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Le sale gosse
9/10
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Premier synthé de la jeune société anglaise PWM, le Malevolent est un synthé analogique monodique semi-modulaire très compact au son puissant et singulier. Découvrons ce nouveau venu…

Malevolent_2tof 01.JPGLa toute jeune marque anglaise PWM a été créée par Paul Whit­ting­ton (un ancien de chez M-Audio, Avid, Focus­rite et Nova­tion), appuyé par une équipe tout aussi expé­ri­men­tée de passion­nés d’ins­tru­ments élec­tro­niques. Aupa­ra­vant impliqué dans le déve­lop­pe­ment et mana­ge­ment de produits, lui-même musi­cien, Paul connait parfai­te­ment l’en­semble du cycle de vie d’un synthé et ses usages. Lassé de voir le plai­sir découpé en tranches de tâches succes­sives comme c’est inévi­table dans tout groupe indus­triel, il a décidé de créer sa petite entre­prise pour déve­lop­per des instru­ments qui procurent du plai­sir aux utili­sa­teurs. Présenté la première fois au Super­booth fin 2021, le Male­volent est le premier synthé de la marque. Il a été codé­ve­loppé avec Future Sound Systems, une autre société anglaise qui conçoit et produit des modules de synthèse. Hyper­ac­tive, distri­bu­teur de PWM pour l’Eu­rope du Nord, nous en a genti­ment prêté un exem­plaire, merci… Male­volent signi­fie malveillant in English (du latin « male­vo­lens », litté­ra­le­ment « qui veut le mal »), voyons si le petit est vrai­ment un bad boy…

 

Compact et inté­gré

Malevolent_2tof 08.JPGLe Male­volent est un synthé compact tout inté­gré. La coque est tout en plas­tique, mais elle est très rigide. Les flancs sont livrés dans un petit sachet séparé et se magné­tisent soli­de­ment au châs­sis grâce à des inserts métal­liques, très amusant. Le synthé mesure 49 × 25 cm et pèse 3,7 kg, idéal pour la scène. On doit cette compa­cité en partie au clavier de 32 mini-touches sensibles à la vélo­cité. Elles sont vrai­ment courtes et fines, ce qui peut dérou­ter ou être rédhi­bi­toire. La façade est limpide, avec son orga­ni­sa­tion en modules, entrées/sorties mini-jack mono en partie supé­rieure (38 au total) et poten­tio­mètres de commandes en partie infé­rieure (34 + 6 pous­soirs + 1 inver­seur). Les jacks sont sertis avec du métal, ils ne bougent pas et semblent prêts pour d’in­nom­brables câblages/décâ­blages. Les poten­tio­mètres, globa­le­ment bien ancrés, sont munis d’un axe métal­lique.
Le Male­volent est fait pour créer des sons, bien barrés de surcroit, nous le verrons. À gauche du clavier, la section comporte un petit bâton de joie à ressort (pitch­bend, modu­la­tions, main­tien, vibrato, glide) et quatre touches de fonc­tion, permet­tant de trans­po­ser (+/-4 octaves), doser le pitch­bend, doser le vibrato, pilo­ter l’ar­pé­gia­teur, choi­sir son motif ou régler quelques fonc­tions globales, avec parfois la compli­cité du clavier et de l’in­ter­rup­teur secteur (canal Midi, mode local, accor­dage de la pente des VCO, au cas où…). À l’ar­rière, on trouve une connec­tique clas­sique : sortie audio mono en jack 6,35 TS, sortie casque en jack 6,35 TRS, entrée/sortie horloge analo­gique en mini-jack, entrée/sortie Midi DIN, prise USB C (Midi Class Compliant et alimen­ta­tion) et borne circu­laire pour alimen­ta­tion (externe, four­nie, bloc à l’ex­tré­mité, 9VDC/600 mA). On peut donc choi­sir entre alimen­ta­tion directe par USB ou par bloc séparé, bien vu ! Le synthé est aussi livré avec 5 cordons de bras­sage aux couleurs chatoyantes, merci…

Son cracra

Malevolent_2tof 02.JPGC’est au plan sonore que le Male­volent affirme son carac­tère. Disons-le tout de suite, cela peut être clivant, surtout par eux qui ne jurent que par les gentils filtres passe-bas 4 pôles en échelle. Là c’est tout le contraire. La propreté du signal est très rela­tive : ça souffle dès qu’on ouvre le VCA, même avec les VCO et VCF coupés. Les niveaux audio peuvent être très élevés avec certains réglages, PWM n’a pas fait dans la dentelle. Les VCO sont parti­cu­liers, avec des ondes variables à réglages extrêmes. Par exemple, la largeur d’im­pul­sion varie de 0 à 100 %, donc jusqu’à la coupure totale du VCO dans les deux sens. Le VCF a une couleur spéci­fique et s’avère très instable. Il est très sensible aux niveaux d’en­trée qui le saturent rapi­de­ment. Dès qu’on entre à plus de la moitié et qu’on met un poil de réso­nance, il accroche, et si on monte encore la réso­nance, il part complè­te­ment en live et perd sa belle auto-oscil­la­tion sinu­soï­dale. C’est dérou­tant, il faut être très minu­tieux pour garder le contrôle.

