Place Pigalle un lundi matin. Rendez-vous nous est fixé à 10h30 à l’Hôtel Villa Royale. Au cinquième étage de l’établissement, une porte ouverte derrière laquelle M. Paul Reed Smith nous attend. Nous entrons dans la petite pièce, Paul est là, un large sourire aux lèvres, et il nous salue d’un amical Welcome !

JB : Bonjour Paul, pouvez-vous expliquer en quelques mots les difficultés auxquelles PRS Guitars fait face en ce qui concerne la restriction sur l’utilisation du palissandre ?
PRS : Oui bien sûr, c’est assez simple en fait. Le palissandre n’est pas une essence interdite, il n’est pas illégal de l’utiliser. Les formalités administratives sont plus lourdes et il y a juste un tas de papiers à remplir. Au départ, les restrictions ne concernaient pas du tout les fabricants de guitare, c’étaient surtout les ébénistes chinois qui étaient visés par cette limitation. L’export de guitares vers l’Europe ou le Royaume-Uni prend maintenant une semaine de plus, ce n’est pas la fin du monde. Parmi les 330 employés qui travaillent à l’usine PRS, une personne est chargée uniquement de s’occuper du travail administratif relatif au CITES.
JB : Nous remarquons que des marques comme Fender ou Gibson se rabattent sur des essences comme le Pau Ferro sur leurs modèles plus abordables ; c’est un choix que vous ne partagez pas ?
PRS : Comme je l’ai dit, l’utilisation du palissandre n’est pas interdite ou illégale. C’est juste plus compliqué et plus long, mais ce n’est finalement pas grand-chose. Le pau ferro est une essence intéressante, ce n’est pas un mauvais bois. J’estime juste que le palissandre fait partie de l’essence des guitares PRS et je ne souhaite donc pas changer. C’est un petit peu comme la conduite en y réfléchissant, il y a des règles que chacun applique, et tout se passe bien. Sauf place de l’Étoile !! [rires]
PRS : Bien sûr ! Pour commencer, je ne suis pas fan du nom Paul’s Guitar. C’est vrai que c’est la guitare que j’utilise quotidiennement, sur scène, chez moi et en studio, mais il lui faudrait un autre nom (rires). Je me suis basé sur un modèle existant et je l’ai modifié. J’ai mis un chevalet fixe et j’ai mixé un peu les micros ; au départ, j’avais essayé un modèle Bass pour la position chevalet. Un point sur lequel j’ai particulièrement insisté est le son des micros simples. Grâce aux deux commutateurs placés sur la table de la guitare, on obtient facilement et instantanément des sons de Stratocaster assez authentiques. C’est assez rare avec des micros à doubles bobinages et c’est un son que j’affectionne particulièrement.
JB : Guitariste confirmé, le fait de jouer en groupe sur scène vous a-t-il influencé pour concevoir certains aspects de la guitare ?
PRS : Je conçois depuis 1985 toutes les guitares en tant que guitariste. Je n’arrive toujours pas à comprendre comment Leo Fender est arrivé à des produits aussi innovants sans être guitariste. C’est cet amour que j’ai pour la guitare qui m’aide à concevoir de nouveaux modèles et les jouer est toujours un réel plaisir. En termes de feeling, le modèle Paul’s Guitar est comme un vieux t-shirt [rires]. On l’enfile et on se sent tout de suite bien et son contact est familier et agréable. C’est ce que je voulais obtenir avec cette guitare. En fait je m’en rends compte en jouant cette CE 24 [voir photo], c’est le cas avec beaucoup de modèles PRS ; au premier contact, l’instrument semble familier et agréable [Nda: il inspecte la guitare, la joue un peu]. Tu vois ? Le frettage est nickel, le profil du manche est tout de suite familier, c’est une chouette guitare !
JB : Paul, pouvez-nous dire ce que vous pensez des nouveaux modèles Gibson de la série 2019 et du retour sur les rails de la marque, grâce notamment au nouveau président ?
