Premier synthé de la jeune société anglaise PWM, le Malevolent est un synthé analogique monodique semi-modulaire très compact au son puissant et singulier. Découvrons ce nouveau venu…
La toute jeune marque anglaise PWM a été créée par Paul Whittington (un ancien de chez M-Audio, Avid, Focusrite et Novation), appuyé par une équipe tout aussi expérimentée de passionnés d’instruments électroniques. Auparavant impliqué dans le développement et management de produits, lui-même musicien, Paul connait parfaitement l’ensemble du cycle de vie d’un synthé et ses usages. Lassé de voir le plaisir découpé en tranches de tâches successives comme c’est inévitable dans tout groupe industriel, il a décidé de créer sa petite entreprise pour développer des instruments qui procurent du plaisir aux utilisateurs. Présenté la première fois au Superbooth fin 2021, le Malevolent est le premier synthé de la marque. Il a été codéveloppé avec Future Sound Systems, une autre société anglaise qui conçoit et produit des modules de synthèse. Hyperactive, distributeur de PWM pour l’Europe du Nord, nous en a gentiment prêté un exemplaire, merci… Malevolent signifie malveillant in English (du latin « malevolens », littéralement « qui veut le mal »), voyons si le petit est vraiment un bad boy…
Compact et intégré
Le Malevolent est un synthé compact tout intégré. La coque est tout en plastique, mais elle est très rigide. Les flancs sont livrés dans un petit sachet séparé et se magnétisent solidement au châssis grâce à des inserts métalliques, très amusant. Le synthé mesure 49 × 25 cm et pèse 3,7 kg, idéal pour la scène. On doit cette compacité en partie au clavier de 32 mini-touches sensibles à la vélocité. Elles sont vraiment courtes et fines, ce qui peut dérouter ou être rédhibitoire. La façade est limpide, avec son organisation en modules, entrées/sorties mini-jack mono en partie supérieure (38 au total) et potentiomètres de commandes en partie inférieure (34 + 6 poussoirs + 1 inverseur). Les jacks sont sertis avec du métal, ils ne bougent pas et semblent prêts pour d’innombrables câblages/décâblages. Les potentiomètres, globalement bien ancrés, sont munis d’un axe métallique.
Le Malevolent est fait pour créer des sons, bien barrés de surcroit, nous le verrons. À gauche du clavier, la section comporte un petit bâton de joie à ressort (pitchbend, modulations, maintien, vibrato, glide) et quatre touches de fonction, permettant de transposer (+/-4 octaves), doser le pitchbend, doser le vibrato, piloter l’arpégiateur, choisir son motif ou régler quelques fonctions globales, avec parfois la complicité du clavier et de l’interrupteur secteur (canal Midi, mode local, accordage de la pente des VCO, au cas où…). À l’arrière, on trouve une connectique classique : sortie audio mono en jack 6,35 TS, sortie casque en jack 6,35 TRS, entrée/sortie horloge analogique en mini-jack, entrée/sortie Midi DIN, prise USB C (Midi Class Compliant et alimentation) et borne circulaire pour alimentation (externe, fournie, bloc à l’extrémité, 9VDC/600 mA). On peut donc choisir entre alimentation directe par USB ou par bloc séparé, bien vu ! Le synthé est aussi livré avec 5 cordons de brassage aux couleurs chatoyantes, merci…
Son cracra
C’est au plan sonore que le Malevolent affirme son caractère. Disons-le tout de suite, cela peut être clivant, surtout par eux qui ne jurent que par les gentils filtres passe-bas 4 pôles en échelle. Là c’est tout le contraire. La propreté du signal est très relative : ça souffle dès qu’on ouvre le VCA, même avec les VCO et VCF coupés. Les niveaux audio peuvent être très élevés avec certains réglages, PWM n’a pas fait dans la dentelle. Les VCO sont particuliers, avec des ondes variables à réglages extrêmes. Par exemple, la largeur d’impulsion varie de 0 à 100 %, donc jusqu’à la coupure totale du VCO dans les deux sens. Le VCF a une couleur spécifique et s’avère très instable. Il est très sensible aux niveaux d’entrée qui le saturent rapidement. Dès qu’on entre à plus de la moitié et qu’on met un poil de résonance, il accroche, et si on monte encore la résonance, il part complètement en live et perd sa belle auto-oscillation sinusoïdale. C’est déroutant, il faut être très minutieux pour garder le contrôle.
