Nouvelle évolution ou simple mise à jour, en tout cas la version 4 de Pianoteq débarque, et l’on est impatient de savoir ce qu’elle ajoute au précurseur du piano virtuel totalement modélisé.
En ce qui concerne les instruments virtuels censés représenter, recréer, émuler des instruments acoustiques réels, on connaît les solutions à base d’échantillons, celles utilisant des techniques hybrides, échantillons et modélisation par exemple et celles n’utilisant que la modélisation. Tout type d’instrument peut bénéficier de l’une ou l’autre, mais c’est le piano qui nous intéresse aujourd’hui, à la faveur de la sortie de la version 4 de Pianoteq, le premier piano n’utilisant que de la modélisation, signé Modartt, et dont la première version remonte à 2006.
Depuis plusieurs mois, nous avons commencé à passer en revue les différentes versions virtuelles des pianos, ce qui permet d’effectuer des comparaisons entre différentes approches, techniques et savoir-faire (un élément à ne pas minorer), et en particulier les Ivory II Grand Pianos et Upright Pianos de Synthogy, les Granny Piano, Bowed Grand Piano, Plucked Grand Piano, Emotional Piano et Montclarion Hall Piano de Tonehammer, le Alicia’s Keys de Native Instruments et les Kawai Ex-Pro, Old Black Grand et autres 88 notes d’AcousticsampleS. On pourra aussi lire un comparatif incluant l’Add-On Ele dédié aux Rhodes et Wurlitzer sur cette page.
Et l’on trouvera aussi sur Audiofanzine d’autres tests de pianos plus anciens, comme les Galaxy Pianos II de Best Service, un comparatif entre l’Akoustik Piano de Native et The Grand 2 de Steinberg ainsi que celui de la version 3.5 de Pianoteq.
On se consacre donc aujourd’hui à la version 4 dudit Pianoteq et à ses nouveautés.
Introducing Modartt Pianoteq 4
Vendue 399 euros (dans sa version Pro, 249 dans sa version Standard et 99 dans sa version Play à venir), Pianoteq 4 est disponible via téléchargement sur le site de l’éditeur, téléchargement qui sera très rapide puisque le fichier ne pèse qu’à peine 20 Mo, modélisation oblige. Notons que l’upgrade à partir de n’importe quelle version précédente (d’une même version à l’autre, par exemple de Standard 3 à Standard 4) n’est vendue que 29 euros, une politique tarifaire très basse que l’on ne rencontre que plutôt rarement.
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Le logiciel est bien entendu compatible Mac et PC, mais aussi Linux (bravo) et est fourni en tant que plug VST, AU et RTAS, et sous forme d’application autonome (standalone) et disponible pour systèmes 32 et 64 bits, et est protégé via un numéro de série. On téléchargera aussi les nouvelles versions des Add-Ons gratuits KIViR et Bells, l’un apportant de nombreux instruments historiques (des pianofortes à un CP80 Yamaha), l’autre toutes sortes d’instruments à base de cloches. Au menu, un nouveau piano, des nouveaux effets, un petit « module » et quelques fonctionnalités.
Du cosmétique au fonctionnel et vice versa
Nouveau piano, donc, modélisé d’après un Steinway D (pour tous les détails des techniques et procédés mis en œuvre, voir les précédents bancs d’essai sur les produits de l’éditeur), et disparition des C3 et M3 inclus dans les versions antérieures. On dispose donc maintenant d’un piano Grand D4 (le fameux Steinway) et d’un Grand K1, le modèle créé de toutes pièces par Modartt (non, ce n’est pas un Kawai). À la différence des anciens modèles, l’éditeur a inclus de très nombreux présets, permettant de choisir rapidement un instrument en fonction du style ou du genre abordé. Bien sûr, il serait dommage de ne pas adapter, grâce aux nombreuses fonctionnalités, le piano très précisément à sa main et son oreille.
Notons à ce propos un nouvel outil de calibration, permettant d’ajuster via un processus semi-automatisé à la fois la vélocité Note-On, la vélocité Note-Off et l’action de la pédale de sustain (il est conseillé de disposer d’une pédale à contrôle continu plutôt qu’interrupteur). Les différents points sur les courbes obtenues peuvent être retouchés, et les résultats obtenus peuvent être sauvegardés (un plus de cette version est l’inclusion de la fonction Save As le plus souvent possible).
Quelques fonctionnalités ont disparu, comme le réglage Quadratic Effect (ou a-t-il été intégré de façon dynamique/intelligente ?) ou déplacée, comme le Sound Speed qui se retrouve dans la page de gestion des cinq micros, ou l’EQ qui bénéficie maintenant d’un grand écran de programmation, permettant de placer autant de points que l’on veut et disposant de présets (et de possibilité d’en sauvegarder).
