Charvel continue de décliner ses modèles Pro-Mod avec cette série parallèle aux séries DK24. Proposant quelques variantes bienvenues, détaillons cette belle qui ne se s'adresse pas qu'aux shredders rescapés des 80's.
Loin de nous la sensation de lassitude tant les modèles Pro-Mod ont fait leur preuve. Tout d’abord américains puis japonais, c’est actuellement au Mexique qu’est fabriquée cette série dont le prix reste sous les 1 000 euros, seuil souvent fatidique pour bon nombre de consommateurs. Cette San Dimas respecte bien le cahier des charges cosmétique, les deux micros Seymour Duncan étant fixés à même la caisse en aulne sans plaque de protection. Ces micros (JB en aigu et SH1N en grave) forment un couple classique ayant montré sa polyvalence depuis des décennies maintenant et restent un gage de qualité et de confiance lors de l’examen des specs d’un instrument. Ajoutez à cela un split général désactivant une bobine de chaque micro grâce à un potard de volume push pull et vous avez virtuellement la possibilité de tout jouer. La tonalité no load offre un cran assez franc lorsqu’elle est à fond pour ne pas baisser la valeur lors d’un jeu énergique tout en bypassant totalement son influence quand elle est à fond. Un sélecteur trois positions de type blade permet de mettre en voix le micro aigu, le micro manche ou les deux micros simultanément lorsqu’il est au centre.
Le bois de la touche est en ébène, principale différence de cette nouvelle série par rapport au traditionnel érable devenu assez incontournable. Les 22 frettes sont toujours aussi bien finies et le talon de manche reste le bon gros cube classique que l’on aime ou déteste tant. Pour avoir un accès aux aigus plus profilé, il vaut mieux s’orienter vers les séries DK24 qui lorgnent plutôt du côté de chez Jackson en termes de philosophie de lutherie. L’érable du manche est renforcé par du graphite pour une meilleure stabilité et une moins grande influence des variations de température et d’humidité.
Le réglage de truss rod est de type Music Man, une petite clé allen et le tour est joué. Tellement pratique pour un changement de tirant de cordes rapide ! Pour l’accastillage, un chevalet Floyd Rose 1000 flottant est secondé par un sillet bloque cordes R2. Les mécaniques en ligne sont à bain d’huile et frappées du logo Charvel. Dans le cadre d’un sillet bloque cordes, la qualité des mécaniques n’a de réel impact que lors du montage et démontage des cordes, les fine tuners prenant le relais lorsque les galets de serrage du sillet sont bloqués. Ces mécaniques sont donc parfaites même si ce ne sont pas des Gotoh ou autre marque prestigieuse. La prise jack figure sur le côté et apparaissant un peu dévissée sur le modèle testé. Aucune gravité, il suffit d’ôter la plaque, maintenir la prise et serrer l’œillet avec une clé à pipe adaptée.
Vous êtes bien polis, Valence
À la prise en main, la guitare semble plus lourde que ses sœurs, l’aulne du corps est dense et de bonne qualité. Le feeling reste par contre typiquement Charvel avec un manche délicieux, à la fois stratoïde et plat, garant d’un confort permettant tous les jeux. Le radius est toujours compensé : aplati dans les aigus et plus rond dans les graves pour favoriser à la fois les styles rythmiques et soli. Une fois n’est pas coutume, nous allons commencer notre test par les sons crunchs. Branchée dans une tête Marshall Origin 20, seule une reverb très légère a été ajoutée. Sans le split avec les micros en mode full humbucker, c’est un régal. Réactivité, dynamique, tout y est aussi bien en rythmique qu’en solo. Le confort se trouve de plus renforcé par la touche en ébène, légende ou réalité ? Quoi qu’il en soit le sentiment de jouer sur du velours est bien présent, à raison ou pas. La musique étant une histoire de feeling, pourquoi pas avec le matériel ? Le split montre un réel plus, quelle que soit la position de micros enclenchée. Quel dommage de constater à nouveau que le type de sélecteur utilisé pour ces séries présente toujours un dead spot lors du changement de position… Cela implique un changement rapide sous peine de faire tomber le son dans un blackout choquant et anti musical. À vous de décider d’un éventuel changement pour une meilleure référence, l’objet en lui même ne coûte pas cher et tous les luthiers réalisent ce genre d’intervention banale.
En jeu aux doigts, la dynamique ne fait aucun doute. Le volume et le gain peuvent se contrôler uniquement avec l’attaque plus souple de la chair sans devoir toucher au potard ni baisser son taux de saturation. Le choix de commencer le test par les crunchs n’a rien d’anodin : cette guitare peut totalement vous prendre à contre-pied et convenir à un adepte du blues rock. Étonnant non ? C’est pourtant à mon sens la réalité.
