Alors que nous attendions impatiemment le Pulse 2 depuis plus d’un an, c’est un petit module au doux nom de Rocket qui est venu nous jouer des salades sonores début 2013. Ignition !
Quelques semaines avant Frankfurt 2013, nous scrutions la moindre information concernant la disponibilité du Pulse 2. Mais Waldorf nous a fait la surprise de présenter un petit synthé au format module à un prix ultra compact : le Rocket. Totalement différent du Pulse 2 dans la conception, il offre pour deux centaines d’euros un oscillateur élaboré et un véritable filtre analogique. Voyons ce que les autres éléments permettent d’en faire et comment ça sonne.
Pavé noir
Le Rocket reprend le même code couleurs que le Pulse 2 : sérigraphie verte sur fond noir. La coque est cependant en plastique assez rigide, seul le dessus est en métal. Le module est trapu (19 × 19 cm) et ressemble à un pavé une fois posé à plat sur ses petits patins. Le panneau de commandes est assez dépouillé : 10 potards, 8 sélecteurs à 2 ou 3 positions et un bouton à diode (« Launch ») servant à déclencher le son sans faire appel à un clavier externe et à visualiser l’activité MIDI. Les potards sont assez gros, mais branlants sur leur grand axe ; les sélecteurs à bascule sont en revanche francs. Les 4 sections sont immédiatement identifiables : oscillateur, VCF, VCA / enveloppe et LFO / arpégiateur. Tout est clair, une fois qu’on a pigé les réglages exotiques de l’oscillateur. Parmi les potards, il y a un réglage de volume casque qui n’affecte pas la sortie ligne, elle-même dépourvue de potard de volume… quel choix bizarre !
À l’arrière, la rigueur est de rigueur : entrée/sortie MIDI doublée d’une prise USB, entrée ligne VCF IN (jack 6,35) pour traiter un signal externe (bien vu !), sortie audio ligne (jack 6,35) et sortie casque (mini-jack). La prise USB a un double rôle : le MIDI et l’alimentation de la machine, soit via un cordon USB, soit via le transfo secteur / USB fourni. Sans oublier le petit interrupteur en retrait pour changer de canal MIDI. Par contre, pas d’interrupteur marche / arrêt. Rien de transcendant donc, à part l’entrée audio.
Territoire sonore
Dès la première écoute, le Rocket affiche un son moderne, épais et franc. On apprécie la polyvalence de l’oscillateur unique, sans être gênés par sa nature numérique. Le son est propre des graves aux aigus, pas d’artefact numérique en vue d’oreille. Le mode paraphonique réserve une belle surprise avec ses 8 dents de scie simultanées bien larges ; après avoir maîtrisé les phénomènes de redéclenchement de l’enveloppe unique lors du jeu en accords, on modifie son style de jeu pour des résultats plus naturels.
Le filtre multimode est agréable, avec une belle coloration ; nous en avons particulièrement apprécié le mode passe-haut qui maintient un niveau audio élevé. La résonance très prononcée permet des créer des percussions bien claquantes, attention aux niveaux ! La distorsion Boost salit le son de manière assez peu subtile, mais c’est a priori pour cela qu’elle est prévue. Un dosage progressif du gain aurait été préférable, surtout pour mieux maîtriser le mode paraphonique où les saturations sont souvent trop prononcées.
