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Culture / Société
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L'histoire du studio d'enregistrement parisien Davout - Histoires de Studios : Davout

C’est un mythe, une icône, une institution de la musique parisienne, française et internationale qui a fermé ses portes en avril 2017. Mais chez bon nombre de musiciens et amateurs de bonne musique, le nom Davout résonnera encore pendant de nombreuses années. Retour sur cette institution parisienne.

L'histoire du studio d'enregistrement parisien Davout : Histoires de Studios : Davout

Ceux et celles qui ont trainé leurs baskets et leurs oreilles dans le 20e arron­dis­se­ment de Paris seront proba­ble­ment passés devant une vieille façade de cinéma de quar­tier. La dernière séance avait déjà eu lieu depuis long­temps au 73 de la rue Davout, mais deux ingé­nieurs du son passion­nés issus des studios Europa-Sonor, Yves Cham­ber­land et Claude Erme­lin, n’ont pas entiè­re­ment renié l’his­toire du lieu en y montant un studio d’en­re­gis­tre­ment de 1 200 m2 avec la volonté d’y enre­gis­trer de la musique de film, entre autres.

Studio & Home Studio : Davour-FacadePour cela, il fallait de l’es­pace, et le premier studio à avoir vu le jour, le studio A, avec une super­fi­cie de près de 400 m2 et 9 m sous plafond, fut étrenné par Fran­cis Lai, Maurice Vander, Nicole Croi­sille et Pierre Barouh pour l’en­re­gis­tre­ment de la musique du film Un Homme et Une Femme. Sont ensuite passés Vladi­mir Cosma, Michel Legrand (Les Demoi­selles de Roche­fort), avec leurs orchestres, et pour le tout dernier projet, Philippe Rombi, le compo­si­teur des musiques des films de François Ozon, qui aura fait réson­ner les dernières notes dans le studio A avec une cinquan­taine de musi­ciens de l’or­chestre Bel Arte. Le studio A pouvait aussi accueillir un écran géant et des éclai­rages, raison pour laquelle de nombreux compo­si­teurs de musiques de films y avaient élu domi­cile. Et de l’autre côté de la vitre, une console SSL XL 9080 K Series de 80 pistes avec confi­gu­ra­tion en 5.1, évaluée à 1 million d’eu­ros et que le gérant du studio au moment de la ferme­ture, Marc Prada, avait mise en vente. Côté maté­riel, on trou­vait aussi des micros Neumann U47 des années 1950, des réverbes Lexi­con, des égali­seurs Pultec, de l’Ava­lon, du Fair­child, du dbx, bref, la crème de la crème.

Le cinéma étant l’une des prin­ci­pales sources d’ac­ti­vité de Davout, un deuxième studio plus petit avait ensuite vu le jour (le studio C) pour les forma­tions jusqu’à 35 musi­ciens, puis un audi­to­rium dédié au mixage du son à l’image avait ensuite été créé (le Studio D) avant d’être recon­verti en cabine d’en­re­gis­tre­ment entiè­re­ment consa­crée aux synthé­ti­seurs. 

Pour les plus petites forma­tions et les prises de voix, le studio B a aussi accueilli les plus grands de la musique : Alain Bashung, Barbara, Yves Montant, Louis Berti­gnac, et bien d’autres. Il a aussi été le repère de nombreux artistes inter­na­tio­naux, il se dit d’ailleurs que parmi les kilo­mètres de bandes stockées dans l’en­ceinte, des enre­gis­tre­ments de Chet Baker, de Grace Jones ou des Rolling Stones dormaient depuis des années et dont on ne sait ce qu’ils sont deve­nus depuis la ferme­tu­re… Sans oublier Prince, U2, Herbie Hancock, Al Di Meola, Lou Reed, ou plus récem­ment Eminem ou Lady Gaga.

Enfin, le studio M, dédié au mixage, fut l’un des premiers lieux à héber­ger les enre­gis­treurs multi­pistes. Il sera ensuite divisé en deux, la seconde moitié devant une chambre d’écho entiè­re­ment en marbre, une réali­sa­tion signée Tom Hidley.

Le studio Davout fut aussi une formi­dable pépi­nière d’in­gé­nieurs du son. Y sont ainsi passés, et parfois restés, Jean-Loup Morette, dernier résis­tant de l’équipe après plus de 35 ans à faire tour­ner bandes et stems dans le studio, Hubert Salou que nous avons reçu il y a peu dans Les Pieds dans le Patch et qui fut le premier à instal­ler Pro Tools à Davout, René Ameline qui fonda ensuite le Studio Ferber à Paris, Gilbert Préne­ron qui devint le direc­teur tech­nique de Davout avant de fonder le Studio d’En­re­gis­tre­ment Itiné­rant en 1973 ou encore William Flageol­let qui co-fonda plus tard le Studio Philippe Sarde.

Sans oublier les prouesses tech­no­lo­giques, car au départ, quand on n’a pas le maté­riel, pourquoi ne pas le fabriquer soi-même ? Et même si Cham­ber­land a rapporté des USA des compres­seurs Fair­child ou des réverbes à plaque EMT, la première console, à lampes, est faite maison avec 20 entrées et 4 bus, avant une seconde plus grosse équi­pée d’une section de moni­to­ring sépa­rée. Sans oublier les caves recon­ver­ties en chambres d’écho pour les réverbes à plaque.

Studio & Home Studio : Davout-Orchestre-Bel-ArteEn 1987, Yves Cham­ber­land revend Davout à un éditeur de presse tota­le­ment néophyte, et dont l’ama­teu­risme sera bien vite sanc­tionné, puisque le studio connai­tra son premier redres­se­ment judi­ciaire en 1993. L’ac­ti­vité est reprise par les sala­riés, avec l’aide de Gilbert Castro de Mélo­die Distri­bu­tion. Claude Erme­lin, parti à la retraite, a laissé sa place à son assis­tant Stéphane Reichart, des travaux de moder­ni­sa­tion sont entre­pris, le maté­riel renou­velé, et le studio retrouve son rythme de croi­sière avant d’être à nouveau touché par la crise des studios dans les années 2000. Les équipes vont alors louer une partie des locaux à des produc­teurs pour ne garder que les studios A et B.

Mais alors pourquoi fermer le studio Davout ? Cela faisait huit ans que la mairie de Paris souhai­tait mettre la main sur ces 1 200 m2, le proprié­taire des murs avait résisté jusqu’au coup final, une préemp­tion puis une expro­pria­tion. Ce lieu chargé d’his­toire est destiné  à deve­nir une école élémen­taire, une crèche et des loge­ments en 2019.

Londres expro­prie­rait-elle les Studio Abbey Road pour créer une école ? Paris l’a fait avec Davout, mais l’équipe, compo­sée de Marc Prada, Gilbert Castro (les co-gérants), Jean-Loup Morette et Alex Lebo­vici, a conservé une partie du maté­riel et souhaite pour­suivre l’aven­ture dans un autre lieu.

Le bâti­ment a été démoli il y a quelques semaines, mais avant cela une équipe de passion­nés a posé ses camé­ras et ses micros pour réali­ser un docu­men­taire que nous atten­dons tous impa­tiem­ment, et dont voici le teaser :

Cette Histoire de Studio est tirée de l’émis­sion Les Pieds dans le Patch du 30 mars 2017

  • Studio & Home Studio : Davout-LIght
  • Studio & Home Studio : Davour-Facade
  • Studio & Home Studio : Davout-Orchestre-Bel-Arte
  • Studio & Home Studio : Davout-SSL
  • Studio & Home Studio : Davout-control-room
  • Studio & Home Studio : Davout-Studio

 


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