Bon an, mal an, l’éditeur Native Instruments nous livre une nouvelle version de son ensemble d’instruments et d’effets, plus ou moins complet suivant les versions, Komplete. C’est la dixième version qui nous est parvenue, dans sa version Ultimate. L’objet de ce test est la Definitive Piano Collection, un titre riche de promesses, mais qui peut aussi sembler présomptueux...
On garde en effet un souvenir mitigé des premiers efforts de l’éditeur, avec l’Akoustik Piano, réunissant un Bechstein D 280, un Steinway D, un Bosendorfer 290 et un Steingraeber 130 (avec un total de 12 Go en 24 bits, 7 Go en 16 bits), puis sa transformation à l’occasion de Komplete 8, respectivement en Berlin, New-York, Vienna et Upright (pianos regroupés sous l’appellation Classic Piano Collection). L’instrument ne convainquait pas, notamment en raison d’un nombre de layers insuffisant, le passage de l’un à l’autre manquant de crossfades efficacement programmés, d’une cohérence parfois étrange sur l’ensemble du clavier (l’impression de changer de piano en montant dans les aigus), l’absence de résonance sympathique et autres défauts.
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Bref, même si peu cher et proposant plusieurs sonorités typiques, Akoustik Piano ne pouvait rivaliser avec les banques proposées par Synthogy et d’autres éditeurs ; le seul instrument pouvant trouver une utilisation étant le Steingraeber et son « acoustique » très particulière, qui offrait des options intéressantes notamment dans le travail à l’image.
Les sorties de l’Alicia Keys puis de The Giant ont redoré le blason de l’éditeur sur ce secteur bien particulier des pianos acoustiques virtuels, chacun des deux instruments ne pouvant cependant prétendre à l’universalité d’un Steinway, d’un Fazioli ou d’un Bosendorfer virtuels tels que proposés par d’autres facteurs virtuels.
Native compte donc répondre à cette problématique en offrant une solution polyvalente, permettant l’interprétation de standards, de pièces classiques, de ragtime, de rock, bref de la quasi-totalité des genres demandant un piano sonnant parfaitement. Qu’en est-il ?
Introducing Native Instruments The Definitive Piano Collection
La Definitive Piano Collection est disponible sous plusieurs formes : instruments séparés (99 euros chaque), réunion des trois (199 euros) et au sein de la Komplete (de 199 euros l’update à 499 euros la version complète) et de la Komplete Ultimate (de 399 euros l’update à 999 euros la version complète), sans oublier les versions incluant les nouveaux contrôleurs de la maison (voir ici). Où l’on regrette d’ores et déjà l’absence d’un 88 notes toucher lourd dans la gamme…
Native a collaboré avec l’éditeur Galaxy, déjà connu des amateurs de pianos virtuels pour ses Vintage D, Galaxy Steinway ou 1929 German Baby Grand (liste non exhaustive) et par les utilisateurs de produits estampillés Native, puisque The Giant, ainsi que Rise & Hit proviennent de chez lui.
Le premier, The Gentleman, est un piano droit de 1908 (un Bechstein Model A) et pèse un poids total de 3,56 Go (dans le format compressé natif de Native, qu’il faut multiplier par un peu plus de deux fois pour imaginer son poids si les échantillons n’étaient pas compressés), le tout pour 2.300 échantillons, 16 couches de vélocités, neuf de relâchement, ainsi que des samples séparés pour les harmoniques et la résonance (on y reviendra).
Le deuxième, The Grandeur, est un piano de concert récent (un Steinway Model D allemand), pèse 5,19 Go et offre 2.500 échantillons, 18 couches de vélocités et neuf de relâchement, et les samples séparés pour les harmoniques et la résonance.
Le dernier, The Maverick est un piano à queue de 1905, conçu à l’origine pour le prince de Prusse (un Bechstein Model A long de 1,80 m) pesant 5,21 Go et offrant le même nombre d’échantillons et de layers que The Grandeur.
