Un clavier dédié aux instruments compris dans la Komplete, on en a rêvé. Et après bien des années de réflexion, Native Instruments l’a enfin fait. InKountournable ou Koup d’essai ? C’est ce que nous allons voir.
Vendus à un prix ultra-agressif et comprenant, entre autres belles choses, l’incontournable Kontakt 5 sur lequel sont basées quantité de banques de références d’éditeurs tiers, les bundles Komplete 10 et Komplete 10 Ultimate figurent parmi les produits les plus vendus en informatique musicale, toutes catégories confondues. Et après que Native Instruments a fait ses preuves en solutions hard/soft avec Traktor ou Maschine, nous étions nombreux à attendre que l’éditeur allemand se penche sur un contrôleur dédié à Komplete, un contrôleur qui puisse être utilisé pour tout type de musique, au-delà de l’electro et du Beatmaking sur lesquels se focalisent Traktor et Maschine. Bref, un clavier.
Dire que ces Komplete Kontrol S étaient attendus est donc un doux euphémisme. Et les voici qui débarquent en 25, 49 et 61 touches, à des prix que certains n’attendaient pas si hauts (499, 599 et 699 €), mais que Native justifie, du moins sur le papier, par une qualité de fabrication, des fonctionnalités et une intégration poussée avec ses Komplete. Voyons ce qu’il en est.
Pas de Komplete, pas de chocolat
Précisons-le d’emblée pour vous éviter toute déception après lecture de ce test, ces Komplete Kontrol sont réservés (pour l’heure) aux possesseurs des bundles Komplete et Komplete Ultimate en versions 9 ou 10 seulement. Vous avez la Komplete 8 ? Vous pourrez certes utiliser le clavier comme un contrôleur lambda (ça marche tout à fait), mais ne disposerez pas des fonctions avancées qui le rendent intéressant en termes d’intégration avec les logiciels du bundle : autant acheter du coup un clavier moins cher comme on en trouve chez Fatar, Arturia, Akai, Korg ou Roland. Même chose si vous ne disposez que d’un Kontakt, ou d’un Reaktor, que vous auriez acheté en dehors du bundle.
Je sais : la limitation fait rager, d’autant qu’elle n’a a pas lieu d’être techniquement, mais après tout, ce n’est pas pour rien que ces claviers s’appellent Komplete Kontrol et on croise les doigts bien fort pour que Native revoie ce positionnement à l’avenir… Pour l’heure, il faudra donc passer par une mise à jour de vos softs existants si besoin, NI proposant des offres différentes suivant que vous souhaitez mettre à jour votre Bundle (199 € pour la Komplete, 399 € pour l’Ultimate), passer du normal à l’Ultimate (699 €), ou passer d’un soft à un Bundle (réservé aux possesseurs d’un Maschine, d’un Kontakt 1–5, d’un Reaktor 2–5 ou d’un Guitar Rig Kontrol 1–5 et vendu 399 € à 799 € selon que vous souhaitez évoluer vers Komplete ou Komplete Ultimate).
Notez par ailleurs que l’achat d’un clavier ne donne pas lieu à une ristourne supplémentaire sur l’achat d’une Komplete. Un petit effort de ce point de vue serait le bienvenu, même si l’on sait que Native a pour habitude de faire de bonnes grosses promos chaque année (jusqu’à 50 % sur les logiciels), ce qui donne l’occasion à chacun de faire de belles économies. Pour l’heure, ce sont les possesseurs de Komplete 9 qui seront donc les plus avantagés, car ils n’auront qu’à débourser le prix du clavier pour profiter du Komplete Kontrol S… non sans avoir préalablement téléchargé le logiciel Komplete Kontrol qui leur est proposé gratuitement (a priori, Native a envoyé un mail avec le lien pour le télécharger et un numéro de série à tous les utilisateurs concernés).
Car oui, ces claviers fonctionnent de pair avec un logiciel qui est un peu plus qu’un driver, beaucoup plus même, au point que sans lui, le clavier perd grandement de son intérêt. Fidèle à ses habitudes et dans le sillage de Traktor comme de Maschine, Native nous propose donc un ensemble matériel/logiciel parfaitement complémentaire. Et s’il est tout à fait possible d’utiliser le soft sans le clavier, ou le clavier sans le soft, ce n’est vraiment qu’en combinant les deux qu’on profite à plein du système.
Avant de revenir sur le fonctionnement de tout cela, et sur le détail du logiciel, penchons-nous toutefois sur l’essentiel : le contrôleur lui-même.