Le Malvolent est fait pour des sons cracra et instables, pas pour des basses rondes et déli­cates

D’ailleurs, nous avons remarqué que les réglages étaient globa­le­ment déli­cats sur cette machine, pas toujours dans le sens de la créa­ti­vité : la fréquence des VCO est conti­nue (non quan­ti­fiée au demi-ton) et la plage de réglages est immense (plusieurs octaves sur trois quarts de tour) ; la réponse de certains poten­tio­mètres n’est pas linéaire, en parti­cu­lier les dosages de modu­la­tion derrière les entrées mini-jacks, suivant ce qu’on y entre (modu­la­tions basse-fréquence ou audio). Bien souvent on obtient des sons instables si on n’est pas hyper vigi­lant. D’ailleurs le Male­volent est fait pour ce type de sons, il n’est pas fait pour les basses rondes et déli­cates. Et si les réglages clas­siques ne suffisent pas, rien de tel qu’une boucle entre la sortie audio géné­rale et l’en­trée auxi­liaire, assai­son­née d’un bon coup de drive dans le VCA. Bref, le synthé porte bien son nom.

Male­volent_1audio 1 Res Bass
00:0000:49
  • Male­volent_1audio 1 Res Bass00:49
  • Male­volent_1audio 2 Feed Bass00:19
  • Male­volent_1audio 3 Arp Pulse00:53
  • Male­volent_1audio 4 Filter FM00:31
  • Male­volent_1audio 5 Phatt PWM00:36
  • Male­volent_1audio 6 Big Kick00:16
  • Male­volent_1audio 7 Clap Snare00:16
  • Male­volent_1audio 8 Self Res00:45

 

VCO variables

Malevolent_2tof 03.JPGLa Male­volent est un synthé semi-modu­laire, c’est-à-dire qu’il offre plusieurs modules précâ­blés pour faire des sons, tout en permet­tant de redé­fi­nir leurs connexions avec des cordons de bras­sage, modi­fiant ainsi l’ordre établi et les modu­la­tions préca­blées. Le synthé est mono­dique. Il intègre 2 VCO, 1 bruit, un mixeur audio, un VCF, un VCA, un LFO, un vibrato et 2 enve­loppes. Les VCO sont iden­tiques et sont déri­vés de circuits 4046, réfé­rence pour les connais­seurs. Ils offrent les ondes dent de scie, triangle, impul­sion, sépa­ré­ment acti­vables avec des petits pous­soirs dédiés.
On trouve aussi un réglage continu de la forme d’onde, modu­lable, permet­tant de trans­for­mer progres­si­ve­ment chaque onde : la dent de scie oscille entre dent de scie et dent de scie à l’oc­tave (dent de scie d’ori­gine au centre), l’onde triangle varie entre triangle et sinus (sinus au centre) et l’im­pul­sion varie de 0 à 100 % (carré au centre). L’ac­cor­dage se fait en continu sur plusieurs octaves, avec réglages gros­sier et fin. Il manque hélas une synchro et une modu­la­tion en anneau entre les VCO, mais on pourra modu­ler le pitch par à peu près ce qu’on veut, y compris en audio, grâce à la semi-modu­la­rité (cf. para­graphe dédié plus tard).

VCF origi­nal

Malevolent_2tof 04.JPGOn peut doser le niveau des VCO (même les pous­ser si on veut satu­rer le VCF), celui du géné­ra­teur de bruit ainsi que celui d’un signal externe, avant d’at­taquer le filtre. Ce dernier est un VCF multi­mode réso­nant 2 pôles Sallen-Key à opto­cou­pleur-FET. C’est ce même type de filtre que Korg avait déve­loppé dans les 70’s pour ses MS10/MS20 et PS3100/3200/3300, le fameux Korg 35. Très parti­cu­lier, il permet de détruire le signal, avec des hurle­ments ou des réso­nances impres­sion­nantes (ah les kicks analo !). Là où le Male­volent se démarque, c’est dans la possi­bi­lité d’injec­ter des signaux indi­vi­duels dans chaque mode (passe-bas, passe-bande, passe-haut). Si seule­ment on avait eu un petit mélan­geur à trois sorties, ça aurait été parfait, mais rien n’em­pêche d’adjoindre un module par la suite, la machine étant compa­tible Euro­rack. La réso­nance est très pronon­cée et très instable quand on entre trop fort dans le filtre. Elle n’écrase pas les basses, une des carac­té­ris­tiques de ce modèle de filtre. Elle pousse assez vite le filtre en auto-oscil­la­tion. On ne peut par contre pas la modu­ler, c’est bien dommage, car il restait de la place en façade !