Passons aux cleans maintenant, avec une simple compression et un peu de reverb. Sans égaler les Strat munies de véritables micros simple bobinage, force est de constater qu’elle s’en sort assez bien en funk en position intermédiaire avec le split mis en œuvre. Les changements de position apportent toujours un petit dead spot, gageons qu’avec un meilleur sélecteur tout ceci peut devenir un mauvais souvenir. Avec chorus, delay et reverb c’est bien entendu parfait, bonjour les arpèges 80's écœurants mais efficaces ! Même en micro chevalet, les aigus ne sont pas caricaturaux et sonnent très bien, domptés par la compression. En bref, les cleans et crunchs sont validés en ce qui concerne votre serviteur.
- crunchrythmique01:00
- crunchsolo01:10
- testsplitcrunch01:16
- jeuauxdoigts01:24
- cleancomp01:30
- clean80s00:52
- testpotardvolume01:14
Satur’action
Passons maintenant sur le MostrO pour déchaîner la disto. Pour le test du potard de volume, il est agréable de constater son caractère progressif malgré le fait qu’il gère le split, beaucoup de potards de ce type présentent des soucis avec crachotements, mauvaise course du gain ou autre. Point le cas ici, on peut baisser à loisir le volume et profiter d’une plage expressive réelle sous réserve de ne pas avoir réglé l’ampli comme Cannibal Corpse pour garder une certaine latitude. Profitons en pour tester le Floyd et faisons lui subir les pires outrages ! Bien réglée d’usine, il n’a fallu que serrer un peu plus les galets du sillet après stabilisation des cordes pour une tenue d’accord parfaite. La tige reste bien serrée dans son logement alors que d’autres ballottent inévitablement lors d’un jeu énergique. Hé oui, on aime retrouver sa tige là où on la laisse ! Notons la possibilité toujours présente de tirer le chevalet dans les aigus. La défonce du corps permet d’aller assez loin, attention à la casse de cordes ! Cette implantation du Floyd implique un angle du manche plus parallèle au corps alors qu’une pose en top mount oblique le manche de quelques degrés. Pour poser un D-Tuna, la réalisation d’une rigole dans le bois sera donc indispensable sous peine de voir buter l’accessoire sur la table.
Pour les leads et la rythmique, inutile de dire que l’on retrouve les caractéristiques des micros Seymour Duncan… Duo magique, les JB et SH1N arrachent tout sur leur passage. La définition des palm mutes est dantesque de même que le sustain. Parfaitement mariés avec la touche en ébène à nouveau décisive sans que l’on sache réellement pourquoi, les bois se montrent plus résonants que de coutume, l’explication vient du fait que le vernis est fin et non polyuréthane. Cette finition satinée enferme moins le bois et lui permet de mieux réagir aux vibrations. Le manche vissé conduit d’ailleurs parfaitement bien ces vibrations, la dimension de la neck pocket étant bien ajustée au talon.
En split, on peut totalement se prendre pour Ritchie Blackmore 2.0 (si le talent vient avec). Pas très friand des sons splittés d’habitude, j’avoue tomber sous le charme de ceux de cette Pro-Mod. Musicaux et gardant le même volume qu’en full humbucker, il seront tout à fait exploitables en plein jeu pour varier les sonorités. Cette proposition existait déjà dans la série précédente sous l’appellation « six pack of sounds », mettant en avant 6 sons différents. Les différences entre les mode double et single sont spectaculaires, à vous le plaisir de claquer les cordes en micro simple au manche !
- testfloyd01:10
- heavyrythmique01:22
- heavylead01:42
- heavysplit01:04
Le mix final vous propose d’écouter cette guitare en mode impro, sur un backing track. Le plaisir de jeu est évident, maman j’ai pas envie que ce test se finisse ! Très joueuse, elle inspire le musicien. Cette vertu est en général réservée aux instruments beaucoup plus chers…
La classe à Dallas.. euh au Mexique
Avec son tarif tournant autour des 850 euros, le choix de cette Charvel est totalement cohérent. Les prestations délivrées sont d’excellente tenue, la qualité des éléments ainsi que celle des bois terminent de convaincre l’acheteur. La position de Charvel est au final simple et intelligente : proposer des guitares sobres dans les specs mais terriblement efficaces et attachantes, inspirantes même. La finition est parfaite quel que soit l’angle par lequel on considère les choses. Pas uniquement réservée aux métalleux chevelus, elle affiche une très belle polyvalence dans moult styles. Les seuls éventuels regrets viennent du sélecteur, il faudra un changement de positions de micros très vif pour ne pas entendre le trou noir déjà présent sur les séries précédentes. À ce tarif par contre, impossible d’exiger un étui de nos jours (alors que les Charvel japonaises de 2010 sortaient en étui moulé SKB à 679 euros… Quelle époque !). Un choix sûr pour des heures de rock.