Les Australiens d’Airbourne écument et mettent à sac les scènes du monde entier depuis maintenant dix ans ! Éduqués au son des institutions du rock ’n’ roll « made in down under », ces quatre jeunes trentenaires pensent que c’est dans les vieux pots que l’on fait la meilleure confiture, ou plus exactement que c’est avec l’ancienne méthode consistant à empiler les stacks que l’on fait le meilleur rock ’n’ roll ! Avec ses quatre albums, et notamment son très remarqué premier opus Runnin' Wild qui l’a littéralement envoyé sur orbite, Airbourne prouve s’il en était besoin que cette bonne vieille recette fait toujours mouche. Nous nous sommes entretenus avec ces véritables « stackanovistes » que sont Joel O’Keefe, et David Roads pour en savoir plus sur leur matériel et leur mode de fonctionnement.
Interview de Joel O’Keefe
Vidéo en version originale :
Traduction de l’entretien :
Joel, beaucoup de gens chantent et jouent de la guitare en même temps, peut-être car ils ne veulent pas choisir entre être chanteur ou guitariste, mais toi, tu chantes, tu joues de la guitare rythmique et tu joues également les solos dans Airbourne. Est-ce parce que tu ne voulais pas choisir entre être Angus Young et James Hetfield ?
Joel O’Keefe : Eh bien, quand j’étais gamin, j’étais, je le suis d’ailleurs toujours, un gros fan d’Angus Young et James Hetfield. Je suis également un gros fan de Malcom Young et évidemment de Bon Scott, Brian Johnson, Angry Anderson et Jimmy Barnes. Je les adorais tous, mais j’ai d’abord commencé par jouer de la batterie. Puis je me suis mis à la guitare.
Tu as commencé la batterie avant ton frère ?
Oui, puis je me suis mis à la guitare et il a commencé la batterie. Je ne voulais plus jouer de batterie, car mon frère le faisait. Je voulais simplement tout jouer, car j’adore le son du rock ’n’ roll. Je l’aime sous toutes ses facettes. Je voulais même jouer de la basse. S’il y a une basse qui traine, je la prends et je la joue comme ça : « dudududu-dudududu ». Je ne suis pas bassiste évidemment, mais j’aime juste jouer la même note encore et encore. C’est comme ça que j’ai appris la guitare, en jouant le même accord, encore et encore. J’aimais le son que j’entendais et je voulais le recréer. Je voulais faire mon propre rock ’n’ roll qui serait brut et pur comme le rock ’n’ roll australien l’était. Je ne pouvais tout simplement pas choisir et je ne le peux toujours pas aujourd’hui !
Tu as donc commencé par la guitare et le chant est venu ensuite ?
Oui. Je me suis dit que je pouvais encore ajouter une corde à mon arc !
C’est peut-être cliché de dire ça, mais en grandissant en Australie, tu as du être bercé par Rose Tattoo, The Angels et AC/DC.
Vous connaissez The Angels par ici ?
Oui, un petit peu.
Ils ont une chanson qui s’intitule Marseilles ! Grandir avec ces groupes a été une grosse influence. Je n’écoutais que ça quand j’étais gamin. Je n’écoutais pas la radio ou autre chose, je n’écoutais que ces albums sur cassette et sur CD. Aujourd’hui c’est Spotify, iTunes et tous les sites de streaming, mais quand j’étais gamin cela n’existait pas. Tu regardais la pochette de l’album, tu la retirais du boitier, tu lisais les paroles puis tu fermais les yeux et tu écoutais l’intégralité de l’album. C’était une grande expérience qui ne se résumait pas à : « click, prochaine chanson, click, prochaine chanson ». Ce n’était pas comme ça. J’étais dans l’état de Victoria en Australie, loin du reste du monde, dans ma chambre avec la lumière éteinte, en train d’écouter un album. Je pense toujours que c’est la meilleure façon d’écouter du rock ’n’ roll avec bien sûr les concerts dans lesquels tu peux t’éclater !