PRS : En ce qui concerne les nouveaux modèles 2019 je n’ai pas vraiment d’avis, n’ayant pas eu le temps de les tester en profondeur. J’ai eu des échos de certains employés me disant qu’ils nous avaient volé quelques teintes… Pour ce qui est du retour de Gibson après avoir quasiment fait faillite, je pense que c’est une bonne chose. Le changement de président n’avait pour unique but que de remettre l’entreprise sur les rails. Je pense qu’il connaît le business et c’est un bon guitariste, amoureux de Gibson, c’est un bon début.
JB : Lors de votre passage au NAMM 2019, avez-vous eu l’occasion de croiser des produits qui vous ont particulièrement marqués ? Pédales d’effet, guitares, micros, accessoires ?
PRS : Au NAMM je n’ai malheureusement pas eu l’occasion de quitter le stand PRS [rires]. Du coup, les nouveautés intéressantes que j’ai pu voir se situaient sur le stand PRS ! J’aime particulièrement les nouveaux modèles acoustiques, notamment le modèle 60 et évidemment ma guitare signature que j’apprécie énormément. Je suis toujours à la recherche d’effets sans vraiment chercher ; cette année je suis tombé sur une pédale de réverbe allemande particulièrement bien fabriquée et très intéressante. J’ai un studio d’enregistrement pour lequel je cherche toujours du matériel. J’ai eu la chance très récemment de pouvoir acquérir une réverbe Lexicon, le modèle utilisé par Queen en studio. Le son qui sort de cette machine est simplement incroyable. Tu sais, je suis un fou de matos, mais je pense qu’on l’est tous d’une manière ou d’une autre [rires]. Mais cette réverbe, j’en suis fou amoureux !
JB : Un aspect des guitares PRS me semble tout à fait surprenant, toutes les guitares, peu importent les séries, sont impeccables, la qualité de fabrication et surtout la constance de cette qualité de fabrication sont impressionnantes. Comment arrivez-vous à de tels résultats sur tous vos instruments ?
JB : Paul, nous parlions de Gibson tout à l’heure, à l’évidence c’est une marque que vous affectionnez particulièrement malgré une concurrence évidente. Que diriez-vous à quelqu’un qui souhaite acquérir une Gibson Les Paul mais qui hésite avec une PRS ?
PRS : Effectivement, la Les Paul a toujours été, avec la Strat, un modèle de guitare qui me touche particulièrement. Je pense qu’en termes de choix de guitare il faut appliquer la même méthode qu’une femme qui souhaite acquérir une paire de chaussures : tu dis au vendeur de t’apporter dix modèles et tu lui demandes de ficher le camp ! [rires] Tu verras, sentiras et entendras la guitare qui te procurera le plus de plaisir, celle qui te parle le plus. C’est le conseil le plus avisé que je peux donner. C’est une des raisons de mon voyage en France. Vous aimez beaucoup la guitare ici ! Regarde par la fenêtre, je suis assis ici depuis une heure et c’est un véritable défilé de parisiens avec des guitares à la main. Et les magasins spécialisés sont fermés aujourd’hui en plus. La France est une vraie nation amoureuse de la guitare, et je voulais vraiment être certain que les personnes qui souhaitent essayer les instruments PRS puissent se faire une idée en les jouant, les regardant dans le cadre d’un évènement convivial et chaleureux. J’aime beaucoup venir en France notamment pour cela. Vous avez d’excellents musiciens également ; le bassiste avec qui je vais jouer ce soir est juste le meilleur bassiste du monde, et il est français !
JB : Revenons rapidement et avant de se quitter sur le palissandre. Fender dans les années 1960 utilisait énormément le palissandre brésilien, dit palissandre de Rio. Quelles différences voyez-vous entre le palissandre indien et ce palissandre brésilien ?
JB : Merci infiniment pour ce petit moment Paul et pour ces réponses.
PRS : Merci à toi, j’ai passé un bon moment ! À ce soir à la Boule Noire !