Installation et autorisation sans problème, avec placement des bibliothèques (en 24 bits/48 kHz) où on le souhaite, avec le Service Center et le numéro de série fourni, comme d’habitude, et l’on pourra utiliser les instruments avec Kontakt 5 version complète aussi bien qu’avec le Kontakt Player gratuit. Écoutons tout ce petit monde.
De l’apparence
Les trois instruments présentent une interface commune, de grande taille (parfois un peu encombrante). Au centre, l’instrument mis en situation (il faut reconnaître la qualité du boulot graphique depuis quelque temps chez Native), à droite, la réverbe à convolution habituelle de Kontakt, dotée de belles réponses impulsionnelles, y compris quatre Piano Reso pouvant aider à reproduire le comportement de l’instrument.
C’est à la gauche de l’interface que se situent les réglages les plus nombreux, accessibles via deux modules, Tone et Anatomy. Le premier est doté d’un réglage Color (soft à hard) qui modifie le timbre global de l’instrument, selon l’éditeur en modifiant le mapping ; j’ai eu beau chercher, je n’ai pas trouvé le pourquoi du comment, mais cela fonctionne, c’est le principal (certainement une combinaison d’EQ, de compression et de traitement des transitoires via le module fourni).
Un autre bouton, Lid, reproduit l’effet provoqué par la position du couvercle (deux pour Gentleman, trois pour les autres, fermé, ouvert, à demi-ouvert), via une modification de la courbe d’EQ.
Une petite flèche ouvre une fenêtre s’affichant au centre, dans laquelle on trouvera trois boutons d’EQ (le Solid G-EQ, dont trois bandes sont pré-réglées, le potard sur l’interface ne modifiant que le gain), un Tonal Depth permettant de choisir progressivement entre son « naturel » et son plus « résonant » (certainement via un des trois scripts créés pour les instruments), un réglage de Transients via le module standard de Kontakt, un autre permettant de modifier l’équilibre du volume des octaves inférieures, et un ensemble Compressor/Tape utilisant des présets avec un dosage Amount, basé sur les modules de Kontakt, Comp en mode Pro, le SolidBus Comp et le Tape Saturator.
Autre module, Anatomy, permettant de régler la plage dynamique (sans modifier l’utilisation des couches d’échantillons, mais en jouant sur le volume), et le volume des samples de résonance lors du jeu à la pédale. La petite flèche est là aussi présente, pour afficher les derniers paramètres des instruments. D’abord, Overtones, le volume des échantillons d’harmoniques, puis celui des échantillons de relâchement. Ensuite un processeur de stéréo avec inversion possible droite/gauche (laissez tomber ces traitements, cause de plus de dégâts que de réussites. À mon humble avis…). Ensuite un réglage de la réponse à la vélocité, ainsi qu’une touche Silent Key qui permet de n’avoir pas de son à très faible vélocité, comme sur un vrai piano (mais étrange qu’il faille en passer par une fonction dédiée, et que ça n’ait pas été programmé directement). Puis l’activation des fonctions de Repedaling et de Half Pedaling (il faut une pédale continue dans ce cas). On trouve ensuite les réglages d’accord, diapason et égal ou étiré. Finalement, on dispose de réglages séparés pour les bruits de marteaux, d’étouffoirs, de pédale et de cordes. Tous les modules pouvant être optionnels disposent d’un bouton d’activation/désactivation. On le voit, les réglages ne manquent pas. Mettons-les en situation…
En action
Chacun de nos pianos va subir les procédures et morceaux utilisés pour les précédents tests de pianos acoustiques virtuels. D’abord le test de passage d’une couche d’échantillons à l’autre.
Dans l’ordre, Gentleman, Grandeur et Maverick (ordre qui restera dans les exemples multiples).
Premier constat, on entend clairement les différents niveaux de vélocité, avec plus ou moins d’évidence selon le piano. Quelques irrégularités dans l’image stéréo (le pan bouge d’une oreille à l’autre) sont à noter en particulier chez The Gentleman, moins chez The Maverick, qui présente en revanche une résonance métallique assez prononcée (sur cette note en tout cas, choisie au hasard).