En parlant des concerts, je voulais évoquer avec toi les moments où tu joues à l’envers, pendu par les pieds, à 100 m au-dessus de la scène ! On ne s’entraine jamais pour ce genre de chose. Je ne me souviens plus très bien quand tu as commencé à faire ça, mais je pense que cela remonte à votre première tournée. Quand as-tu commencé à faire ça ? Tu n’es jamais préparé pour quelque chose comme ça, n’est-ce pas ?
Quand j’étais gamin, je grimpais sur des « monkey bars » (cages à écureuil). Je ne sais pas si c’est un mot uniquement australien ou pas, mais il s’agit de ces barres que tu trouves sur les terrains de jeu. Je grimpais donc énormément sur ces barres, et je grimpais aussi aux arbres, mais sans guitare évidemment ! Je ne jouais pas encore à l’époque. En grandissant et en jouant de la guitare, j’ai pensé à escalader de plus grandes choses et j’ai eu l’idée de faire un solo en hauteur ! Je l’ai fait, j’ai grimpé en haut d’une scène, j’ai fait mon solo et le public a adoré ! Je l’ai fait à nouveau et nous avons continué de le faire, encore et encore. Au final, les promoteurs et les stage-managers m’ont sommé de descendre ! Mais oui, tu ne peux pas t’entrainer à cela.
Y avait-il une assurance ?
Non. Qui assurerait une personne qui pulvérise des canettes de bière sur son crâne et qui fait de l’escalade avec sa guitare sans corde ni filet ? Ils préfèrent juste me dire : « mec, il n’y a pas moyen que tu continues, tu vas jouer désaccordé, ça ne peut pas continuer », c’était le genre de revendication.
Parlons maintenant un peu plus spécifiquement de ton matos. Quelle épaisseur aimes-tu utiliser pour ton médiator ?
Du Tortex 1.13mm. Ce sont des médiators custom je suppose. Ils sont basés sur la forme Tortex, avec la pointe au bout. Peu de gens les utilisent. Ils ont sorti une version avec une plus petite pointe, similaire au modèle de James Hetfield d’après ce qu’on m’a dit. J’adore ce médiator, tu accroches bien la corde avec, c’est celui qu’il me faut.
1.13 c’est assez épais.
1.13 c’est un juste milieu, même si j’aime également les médiators plus épais. En studio nous en avons toute sorte, mais sur scène, c’est un médiator et une guitare. Nous changeons un peu de guitare pour d’autres accordages, mais nous standardisons le modèle du médiator.
Tu comptes souvent sur des guitares Gibson, n’est-ce pas?
Oui, ce sont toutes des Gibson. Nous avons quelques Gretsch qui trainent au studio et j’ai une White Falcon avec moi en tournée, mais il est difficile de jouer sur cette dernière sans produire de larsen avec tous nos Marshall sur scène, car c’est une guitare à corps creux. En ce moment j’ai cette Gibson Explorer. C’est ma numéro 2. Elle est vieille et abîmée. Son surnom est « Slugger » (ndlr : nom pouvant désigner une batte de baseball) à cause de son manche. Si tu regardes de plus près, le manche a été poncé pour avoir le même profil de manche que ma « VB » Explorer (Victoria Bitter est une marque australienne de bière). Celle-ci a dû remplacer l’autre sur quasiment toute la tournée, car la tête de « VB » a été cassée pour la quatrième fois et est actuellement hors d’état.
« VB » est ta guitare principale ? Elle est également blanche ? C’est celle avec laquelle on t’associe beaucoup ?