- WaveFilterArp 01:10
- WaveFilterArp Boost 01:04
- Paraphonic 00:30
- Paraphonic Boost 00:28
- HPF 00:32
- HPF Boost 00:26
- ChordArp 00:34
- ChordArp Boost 00:38
- Fast band-pass filter FX with a variety of different cutoff levels00:15
- Saw patch tweaked through various chords in real time00:25
- Filthy raved up stabs using one of the synth’s chords00:08
- A dirty unison saw bass with a high glide time00:09
Synthèse maison
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Il n’y a quasiment rien en commun entre le Rocket et le Pulse 2. Le Rocket n’est pas un Pulse 2 dégradé, chacun ses composants. D’abord, les oscillateurs sont totalement numériques. À la base, le Rocket est monodique et peut générer des ondes impulsion à largeur variable ou dent de scie. Une fois l’onde choisie via un sélecteur à 2 positions, on en fait varier le contenu harmonique à l’aide des potards Wave et Tune : avec l’onde impulsion, Wave fait varier la largeur d’impulsion de 0 à 50 % sur sa première moitié de course ; sur la seconde moitié, on règle tour à tour la modulation de largeur d’impulsion puis la vitesse de modulation ; un peu curieux tout ça…
Avec l’onde dent de scie, Wave a un rôle différent : sur sa première moitié de course, on règle le temps de synchronisation de l’oscillateur avec un oscillateur fictif intégré, tandis que Tune règle la fréquence initiale de l’oscillateur esclave ; sur la seconde moitié de course de Wave, on ajoute progressivement de 2 à 8 formes d’ondes en dent de scie ; Tune permet alors de doser le Detune, de créer des intervalles fixes ou de passer en mode paraphonique ; dans ce dernier cas, on peut jouer un accord jusqu’à 8 notes. C’est sympa d’avoir autant d’options accessibles avec seulement 1 sélecteur et 2 potards, mais la prise en main n’est quand même pas aisée. Un Glide permet de gérer le temps de portamento sur les notes liées.
Variable d’état
La sortie de l’oscillateur est alors routée vers le VCF, accompagnée le cas échéant du signal externe présent à l’entrée audio. Là encore, le filtre n’a rien à voir avec celui du Pulse 2. Il s’agit d’un VCF multimode résonant de type variable d’état 2 pôles, alors que celui du Pulse 2 est un filtre en échelle. On trouve les modes passe-bas, passe-haut et passe-bande, sympa !
La coupure est modulable par le suivi de clavier (0 – 50 – 100 %), l’enveloppe (modulation positive uniquement) ou le LFO. La vélocité pilote la quantité de modulation de l’enveloppe. Le filtre peut entrer en auto-oscillation quand on abuse de la résonance. En sortie de filtre, le signal peut être saturé dans la section VCA. Une fois de plus, ce circuit n’a rien à voir avec celui du Pulse 2. Décidément, ces machines n’ont rien en commun, mis à part les VCA à OTA.
Modulations limitées
L’unique enveloppe est peu puissante : l’attaque est fixe à 1 ms, le paramètre Decay règle à la fois le temps de déclin et le temps de relâchement (sauf si le paramètre Release est sur off) et le Sustain est une simple affaire de marche (100 %) / arrêt (0 %). On a connu franchement mieux comme enveloppe, là c’est un peu limite ! Le LFO est tout aussi basique : 3 formes d’onde (carré, triangle, dente de scie – donc pas de S&H), un réglage de vitesse (0,05 Hz à 50 Hz ou synchro MIDI suivant différentes divisions temporelles) et un réglage de profondeur – il peut être assigné au pitch ou au VCF.
S’y ajoute un vibrato « caché » pilotable via la molette de modulation ; sa vitesse est modifiable via CC MIDI uniquement. Enfin, un tout petit arpégiateur peut se superposer au LFO (les deux ne peuvent coexister). On peut en régler la tessiture (1 à 4 octaves), le sens de lecture (haut, alternatif, aléatoire… mais pas bas !) ou sélectionner l’un des 8 motifs élaborés en mémoire.
Conclusion
Le Rocket est donc un petit module sympathique avec un caractère sonore bien trempé. La constitution originale de son oscillateur et son filtre multimode forment une belle paire d’outils sonores. La distorsion est utile mais un peu raide en mode paraphonique. Les modulations sont incontestablement le point faible de la machine, tout comme la connectique limitée. Pour le prix d’un plug, il apportera au musicien live un grain original et de quoi s’exprimer pour sortir du lot.
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