D’ailleurs, nous avons remarqué que les réglages étaient globalement délicats sur cette machine, pas toujours dans le sens de la créativité : la fréquence des VCO est continue (non quantifiée au demi-ton) et la plage de réglages est immense (plusieurs octaves sur trois quarts de tour) ; la réponse de certains potentiomètres n’est pas linéaire, en particulier les dosages de modulation derrière les entrées mini-jacks, suivant ce qu’on y entre (modulations basse-fréquence ou audio). Bien souvent on obtient des sons instables si on n’est pas hyper vigilant. D’ailleurs le Malevolent est fait pour ce type de sons, il n’est pas fait pour les basses rondes et délicates. Et si les réglages classiques ne suffisent pas, rien de tel qu’une boucle entre la sortie audio générale et l’entrée auxiliaire, assaisonnée d’un bon coup de drive dans le VCA. Bref, le synthé porte bien son nom.
- Malevolent_1audio 1 Res Bass00:49
- Malevolent_1audio 2 Feed Bass00:19
- Malevolent_1audio 3 Arp Pulse00:53
- Malevolent_1audio 4 Filter FM00:31
- Malevolent_1audio 5 Phatt PWM00:36
- Malevolent_1audio 6 Big Kick00:16
- Malevolent_1audio 7 Clap Snare00:16
- Malevolent_1audio 8 Self Res00:45
VCO variables
La Malevolent est un synthé semi-modulaire, c’est-à-dire qu’il offre plusieurs modules précâblés pour faire des sons, tout en permettant de redéfinir leurs connexions avec des cordons de brassage, modifiant ainsi l’ordre établi et les modulations précablées. Le synthé est monodique. Il intègre 2 VCO, 1 bruit, un mixeur audio, un VCF, un VCA, un LFO, un vibrato et 2 enveloppes. Les VCO sont identiques et sont dérivés de circuits 4046, référence pour les connaisseurs. Ils offrent les ondes dent de scie, triangle, impulsion, séparément activables avec des petits poussoirs dédiés.
On trouve aussi un réglage continu de la forme d’onde, modulable, permettant de transformer progressivement chaque onde : la dent de scie oscille entre dent de scie et dent de scie à l’octave (dent de scie d’origine au centre), l’onde triangle varie entre triangle et sinus (sinus au centre) et l’impulsion varie de 0 à 100 % (carré au centre). L’accordage se fait en continu sur plusieurs octaves, avec réglages grossier et fin. Il manque hélas une synchro et une modulation en anneau entre les VCO, mais on pourra moduler le pitch par à peu près ce qu’on veut, y compris en audio, grâce à la semi-modularité (cf. paragraphe dédié plus tard).
VCF original
On peut doser le niveau des VCO (même les pousser si on veut saturer le VCF), celui du générateur de bruit ainsi que celui d’un signal externe, avant d’attaquer le filtre. Ce dernier est un VCF multimode résonant 2 pôles Sallen-Key à optocoupleur-FET. C’est ce même type de filtre que Korg avait développé dans les 70’s pour ses MS10/MS20 et PS3100/3200/3300, le fameux Korg 35. Très particulier, il permet de détruire le signal, avec des hurlements ou des résonances impressionnantes (ah les kicks analo !). Là où le Malevolent se démarque, c’est dans la possibilité d’injecter des signaux individuels dans chaque mode (passe-bas, passe-bande, passe-haut). Si seulement on avait eu un petit mélangeur à trois sorties, ça aurait été parfait, mais rien n’empêche d’adjoindre un module par la suite, la machine étant compatible Eurorack. La résonance est très prononcée et très instable quand on entre trop fort dans le filtre. Elle n’écrase pas les basses, une des caractéristiques de ce modèle de filtre. Elle pousse assez vite le filtre en auto-oscillation. On ne peut par contre pas la moduler, c’est bien dommage, car il restait de la place en façade !
La sortie du filtre attaque ensuite le VCA, qu’on peut mettre en mode drone avec un petit interrupteur. Il offre un Drive, histoire d’enfoncer le clou dans la destruction du signal, entre saturation douce et hyper distorsion. À doser finement ! Aucun réglage n’est mémorisable ou pilotable via CC Midi, le signal et les points de modulation sont purement analogiques. On se retrouve donc avec de bons vieux cahiers de correctifs (des réglages types sont téléchargeables) ou des photos. Cela peut être rédhibitoire pour certains utilisateurs, c’est logique pour ce type de synthé.