Oui c’est celle-là. Elle a besoin d’être réparée et va avoir une toute nouvelle tête. Ils vont couper le manche à un endroit et mettre une nouvelle pièce. Ce sera une nouvelle pièce d’acajou, le mec à qui on l’a confiée a gardé de côté quelque chose de bien, car c’est un boulot qu’il voulait vraiment faire. Ça donnera ce que ça donnera. Le son va changer, c’est inévitable lorsque l’on fait une modification aussi drastique. Mais est-ce qu’on se soucie vraiment de faire des choses aussi radicales avec nos guitares lorsque l’on voit que nous avons poncé tout un putain de manche de la sorte ? À l’arrière, c’est tout creux maintenant, car nous avons enlevé du bois. Sous le pickguard c’est creux également. Nous avons enlevé tout ce bois pour qu’elle sonne comme la « VB » Explorer. Nous avons pris cette guitare, qui avait sa propre identité au départ, mais je ne l’ai jamais beaucoup jouée, car elle pesait une putain de tonne et elle n’avait pas non plus le meilleur son. Je me suis dit : « rien à foutre », on va la poncer et creuser le bois. Au pire si on merdait, elle sonnerait plus mal encore, mais au final cela sonnait plutôt bien. Nous avons essayé plusieurs micros pour essayer d’en tirer le meilleur son et nous avons travaillé avec les amplis un peu différemment pour la faire sonner comme elle doit sonner, car nous avions le même réglage pendant des années pour la « VB ». Mais celle-ci est malgré tout une guitare différente.
C’était juste ton backup pour la « VB » avant ?
C’était le backup et aujourd’hui c’est la principale. Elle sonne super bien depuis qu’on lui a fait toutes nos merdes. Je l’ai jouée sur la majorité de cette tournée.
Ce n’est plus le micro d’origine, non ? Quel est le micro aujourd’hui ?
Normalement nous mettons du Seymour Duncan. Nous utilisons habituellement le ’59. C’est le plus simple, le plus immédiat.
Le SH-1 donc avec aimant Alnico V.
Oui. Nous voulons essayer la gamme Antiquity avec un bobinage personnalisé. Il y a une spécification que nous voulons avec la résistance dans les 7 ou 8 kOhms.
Tu préfères les micros avec un niveau de sortie vintage donc ?
Oui des micros au niveau de sortie « vintage ». Nous aurions pu trouver des micros vintage sur Internet… mais on va voir ce que Seymour peut faire avec ses « custom wound ». C’est assez excitant de faire ça. Nous pourrions peut-être ensuite avoir notre propre micro signature. C’est quelque chose que nous aimerions bien, et nous pourrions ensuite les placer dans toutes nos guitares. À vrai dire je l’ai déjà fait dans toutes les miennes, mais ce n’est pas le cas de « Roadsy » (surnom de David Roads) qui utilise probablement un autre micro.
Je pensais que tu utilisais le JB (SH-4) à un moment.
Le JB a été principalement utilisé sur la « VB ». Nous avons changé récemment. Je ne sais pas bien ce qui s’est passé. Soit le micro est mort ou la guitare a changé. Nous l’avons remplacé par le ’59… puis la tête s’est cassée !
Ton potard de volume n’est assurément pas d’origine !
Non c’est une capsule de bière. Ce n’est pas juste pour avoir l’air cool, il y a une utilisation pratique derrière ça. Lorsque tu utilises ton petit doigt et que tu es en sueur et dégoulinant de bière, ton doigt glisse avec un potard Gibson standard. Nous avons donc mis ces capsules de bière par dessus pour une bonne prise sur le volume.
Tu ne te blesses jamais avec ça ? Car j’imagine que ça peut couper également ?
Non, mais cela m’arrive avec les canettes de bière. Lorsque je casse les canettes sur ma tête cela crée un trou, et puis en attrapant la canette, je ne réalise pas vraiment ce qui se passe avec l’adrénaline, et je m’enlève des putain de bouts de peau !
Au passage, ça a l’air également d’être une habitude australienne. J’ai vu des mecs ouvrir des bières avec leur crâne là bas !
Nous faisons toute sorte de choses pratiques en Australie !
As-tu d’autres Gibson avec toi ? Tu as une SG il me semble. Et tu as parlé de la Gretsch aussi.