Là où le Male­­volent se démarque, c’est dans la possi­­bi­­lité d’injec­­ter des signaux indi­­vi­­duels dans chaque mode du filtre (passe-bas, passe-bande, passe-haut)

La sortie du filtre attaque ensuite le VCA, qu’on peut mettre en mode drone avec un petit inter­rup­teur. Il offre un Drive, histoire d’en­fon­cer le clou dans la destruc­tion du signal, entre satu­ra­tion douce et hyper distor­sion. À doser fine­ment ! Aucun réglage n’est mémo­ri­sable ou pilo­table via CC Midi, le signal et les points de modu­la­tion sont pure­ment analo­giques. On se retrouve donc avec de bons vieux cahiers de correc­tifs (des réglages types sont télé­char­geables) ou des photos. Cela peut être rédhi­bi­toire pour certains utili­sa­teurs, c’est logique pour ce type de synthé.

Modules de modu­la­tion

Malevolent_2tof 05.JPGLe Male­volent dispose de peu de sources de modu­la­tion (non audio) : un Glide, un vibrato, un LFO, deux enve­loppes et un arpé­gia­teur. Le Glide est pilo­table par le bâton de joie à la verti­cale : plus on le pousse vers le haut, plus le temps augmente. Si on appuie sur la touche Vibrato, le joys­tick dose la vitesse du vibrato à l’ho­ri­zon­tale et sa quan­tité à la verti­cale. Le LFO, analo­gique, distinct du vibrato, offre deux formes d’onde basiques : dent de scie et carré, mais pas de S&H (dommage, il y avait un géné­ra­teur de bruit à bord). Il monte à peine dans l’au­dio.
Chacune des deux enve­loppes est de type ADSR. Les temps manquent d’am­pli­tude, ça va de quelques milli­se­condes (plutôt claquant) à 3 secondes pour les attaques et 5 secondes pour les déclin/relâ­che­ment, c’est trop court ! Enfin, on a un petit arpé­gia­teur à 6 motifs très clas­sique (haut, bas, alterné, pendu­laire, comme joué et aléa­toire), avec mode Latch, trans­po­si­tion de motif (1 à 6 octaves), synchro analo­gique et horloge Midi DIN/USB avec détec­tion auto­ma­tique. Les commandes se limitent à une touche placée à gauche du clavier, au bâton de joie pour choi­sir le motif et aux touches d’oc­tave pour choi­sir l’in­ter­valle de trans­po­si­tion, pas toujours évident à mani­pu­ler. Les notes arpé­gées sont trans­mises en Midi.

Patch anti­stress

Malevolent_2tof 07.JPGQui dit synthé semi-modu­laire dit grande souplesse de modu­la­tion. Le Male­volent offre 19 entrées et 19 sorties au format jack 3,5 (Euro­rack norma­lisé), placées au-dessus des modules. Pour le clavier : sorties pitch, vélo­cité et Gate ; la sortie Pitch permet par exemple de modu­ler le VCF par le suivi de clavier. Faute de multiples, il faut utili­ser des cordons empi­lables si on veut pilo­ter d’autres desti­na­tions en même temps. Pour le LFO : sortie des ondes en triangle et carrée. Pour les VCO (iden­tiques) : sorties des ondes dent de scie, triangle, impul­sion et mix ; entrées 1V/octave, modu­la­tion de la forme d’onde et deux entrées de modu­la­tion de fréquence. Les entrées forme d’onde et FM disposent de poten­tio­mètres pour doser la quan­tité de modu­la­tion (hélas mono­po­laires). Si on n’y connecte rien, l’en­trée 1V/Octave est par défaut pilo­tée par le suivi clavier, la forme d’onde du VCO par l’onde triangle du LFO, et la fréquence par l’en­ve­loppe 1 et l’onde triangle du LFO.

