Ton métier est une traduction littérale de « live sound engineer » mais tu n’es pas ingénieur. Et ce n’est pas si grave puisqu’on ne dit jamais « ingénieur du son de spectacle vivant » mais ingé-son live, ou sondier te concernant.
Tu es un mec de l’ombre, et ça te convient très bien. Faire le mariole sur scène, très peu pour toi. Tu apprécies d’autant plus ce sentiment de puissance, d’être le maître du son, que tout le monde t’ignore. Plus ta console est grosse, plus tu tripes. Tu frémis rien qu’en pensant à la fluidité avec laquelle les faders P+G coulissent. Tu caresses délicatement la façade en aluminium anodisé d’un préampli Avalon. Tu sais que tu es ingé-son live quand…
– tu penses que Dieu est un excellent ingé-son
- tu ne te déplaces pas pour 50 euros
- tu ne touches pas aux flight cases
- tu te reposes sur l’équipe lumière pour le courant et l’accrochage des enceintes
- tu es sourd. Tiens ! Un point commun avec les zicos !
- tu portes un bermuda, été comme hiver
- Tu as acheté 10 T-shirts noirs « Domyos » à 2 euros pièce chez Décathlon
- tu as une Petzl autour du cou et un Leatherman à la ceinture
- tu sors ton iPad « au cas où », mais il reste posé sur la console du début de la balance jusqu’à la fin du concert
- tu testes la sono avec « I.G.Y » de Fagen, et un ou deux morceaux de heavy métal bien chargé en basses
- tu passes 2 heures à corriger le système avec Smaart. A la fin, tu reviens au preset du constructeur qui sonne mieux
- tu méprises les DJ. N’empêche que toi aussi, t’aimes bien les basses bien présentes et les aigus qui claquent
- quand on te cherche, on commence par vérifier au bar, et ensuite seulement à la régie façade
- la bière, c’est la vie. Ah ! Un autre point commun avec les zicos !
- tu passes la moitié du concert à mater la choriste
- la qualité de ton travail dépend de la renommée du groupe. Ce n’est pas que tu sois lèche-cul, mais… en fait, si, un peu comme même
- tu découpes ta console en sous-éléments : préamplis, EQ, sommation… et tu attaches énormément d’importance à chacun d’eux. Même quand tu sonorises la chorale de fin d’année dans la salle polyvalente
- tu joues de la guitare. Tu sais même faire des barrés.
- tu as déjà ajouté un micro devant un baffle basse pour faire plaisir au bassiste, mais tu n’as utilisé que le son de la DI
- chaque membre des familles de chaque musicien vient te voir à tour de rôle parce que son chérubin/pote/petit copain n’est pas assez fort
- quand un groupe amateur te demande « un peu de tout » dans leurs retours, tu leur mets juste leur instrument, et ils sont super contents
- ingé-son d’accueil, tu as déjà profité que l’ingé du groupe s’occupe de la façade pour demander au gars de la lumière si tu pouvais essayer. Il regrette d’avoir accepté, le public aussi.
- tu t’es déjà retrouvé complètement démuni dans un bar où le guitariste a changé le volume de son ampli de 2 à 12 entre la balance et le concert. Tous les spectateurs t’ont fusillé du regard, tout le monde t’en a voulu, sauf le groupe qui a splitté juste après.
- tu t’es déjà fait flasher à 105 dB
- tu sais à quoi servent tous ces boutons
- tu as toujours un SM58 de secours dans la boîte à gant de ta Twingo
Mais mais mais… il y a pire que l’ingé-son live : c’est l’ingé-son live raté. C’est celui que tous les musiciens redoutent, même les musiciens ratés, même les batteurs. Tu sais que tu es ingé-son raté quand :
– tu es VRP et tu vends des chaussures. Le week-end, tu arrondis tes fins de mois en faisant DJ. Une à deux fois par an, tu sonorises des groupes. Ce n’est pas plus compliqué que de passer des disques.
- tu te déplaces pour 50 euros
- tu portes un chapeau de cow-boy et tu sonorises le même groupe de country depuis 30 ans
- tu joues de l’harmonica
- en 1988 tu as acheté une console Spirit Folio, qui reste le top du top même si cinq tranches sur 12 déconnent.
- en tant que spectateur, tu te places toujours juste derrière la régie. Ça te donne l’impression d’être un pro.
- tu commentes chaque action de l’ingé-son façade. Tu n’aurais pas mixé comme ça. C’est à cause des types comme toi qu’on met des barrières Vauban à 2m tout autour de la régie.
- d’ailleurs, ne le prends pas mal, mais là, présentement, t’es en train de commenter les actions du régisseur lumière. C’est vrai que les consoles light et son se ressemblent de plus en plus.
- tu trouves que les consoles numériques sont froides
- tu penses qu’il est impossible de mixer avec des faders de seulement 60mm de long, ou des consoles sans écran tactile
- tu mets tout à fond
- tu mets plus de réverbe que de son dry
- un larsen, c’est pas grave. Eh ! On fait du rock ou bien ?
- tu sais mieux que les musiciens ce qu’il leur faut dans les retours. Quand ils demandent des corrections, tu fais semblant de modifier quelque chose. « Et là, ça va ? »
- ta culture musicale se résume à Johnny
- tu assènes que Brassens, Brel et Ferré, c’est mal mixé parce que la voix est beaucoup trop en avant