J’ai une Gibson SG sur cette tournée et la Gretsch White Falcon. Les autres guitares sont toutes des Explorer. Mais c’est juste pour cette tournée.
Tu joues principalement sur Explorer de toute manière.
Oui, et j’ai hâte de pouvoir rejouer sur ma principale.
Utilises-tu des effets avant d’arriver sur ton ampli ?
Non, mais si nous avons besoin d’un boost, j’utilise mon boitier sans-fil, car tu peux augmenter le gain dessus pour attaquer l’ampli plus fort. Lorsque nous devons prendre l’avion juste pour un concert, parfois nous devons louer des têtes d’ampli que nous n’avons jamais utilisées avant. Il arrive qu’elles soient en mauvais état et ne sonnent pas très bien ou tout simplement bien trop propres. Des fois tu as l’impression d’avoir à faire à un Fender Twin même lorsque les potards sont à 10 ! Dans ces cas-là, je booste le signal avec le boitier sans fil. J’ai utilisé dans le passé des Ibanez Tube Screamer. Je les enclenchais et je jouais tout le concert avec, juste pour insuffler un peu plus d’énergie. Je ne le fais plus beaucoup désormais, car si tu as le bon ampli et si tu joues au bon volume, ça fonctionne aussi bien.
Nous avons pu voir que vous mélangez plusieurs têtes. Tu utilises quatre têtes c’est ça ?
Six !
Six ?
Oui, deux d’entre elles sont cassées.
Et combien sont branchées ?
Elles sont toutes branchées ! En ce moment, deux amplis sont morts, dont mon JMP de 1978. Il est mort lors d’un allumage et il a endommagé mon système sans fil avec lui. Il balance trop d’énergie et je ne peux plus l’utiliser.
S’agit-il d’amplis personnels ou de matériel de location ?
Ce sont mes amplis personnels.
OK, tu fais donc prendre l’avion à tout ton backline.
Oui. Il y a des amplis Wizard, du Marshall Kerry King, et le Dual Super Lead.
Donc tu mélanges le DSL JCM 2000, le JCM 800 Kerry King et des Wizard. Évidemment les amplis Marshall sont populaires, tout le monde les connait. Ce n’est pas vraiment le cas des Wizard. Pourquoi mélanges-tu ces deux marques et autant d’amplis en général ?
Cela nous ramène à ta première question, lorsque tu me demandais si je ne pouvais pas choisir entre être James Hetfield ou Angus Young, ou Brian Johnson ou Bon Scott ! C’est la même chose avec les sons de guitare. Je ne peux pas me contenter d’en avoir qu’un. J’aime mélanger les saveurs. Mon whisky favori est le Johnny Walker. Que ce soit le Johnny Walker bleu ou le noir, ce sont des assemblages. J’aime les assemblages. J’aime vraiment ça. C’est la même approche que pour les guitares que nous personnalisons et que nous modifions pour obtenir ce que nous voulons d’elles. C’est la même chose pour les têtes. Il y a le Peavey Butcher, le Wizard MC-II, le Marshall JMP de 1978, la version avec master volume. Il y a aussi deux Dual Super Lead et deux Kerry King JCM 800. Ça fait un gros mélange ! Il n’y a pas moyen d’avoir le son d’Airbourne sans mélanger tout ça. C’est comme le Johnny Walker, il faut faire des mélanges entre différentes distilleries et différents fûts pour obtenir cet assemblage. C’est comme ça !
Le Wizard a le même genre de voicing qu’un Marshall ou est-ce différent ?
Oui c’est le même genre de voicing qu’un Marshall. Cela a sa propre personnalité aussi, mais si tu mets le Wizard à côté d’un Marshall devant quelqu’un, il ne verra pas la différence. Par contre, devant un guitariste, ce dernier sentira une différence. Il y en a une. Les Wizard sonnent comme des Wizard et les Marshall comme des Marshall ! Il y a une certaine dynamique propre à chacun. Utilisés seuls, ils sont déjà putain d’incroyables, mais il se trouve que j’aime les mélanger !
