Ingénieur du son californien ayant travaillé avec de nombreuses vedettes américaines (au hasard Cypress Hill et Korn), Rob Hill répond à nos questions dans une interview où l'on parle de Nuendo, de plug-in VST et bien sûr, de sessions studios.
Je t’ai rencontré sur internet via le forum de Nuendo. Quelle est ton utilisation de ce séquenceur ?
J’utilise Nuendo pour l’enregistrement, l’édition et le mixage. Pour le mastering j’utilise Wavelab.
Pourquoi l’as-tu choisi ? Par exemple par rapport à Pro Tools.
Il y a des tonnes de raisons, mais à la base lorsque l’on m’a demandé de travailler sur l’album « Intouchables » de Korn, Nuendo était le seul à pouvoir gérer un nombre conséquent de pistes avec une résolution en 24 bits/ 96Khz. À l’époque Pro Tools ne proposait que le 48Khz.
Quels effets VST utilises-tu et dans quels types de situations ?
C’est une question à double tranchant… J’utilise quelques effets VST, mais je pense surtout qu’enregistrer correctement permet d’utiliser moins d’effet, je veux dire que je préfère appliquer les effets après plutôt qu’à la prise. S’il y a vraiment un problème par rapport à un effet à recréer, je préfère réenregistrer.
Pourrais-tu donner à nos lecteurs des astuces à propos des effets VST que tu utilises et des conseils pour les gens qui ont peu de moyens ? Par exemple pour des voix hip-hop ou pour des gros sons de guitare.
J’apprécie particulièrement la compression multibande… J’utilise énormément l’égalisation native de Nuendo. Cela dit, c’est important d’égaliser pour filtrer et non pour augmenter une fréquence. Le LA2A est mon compresseur/limiteur préféré pour les voix. Je l’utilise aussi pour les guitares basses et les caisses claires. Je me sens souvent coupable d’utiliser trop d’effets juste parce que je les ai sous la main. Parfois, le meilleur mix sort juste d’un équilibrage des prises.
Utilises-tu aussi des instruments VST ? Si oui, lesquels ?
Je me sers de LM4 mkII et de Halion en permanence. Ce sont vraiment d’excellents outils simples à utiliser. J’aime aussi certaines émulations de vintage de chez Native Instruments comme le B4 ou le Pro52.
Drumagog et DSP
J’ai lu que tu étais un grand fan du ‘drum replacement’ (NDLR : Remplacer/doubler les sons d’une prise batterie avec des samples), particulièrement en utilisant Drumagog. Peux-tu nous en parler ? Quelles sont les limites selon toi de cette technique ?
Drumagog est probablement une des meilleures inventions dans le domaine de l’audio numérique! Pour être complètement honnête, je ne pense pas qu’une prise classique de batterie ait assez de puissance ni de clarté pour être compétitive pour tout ce qui est hard rock ou métal. Je n’utilise pas Drumagog pour remplacer les sons mais plutôt pour doubler les grosses caisses et les caisses claires sur une bonne prise, pour ajouter du ‘POW !’. En ce qui concerne les limites, je ne vois pas les choses comme ça… Je regarde ce qu’un outil peut faire, pas ce qu’il ne peut pas faire…
Tu utilises l’UAD-1 d’Universal Audio (NDLR : c’est une carte de traitement à DSP), pourquoi as-tu opté pour cette solution ? Quand est-il des autres telles que la Powercore ?
J’adore L’UAD-1 ! Universal Audio sont les meilleurs de par leur connaissance du matériel. Le LA2A et le 1176 sont vraiment les meilleurs compresseurs de l’histoire. Mais j’ai aussi une Powercore sur laquelle j’apprécie énormément la ‘classic verb’.
Pourrais-tu nous en dire plus sur ton approche de ta station de travail ? Ta configuration, tes outils, tes habitudes.
Il n’y a rien de bien particulier dans ma configuration, j’essaye de travailler confortablement. J’ai deux écrans 20 pouces et un fauteuil Herman Miller. J’ai deux systèmes d’écoutes surround en 5.1, un Blue Sky et un Tannoy.
Quels sont les résolutions et les taux d’échantillonnage avec lesquels tu travailles ?
