Répéter sur la route, en vacances, au travail (caché sous son bureau)... Depuis plus de 10 ans, Vox s'est fait une spécialité des mini amplis à pile, avec sortie jack ou directement intégrés dans un casque. Alors, en 2021, cette nouvelle série de casques VGH, qu'apporte-t-elle de nouveau ?
On connaît l’histoire : depuis le début des années 2000, dix ans après son rachat par la marque Korg, la filière Vox a fortement diversifié son offre dans le domaine de l’amplification, en s’investissant en même temps dans la modélisation, les amplis d’usage domestique, les amplis de poche (AmPlug) et les casques/amplis (AmPhone) tout en continuant de produire des amplis à tubes…
Et pour le NAMM 2021, Vox – en partenariat avec Audio Technica – se propose de faire du neuf avec du vieux : la sortie d’une nouvelle série de ses casques AmPhones, originellement produits depuis 2012, et pas particulièrement en rupture stock depuis. Au passage, Vox renouvelle un peu la gamme : ils proposent 3 modèles de casque (au lieu de 4), dans la même lignée sonore que la série précédente, à savoir un casque copiant leur célèbre AC30, un casque promettant des accentuations plus rock (typé gros stack année 90), et un modèle spécialisé basse embarquant un compresseur.
Revenons en arrière : en 2012, les AmPhones constituaient la continuation logique de leur populaire AmPlug – c’est l’intégration de l’ampli casque directement dans le casque. Quoi de plus évident ? D’autant plus intéressant qu’on peut aussi s’en servir comme un simple casque classique. Mais, déjà la crainte était exprimée par certains : en proposant un casque unique, le fabricant ne risquait-il pas de limiter encore plus les possibilités du modeste ampli de poche ?
Qu’y a-t-il donc de nouveau en 2021 ? Et à que nous réserve cette mise à jour ?
Déballage et prise en main
Au premier regard, on comprend que peu de choses ont changé : l’habillage du casque en lui-même est exactement le même que sur la série AmPhones, c’est-à-dire presque 100% plastique (à part un léger renforcement en métal de l’arceau). Le casque est léger et confortable, ce qui est très agréable, mais donne la mauvaise impression d’un manque de robustesse : cette fragilité est particulièrement apparente pour le câble (une critique déjà formulée sur les modèles précédents), trop fin – diamètre de moins de 2 mm – non détachable et, contrairement modèle de 2012, qui se finit par un jack serti 6,35mm, sans possibilité d’adaptation à la taille inférieure (enfin, disons que vous achèterez l’adaptateur vous-même !).
Quelques petits détails esthétiques apparaissent : les versions antérieures changeaient de couleur selon le modèle ; les nouveaux sont tous exactement les mêmes à part un anneau coloré, et une plaque arrière d’écouteur différente, qui les distinguent . D’ailleurs, tout semble indiquer la diminution des coûts de production : non seulement chaque casque est embarqué dans un même habillage (avec seulement quelques pièces pour les différencier), mais ils sont également présentés dans des boîtes similaires sur lesquelles le modèle est seulement notifié par un autocollant. Ça sent l’économie.
On pose le casque sur les oreilles et l’on découvre une bonne isolation phonique. Sur ce point Audio Technica/Vox s’en tirent très bien. Pour ce qui est de la maniabilité de l’objet, ce n’est ni plus pratique ni plus compliqué que précédemment : on est à la fois sur du plug and play très évident, mais avec toujours les mêmes petits potentiomètres difficiles à manier. On ne risque pas de les dérégler, mais, en même temps, on a déjà du mal à les régler. On remarque également le passage des contrôles et de l’amplificateur à l’oreille droite. Alors, oui, pour les droitiers le câble est en effet situé du bon côté par rapport au jack de sortie de l’instrument, en revanche l’objet rompt avec la norme qui identifie l’arrivée du câble avec l’oreillette gauche (présent dans tous les casques sur le marché). En version casque audio, on risque d’inverser la stéréo.