Tu utilises beaucoup de baffles également. Servent-ils tous ? Ou certains sont-ils là pour faire office de décor de scène ?
Oh non, nous ne faisons pas ça ! Ce sont tous de vrais amplis et ils pèsent tous très lourd ! Leur poids est conséquent. Le fret marche ainsi : ton matériel prend l’avion ou est stocké dans un camion. Ça représente du poids. Tu consommes du carburant ainsi que de l’argent pour faire voyager tout ça autour du monde. Lorsque nous installons notre merdier sur scène, cela coûte de l’argent de le faire parvenir jusqu’ici. Il n’y a pas moyen de ne pas utiliser ce matériel. Merde, nous payons pour faire venir quelque chose, il est clair que nous voulons le brancher, et nous aimons le son de ce matériel. Si ce n’était pas le cas, alors nous ne paierions pas pour l’acheminer jusque-là. Cela n’a absolument aucun sens pour moi de faire voyager des baffles factices autour du monde. Ça n’a aucun sens. Lorsque tu es gamin et que tu prends ta guitare, tu la branches dans un ampli et tu le mets sous tension. Tu ne te mets pas sur un canapé en prétendant que c’est un ampli en faisant des sons avec ta bouche, ou que sais-je ! C’est la même approche que lorsque nous étions gosses, à une autre échelle. C’est notre manière de penser.
Chaque tête est reliée à un baffle ?
À un stack. Donc c’est deux baffles par tête.
Ce sont des Marshall, montés avec un haut-parleur Celestion G12T-75 peut-être ?
De mon côté ce sont tous des 25W, des Greenback. Je suppose que c’est encore une de ces situations où tout d’un coup j’ai pris la décision d’utiliser exclusivement des Greenback 25 W.
À la manière d’Angus. Il utilise également les Greenback.
Ouais en quelque sorte. C’est plus ou moins les premiers haut-parleurs qu’ils ont mis dans des baffles Marshall à l’époque et ça fonctionne bien ! Les 80 W (sans doute le Classic Lead, C12–80) et les 75 W (G12T-75) sont un peu bizarres. Pour être honnête, ils ne sont pas faits pour ce genre de son. Nous aimons bien les Vintage 30 aussi. Chaque type de musique a besoin d’un certain type de haut-parleur pour moi. Je suppose que les groupes au son plus lourd que le nôtre doivent bien aimer les baffles de 300 W, car ils ont un rendu plus épais. Je ne sais pas trop, car nous ne les avons jamais vraiment utilisés. Nous nous sommes déjà branchés dessus, mais sans que nous nous disions : « oh j’aime le son qu’ils ont et je vais en acheter » à l’inverse des baffles montés en Greenback. Il y a une recette pour chaque style de musique. Pour du rock ’n’ roll il faut des Greenbacks 25W, pas d’effet, et monte le volume !
OK les mecs, voilà, si vous voulez avoir un crunch/overdrive old school typé Marshall, voilà comment faire !
Montez le volume !
Tu te sers davantage de la distorsion procurée par le volume que de celle du préampli, je suppose ?
Surtout le volume. Écoutez des albums, appuyez sur stop ou pause. Essayez de recréer le son vous-même. Réécoutez, revenez en arrière, jusqu’à trouver. C’est ce que je faisais quand j’étais gamin et c’est pourquoi j’ai des acouphènes. Ce n’est pas parce que je joue du rock ’n’ roll. Mes oreilles sifflent, car quand j’étais gamin, j’ai passé huit heures par jour à essayer de trouver un son.
Surtout si tu le fais avec une tête 100 W avec le volume à 10 dans une chambre, c’est assez fort !