Deutsche Qualität
Visuellement comme en termes de construction, le clavier 49 touches dont nous disposons (et qui est en tout point semblable aux 25 et 61 touches) est une réussite, rappelant sans conteste Maschine tant dans l’esthétique globale que dans les matériaux utilisés ou l’assemblage. Le Komplete Kontrol S mêle ainsi métaux et plastiques de belle qualité au sein d’un design relativement sobre si l’on excepte les LEDs colorées qui garnissent la base de chaque touche du clavier et qui, à l’allumage, font un petit chenillard rose/violet/bleu du plus bel effet, avant de se figer sur du bleu. Au-delà de ce détail, l’ensemble respire le sérieux : les potards comme les connecteurs n’offrent aucun jeu, et la lourdeur de la bête met en confiance.
Puisque nous l’évoquons, évacuons d’emblée la mention des connecteurs disponibles et qui n’ont rien de bien surprenants puisqu’ils se résument à une entrée et une sortie MIDI sur DIN 5 broches, et deux connecteurs au format Jack 6,35 permettant de brancher une pédale de sustain et une pédale d’expression. Le tout est complété, en vis-à-vis du bouton « Marche/Arrêt », par une prise USB à relier à votre ordinateur, et une prise d’alimentation pour le transfo fourni. Rien d’étonnant à cela vu que le nombre de LEDs et d’écrans embarqués ne pourrait certainement pas se contenter d’une alimentation via USB uniquement. Bref, Native assure le minimum syndical là où on aurait tout de même apprécié plus d’audace : quitte à avoir un transfo, autant en profiter pour intégrer un hub USB, à l’heure où quantité de contrôleurs ne sont effectivement plus fournis avec une connectique DIN. En pensant à ce que propose Arturia sur sa série Keylab, par exemple, on regrettera également de ne pas disposer de connecteurs supplémentaires, notamment pour pouvoir utiliser un Breath Controller. De ce point de vue, Native a donc une marge de progression, même si l’essentiel dans un clavier de contrôle demeure, évidemment, son clavier.
L’alme Fatar
Comme chez beaucoup de marques commercialisant des claviers maîtres, le clavier proprement dit est en fait fabriqué par Fatar, constructeur italien de référence dans le domaine. Il présente un toucher semi-lourd de très bonne qualité : pas de jeu au niveau des touches qui semblent » pleines », robustes et dotées d’un lest comme d’un retour qui rend le jeu à la fois agréable et précis en termes de réponse à la vélocité. Contrairement à ce qu’on voit sur les claviers d’entrée de gamme, on ne peine pas à obtenir de vrais pianissimos et toutes les nuances qui mènent au fortissimo, ce qui profite à la dynamique de jeu. Merci pour ça.
Bref, c’est du bon gros Fatar comme on en trouvait, pour ceux qui connaissent, sur les claviers Novation SLMkII. Précisons-le toutefois : le clavier, évidemment dynamique, gère l’aftertouch mais pas le pitch bend polyphonique : on n’en tiendra pas grief à Native, car cela permet au clavier de garder l’ensemble à un prix accessible, mais on ne pourra s’empêcher de songer que le premier constructeur qui parviendra à démocratiser cette technologie renverra toute la concurrence à l’âge de pierre.
Le seul regret du côté du clavier tient aux tailles proposées : si certains regrettent que Native n’ait pas proposé un 88 notes à toucher lourd, je regrette pour ma part qu’un 37 touches n’ait pas été préféré au 25 : il faudra d’ailleurs qu’on m’explique un jour le désamour des constructeurs pour ce format, alors qu’il allie compacité tout en offrant bien plus de possibilités de jeu qu’un 25 touches…
Pitch, oh mon pitch
Misant donc sur un clavier relativement classique, Native Instruments n’a pas manqué d’audace pour autant, en troquant les habituelles molettes de pitch bend et modulation contre des rubans sensitifs. Répondant au doigt et à l’œil et bien mieux que les dispositifs identiques équipant les petits contrôleurs Steinberg, par exemple, ces derniers sont disposés en vis-à-vis de deux rangées de LEDs bleues qui indiquent la valeur des deux paramètres. Cette originalité donne un petit côté futuriste au Kontrol S, mais son intérêt va bien au-delà du design, car cela autorise un comportement très différent des antédiluviennes molettes.
