Musique : art ou science ?
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a.k.a
Je me pose régulièrement la question, sans jamais pouvoir y répondre. Des avis éclairés et divergents si possibles seraient les bienvenus. Il est bien entendu que ce topic ne concerne que la musique, et en aucun cas la peinture ou la sculpture. Il n'est bien sûr pas interdit de citer des oeuvres pour étayer son propos, mais notre "objet d'étude" reste la musique
Il est évident que j'attends des positions solidement argumentées , courtoises et bienveillantes (même si je sais qu'à un moment ou à un autre, ça va chauffer...).
J'ouvre le débat :
En considérant l'exemple du dodécaphonisme, peut-on dire que la musique devient une science ? Pour moi, oui car le microcosme "organisationnel" qu'est la série dans l'organisation macrocosmique qu'est déjà la musique relève d'une scientificité : il faut recenser les occurences de chaque demi-ton afin de ne pas le répéter avant l'exposition de la série entière, se tenir à un principe compositionnel strict. Même dans le traitement de la série, par exemple en la rétrogradant, il faut le faire strictement. Cela ne relève-t-il pas d'une certaine scientificité ?
Cette remarque s'applique également dans le système tonal, puisqu'on ne peut rien écrire sans tenir compte de ce qui précède. Le seul art serait-il dans le Tristan de Wagner et dans le post-romantisme (période charnière entre la tonalité et l'atonalité ?
karlos73
En d'autres termes on peu avoir l'idée geniale sans forcement l'appliquer de maniere genial, et vice versa. Or c'est dans l'application (la concretisation) de l'idée que se révèle la beauté... ainsi, même si on s'en accommode avec le temps, le concept du "beau" reste, d'une manière ou d'une autre, intrinseque à la condition de genie, et cela que ce soit en art, en litterature, en philosophie comme en science : une equation revèle sa beautee dans sa construction, le genie qui en decoule est son resultat, mais sans construction, point de resultat, sans beauté point de genie, E=mc2. c'est pour cela que je ne suis pas d'accord avec cette phrase d'Autour du temps :
Citation : Il n'importe pas que l'oeuvre soit belle pour être géniale
Cela dit nous sommes d'accord pour partir du postulat que ce qui est beau n'est ni forcement academique, ni convenue, et les frontieres entre laideur et beaute sont tres tres relatives.cyrod
Citation : Il n'importe pas que l'oeuvre soit belle pour être géniale ; il importe qu'elle soit géniale pour être belle.
Je ne crois pas, enfin pas tout-à-fait. Les définitions de beauté et du génie sont peut-être trop floues, ou trop riches, pour se définir mutuellement.
Mais j'aimerais apporter un autre éclairage sur le sujet, qui commence presque HS, mais finit par rentrer dans les rangs, vous inquiétez pas.
Ce qu'on qualifie de beau... déborde nettement de la catégorie des oeuvres humaines. Beaucoup de phénomènes naturels produisent de la beauté. Paysages, coucher/lever du soleil, nuages, aurore boréale, cristallisations, les mécanismes de transmission de la vie, un papillon, un atoll du pacifique, e=mc², les nuages interstellaires, les grands sentiments, l'odeur d'une fleur...
Ma conviction est que les oeuvres qu'on trouve belles sont en fait celles qui nous évoquent directement une réalité naturelle ; que ce qui nous touche est ce qui met en résonance notre réalité profonde.
Science et art ont en commun ce pouvoir. Pour moi, ce sont deux aspects du même processus intellectuel ; il n'y a qu'une différence d'intention. La musique peut alors procéder de l'une ou de l'autre, suivant l'intention du musicien ou de l'auditeur. J'écoute un morceau pour mon pur plaisir ? c'est de l'art. Je l'écoute pour l'analyser et/ou le rejouer ? c'est une science.
Head Minerve
La beauté de toute chose ne semble pas dépendre de sa fonction, ni de sa nature, mais de ce qu'elle renvoie vers son auditeur, spectateur etc...
C'est à dire l'homme.
Le beau par là, réside dans chaque chose, puisque l'homme a cette sensibilité de trouver beau n'importe quoi.
Anonyme
Citation : J'écoute un morceau pour mon pur plaisir ? c'est de l'art. Je l'écoute pour l'analyser et/ou le rejouer ? c'est une science.
Je ne suis pas d'accord avec cette formulation.