Oui, mais ce n’est pas tellement une question de volume sur 10, car tu peux obtenir des résultats merdiques ainsi. Il y a des têtes qui sont trop puissantes, et si tu règles le volume à 10 les haut-parleurs ne vont pas le supporter derrière. C’est là que tu risques d’avoir besoin d’un de ces baffles de 300W pour absorber plus de puissance. Le truc consiste à trouver le « sweet spot ». Cela existe dans tous les amplis, dans toutes les guitares et dans toutes les combinaisons de micros… C’est aussi dans le potard de volume, dans le circuit, dans le câble, que ce soit du sans fil ou non, et même jusqu’au médiator, jusqu’au tirant des cordes… Et ta façon de jouer. Tout ça a son importance. De l’ampli, jusque la tête en elle-même et ta manière de la régler. Quel modèle est-ce ? Quelle lampe vais-je utiliser ? Quel préampli ? Quel est le baffle ? Quelle est la nature de son bois ? Du bouleau ou que sais-je encore ? Il y a les haut-parleurs à l’intérieur, puis les câbles qui vont du haut-parleur jusqu’à la tête. Puis tu en viens à comment tout cela réagit dans la salle où tu te trouves et comment cela réagit avec les micros qui captent le son. La chaine sonore est sans limites et au final tout cela te ramène à une chose : la façon dont tu joues !
Bien sûr. Tout est dans les doigts. C’est un bon mot pour la fin !
Oui, mais je viens juste de mettre à plat tout l’intérêt de l’interview !
Interview de David Roads
Vidéo en version originale :
Traduction de l’entretien :
Avant de parler spécifiquement de ton matériel, je voulais te poser quelques questions. Tout d’abord, tu joues aux côtés de Joel qui chante, joue de la guitare rythmique et fait également les solos. Vois-tu ton rôle à la manière de celui de Malcom Young dans AC/DC, avec comme mission d’être carré et calé avec la basse et la batterie pour assurer la colonne vertébrale du son du groupe ?
David Roads : Oui tout à fait. C’est mon job en tant que guitariste rythmique pour notre genre de rock ’n’ roll qui est brut et très influencé par AC/DC. Mon boulot consiste à être vraiment en place avec la batterie, d’être en rythme et faire tourner la machine. Veiller sur la maison en quelque sorte ! Parfois, pendant que Joel chante sur un couplet il envoie la guitare dans son dos et se concentre sur son rôle de frontman. Mon job est alors de maintenir ce mur de son et de tout maintenir en place.
Comme ça il peut faire ce qu’il veut, se pendre par les pieds si ça lui chante, et toi tu le couvres dans toutes ces occasions !
Ouais ! Il y a aussi des moments sur scène, par exemple lorsque Joel pulvérise une canette sur sa tête pendant certaines chansons, où nous faisons clairement monter la sauce en tant que section rythmique, et tout particulièrement moi à la guitare. J’essaie de jouer en fonction de ce qu’il est en train de faire et je fais monter la sauce jusqu’à ce que cela devienne dingue et que la canette explose ! Ensuite nous calmons le jeu à nouveau. Il y a beaucoup de dynamique dans notre façon d’insuffler de l’énergie.
À propos du jeu de guitare en lui même, de vos parties de guitare, jouez-vous tous les deux la même chose pour obtenir ce gros mur de son ou harmonisez-vous les choses différemment ?
Non pas beaucoup. Sur certaines chansons plus que sur d’autres. Il arrive que l’on joue à peu près la même chose, mais j’ai davantage un style à jouer des gros accords ouverts et à avoir un gros son précis. Si je joue un riff bien épais et carré, Joel va avoir tendance à faire sonner des accords par dessus. À l’inverse, certaines chansons réclament simplement deux guitares à l’unisson pour un gros mur du son.
Parlons d’ailleurs de tes guitares. Vous aimez clairement les Gibson ! Tout comme Joel, tu utilises beaucoup d’Explorer. Nous avons donc des Explorer, des SG, mais on dirait que vous n’aimez pas particulièrement les Les Paul dans Airbourne, n’est-ce pas ?
