Si savoir se faire attendre implique une quelconque équivalence en termes de qualités, nul doute que la version 2 d’Omnisphere doit être parée de nombre d’entre elles. Pour en avoir le cœur net, faisons le tour du logiciel.
Dans le monde du logiciel, certains éditeurs semblent être passés maîtres dans la gestion des attentes du consommateur, et de (l’éventuelle) frustration qui peut en découler. « Ah, je n’arrive pas à finir ce son, si seulement j’avais la nouvelle version de… (placer le nom de tel ou tel logiciel), je suis sûr que j’y arriverais rapidement. ». Même si cela semble exagéré, ce type de réaction est entendu assez fréquemment, du moins parmi les personnes pensant que l’outil prime sur les idées. Reste que, dans le respect des règles du marché, nombreux sont ceux à créer des attentes. On avait pesté en son temps contre Apple, qui avait mis quatre ans à nous proposer une mise à jour sérieuse de son logiciel, mise à jour attendue non pour soif consumériste de nouveautés, mais parce que les défauts, bugs et problèmes étaient nombreux et connus depuis fort longtemps.
En est-il de même avec Omnisphere ? Non. Conçu comme une sérieuse évolution d’Atmosphere, le précédent synthé multitâche de Spectrasonics, avec quand même une nette spécialisation dans les sons évolutifs, les nappes riches ou éthérées, Omnisphere s’était imposé comme un produit parfaitement maîtrisé, que l’on aime ou pas le principe utilisé. Les principes, devrions-nous dire, puisque de nombreux utilisateurs ne se sont servis (et ne se servent toujours) que de la partie à base d’échantillons, oubliant que le logiciel offre une partie synthèse assez mahousse, n’ayant pas grand-chose à envier aux ténors du genre, voire les battant sur leur propre terrain grâce à des fonctions inédites ou implémentées de façon incroyablement claire et efficace.
Par effet quasiment inverse, l’attente d’une nouvelle version était motivée par la curiosité, un apport de nouveaux samples ou fonctions, mais rien qui a priori améliore de façon significative un logiciel déjà parfaitement autonome.
Voici donc, sept ans près, une éternité dans le monde logiciel (éternité plus un mois, l’éditeur ayant retenu les versions envoyées à fin de tests, comme motivé par une quelconque peur d’une information empêchant la vente massive dès la sortie…), la version 2 d’Omnisphere. Que propose-t-elle ?
Introducing Spectrasonics Omnisphere
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Quatre solutions sont proposées pour l’acquisition du logiciel, toujours via l’Online Techshop (peuvent pas dire Store comme tout le monde ?) ou en direct auprès des revendeurs (l’importateur historique, Univers Sons, semble avoir été écourté). L’achat sans upgrade coûtera 399 euros. L’upgrade Standard, pour les possesseurs d’Omnisphere 1, leur en coûtera 249 $. À noter que les utilisateurs d’Atmosphere peuvent passer à Omnisphere 2 pour la même somme. Puis l’upgrade VIP, destiné aux possesseurs à la fois d’Omnisphere 1, Trilian et de Stylus RMX, reviendra à 199 $. Enfin l’upgrade est gratuit pour les clients ayant acheté Omnisphere 1 entre octobre 2014 et mai 2015.
Une fois les différentes démarches effectuées dans le store (la boîte pour un achat sans upgrade s’achètera chez un des revendeurs agréés), on installera le « Omnisphere 2 Upgrade Download Manager », qui permettra de télécharger les 20 Go et quelques de données, présets, formes d’ondes, échantillons, ce qui prendra le temps que permet votre connexion internet, l’intérêt étant que l’on peut couper et reprendre quand on le souhaite, à l’état où le téléchargement en est. L’adoption d’un tel gestionnaire rejoint une attitude que l’on retrouve chez de nombreux éditeurs, sauf que celui de Spectrasonics ne permet qu’un seul et unique téléchargement complet : on a donc intérêt à sauvegarder rapidement (et plusieurs fois) le contenu ainsi téléchargé.
Cependant, conscient de l’évolution de l’environnement informatique (disparition des lecteurs optiques de nombreuses configurations), Spectrasonics compte mettre en place un système de vente sur disque dur (à la façon EastWest) et par téléchargement (pensez simplement que l’original est fourni via huit DVD…). L’autorisation s’effectue via un simple numéro de série, merci Spectra, mais elle dépend d’un certain nombre de choses au niveau des dossiers, et il vaut mieux suivre à la lettre les instructions. On peut installer le logiciel sur plusieurs bécanes, l’interface de l’éditeur demandant simplement de justifier le pourquoi des installations supplémentaires).
