qui ont à nouveau sauté dans toute la pièce car il y en a qui sautent et qui ressautent et qui ressautent encore quand on les tend, remettre en place les guides d’aiguilles qui se sont barrés en enlevant les supports de touches, revisser les touches, redémonter les touches pour réaligner les plus récalcitrantes, revisser les touches redémontées, replacer et rebrocher le clavier dans le synthé sans le revisser (gare à l’excès de confiance !), allumer le synthé, tester les contacts (moment de vérité, de chance et/ou de grande solitude), soulever le clavier, régler les mauvais contacts, remettre le clavier en place une énième fois, refermer le synthé, retester et revisser le clavier par en dessous…
L’autre partie de la restauration concernait l’électronique. D’abord la vérification de l’alimentation et des différentes capa, puis le remplacement d’un VCO CEM3340 défectueux. Ensuite, les mises à jour de service (les fameuses « ECO »). Pour l’OB-Xa, il y en a eu une bonne quarantaine suivant les révisions et les générations de cartes internes. Comme si 9 révisions ne suffisaient pas, les générations de cartes n’ont pas toutes suivi à la même vitesse, si bien qu’il y a des panachages : par exemple trois types de cartes voix, sept types de cartes de contrôle (32 ou 120 mémoires, ancien ou nouvel Autotune, portamento analogique ou numérique), deux modèles de cartes de modulation (avec des ajustables placés différemment…), deux générations de cartes mères pour les voix (avec VCA finaux CEM3330 ou CEM3360 et valeurs de résistances différentes). Bref, il a fallu faire un tableur Excel pour déterminer quelles mises à jour de service étaient prescrites et nécessaires (parce que certaines modifications tardives ne sont pas compatibles entre les modèles, d’autres s’annulent et d’autres enfin ne sont plus utiles si on met un kit Midi Encore Electronics, ce que nous avons fait !).
Le kit Midi Encore Electronics est une bénédiction. Déjà parce qu’il règle un paquet de problèmes liés aux EPROM, aux RAM et à la pile de sauvegarde (on n’en a plus besoin). Ensuite parce qu’il est compatible avec tous les modèles d’OB-Xa. Ensuite, toujours, parce qu’il utilise un processeur Z80 cadencé plus vite. Enfin parce qu’il monte la mémoire à 120 programmes, 8 Splits et 8 Doubles quelle que soit la version d’origine. Le kit est facile à installer (quelques trous à faire dans la coque, 8 câbles à souder pour les prises Midi et quelques composants numériques à retirer, en général sur support). Donc pas de charcuterie au menu… Il faut toutefois être attentif aux instructions techniques du site Encore Electronics suivant le modèle d’OB-Xa concerné, notamment la version de l’Autotune, sous peine de voir toutes les voix désactivées lorsqu’on lance la fonction. Une fois installé et configuré, à nous les changements de programmes, les automations par CC Midi et les dumps de programmes via Sysex. Etape finale, la recalibration du synthé : DAC et LFO sur les cartes de contrôle, carte latérale de modulation, cartes mères et cartes voix, soit environ 140 ajustables. Prévoir un oscilloscope, un multimètre, un accordeur, un mini-tournevis et une bonne demi-journée de travail. Mais au final, quelle satisfaction de faire revivre une si belle machine !
- 01 Welcome Glide00:29
- 02 Strings 2P00:18
- 03 Strings 4P00:42
- 04 Vague Souvenir00:48
- 05 My Life00:18
- 06 Square Pulse00:56
- 07 Soft Res01:01
- 08 Bee Three00:36
- 09 Croc Organ00:42
- 10 Soft Sync00:37
- 11 Res Sync00:22
- 12 Filter Flow00:24
- 13 Bronski Boy00:19
- 14 Petite Fille01:07
- 15 Jump Intro00:40
- 16 Jump Bridge00:31
- 17 Jump Solo01:06
- 18 Jump Full04:05
Conclusion
L’OB-Xa est le plus emblématique de la série OB. Il se démarque du caractère sonore de l’OB-X dont il conserve toutefois le côté rustique et se révèle un peu plus turbulent que l’OB-8 qui lui succède, avec lequel il partage pourtant la quasi-totalité de l’électronique analogique. L’OB-Xa est moins stable et plus caractériel. La grosse restauration que nous avons faite à quatre mains a toutefois démontré qu’avec de la préparation et de la patience, on peut refaire un OB-Xa 8 voix à la fois stable, performant et équipé du Midi dernier cri. Quant au son, voici l’une des signatures les plus marquantes de l’histoire de la synthèse, avec ces magnifiques timbres soyeux et généreux reconnaissables entre mille. Toutefois, l’OB-Xa a ses lacunes (peu de possibilités de modulations, pas d’arpégiateur) et se révèle finalement complexe à maintenir, avec ses nombreux connecteurs et ajustables. Pour avoir enfin réuni une fratrie complète OB-X/OB-Xa/OB-8, il faut bien avouer qu’il est très difficile de choisir entre ces machines si attachantes, dotées d’une signature sonore commune tout en se révélant finalement bien différentes. Pourvu que l’ami Philou oublie son OB-Xa…