Si le pitch bend peut ainsi être utilisé de manière traditionnelle en glissant le doigt vers le haut ou le bas, il permet aussi d’appuyer directement sur un point du ruban pour atteindre immédiatement une valeur de pitch sans passer par les intermédiaires. Utile pour faire des « trilles micro tonales », cet aspect est d’autant plus intéressant qu’en utilisant deux doigts, on peut bender simultanément les deux notes composant la trille, à une vitesse qu’il serait impossible d’atteindre avec une molette physique. Bref, c’est très intéressant à l’usage, et ce n’est rien comparé à ce que permet de faire le ruban de modulation.
Comme pour le pitch bend, ce dernier peut se comporter comme une simple molette lorsqu’on glisse dessus, comme un moyen d’entrer une valeur en tapant directement un point du ruban ou encore… comme un modulateur « physique » ! Dans le paramétrage du clavier via le logiciel Komplete Kontrol, on peut ainsi activer un mode « physique » qui change drastiquement le comportement de la modulation. En glissant d’un coup sec dessus, on a ainsi la surprise de voir les LEDs rebondir aux deux extrémités du ruban, comme si on avait lancé une balle qui servait de modulateur. Les préférences du logiciel permettent en outre de déterminer la friction du mouvement, en sachant qu’à friction nulle, la valeur de modulation continuera infiniment de passer de 0 à 127 puis de 127 à 0, comme le ferait… un oscillateur ! On aurait préféré disposer d’un vrai bouton pour switcher d’un mode à l’autre depuis le clavier, mais c’est déjà très intéressant en l’état.
Évidemment, la chose n’est pas si innovante que cela en termes d’ergonomie, car on trouve ce genre de fonction dans quantité d’applis sur iPad (l’excellent Sliver, notamment), mais il n’en est pas moins agréable de la voir intégrée à un clavier de contrôle qui jouit, en outre, de nombreuses autres fonctions intéressantes, à commencer par 8 encodeurs rotatifs placés en regard de 8 écrans à LEDs bleues.
Contrôle complet
C’est l’un des gros morceaux de ce clavier, et à coup sûr ce qui fait une grosse partie de son intérêt comme de son prix : dans la partie centrale, 8 potards vous permettent de piloter n’importe quel paramètre de n’importe quel instrument de la Komplete, assortis chacun d’un petit écran. Comme avec l’Automap qu’on trouve sur les claviers Novation en somme ? Oui et non. Car d’un point de vue technologique, Native s’est montré moins ambitieux pour préserver l’expérience utilisateur. En effet, plutôt que de faire de la détection automatique de paramètres comme chez Novation, ce qui permet en théorie d’utiliser le système avec n’importe quel plug-in du marché, mais vous expose en pratique à de très nombreuses erreurs de détection, Native s’est appliqué à faire ses mapping à la main, instrument par instrument, patch par patch, paramètre par paramètre. Du coup, pas un seul réglage ne manque, au point qu’un mapping s’étalera souvent sur plusieurs « pages », et qu’il est possible de régler n’importe quel synthé ou n’importe quelle banque Kontakt ou Reaktor de la Komplete sans avoir à utiliser sa souris. Un régal !
On retrouve en effet un rapport beaucoup plus intuitif avec les instruments qui, de la sorte, semblent moins virtuels. En utilisant des encodeurs sensitifs, Native a en outre choisi un système très efficace sur le plan ergonomique : tant que vous ne touchez pas le potard, vous voyez le nom du paramètre auquel il est assigné, et dès que vous l’effleurez ou le tournez, vous visualisez la valeur du paramètre. Tout ça à dix centimètres du clavier, ce qui rend le passage du jeu aux réglages beaucoup plus fluide. De la sorte, on se surprend alors à jouer avec des paramètres qu’on n’avait jamais eu l’idée de toucher, découvrant ou redécouvrant la richesse de certains patches ou instruments, dans les synthés notamment. Avec l’avantage, vu que les paramètres sont affichés, qu’on ne tourne pas des boutons au hasard pour voir ce que ça fait.
Évidemment, il ne s’agit pas non plus de s’émerveiller sur quelque chose de finalement très banal et qu’il serait tout à fait possible de retrouver avec un clavier de contrôle lambda, en se tapant les mappings à la main. Cela fonctionnerait tout aussi bien en termes d’expérience utilisateur, mais réclamerait des centaines d’heures de travail : nous parlons en effet ici du nommage, du typage et de l’assignation de milliers de paramètres. À vous de valoriser cet avantage selon vos attentes, en sachant que pour l’heure, Native ne s’est préoccupé que de Native : vous voulez disposez d’un mapping aux petits oignons pour Omnisphere ? Ou pour le Diva d’U-He ? Il faudra vous le bricoler vous-même avec l’éditeur via l’éditeur Controller Editor.