Sonorité
À quoi doit-on s’attendre au point de vue du son ? Bien sûr, on est sur quelque chose de très proche de l’AmPlug AC30 version 2 (on mettrait notre main à couper qu’il s’agit grosso modo du même ampli embarqué). Chaque casque présente trois contrôles, similaires à ceux du petit ampli dont il s’inspire : gain, tonalité et volume. Le bouton de volume est très réactif : j’ai difficilement pu dépasser le niveau 2 (sur 10) sans avoir eu l’impression de me faire saigner les oreilles. L’AC30 original est connu pour être trop lourd et trop puissant – sa version casque conserve au moins une de ces deux caractéristiques…
On note tout de suite, sur la version VGH-AC30, que l’ampli produit du crunch même avec le gain à zéro – impossible donc de retrouver les sonorités clean de l’ampli original. La version « Rock » présente juste un gain plus élevé qui, poussé à fond, ressemble plutôt à une fuzz bien grassouillette. La version « Basse », quant à elle, ne sature pas, et est dotée d’un compresseur plutôt efficace (à partir du milieu de la course du potard environ), mais aussi d’un souffle très marqué (son profil sonore semble être celui d’une bosse dans le grave, complétée par une bosse dans l’aigu – au-dessus de 5K pour accentuer les attaques). Son résultat sonore, malgré le souffle, nous a paru probablement le plus convaincant des trois casques.
Ne nous y trompons pas cependant, il n’y a pas de miracle à attendre d’un petit amplificateur fonctionnant sur 3 volts. Les meilleurs compliments, justifiés, qu’on peut leur faire seraient :
- Leur capacité à réagir à l’attaque et au volume de l‘instrument : en mettant pas mal de gain (au moins 6) et en jouant sur les attaques, on obtient un son assez organique, assez riche harmoniquement. Attention cependant, le gain ajoute du souffle.
- Et surtout son caractère très pratique : les casques VGH n’offrent peut-être pas les qualités réelles d’un ampli, mais ils permettent une imitation correcte, en toute circonstance, et donc facilitent le travail des musiciens.
Il s’agit donc clairement à nos yeux d’un objet de travail, dont la plus grande qualité est la facilité de prise en main et de transport.
Quid du casque en lui-même alors ? C’est à la fois la bonne et la mauvaise idée de cette série : le casque concocté par Audio-Technica, comme nous le verrons lors du test, donne des résultats tout à fait convaincants pour une écoute de loisir. C’est un bon casque, sans prétention. Cependant, on perd ce que l’on appréciait dans l’AmPlug : la possibilité de chercher le casque adéquat pour rendre le meilleur son possible.
Pour finir sur ce sujet, et avant de passer au test, notons que les effets sont assez inutiles : le chorus est trop subtil et n’est vraiment perceptible qu’en fin de course du potard ; le délai souffre d’un rate non réglable ; la réverbe s’en tire le mieux des trois, avec un son qui de spring (numérique) assez crédible.
Écoute
Richard Hawley – Don’t Get Hung Up In Your Soul (sur Truelove’s Gutter)
Une ballade acoustique, avec beaucoup de réverbe et une différence de dynamique importante entre la voix et la guitare. On remarque d’abord une voix avec du coffre, soutenue par des hauts médiums bien précis, plutôt mis en avant. On remarque cependant, et en particulier sur la guitare sèche, un manque dans les aigus, qui laisse présager une courbe descendante à partir de 10 kHz. On est d’ailleurs pas trop impressionné par le suivi des réverbes (sur la voix, la scie musicale), qui est rendue difficile par la courbe du casque. Du côté de la contrebasse, on a en même temps un instrument très en avant (bosse au-dessus de 60 Hz) et un manque assez marqué de détails (avec des attaques étouffées).
Sun Kil Moon – Butch Lullabye (sur Love Is As Common…)
Sur l’intro, on doit entendre à la fois les notes graves, les harmoniques médiums ajoutées par la distorsion, l’attaque légèrement piquée des notes, tout en séparant bien la grosse caisse qui sonne assez sèche et médium. La basse est très en avant, peut-être un peu trop dans son équilibre avec la batterie, mais le casque s’en sort très bien sur les notes les plus profondes, proches de l’infrabasse. C’est rare ! Nous n’avons pas le sentiment que la batterie, par exemple le kick, soit pour autant noyé – juste un peu en retrait. Là encore, la voix masculine, est bien timbrée et très en avant… avec un léger manque d’articulation dû à la pente au-dessus de 10 kHz. Clairement le casque ne brille pas par sa précision dans l’aigu, mais nous ne dirions pas qu’il manque pour autant de détail (on confond trop souvent aigus très en avant et définition élevée). Notons au passage : l’image stéréo est bonne.