Modules de modulation
Le Malevolent dispose de peu de sources de modulation (non audio) : un Glide, un vibrato, un LFO, deux enveloppes et un arpégiateur. Le Glide est pilotable par le bâton de joie à la verticale : plus on le pousse vers le haut, plus le temps augmente. Si on appuie sur la touche Vibrato, le joystick dose la vitesse du vibrato à l’horizontale et sa quantité à la verticale. Le LFO, analogique, distinct du vibrato, offre deux formes d’onde basiques : dent de scie et carré, mais pas de S&H (dommage, il y avait un générateur de bruit à bord). Il monte à peine dans l’audio.
Chacune des deux enveloppes est de type ADSR. Les temps manquent d’amplitude, ça va de quelques millisecondes (plutôt claquant) à 3 secondes pour les attaques et 5 secondes pour les déclin/relâchement, c’est trop court ! Enfin, on a un petit arpégiateur à 6 motifs très classique (haut, bas, alterné, pendulaire, comme joué et aléatoire), avec mode Latch, transposition de motif (1 à 6 octaves), synchro analogique et horloge Midi DIN/USB avec détection automatique. Les commandes se limitent à une touche placée à gauche du clavier, au bâton de joie pour choisir le motif et aux touches d’octave pour choisir l’intervalle de transposition, pas toujours évident à manipuler. Les notes arpégées sont transmises en Midi.
Patch antistress
Qui dit synthé semi-modulaire dit grande souplesse de modulation. Le Malevolent offre 19 entrées et 19 sorties au format jack 3,5 (Eurorack normalisé), placées au-dessus des modules. Pour le clavier : sorties pitch, vélocité et Gate ; la sortie Pitch permet par exemple de moduler le VCF par le suivi de clavier. Faute de multiples, il faut utiliser des cordons empilables si on veut piloter d’autres destinations en même temps. Pour le LFO : sortie des ondes en triangle et carrée. Pour les VCO (identiques) : sorties des ondes dent de scie, triangle, impulsion et mix ; entrées 1V/octave, modulation de la forme d’onde et deux entrées de modulation de fréquence. Les entrées forme d’onde et FM disposent de potentiomètres pour doser la quantité de modulation (hélas monopolaires). Si on n’y connecte rien, l’entrée 1V/Octave est par défaut pilotée par le suivi clavier, la forme d’onde du VCO par l’onde triangle du LFO, et la fréquence par l’enveloppe 1 et l’onde triangle du LFO.
Pour le mixeur : sortie directe pour le générateur de bruit et sortie mix ; il peut être intéressant d’utiliser le bruit pour moduler les VCO, VCF ou VCA ; une entrée avec potentiomètre de dosage pour injecter un signal audio avant le filtre, par exemple une source externe ou la sortie du synthé pour créer un feedback caractéristique. Pour le VCF : sortie mix ; entrée audio pour chacun des trois modes du filtre (passe-bas, passe-bande, passe-haut) et deux entrées pour moduler la fréquence de coupure, avec potentiomètres de dosage (hélas monopolaires, là aussi) ; il ne faut pas hésiter à y entrer les sorties d’ondes des VCO ! L’entrée filtre passe-bas reçoit par défaut la sortie du mixeur. La fréquence de coupure est modulée par défaut par l’enveloppe 1 et l’onde triangle du LFO. Comme déjà signalé, il manque une entrée pour moduler la résonance, dommage. Pour chaque enveloppe : une sortie ; une entrée Gate (oui, chaque enveloppe a sa Gate !) ; une entrée audio recevant par défaut la sortie du VCF (elle aurait dû être placée dans la section VCA). Pour le VCA : deux entrées de modulation avec potentiomètre de réglage, pilotées par défaut par l’enveloppe 2 et l’onde triangle du LFO. Enfin, on trouve une sortie audio globale supplémentaire, bien pratique si on veut intégrer le synthé au monde modulaire.
Conclusion
Le Malevolent est un synthé semi-modulaire compact très original, à travers les modules qu’il met à disposition (VCO à ondes variables cumulables, VCF Sallen-Key à entrées indépendantes), qui lui confèrent un son singulier, bien éloigné des standards East Cost réchauffés de longue date. Ici, le son se tord, hurle, pique, vit, souffle… il est tout sauf propre. Évidemment, on aimerait plus de fonctions et modules, mais c’est difficile dans une surface aussi compacte : l’absence de synchro des VCO et d’entrée pour moduler la résonance sont les plus regrettables. Quant au manque de multiples et mélangeurs, rien n’empêche d’utiliser des modules externes, le Malevolent étant compatible Eurorack. Pour un prix somme toute assez serré, voilà un synthé compact, turbulent et ouvert au modulaire. Un adorable sale gosse !