Par ailleurs, au rang des défauts, on notera aussi que le côté générique de ces 8 encodeurs pour tout piloter montre parfois ses limites : lorsque par exemple, sur un patch d’Absynth, chaque pad XY se retrouve assigné à un potard pour le déplacement horizontal et un potard pour le déplacement vertical, on perd en simplicité de contrôle. « Comme sur un bon vieux Télécran », m’a souligné un ami. Tout à fait. Et dans une moindre mesure, c’est la même chose pour les sliders ou les boutons : devoir tourner un bouton pour simplement activer ou désactiver un effet, quand bien même c’est bien géré sur le début de la course du potard, n’est pas aussi intuitif que si l’on disposait d’un vrai bouton.
Le problème, c’est que le contrôleur physique, qui est fixe, doit composer avec la grande hétérogénéité des interfaces logicielles. À moins de faire un clavier pour chaque logiciel (ce qui n’est pas viable commercialement), il n’y aura donc jamais de solution parfaite, si ce n’est d’ajouter d’autres types de contrôleurs physiques (boutons, sliders, etc.), ou de passer par un système tactile multipoint, ce qui n’est plus aussi sensuel que des vrais boutons. À moins que Native ne se décide à intégrer un écran tactile par la suite, la solution la plus évidente pourrait venir d’une application tierce sur iPad/Android à l’instar de ce qu’a fait Spectrasonics pour Omnisphere.
Pas de pad
Tant qu’on est sur ce chapitre, un certain nombre d’utilisateurs reprocheront aussi à ces Komplete Kontrol S de ne pas proposer de pads. Évidemment l’idée se tient vu le nombre d’excellents logiciels dédiés au rythme qu’on trouve dans la complète : Battery, les batterie Abbey Roads, Drumlab, Action Strikes, entre autres. Outre le fait que des pads auraient encore fait monter le prix de ces claviers, le fait est que le constructeur allemand ne veut certainement pas que les Komplete Kontrol S marchent sur les plates-bandes de Maschine, organisant son offre de la sorte : vous voulez des pads ? Achetez une Maschine. Vous voulez des touches ? Achetez un Komplete Kontrol S.
Le raisonnement se tient, évidemment. Mais on ne pourra s’empêcher de souligner que Maschine est très orienté vers la musique électronique et le hip-hop, ce qui peut rebuter pas mal d’utilisateurs qui n’ont pas forcément acheté une Komplete pour faire des patterns de TR-808. Car oui, si 16 pads sont parfaits pour faire des beats façon MPC ou lancer des samples comme dans Live, on peut rêver mieux comme interface de contrôle pour piloter un Djembe virtuel, ou une batterie acoustique. Bref, il s’agira de voir comment Native évoluera sur ce point, sachant qu’à mon sens, la meilleure réponse ne serait pas d’intégrer des pads au clavier, mais bien plutôt d’intégrer ou de proposer une surface de frappe dans l’esprit de la Korg Wavedrum… Et à choisir, il vaut donc mieux sans doute que Native se soit abstenu pour tenir ses prix.
Fermons donc la parenthèse sur ce que ce clavier ne propose pas pour voir ce qu’il propose d’autres, en regardant les touches qui se situent à gauche des 8 potards et où nous attendent deux panneaux : transport dont les 6 boutons rétro-éclairés permettront de piloter votre séquenceur (Lecture, Enregistrement, Arrêt, Bouclage, Avance et Retour Rapide) et Perform qui propose trois boutons : Shift, Scale et Arp.
Arp comme arpégiateur ? Scale comme gamme ? Vous y êtes !
Un arpégiateur dans la machine ?
Oui !
Mais non, en fait… Quand je vous disais que nous avions vraiment à faire à un concept hybride matériel/logiciel, c’est sur ce point que c’est le plus flagrant.