Autre grand changement, la gestion des effets ; en effet, ceux-ci sont maintenant regroupés dans un multi-effet à trois slots plus un dédié à la nouvelle réverbération à convolution, offrant plusieurs impulsions de bonne qualité, ainsi que la possibilité d’importer les siennes au format Wave, bien vu. Les trois autres slots peuvent être configurés librement, avec possibilité d’inverser la position (pratique quand on a déjà effectué de nombreux réglages) et de sélectionner entre sept effets différents, Tremolo, Wah (tout deux déjà présents dans les versions précédentes), Chorus, Flanger, Delay, Amp et Comp. Si tous ne sont pas a priori prévus pour les pianos acoustiques (quoiqu’on puisse très bien envisager toutes sortes d’usage, notamment en musique à l’image ou en musique contemporaine), ils enrichiront avec bonheur les sonorités des Add-Ons. Chaque effet dispose bien sûr de ses réglages et présets (les effets temporels disposant d’une synchro). Une fois la fenêtre fermée, un petit indicateur en bas de l’interface à droite permettra de toujours savoir quels slots sont actifs et quel type d’effet est installé. Le Limiter a quant à lui migré directement sur la sortie (on peut le désactiver en cliquant sur la lettre L de l’indicateur de niveau).
Autre nouveauté, le module Mallet Bounce permettant de paramétrer le rebond d’une mailloche, ou de baguettes, avec paramètres de sensibilité à la vélocité, de retard initial, de déclin du retard, de la vélocité plus une fonction « humanisation ». Un ajout fort bien venu, puisqu’il pourra être appliqué avec réussite sur les sonorités de Cimbalom (mais aussi sur d’autres moins évidentes au départ, pour des effets spéciaux).
Voici un extrait sur une phrase de Cimbalom, d’abord sans, puis avec.
Du son
Revenons à nos pianos, et au nouveau modèle. Les précédents tests sur les pianos utilisant de l’échantillonnage ou des modèles hybrides ont fait entendre pour la plupart des Steinway, on pourra donc comparer les différents fichiers d’une même pièce.
Avant toute chose, la grande force de la modélisation, sa gestion de la dynamique sans aucun à coup, ni changement intempestif de timbre ou saut de vélocité.
On peut aussi apprécier la résonance sympathique, via cet exemple faisant entendre quelques notes jouées par-dessus un accord plaqué mais non entendu, les notes faisant vibrer les cordes dont les étouffoirs sont ainsi en position haute (un principe utilisé en musique contemporaine).
Malgré toutes leurs qualités, les concurrents pur sampling ou hybrides n’arrivent pas à lutter sur ces points particuliers…
On va continuer avec quelques exemples plus musicaux, notamment cette pièce de Rimski-Korsakov, utilisant le programme D4 Classical Recording BA, puis le D4 Classical BA (moins réverbéré).
Toujours dans la douceur, avec le programme D4 Impressionist :
Un autre exemple le fait entendre dans une sonorité plus punchy et présente, avec le préset D4 Bebop.
Autre ambiance sonore, ce boogie, et un préset D4 Jazz puis d’un D4 Out Of Tune trafiqué, qui placerait presque le modèle entre 1/4 de queue et piano droit.
Même préset D4 Jazz, puis D4 Classical pour un exemple utilisé dans quasi tout les tests de pianos virtuels.
L’exemple suivant utilise deux pianos, l’un pour la rythmique, l’autre pour le thème (D4 Classical et K1 Close Mic).
Bilan
Indéniablement, le D4 est un argument de poids dans la motivation d’un choix entre piano modélisé-piano échantillonné. Sans compter ce qui fait vraiment la force du Pianoteq, c’est-à-dire le réalisme de la réponse au jeu et le comportement sonore du piano (résonance sympathique, réponse à la vélocité, pédales, génération des harmoniques, etc.). La nouvelle réverbe à convolution fait aussi son effet, en donnant un espace aux sonorités parfois sèches du piano, avec un réalisme agréable, en tout cas plus probant que la réverbe précédente. Les effets seront aussi parfaitement adaptés aux modélisations de pianos électriques et électro-acoustiques, voire aux clavecins, cimbalom et autres « claviers » plus rares, pour des sonorités du type de celles utilisées par John Barry, Morricone ou Roy Budd.
Cependant, il reste parfois à l’oreille comme un sentiment d’incomplétude, notamment dans le registre grave, parfois trop clair. Et de temps en temps, certaines attaques semblent aussi trop présentes. Mais ce sentiment est nettement moins présent que dans les versions précédentes.
Bref, ce qui est évident, c’est que les versions « pur sampling » en revanche sont maintenant dépassées. De son côté, Pianoteq 4 montre encore une nouvelle avancée dans cette approche unique qu’est la modélisation, avec une réussite indéniable, sans atteindre encore la perfection. Ce qu’on peut dire aussi, sur des critères différents, des versions hybrides à base d’échantillons et de modélisation. Il reste du chemin à parcourir pour les deux approches, mais quel progrès quand même, depuis les premières versions utilisant l’une et l’autre techniques. Une version de démo est disponible sur le site de l’éditeur, n’hésitez pas à l’essayer si vous êtes à la recherche d’un piano virtuel, il y a de fortes chances que l’instrument vous séduise.