Ensuite, écoutons la résonance sympathique, en effectuant le test de l’accord plaqué (mi, la, ré) et maintenu sans le faire sonner, puis le jeu d’une gamme chromatique sur deux octaves. On entendra pour chaque piano, Overtones désactivé, puis activé avec son réglage de volume par défaut.
On se rend clairement compte de l’ajout de la fonction Overtones, même si l’on est parfois surpris des harmoniques « produites », l’effet n’étant pas tout à fait celui attendu. Pour se faire une idée, voici ce que l’éditeur appelle échantillons Overtone, ceux de Maverick (attention, ils sont ici décontextualisés, on ne les entend jamais seuls lorsque l’on joue). Souffle, modulation et extinction du son sont ceux d’origine.
Une frayeur, aussi : lors de l’essai sur The Grandeur, immédiatement après l’avoir chargé, il était impossible d’avoir un son court qui émette une résonance naturelle, le son se coupait sans aucun espace, aucune durée… Ce n’est qu’après avoir constaté que les échantillons de relâchement ne sont pas activés dans le préset par défaut que l’on a compris ce qu’il se passait. Un mauvais point pour le sound design, le préset par défaut devrait être jouable immédiatement.
Essayons une dernière procédure, afin d’entendre les résonances. Plaquons un accord qu’on laissera durer jusqu’à sa disparition naturelle en le maintenant joué, puis plaquons ce même accord en le maintenant uniquement à la pédale.
On pourra être surpris par l’ampleur de certaines résonances, et par la différence de durée entre accord plaqué et accord pédalé. Le réglage par défaut du volume de la résonance semble être un peu trop élevé, on obtiendra des résultats plus probants en jouant sur ce réglage. La bonne nouvelle étant que les échantillons ne sont pas bouclés, certains d’entre eux flirtant avec la minute…
Mais ce ne sont là que tests plutôt techniques, voyons ce que donnent les pianos en situation musicale, avec les différents réglages offerts par l’interface.
Commençons d’abord par le Rimsky-Korsakov.
Puis enchaînons avec le boogie.
Et enfin, le morceau « Emotional ».
À chaque fois, on se retrouve avec trois ambiances très différentes, profitant des nombreux réglages proposés par l’éditeur, sans que l’un ou l’autre piano paraisse déplacé, hors contexte. Un petit doute quant aux bruits a vite été levé en allant vérifier dans l’éditeur d’échantillons, ils sont bien différents d’un piano à l’autre, mais hélas pas très nombreux, d’où parfois l’impression de répétition.
Pour exemple et pour finir, voici quelques sons isolés de pédale, de marteau, d’étouffoir, résonance, etc.
Bilan
Native ne pouvait raisonnablement pas se contenter de sa Classic Piano Collection, largement en dessous de la qualité de ses autres pianos, et même de ses autres produits. Cette dernière a d’ailleurs disparu du catalogue, de la même façon qu’Elektrik (pas réussi, non plus) a cédé la place aux instruments signés Scarbee (très réussis, eux). En toute logique, la génération issue d’Akoustik Piano disparaît, et la Definitive Piano Collection dote enfin Native d’une bibliothèque satisfaisante, qui justifie à peu près son nom très revendicatif et qui offre une solution complète à un prix raisonnable, même si le Steinway ici proposé n’est pas la meilleure version virtuelle que l’on ait pu rencontrer.
Des batteries, des claviers électriques, des effets pro, des basses, des synthés (et quels synthés !), de l’orchestre, du groove, de l’ethnique, du sound design, et maintenant des pianos acoustiques de qualité, Komplete porte de mieux en mieux son nom (particulièrement la version Ultimate) ; ne reste plus à l’éditeur qu’à mettre des guitares du niveau de celles d’Efimov par exemple, et le compositeur/producteur aura, pour une somme certes conséquente si c’est un premier achat, mais que l’on songe à ce que contient le bundle, un ensemble d’outils réellement polyvalent.
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