En effet, il n’y a pas d’arpégiateur hardware dans le Komplete Kontrol S, mais il y en a un dans le logiciel Komplete Kontrol, avec la possibilité de la déclencher (en pressant la touche ARP) et de le régler depuis les 8 encodeurs (en faisant SHIFT+ARP) : on a donc l’illusion d’avoir un arpégiateur hardware, avec ses traditionnelles options, même si ce n’est, en fait, pas le cas. Complètement transparente lorsqu’il s’agit de jouer avec un instrument issu de la Komplete, cette distinction aura son importance si vous connectez un instrument hardware au MIDI Out du clavier. L’arpégiateur étant logiciel, il n’aura aucun effet sur votre synthé. Vous me direz qu’il n’y a pas de raison pour que Native ne puisse pas récupérer la sortie de son arpégiateur logiciel pour rebalancer le contenu vers la sortie MIDI Out, et vous aurez raison. Mais ce n’est pour l’heure pas le cas, pour la sortie MIDI physique comme pour celle, virtuelle, du logiciel Komplete Kontrol.
Ainsi, lorsque vous enregistrez ce que vous faites sur le clavier avec votre séquenceur, les notes arpégées ne sont pas prises en compte à la fin. Seule sera enregistrée la note que vous avez physiquement jouée sur votre clavier, ce qui réduit de beaucoup l’intérêt de la chose, non pas pour le jeu live (d’autant que l’activation et la configuration de l’arpégiateur sont partie intégrante des patches que vous pouvez sauver), mais pour le studio : retoucher les notes d’une séquence arpégiée, c’est impossible. Une mise à jour serait très souhaitable sur ce point.
Le problème est le même pour le mode Scale qui permet pourtant des choses très intéressantes. De quoi s’agit-il ? D’un système permettant de contraindre les notes à une gamme particulière, voire de générer des accords. L’idée est intéressante, car elle permet au neuneu du clavier que je suis de ne faire aucune fausse note au moment de pondre un solo en gamme pentatonique de La, par exemple, sachant que la chose est combinable avec l’arpégiateur. Et évidemment, comme avec ce dernier, pas moyen d’en profiter sur le MIDI Out, ni de récupérer les notes issues de la contrainte dans un séquenceur.
Bref, on attend que Native évolue sur ce point, en étant certain que la chose ne doit pas être si compliquée que cela. Cela n’empêche pas toutefois la fonction Scale de présenter un intérêt inattendu sur ce type de produit : la pédagogie. Car, lorsqu’on active une gamme particulière, les notes composant cette dernière jouissent d’une illumination plus forte, ce qui permet, comme sur les bons vieux claviers Casio, d’en profiter pour apprendre visuellement ses gammes, comme ses accords.
Comment ça, illumination ? Ben oui, on y vient, c’est l’autre grande particularité de ce clavier : un système que Native a appelé Lightguide.
Fiat Lux
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Chaque touche du clavier dispose en effet d’un éclairage à sa base, lequel s’avère relativement sophistiqué : la lumière émise peut être de n’importe quelle couleur (bleu, vert, rose, orange, blanc, jaune, etc.) et briller avec deux niveaux d’intensité.
Pourquoi autant de couleurs différentes ? Pas pour faire joli, je vous l’assure, mais pour faire pratique et intuitif. Au minimum, lorsque vous jouez une séquence dans votre séquenceur, le lightguide vous affiche les notes jouées en les faisant briller plus fort. Pas forcément indispensable, certes, mais plus parlant qu’un minuscule voyant témoignant d’une activité MIDI sans qu’on sache laquelle. La chose est déjà plus intéressante en mode Scale puisqu’alors, les notes de la gamme brillent plus fort pour vous montrer la voie à suivre.
Mais l’intérêt le plus manifeste de la fonction tient en un simple petit mot : KeySwitches.
En effet, lorsque vous chargez un instrument dans Kontakt, comme Session Strings Pro par exemple, vous voyez que les touches du clavier sont illuminées de la même couleur que sur l’interface de Kontakt, pour que d’un seul coup d’œil, vous puissiez voir où se situent les différents keyswitches ou touches de fonctions (rouge, vert ou orange), mais aussi les touches jouables en bleu et celles qui ne le sont pas en blanc. Voilà qui simplifie diablement la prise en main d’une banque, et son jeu en live ou sa programmation.
Au-delà de Kontakt, le Lightguide permet aussi de colorer certaines touches en fonction de leur contenu : sur la boîte à rythmes Polyplex par exemple, ou dans Battery, le chargement d’une banque permet de repérer du premier coup d’œil les kicks (rouge), les caisses claires (vert) et les cymbales/charley (jaune). Comme sur Maschine en somme.
C’est extrêmement pratique à l’usage et si vous êtes un gros utilisateur de banques de sons complexes, vous devriez adorer le confort que cela procure, même si on aurait adoré disposer d’un écran affichant le nom du Keyswitch en cours d’utilisation pour encore plus de confort.