Si je produis un album entier de Pop ou de Rock en général je travaille en 32 bits/ 88.2Khz. Mais si jamais c’est pour un projet qui demande moins de précision sonore par exemple du Hip-Hop ou du Punk et que l’artiste n’y attache aucune importance je vais plutôt me tourner vers le 24 bits/ 44.1Khz. Je trouve que le résultat est meilleur au niveau de la somme des pistes lorsque l’on travaille avec des valeurs élevées. Mais très honnêtement la différence audible reste pour le moins subtile. Avec toutes les compressions et les effets empilés, on écrase totalement le mix, on perd alors énormément de clarté dans le rendu. Travailler en 32 bits/ 88.2Khz me semble le choix le plus logique. Après tout, s’il faut convertir au final en 16 bits/ 44.1Khz cela n’a-t-il pas plus de sens que le programme ait juste à diviser par 2 ? Bob Clearmountain m’avait expliqué cela il y a quelques années..
Projets et studio
En quoi ton approche diffère-t-elle entre le travail pour un album de Korn et celui pour un album de Hip-Hop ? Utilises-tu des effets et des réglages différents ?
Tu pourrais être surpris d’apprendre que je gère la plupart de mes projets de la même manière… Les principes fondamentaux des musiques actuelles sont foncièrement les mêmes. La batterie ou le beat doivent être ‘sautillants’ et les voix doivent être claires et présentes. Tu veux que chaque instrument serve sa partie afin d’obtenir le meilleur résultat. La chanson en elle-même reste le facteur essentiel. Le plus important est de rester fidèle à l’esprit du morceau.
Tu as aussi bien travaillé pour Queen que pour GZA ou Korn, tu dois à priori avoir de nombreuses techniques pour la prise et le traitement de la voix. Aurais-tu des conseils à donner par rapport à cela ?
Le bon micro est différent pour chaque voix. Ma technique consiste dans le choix d’un micro à large diaphragme de bonne qualité avec bien sur un antipop. Parmi les micros que j’utilise le plus il y a le AT 4047 et le Sound Deluxe U-99. Honnêtement, il y a beaucoup de bons micros fabriqués en Chine… Je suis très impressionné par la gamme de chez SE. Après, pour tout ce qui est Neumann ou Telefunken, si je dois enregistrer Nora Jones ou Madeleine Peroux je serai bien entendu plus intéressé par ce genre de micros de haut niveau, mais pour de la musique pop, la différence ne serait pas perçue par les auditeurs.
Peux-tu nous en dire plus sur ton rôle de coordinateur en studio ?
Rester concentré sur le travail à faire, ne jamais perdre de vue que tu es en train de travailler sur une chanson, ne jamais laisser les comportements ni les ego entraver la qualité du résultat.
Peux-tu nous donner tes méthodes de gestion d’une session où il y a par exemple plein de rappeurs aux styles différents comme quand tu as travaillé sur l’album Soul Assassins de Muggs ?
Tu dois considérer chaque artiste individuellement et comprendre ce dont chacun a besoin. C’est important qu’ils soient à l’aise et confortables, mais tu dois nécessairement être respecté pour ce que tu fais et ne jamais laisser un artiste te marcher dessus.
As-tu déjà rencontré des difficultés par rapport à cela ? Par exemple lorsque tu travailles avec de fortes personnalités comme celles des membres du Wu Tang Clan ?
Comme je l’ai dit précédemment, c’est important d’aider l’artiste, de ne jamais dramatiser la situation. Il faut toujours faire au mieux même dans les cas difficiles afin que le meilleur résultat possible soit obtenu..
Ingé son et musicien
Comment cela se passe dans le cadre d’une session avec un producteur comme DJ Muggs (Cypress Hill) ? En général, les gens comme lui viennent avec des sons issus de machines telles que des samplers. Quelle est ton approche ?
Effectivement, c’est une rencontre entre l’ancienne et la nouvelle école. Il a des idées de beats dans sa MPC, j’enregistre piste par piste puis on quantifie le tout dans Nuendo. Au cas où tu ne le saurais pas, même avec une synchronisation midi, la MPC va se décaler au bout d’un moment. Donc, il vaut mieux prendre quatre ou huit mesures et les boucler. Ça permet aussi d’économiser de l’espace disque. Ensuite, je programme toutes les parties midi dans LM4 puis je choisis d’ajouter d’autres sons. Parfois j’utilise Drumagog pour cette tache.
Tu as aussi travaillé en tant que sound designer pour East/West (banques d’échantillons). Peux-tu nous parler de cette expérience ? Quelles sont les différences entre le fait de travailler sur un album et sur une banque d’échantillons ?