Quoi de neuf, docteur ?
Évidemment, ce qui était à la fois attendu et promis par l’éditeur est l’import de fichiers audio. Chose promise, chose due. Mais il faut dissiper tout de suite les malentendus : Omnisphere 2 ne transforme pas Omnisphere 1 en échantillonneur de la mort qui tue… Non, loin de devenir un équivalent de Kontakt, MachFive ou HALion, Omnisphere 2 se « contente » d’importer un son pour en tirer une forme d’onde qui sera ensuite utilisée comme matériau de base dans les oscillateurs offerts par le logiciel. Pas de stretch, donc une lecture classique de l’échantillon (sauf à l’utiliser avec le moteur granulaire, on y reviendra), de plus en plus rapide à mesure que l’on monte dans les aigus. Voici une note de piano droit, puis sa lecture à différentes octaves une fois importée.
On l’entend, la lecture reste assez propre à toutes les octaves. Je n’ai pas rencontré de problèmes particuliers à l’import (attention, Wave ou Aif seulement, mono ou stéréo, de 8 à 32 bits), comme il n’y a ni resampling, ni analyse pour synthèse additive, l’audio importé reste intact. On peut renseigner les hauteurs dans les tags du fichier (dans un éditeur externe) ou dans le nom même du fichier, toujours un gain de temps lors de l’import.
Évidemment, pour tout ce qui est boucles, loops rythmiques, la fonction n’a pas grand intérêt, puisqu’un tempo sera accéléré ou ralenti avec effet de changement de hauteur (et les marqueurs doivent être inclus, Omnisphere 2 ne permettant pas d’en ajouter et/ou retirer). Mais n’oublions pas que pour ça, l’éditeur propose Stylus RMX qui gère toutes ces problématiques de façon très efficace.
Synth harmonie et la FM
On l’a dit, Omnisphere 2 n’est pas un sampler, mais un synthé. Et là, il faut dire que l’éditeur nous gâte. Aux possibilités déjà assez pointues de type synthèse soustractive offertes par la première version sont ajoutées de très sérieuses améliorations aux quelques outsiders qu’étaient la FM, la synthèse granulaire et les réglages d’Unison et Harmonia (ces trois derniers regroupés sous l’onglet Mult dans la version 1).
Commençons par ce dernier : il s’agit d’un processeur d’harmonies, qui permet de créer jusqu’à quatre voix simultanées en plus de la première note jouée. Ces quatre voix peuvent activées, amplifiées, transposées, désaccordées et placées dans l’image stéréo indépendamment. On dispose d’un mix entre note d’origine et harmonie(s), ainsi que de présets auxquels on peut rajouter les siens. La programmation est très rapide.
Voici un exemple autour de la note de piano déjà importée (aucune modification de type filtrage, modulation, etc., pour le moment). Une seule note est donc jouée à la base, et l’accord résulte des réglages d’Harmonia.
Rajoutons-un peu de qualité, en paramétrant une réponse du filtre et de l’amplitude à la vélocité, et en plaçant deux-trois effets par dessus.
Jusque-là, on reste dans les possibilités déjà présentes dans la première version. Mais l’éditeur a ajouté une partie lorsque l’on utilise l’Oscillator en mode Synth, qui permet de sélectionner quatre formes d’ondes différentes par harmonie (celle en cours dans l’oscillo, ou à choisir dans le menu offert), de modifier individuellement leur forme, symétrie et synchro et de modifier la phase de l’ensemble.
Un rappel, on n’utilise pour le moment qu’un seul Layer, sans effet, avec un filtre.
Du grain, et tutti quantique !
Autre amélioration notable, celle de l’Unison (huit voix maximum), qui n’offrait à l’époque que désaccordage fin et grossier, changement d’octave, profondeur et largeur, et qui gagne deux nouveaux contrôles Analog (changements aléatoires de hauteur et de phase) et Drift (le décalage de hauteur entre les voix de l’Unison).
Un exemple de synthé mono avant et après passage par l’Unison.
FM et Ring se voient eux aussi dotés de nombreux paramètres supplémentaires, notamment de forme, de symétrie et de synchro, et surtout la possibilité de choisir librement la forme d’onde du modulateur, parmi toutes celles disponibles dans le synthé.
Toujours sur le même synthé, un exemple de Ring Mod.
Puis de FM.