1) On peut faire de la science par plaisir et même trouver de l'art dans la formulation d'une théorie par exemple, en particulier quand elle colle parfaitement à l'expérience. L'application des "règles de l'art" n'est ni plus ni moins que l'application rigoureuse de techniques qui on fait leurs preuves (autrement dit techniques sur lesquelles la science de l'ingénieur a pu établir les lois).
2) Ecouter un morceau de musique pour l'analyser n'en fait pas une science. C'est un peu confondre la science et son objet. La science de la musique, c'est (entre autres) la musicologie. La musique reste, pour moi, fondamentalement un art.
La musique utilise des règles (de mise en place rythmiques, mélodiques, sonore et harmoniques) qui peuvent faire l'objet (et qui font d'ailleurs l'objet) d'analyses scientifiques (acoustique, mathématique, sociologiques, historiques, musicologiques....). L'étude des règles c'est bien le domaine de la science alors que l'application de ces règles c'est le domaine de l'art.
Head Minerve
thegreatflow
j'ai pas encore pu tout lire, parceque ya pas mal de chose dans ce post, et je débarque juste maintenant, mais j'ai lu la première moitié déjà...
Je dirais juste une chose concernant la question d'origine, sans chercher à redéfinir les termes de la question (ce qui prend au moins les 5 premières pages du posts, bravo les gars, très intéressant à lire!!!
Deux personnes cherchent à franchir un mur.
La première creuse un trou sous le mur et arrive de l'autre coté avec de la terre sur sa chemise, le deuxième grimpe à l'arbre qui est à coté, passe par dessus le mur et arrive de l'autre coté du avec des branches et des feuilles sur sa chemise.
Qui a trouvé la solution la plus efficace?
Anonyme
Citation : Deux personnes cherchent à franchir un mur.
La première creuse un trou sous le mur et arrive de l'autre coté avec de la terre sur sa chemise, le deuxième grimpe à l'arbre qui est à coté, passe par dessus le mur et arrive de l'autre coté du avec des branches et des feuilles sur sa chemise.
Qui a trouvé la solution la plus efficace?

thegreatflow
Tu n'aimes pas ma métaphore?
Anonyme
thegreatflow
Mekanik Zain
Ne fallait-il pas sacrifier Dieu lui-même et, par cruauté vis-à-vis de soi-même, adorer la pierre, la bêtise, la lourdeur, le destin, le néant ? F. Nietzsche
cyrod
y'a une porte !
Head Minerve
Anonyme
a.k.a
Citation : Il n'importe pas que l'oeuvre soit belle pour être géniale ; il importe qu'elle soit géniale pour être belle.
tout à fait d'accord avec ça !
Alors nous avons Cyrod le kantien qui confond dans sa définition le beau naturel et le beau artistique.
On ne peut trouver de beau objectif dans la nature : les diversités subjectives ne permettent pas d'établir une règle universelle du beau naturel.
En revanche, chez Hegel, le beau artistique est supérieur au beau naturel en ce qu'il est un produit de l'esprit, or l'esprit est supérieur à la nature en tant qu'il construit délibérément des objets qu'il dote de propriétés esthétiques (postulat fondamental pour parler de l'oeuvre d'art).
Quelqu'un a évoqué le caractère intentionnel du jugement esthétique et cela me semble être une bonne voie d'investigation : peut-on mettre à jour des critères selon lesquels une oeuvre sera belle, laide, sublime, etc ? Ou bien sommes nous réduits à analyser une oeuvre dans l'intentionalité qu'elle produit chez le spectateur, l'auditeur, etc ?
Un grand merci en guise de PS à tous ceux qui poursuivent ce thread (j'espère d'ailleurs qu'ils vont rappliquer : Head, Gabou, ADT, ...)
Choc
Citation : peut-on mettre à jour des critères selon lesquels une oeuvre sera belle, laide, sublime, etc ?
Le jugement est subjectif pour le oeuvre artistique . Est ce une bonne solution de dresser une liste de critère dans le but d'uniformiser, de formater le jugement esthetique. je pense pas la beauté de l'art est intrinsequement subjective, c'est un rapport entre son createur et son spectateur, l'influence social doit etre bani, chacun a ses critere et ca c'est magique.
Citation : Ou bien sommes nous réduits à analyser une oeuvre dans l'intentionalité qu'elle produit chez le spectateur, l'auditeur, etc ?
Chose difficile, pour dire ca, il faut deja emettre l'hypothese que ce que l'oeuvre produit chez un auditeur est similaire quelque soit l'auditeur. Cette hypothese me parait fausse, un auditeur va reagir en fonction d'un vecu tres personnel, d'une culture qui lui est propre etc...Apres faut voir ce que tu entend par intentionalité. L'intentionalité ne peut marcher que dans le sens createur vers createur a mon avis (le createur peut arriver a comprendre et a reproduire certaines de ses sensations). Pour le sens createur -> auditeur ca me parait beaucoup trop complexe.