J’étais plutôt un ‘gardien des sons’… Je mettais en place le passage aux formats issus des logiciels en triant les sons ainsi qu’en en cherchant des nouveaux. A l’époque de mon arrivée c’était le règne d’Akai, je les aidé à évoluer vers les nouveaux formats, créer des librairies d’échantillons c’est un peu comme regarder la peinture sécher ! Il s’agit plus d’organisation que de créativité.
Outre ta participation à l’enregistrement, au mixage et à l’ingénierie en général, tu es crédité en tant que musicien pour la guitare, la basse, les synthés et la programmation des parties batterie sur l’album ‘Till Death Do Us Part’ de Cypress Hill. Comment cela s’est-il passé ?
Quand tu es en studio et qu’il y a besoin d’une partie à rajouter et que tu peux la faire et bien fais-le ! Pourquoi perdre du temps et de l’argent à attendre que le musicien de studio arrive quand c’est quelque chose que tu peux gérer en quelques minutes ?
Quels synthétiseurs et matériel as-tu utilisés concernant la programmation batterie ?
Toujous LM4 mkII, Halion, le B4 et le Pro52 mais aussi le Model E. J’ai également utilisé une MPC 3000, le Micro Korg, de vieux Moog et une multitude de synthés et de modules.
Et concernant les guitares et les basses ?
J’ai une grosse collection de guitares et d’amplis. La plupart des parties guitares ont été jouées sur ma Fender Stratocaster Custom et sur ma réédition de Les Paul Black Beauty 68. Ma basse principale est une Fender Precision Bass équipée de micros Seymour Duncan. J’ai également une collection de têtes Marshall vintages et quelques amplis Krank récents. Sinon, je fais pas mal de prises directement avec des logiciels comme Warp, Tubeflex ou Nigel
En quoi le fait que tu sois musicien change ta vision d’ingénieur du son ?
Je peux tout de suite savoir si une prise ou une partie craint vraiment, ou si jamais il y a un problème de tonalité. Ça me permet aussi de donner des idées concernant les arrangements, les mélodies…
Chez lui et sur le net
Peux-tu nous dire comment est conçu ton studio ?
Mon studio personnel est loin d’être ce qui se fait de mieux, c’est en fait également le lieu où je vis… Je dois gérer l’espace de travail et l’espace de vie… J’ai transformé mon garage en salle de contrôle, il n’y a rien de particulier si ce n’est le traitement acoustique. J’ai une batterie Tama ‘Star Classic’, le tout est relié à ma cuisine où j’ai un ordinateur servant à l’enregistrement qui est opérationnel de jour comme de nuit. J’ai dans mon salon l’ordinateur sur lequel je mixe et ils ne sont pas mis en réseau… Je trouve plus simple de me balader avec un disque dur FireWire. Comme je l’ai dit, j’ai une installation très basique, mais j’en tire de bons résultats.
Tu postes sur des forums traitants d’audio. Comment perçois-tu ce média pour l’échange technique et artistique ?
J’aime bien le forum Nuendo, je le trouve pas mal. En fait, j’aime surtout les sections ‘Made with Nuendo’ et ‘Media Lounge’ (NDLR : Sections où les membres font écouter leurs travaux faits avec Nuendo). J’apprécie aussi les informations que partagent les utilisateurs. Ce que j’aime moins ce sont les gens qui râlent et se plaignent, si ton système fonctionne mal à ce point tu ferais mieux de te tourner vers autre chose ou alors de travailler différemment ! Encore une fois, il faut regarder ce que l’outil peut faire, pas ce qu’il ne peut pas faire ! J’ai fait certains de mes albums préférés avec Nuendo 1 et 1.5. C’était des versions bien entendu extrêmement limitées, mais j’adorais travailler avec.
Pour finir, quels sont tes projets actuels ? As-tu des noms d’artistes ou des informations à nous communiquer ?
Je viens de terminer un album avec le rappeur Mitchy Slick pour Angeles Records. Je monte un label appelé N.A.R.C. (Not Another Record Company). Sinon j’ai travaillé avec divers groupes : des australiens du nom de Tourettes Syndrome, deux groupes de Los Angeles, un groupe de Pop/Rock nommé Depswa et un groupe de Punk Hardcore répondant au nom d’Obscene Gesture. Sinon pour plus d’informations il y a ces deux sites : www.belowmeproductions.com et xmusicstudios.com.