Mais le plus intéressant reste le moteur granulaire, sérieusement étoffé. Car c’est grâce à lui que l’on va pouvoir tirer profit des sons importés. Bien entendu, cette synthèse sera aussi mise à profit (et l’est déjà) dans les nouveaux présets fournis (plus de 4500 programmes et SoundSources). Pour en savoir plus, se référer aux articles de newjazz, notamment cette page et celle-ci.
Revenons zaux grains. On peut maintenant manipuler à loisir leur hauteur, leur durée, leur forme dynamique et leur position dans l’image stéréo, en disposant de huit voix par Layer.
Voici plusieurs exemples, reprenant le son à base de notes de piano. D’abord l’accord joué, puis les traitements, faisant appel d’abord au réglage Speed, qui permet des effets de time stretch, selon diverses positions qui conditionnent l’ordre et la vitesse de lecture des grains (j’ai arrêté l’accord avant sa fin naturelle, qui semblait infinie…).
En jouant sur Position, on détermine quelle partie du sample est jouée, avec des effets de Time Freeze, le tout (comme pour le réglage Speed) dépendant aussi des paramètres Grain Depth, Intensity, Spread, etc.
Rappelons encore une fois, que l’on n’utilise qu’un seul Layer, sans aucun effet…
Évidemment (ah ?), la totalité des paramètres peut être automatisée, résultant ainsi dans des effets très particuliers si désirés. Voici l’action de plusieurs LFO sur différents paramètres du moteur granulaire, cette fois-ci avec la même note chargée dans les deux layers, et toujours le même accord (et toujours pas d’effets, simplement le paramètre Crush légèrement actif).
En prenant d’autres Sources dans les Layers et en ajoutant un effet ici et là, on obtient par exemple ce genre de choses.
Seule chose à laquelle prêter attention : plus on sophistique les réglages et automations de paramètres du moteur granulaire, et plus la jauge CPU monte, monte, monte… D’autant que l’on peut parfois additionner les éléments de synthèse (quand ce n’est pas possible, le petit voyant bleu sous le moteur des différentes synthèses passe au rouge).
Bilan
Un seul article comme celui-ci ne suffirait pas à dérouler toutes les nouveautés et fonctions d’Omnisphere 2. D’abord la nouvelle interface, bien plus grande (parfois trop, car il n’y a aucune option de redimension, ou de masquage du nouvel onglet de navigation à gauche) et les nombreuses améliorations de pages de synthèse : Ring Mod, FM et autres moteurs de traitements bénéficient tous d’un écran ou plusieurs affichant formes d’ondes, spirales granulaires, etc. Une aide bienvenue.
Le navigateur est lui aussi très bien conçu, dans l’esprit de ce qui se fait depuis quelques années partout : catégorie, modèle, type, genre, etc., et le système de Tags lors de sauvegardes, d’enrichissement des caractéristiques d’un son fait gagner beaucoup de temps. Ajoutons-y l’efficace Sound Match, qui permet d’afficher des sons censés être proches de celui utilisé au moment de la recherche.
Le très efficace Orb est toujours aussi intéressant, et un moyen très ludique de produire du son : lancer la boule dans la spirale, c’est rigolo… Plus sérieusement, associé à un Omni TR sur iPad (connexion immédiate sans soucis, seul reproche, la fenêtre d’autorisation de connexion entrante qui s’ouvre systématiquement lorsque l’on ouvre Omnisphere 2 dans Logic Pro X, malgré la validation du pop-up), Omnisphere 2 est un plaisir à piloter live, grâce au Live Mode et au Stack Mode.
Les 25 (25 !) nouveaux effets ajoutent encore à la palette sonore du logiciel, et les collaborations efficaces avec Nomad Factory ou le développeur de l’ImpOscar (Jon Hodgson, créateur ici du Power Filter) pour les précédents logiciels sont complétées par des effets développés par Overloud, résultant en de très belles simulations d’ampli. L’Innerspace ou le Thriftshop Speaker, qui semblent être des logiciels de convolution, permettent aussi des choses très intéressantes (rêve : disposer du Thriftshop sous forme de plug-in séparé…).
Les améliorations apportées à l’arpégiateur, les nouveaux sons et formes d’ondes (20 Go de contenu supplémentaires, rappelons-le), et tout le reste (voir la page nouveautés sur le site de l’éditeur) ajoute à la sensation que Spectrasonics, éditeur rare au sens où il ne présente un produit nouveau que très rarement, a encore réussi son coup. En fait, ce n’est ni une sensation, ni une impression, c’est une réalité : Spectrasonics a encore réussi son coup. Bravo messieurs.
Téléchargez les fichiers sonores (format AIFF)