19 entrées et 19 sorties semi-modu­laires au format jack 3,5 norma­li­sées Euro­rack

Pour le mixeur : sortie directe pour le géné­ra­teur de bruit et sortie mix ; il peut être inté­res­sant d’uti­li­ser le bruit pour modu­ler les VCO, VCF ou VCA ; une entrée avec poten­tio­mètre de dosage pour injec­ter un signal audio avant le filtre, par exemple une source externe ou la sortie du synthé pour créer un feed­back carac­té­ris­tique. Pour le VCF : sortie mix ; entrée audio pour chacun des trois modes du filtre (passe-bas, passe-bande, passe-haut) et deux entrées pour modu­ler la fréquence de coupure, avec poten­tio­mètres de dosage (hélas mono­po­laires, là aussi) ; il ne faut pas hési­ter à y entrer les sorties d’ondes des VCO ! L’en­trée filtre passe-bas reçoit par défaut la sortie du mixeur. La fréquence de coupure est modu­lée par défaut par l’en­ve­loppe 1 et l’onde triangle du LFO. Comme déjà signalé, il manque une entrée pour modu­ler la réso­nance, dommage. Pour chaque enve­loppe : une sortie ; une entrée Gate (oui, chaque enve­loppe a sa Gate !) ; une entrée audio rece­vant par défaut la sortie du VCF (elle aurait dû être placée dans la section VCA). Pour le VCA : deux entrées de modu­la­tion avec poten­tio­mètre de réglage, pilo­tées par défaut par l’en­ve­loppe 2 et l’onde triangle du LFO. Enfin, on trouve une sortie audio globale supplé­men­taire, bien pratique si on veut inté­grer le synthé au monde modu­laire.

Conclu­sion

Malevolent_2tof 06.JPGLe Male­volent est un synthé semi-modu­laire compact très origi­nal, à travers les modules qu’il met à dispo­si­tion (VCO à ondes variables cumu­lables, VCF Sallen-Key à entrées indé­pen­dantes), qui lui confèrent un son singu­lier, bien éloi­gné des stan­dards East Cost réchauf­fés de longue date. Ici, le son se tord, hurle, pique, vit, souf­fle… il est tout sauf propre. Évidem­ment, on aime­rait plus de fonc­tions et modules, mais c’est diffi­cile dans une surface aussi compacte : l’ab­sence de synchro des VCO et d’en­trée pour modu­ler la réso­nance sont les plus regret­tables. Quant au manque de multiples et mélan­geurs, rien n’em­pêche d’uti­li­ser des modules externes, le Male­volent étant compa­tible Euro­rack. Pour un prix somme toute assez serré, voilà un synthé compact, turbu­lent et ouvert au modu­laire. Un adorable sale gosse !

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  • Malevolent_2tof 05.JPG
  • Malevolent_2tof 06.JPG
  • Malevolent_2tof 07.JPG
  • Malevolent_2tof 08.JPG

 

9/10
Fabrication (?) : Royaume-Uni
Points forts
  • Son très singulier
  • Conception semi-modulaire
  • VCO à ondes cumulables et variables
  • Sorties séparées pour chaque onde
  • VCF multimode singulier avec entrées pour chaque mode
  • Entrée audio vers le filtre
  • Drive bien crade dans le VCA
  • Gates séparées sur les enveloppes
  • Sortie de modulation par la vélocité
  • Arpégiateur intégré
  • Midi DIN et USB (notes, joystick, synchro)
  • Compact et léger
  • Assez facile à appréhender
Points faibles
  • Souffle prononcé dès qu’on ouvre le VCA
  • Pas de synchro ni modulation en anneau des VCO
  • Clavier à mini-touches par évident à jouer
  • Pas d’entrée modulation sur la résonance
  • LFO assez dépouillé
  • Evidemment, pas de mémoires ou CC Midi
Auteur de l'article synthwalker Passionné de synthés, concepteur produits et rédacteur presse

J'aime tous les synthés, avec une préférence pour les poly vintage à mémoires, qui m'accompagnent depuis le début des 80's. J'écris depuis 25 ans sur les synthés et j'ai contribué au développement de certains d'entre eux. Plusieurs centaines de mes articles ont été publiés sur Audiofanzine et auparavant dans les magazines PlayRecord, Recording, Keyboards, Musicsound et Musiciens.


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J'aime tous les synthés, avec une préférence pour les poly vintage à mémoires, qui m'accompagnent depuis le début des 80's. J'écris depuis 25 ans sur les synthés et j'ai contribué au développement de certains d'entre eux. Plusieurs centaines de mes articles ont été publiés sur Audiofanzine et auparavant dans les magazines PlayRecord, Recording, Keyboards, Musicsound et Musiciens.