Soulignons que cette fonction pèse sans doute, elle aussi, dans le prix de la machine : pour réaliser de tels éclairages multicolores et dont l’intensité peut varier, il ne faut certainement pas s’appuyer sur une LED de base comme on en trouve sur nos chargeurs électriques. Et cela a un coût.
Finissons toutefois par ce qui n’en a pas, puisqu’il est offert aux possesseurs des Komplete 9 et 10, soit le logiciel Komplete Kontrol dont la première fonction n’est autre que d’être un navigateur de présets.
Browser in DAW
Dans le coin supérieur droit du clavier nous attend pour finir le panneau Navigate, qui comprend une grosse molette cliquable flanquée de 10 touches, elles aussi rétroéclairées, dont la touche Browse. Une pression sur cette dernière et s’affiche… le browser ! Soit une interface en tout point semblable à celle qu’on peut trouver sur Maschine et qui permet de parcourir la totalité des instruments et présets inclus dans la Komplete. Oui, la totalité.
Plusieurs entrées vous sont proposées : par instrument (Monark, Razor, Session Strings Pro, etc.), par type (basse, orgue, percussion, etc.) puis sous-type de son (pour basse, on aura ainsi basse analogique, basse acoustique, électrique, etc.), et enfin par « Mode » (Arpégié, Accord, Monophonique, soit des sortes d’attributs du patch)…
La navigation se fait avec la molette et les touches, en sachant qu’à mesure que vous précisez vos critères, la liste de présets qui se trouve dans le volet de droite est mise à jour en temps réel. Un clic de molette sur un préset et il se charge, sachant que vous pouvez passer d’un préset au suivant ou précédent par des touches dédiées. Rien de bien original donc, surtout quand on connait Maschine, mais ça n’en demeure pas moins très intéressant, surtout lorsqu’on navigue par type ou par mode.
En effet, avec ces deux filtres, on se défait de l’habituelle façon qu’on a de bosser avec la Komplete. Ainsi, lorsque je cherche un piano électrique, par exemple, j’ai l’habitude de foncer sur Kontakt pour y charger le Wurlitzer ou le Rhodes de Scarbee. Bref, je pense logiciel au lieu de penser son. En passant par Piano/Keys dans Type puis par Electric Piano en sous-type, je m’aperçois qu’au-delà du Scarbee, il existe des centaines de pianos électriques dans Kontakt : dans le FM8 bien sûr, mais aussi dans Spark, dans Razor, Massive ou dans Photone, un instrument Reaktor dont je ne connaissais même pas l’existence.
Et c’est là où le soft est pour le coup absolument génial : il vous pousse à redécouvrir des pans cachés de Komplete, et les mille-et-une merveilles qu’on peut trouver dans ce bon vieil Absynth par exemple, ou dans Razor, les trésors méconnus de Reaktor… À l’usage, c’est vraiment agréable, même si le système n’est pas sans défaut, loin de là.
Taggle
En premier lieu, il est à noter que le taguage des sons de la Komplete est très perfectible : certains sons taggés « pianos électriques » n’ont vraiment qu’un très lointain rapport avec ce dernier. Quant aux instruments qui ressortent sur le tag « Banjo », ils n’ont vraiment, mais vraiment, rien à voir avec cet instrument pour 80 % d’entre eux (je le souligne d’ailleurs : il n’y a aucun banjo dans la Komplete Ultimate). Du coup, on aimerait pouvoir affiner le système de tri en créant ses propres tags ou en attribuant des notes, c’est malheureusement impossible pour ce qui concerne les sons de base de la Komplete qui sont protégés de toute édition. C’est d’autant plus regrettable qu’il manque des choses importantes dans ces derniers : on a ainsi un tag « Synthetic », mais pas de tag « Acoustic », par exemple.
Par ailleurs, je n’ai pas trouvé de moyen de réaliser de l’exclusion dans les filtres pour faire une requête du style « Montre-moi tous les pianos acoustiques que tu as sauf ceux qui figurent dans la banque de base de Kontakt parce qu’ils sont vraiment trop mauvais ». Là-dessus, Native aurait tout intérêt à jeter un œil à ce que fait Toontrack dans EZdrummer 2 par exemple.
Chaaaaaargez !