Massive Attack – Teardrops (sur Mezzanine)
Un titre avec beaucoup d’extrême grave, mais qui ne doit jamais masquer les nombreux détails dans le haut médium et l’aigu. La basse qui double le kick sonne très profondément, même si l’on ressent là aussi un certain manque de finesse sur les résonances les plus graves du morceau – une légère impression de bouillie. La limitation dans les aigus rend une voix sans aucune sibilance, un point généralement difficile sur ce titre. On reste également assez convaincu par la précision des éléments percussifs dans la coda.
Charlie Mingus – Solo Dancer (sur The Black Saint And The Sinner Lady)
Voilà un morceau avec beaucoup de soufflants jouant dans des tessitures similaires : c’est très touffu et le but est d’essayer de discerner les timbres. À ce stade de l’écoute on commence à percevoir de façon grossière le profil du casque : une bosse dans le grave, et une bosse dans le haut médium, suivi d’une descente dans l’aigu. Le résultat ici : des cuivres dont les timbres manquent un peu de précision. En revanche, le casque VGH se tire plutôt bien du fouillis de cuivres graves présents dans le morceau, en ne les mettant pas trop en avant. La contrebasse reste ainsi, dans l’ensemble, assez claire et perceptible. Le suivi de la réverbe sur l’incursion solo du saxophone à 2:55 min n’est pas d’une grande précision. Ces quelques critiques mises à part, le casque s’en sort plutôt bien face à un morceau si complexe.
Edgar Varèse – Ionisation (New York Philharmonic, dir. Pierre Boulez)
Ici on cherche à juger de l’image stéréo et du suivi de la réverbération naturelle de la salle, qui joue sur l’impression d’espace. L’écoute se fait entre 0:30 et 1:15 min. En premier lieu, on est frappé par la qualité de l’image stéréo, avec une présence panoramique très lisible de la résonnance de chaque attaque. Un casque plus riche en aigus aurait certainement mieux rendu, ou de façon spectaculaire, la dynamique et le timbre de la caisse claire et des wood blocks. Cependant les percussions graves (gong, timbales) semblent s’ouvrir dans l’espace de l’écoute, avec une grande richesse sonore. Les passages fortissimo sont un peu plus imprécis, mais, toute proportion gardée, on note une bonne tenue du casque face aux écarts dynamiques les plus importants.
Conclusion
Finalement, notre écoute nous laisse plus convaincus du casque en lui-même, que de l’ampli qu’il intègre. On se demande donc si les points positifs ne tiennent pas plus au travail d’Audio Technica sur un casque, certes simple, mais d’une facture sonore plus qu’honnête. En ce sens, si nous ne recommanderions pas le casque pour un travail pro et semi-pro, en studio ou home-studio, il nous semble tout à fait bon pour des écoutes nomades, de loisir, et quotidiennes.
Que dire en ce qui concerne l’ampli ? Il n’y a jamais à attendre de miracle de ce genre de technologie, et aujourd’hui pour celui qui veut jouer au casque, brancher une guitare dans une bonne interface, suivie d’un bon plug-in d’émulation d’ampli et de baffle donnera de meilleurs résultats. Toutefois, il nous semble que là n’est pas le but de cet objet. Au contraire, pour nous, la seule grande réussite de ce genre de casque, c’est d’offrir une solution ultra transportable, à des musiciens de tous niveaux, souhaitant pouvoir jouer dans toutes les conditions possibles.
Reste à poser la question de la logique et de l’intérêt (autre que commercial) qui motive Vox aujourd’hui à ressortir (ou plutôt rebooter comme on dit maintenant) une série déjà existante, basée sur une technologie éprouvée, sans y ajouter quoique ce soit de nouveau (au contraire), à une époque où un ordi portable et une micro-interface permettent de faire mieux, et prennent à peine plus de place (mais coûtent beaucoup plus cher…). Sur cela, chacun choisira son camp.