Site personnel: https://www.enib.fr/~choqueuse/
a.k.a
Pour l'intentionalité, j'entendais celle du spectateur. L'intentionalité ne s'exprime que dans un rapport du sujet à l'objet, et pas du sujet au sujet, elle est fondamentalement subjective :
Citation : Chose difficile, pour dire ca, il faut deja emettre l'hypothese que ce que l'oeuvre produit chez un auditeur est similaire quelque soit l'auditeur. Cette hypothese me parait fausse, un auditeur va reagir en fonction d'un vecu tres personnel, d'une culture qui lui est propre etc...
C'est pourquoi je parlais d'intentionalité, dans la mesure où l'auditeur (pour le cas de la musique) insuffle sa propre finalité dans l'oeuvre, ce qui l'amène à formuler un jugement de goût entièrement subjectif.
Choc
Citation : l'on puisse les appliquer particulièrement ;: la richesse harmonique/rythmique dans le cas d'une oeuvre savante, la recherche sonore dans le cas d'une musique élctronique, la poétique des paroles dans une chanson, etc.
La c'est un jugement technique je trouve. Oui on peut avoir ce jugment technique et rester dans l'objectivité. Mais perso, les criteres techniques ne represente qu'une partie minuscule de l'oeuvre ?!?
Site personnel: https://www.enib.fr/~choqueuse/
a.k.a
Pour mon histoire d'intentionalité, un petit extrait pour mettre les choses au clair :
"Nous n'avons pas d'autre manière de savoir ce que c'est qu'un tableau ou une chose que de les regarder et leur signification ne se révèle que si nous les regardons d'un certain point de vue, d'une certaine distance et dans un certain sens , en un mot si nous mettons au service du spectacle notre connivence avec le monde. Le sens d'un cours d'eau, ce mot ne veut rien dire si je ne suppose pas un sujet qui regarde d'un certain lieu vers un autre. Dans le monde en soi, toutes les directions comme tous les mouvements sont relatifs, ce qui revient à dire qu'il n'y en a pas. Il n'y aurait pas de mouvement effectif et je n'aurais pas la notion du mouvement si, dans la perception, je ne laissais la terre, comme « sol » de tous les repos et de tous les mouvements en deçà du mouvement et du repos, parce que je l'habite, et de même il n'y aurait pas de direction sans un être qui habite le monde et qui, par son regard, y trace la première direction-repère. Pareillement le sens d'une étoffe ne s'entend que pour un sujet qui peut aborder l'objet d'un côté ou de l'autre, et c'est par mon surgissement dans le monde que l'étoffe a un sens. De même encore, le sens d'une phrase, c'est son propos ou son intention, ce qui suppose encore un point de départ et un point d'arrivée, une visée, un point de vue. De même, enfin, le sens de la vue c'est une certaine préparation à la logique et au monde des couleurs. Sous toutes les acceptions du mot sens, nous retrouvons la même notion fondamentale d'un être orienté ou polarisé vers ce qu'il n'est pas [...]. Le monde est inséparable du sujet, mais d'un sujet qui n'est rien que projet du monde, et le sujet est inséparable du monde, mais d'un monde qu'il projette lui-même."
MERLEAU-PONTY
Phénoménologie de la Perception, III, 2 (la temporalité), éd. Gallimard, coll "tel", p. 491
Head Minerve
C'est extrémiste, mais pourtant j'invente pas cette idée d'"homme supérieur"; apparu en philosophie et en musicologie, comment donner du poids au public auditeur s'il n'est pas artiste lui-même ?
Il faut alors accepter que le non-artiste est sensible à l'art, et que cette sensibilité est une qualité pour juger l'oeuvre d'"art" ou non. Dans ce cas, le spectateur est sur-homme dans la compréhension (tout comme l'artsiste, enfin je suppose), mais homme normal (mouton ?) dans l'action.
Par contre si on juge l'artiste étant le seul à pouvoir juger l'artiste (d'où conflits entre musiciens d'écoles et autodidactes), alors là on estime en intrinsèque que le public n'est que mouton qui ne sait apprécier la valeur de ce qu'on lui donne, en bien ou en mal...