Au-delà de ça, bien que le tandem hardware-software donne l’impression de manipuler une vraie workstation matérielle, c’est sur les temps de chargement que l’on se rend compte qu’on est toujours sur un ordinateur : si le passage d’un préset à l’autre est parfois immédiat, il peut également prendre plusieurs secondes, en fonction de ce qui est chargé. On comprend bien, évidemment, qu’une grosse banque de Kontakt ne se charge pas comme une sinusoïde dans FM8, mais il y aurait peut-être des choses à essayer pour améliorer l’ordinaire, comme un système de cache où les instruments précédents et suivants se chargeraient en tache de fond avant même qu’on les appelle.
Gageons que si d’aventure, Native passait tous ses synthés sous Reaktor (ce qui n’est pas loin d’être le cas), on gagnerait du temps encore. Il pourrait être judicieux d’ailleurs, de la part de NI de proposer un extrait pour chaque préset, histoire de ne pas charger des choses en vain.
N’en déduisez pas toutefois que la chose pose problème pour une utilisation Live car on peut, depuis le clavier, passer d’une instance à l’autre de Komplete Kontrol : on peut donc avoir un Session Horns Pro chargé dans une instance et un Monark dans une autre et passer de l’un à l’autre en deux coups de cuillère à pot, ou plutôt d’un coup de molette. Et puisqu’on en parle…
Mon ennemi molette
Ma dernière réserve concerne ce qui, pour certains, est justement la force du système, soit le fait de naviguer dans des présets avec des boutons dédiés, ce que personnellement, je trouve certes simple, mais extrêmement laborieux par rapport à ce que permet un vrai clavier, une souris ou encore un écran tactile. Je me suis surpris à réutiliser ma souris lorsque je désirais configurer les filtres du browser pour la simple et bonne raison qu’utiliser la molette et les flèches s’avérait exaspérant à l’usage. Exaspérant de lenteur comme d’effort, un peu comme si l’on passait d’un smartphone tactile à un Nokia 3310…
Du coup, si l’idée est excellente de placer la Komplete entière sous la coupe d’un logiciel qui permet un accès plus transversal aux sons, comme Kore autrefois. Et si l’intention est excellente de pouvoir piloter ce dernier depuis le clavier, à l’heure du tactile, on aimerait bien disposer de contrôleurs un peu plus modernes : il me semble notamment que cette molette gagnerait à être remplacée par une grosse roulette à la verticale et motorisée, comme on en trouve sur les souris Logitech. C’est autrement plus commode à l’usage, tout comme un Touchpad ou un Trackball.
Des patches, des patches, oui, mais des patches à NI
Enfin, sachez que pour l’heure, toutes les joyeusetés proposées par le clavier ne fonctionnent réellement à 100 % qu’avec les instruments de Native Instrument lui-même.
En allant dans les préférences de Komplete Kontrol, on peut ainsi indiquer le chemin de banques de tierces parties, sans garantie toutefois qu’elles soient, pour l’heure, reconnues par ce dernier. Le soft a ainsi accepté d’ajouter dans sa base le Dobro Strummer de 8dio (preuve que la chose n’est pas fermée aux banques qui ne sont pas « Powered by Kontakt), l’Archtop d’Impact Soundworks, et l’EP73 de Soniccouture et l’Acou6tics de Vir2, mais il n’a pas réussi à trouver le CineOrch de CineSamples, le Cassamplerette de Rattly and Raw ni aucun des instruments d’Efimov.
Et même pour les instruments pour lesquels ça a marché, il faut souligner que si le Lightguide marche, on ne dispose d’aucune assignation des paramètres sur les 8 potards (normal, vu que c’est fait à la main et que ce sont donc les éditeurs qui devront probablement faire cet effort).
Sachant que Native a pour habitude de mettre très souvent à jour ses produits et sachant que les éditeurs tiers ont tout intérêt à proposer ces mappings, on n’est toutefois pas trop inquiet sur le fait que ces choses rentreront dans l’ordre dans les mois qui viennent.
Et la bonne nouvelle, c’est que sur les banques d’éditeurs tiers, on a la main sur les tags, avec la possibilité d’en rajouter autant qu’on veut.
Ce qui n’empêche pas un ultime regret : pour l’heure, Native s’évertue dans son logiciel à séparer ses propres banques de celle des éditeurs tiers qui sont remisées dans l’onglet utilisateur, ce qui est un parfait non-sens du point de vue du musicien : je n’ai pas trouvé de moyen de chercher dans la globalité de mes sons. Vous cherchez des cordes Pizzicato ? Il faudra donc lancer deux recherches différentes : l’une dans les instruments Native Instruments, et l’autres dans vos banques perso.