On arrive dans ce cas à l'élitisme,
Hors sujet : qui me fait penser aux castes, aux tribus, aux peuples qui conservent leurs chants rituels ou traditionnels, étant les mêmes depuis des lustres, et restant enfermés (je me trompe peut-être, mais ce sujet m'intéresse, pourquoi cette fermeture d'esprit, anti-évolutive ? la réponse est peut-être simple, mais ça me vient comme ça...).
J'en viens aussi à la notion de "victime" : qui de l'artiste ou de l'auditeur est victime de l'[in]compréhension de l'autre ?
a.k.a
Citation : C'est extrémiste, mais pourtant j'invente pas cette idée d'"homme supérieur"; apparu en philosophie et en musicologie
Euh...attention quand même : si tu as vu ça chez Nietzsche, tu sais qui a eu recours à ce genre d'arguments après....
C'est sa soeur, mariée à un dignitaire nazi qui a rassemblé des textes de Friedrich sous le titre "La volonté de puissance" pour appuyer les arguments d'Hitler. Hors-contexte, ça ne signifie rien.
Si l'artiste est le seul à juger l'artiste, son travail n'a aucun poids, il me semble, car aucun de nous n'est alors digne de prter un jugement sur toute musique que l'on considère comme de l'art.
Pour ta question, je crois que la réponse tient en un examen de la formule "le poids des traditions", tout simplement !
Head Minerve
C'était juste histoire de creuser si possible.
a.k.a
une réaction à l'intentionalité peut-être ?
julbul
Citation : Quelqu'un a évoqué le caractère intentionnel du jugement esthétique et cela me semble être une bonne voie d'investigation : peut-on mettre à jour des critères selon lesquels une oeuvre sera belle, laide, sublime, etc ? Ou bien sommes nous réduits à analyser une oeuvre dans l'intentionalité qu'elle produit chez le spectateur, l'auditeur, etc ?
Je viens seulement de découvrir cet intéressant sujet mais je ne serais pas long aujourd'hui (déjà beaucoup cogité dans le journée).
Je n'ai pas encore tout lu (juste les premières et 2 dernires pages), mais s'éveillait en moi également cette notion d'intentionnalité. Mais malgré tout il me semble que, comme tout le reste, cela pose aussi un problème: en effet, malgré le premier post dans lequel lebat indique que ça question porte uniquement sur la musique, nous sommes bien obligés d'en passer par la question de l'art (puisqu'on pense la musique comme de l'art)... mais le problème va donc être de savoir comment ne pas déborder de l'art avec cette question d'intentionnalité. On le voit bien au fil de ce thread, qu'on parle d'art ou de science, on ne tombe finalement pas d'accord sur une seule et unique définition. Je disais donc: comment ne pas sortir de l'art avec cette question de l'intentionnalité? Car évidemment le "risque" est de qualifier d'artistique telle ou telle démarche ou d'oeuvre d'art tel ou tel objet (si je peux me permettre), d'après sa propre perception dudit objet ou de ladite oeuvre. Ainsi comment refuter Jean lorsqu'il exprime sa sensation d'être face à de l'art lorsqu'il écoute... allez tiens: la dernière soupe de la star academy? Mis à part les plus provocateur ou les plus embettant, je pense que presque personne sur ce thread ne la pensé comme une oeuvre d'art. Mais du coup (c'est génial comme la pensée ne nous emmène jamais là où on le voudrait ou peut-être du moins pas directement) on en vient au problème du jugement de valeur, car c'est bien de cela qu'il s'agit. On va donc repasser par l'intentionnalité, la question de la définition de l'art... on tourne en rond (enfin moi du moins).
Bon, je me suis perdu là.
Pour faire une pause je relis un peu les posts suivants:
Citation : l'influence sociale doit etre bani
je ne dirais pas que c'est un idéal utopique mais je pense que tu ne peux pas affirmer aussi facilement une chose comme ça. Simplement en raison de l'accès à l'oeuvre (sans même parler financièrement, mais simplement géographiquement par exemple)... ou alors sans même parler d'influence sociale peut-être au moins peut-on parler d'orientation de "canalisation" exercée par la société... une sorte de guide mais cependant non pas dépassable... si tu le désires ou peut-être si tu en as les "moyens"... en fait du coup je ne sais plus non plus....
je reviendrais plus tard
bonne continuation
a.k.a
merci de te joindre à nous.
Une petite précision d'ordre othographique : intentionalité ne prend qu'un seul "n", tout comme rationalité.
tu soulèves un point intéressant, mais je ne crois pas que nous tournons en rond et je pense que tu le remarqueras en parcourant le thread avec un oeil neuf...
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