Précisons-le pour finir : il n’y a pas non plus dans le soft de moteur de recherche textuel. On ne peut pas taper piano et voir ce qui remonte : il faut au mieux jouer de la souris ou de la molette, en mode pas pressé donc…
Conclusion
Les Komplete Kontrol S étaient attendus et bien que les peintures soient encore fraîches, bien que de nombreux petits défauts agacent ça et là, il serait vraiment malvenu de ne pas saluer la réussite de Native Instruments. Au-delà du clavier lui-même qui est excellent, les encodeurs tactiles, les 8 potards avec leur écran et leurs mappings fournis pour tous les instruments Komplete, ainsi que le Lightguide constituent des originalités qui améliorent très sensiblement le « workflow » de l’utilisateur de la Komplete. Et il ne manque pas grand-chose pour que les parties Arp et Scale deviennent vraiment convaincantes à l’usage.
En pensant à la formidable évolution de Maschine ces dernières années, on attend donc de voir comment l’éditeur allemand va faire évoluer son produit, tant au niveau matériel que logiciel, pour gommer ses défauts de jeunesse et éviter l’écueil d’un Kore. À ce titre, on se demande d’ailleurs si quelque chose sera proposé ou non du côté des effets et si, côté gamme, on aura droit à Komplete Kontrol Studio (avec un écran tactile s’il vous plait) et à un Komplete Kontrol Mikro, qui reverrait quelques fonctionnalités à la baisse pour faire descendre le prix (499, 599 et 699 €).
Un prix qui, en l’état, n’est pas aussi extravagant que certains le prétendent, vu la qualité de fabrication et le coût lié à certaines technologies. Certes, ce n’est pas donné, surtout pour ce qui est du 25 touches qui est le moins intéressant des trois à mon sens (preuve d’ailleurs que ce n’est pas le clavier qui fait le prix de l’ensemble, mais bien les autres équipements). De ce fait, on comprendra tout à fait que certains se refusent à un tel investissement qui ne prend réellement son sens que pour les gros utilisateurs de la Komplete en général, et de Kontakt en particulier.
Qu’auront-ils à y gagner par rapport à un clavier lambda qui, après tout, peut très bien piloter certaines fonctions du logiciel Komplete Kontrol (le browser notamment) ? Plus de simplicité au quotidien, avec tout ce que cela peut avoir de positif au niveau de la créativité chez un artiste, ou de la rentabilité chez un pro. Et c’est tout ? Oui, mais c’est énorme et on aimerait bien que la concurrence s’intéresse un peu plus souvent à ce genre de question, car ce n’est pas aux nombres de boutons qu’on juge de la qualité d’un périphérique de contrôle, mais bien à celle de son intégration avec le logiciel. Native a bossé dans ce sens et, on l’espère, va poursuivre, car c’est définitivement sur les plans de l’ergonomie et de la simplicité que le petit monde du Home Studio et de la MAO a la plus grande marge de progression.
Mise à jour du 17 avril 2015
C’est au Musikmesse que Native a présenté la version 1.1 du logiciel Komplete Kontrol qui corrige certaines des plus grosses lacunes de ce dernier : grâce à un nouveau format NKS, le clavier est désormais pleinement compatible avec les banques d’éditeurs tiers cependant qu’on peut aussi récupérer les séquences MIDI obtenues avec les modules ARP et Scale.
Par ailleurs, les clavier de la série Komplete Kontrol se voient à présent livrés avec le sympathique bundle Komplete Select, lequel comprend The Gentleman, les synthés Massive et Monark, DrumLab, Prism, Scarbee Mark I, Solid Bus Comp, Vintage Organs, retro Machines et West Africa. Un sympathique ajout qui donne en outre accès à des offres d’upgrade vers les bundles Komplete et Komplete Ultimate (prix non encore annoncés pour l’heure). Si vous disposiez déjà d’une Komplete la chose ne vous intéressera guère, mais si tel n’est pas votre cas, alors admettons que le bundle rend l’offre de Native bien plus pertinente sur le terrain du rapport qualité/prix.
Bref, avec cette mise à jour, Native répond à l’essentiel des critiques faite sur les parties logicielles et commerciales, faisant preuve d’une réactivité qu’il convient de le saluer. Pour le reste, il faudra attendre une nouvelle version des Komplete Kontrol. Il n’en demeure pas moins, pour l’heure, que ces derniers figurent parmi les plus intéressants claviers de contrôle disponibles sur le marché, à plus forte raison si vous êtes un gros utilisateur de Kontakt.