Nous les aimons, mais nous pensons que ce n’est pas le bon look pour notre groupe. Il nous arrive d’en utiliser une parfois pour une chanson. Mais le style de l’Explorer a toujours été notre choix pour le look. Ça a toujours bien collé. Nous réfléchissions à ça à nos débuts. Regarde Angus Young, la guitare qui le définit est la SG. Pour Malcom c’est la Gretsch. D’autres groupes ont d’autres modèles qui les définissent. Nous voulions quelque chose qui colle avec notre énergie et avec le groupe que nous sommes. Nous avons choisi les Explorer. Nous avons adoré tout de suite, c’est le look pour notre groupe. Auparavant, j’utilisais des SG pour certaines chansons. J’utilisais même une ES-335 pour Diamond In The Rough. C’était il y a quelques années maintenant. Puis j’ai fini par abandonner les autres et me décider à utiliser des Explorer pour tout notre set. Je change de guitare pour les différents accordages, mais c’est le look du groupe. Il est possible que cela change à l’avenir, sur un autre album nous pourrions très bien jouer sur Les Paul ou sur ES-335 pour une chanson, car j’aime jouer différentes guitares et changer de guitare.
As-tu beaucoup d’Explorer ?
Oui, pour les concerts j’en ai quatre. Il y a tout d’abord la noire qui est ma principale et qui assure la majorité de notre set. J’en ai une autre pour les chansons accordées plus bas comme Diamond In The Rough, Back In The Game ou Breakin’ Outta Hell. J’ai une remplaçante pour tel ou tel accordage au cas où je casse une corde ou si je suis désaccordé. J’ai aussi une remplaçante pour ma guitare principale et je l’utilise parfois sur certaines chansons, car elle sonne un peu différemment. Pour des morceaux précis, je préfère un son plus propre ou plus percutant, un peu à la Malcom Young je suppose, et pour d’autres titres je veux plus de gain ou davantage le son naturel de la guitare, donc je change un peu entre ces deux-là selon le morceau.
Tu viens d’évoquer différents accordages. Il y a du Mi standard, mais quel est l’autre accordage ?
Pour Diamond In The Rough ou Breakin’ Outta Hell, nous sommes accordés un ton plus bas. Toutes les cordes sont un ton plus bas, nous sommes en Ré standard. Nous sommes souvent en standard même si sur notre dernier album nous étions plutôt un demi-ton en dessous pour rendre les choses plus agressives.
Mi bémol donc.
En réalité, au lieu d’utiliser le standard 440 Hz nous avons utilisé du 432 Hz. Est-ce que cela fait un demi-ton de moins ? Je crois, ou c’est peut-être entre les deux. C’est ce qui définissait l’accordage standard il y a très longtemps avant que cela ne change pour 440 Hz. Si tu écoutes des vieux albums comme Highway To Hell, ils sont accordés comme ça. Il y a d’autres groupes de rock qui le faisaient aussi comme The Angels.
Quel type de cordes utilisez-vous ?
Nous utilisons des D’Addario depuis pas mal d’années. J’ai diminué le tirant récemment, sur cette tournée en fait. J’étais en 13–56, plutôt épais, mais très bon pour la rythmique !
13–56 en accordage standard ? Assez épais en effet !
Oui, mais j’ai diminué et maintenant je suis en 12–54 je crois. Avant j’avais un Sol fileté. C’est ce que j’utilise en studio. C’est super pour la rythmique, ça te donne un gros son et ça tient très bien l’accordage. Mais pour un groupe qui double aussi bien les solos que les rythmiques, bonne chance car ce n’est pas facile de faire des tirés sur ces cordes assez rigides. Mais c’est super pour mon son.
Tu utilises le même jeu pour ton accordage en Ré ?
Oui.
Ça fait toujours une bonne tension, ce n’est pas trop mou ?
Non, il faudrait descendre en Do pour que ce tirant soit mou.
À propos des micros, utilises-tu ceux d’origine sur tes guitares ?
Non elles ont toutes été personnalisées. J’utilise du Seymour Duncan depuis un bail. En règle générale mon micro est le ’59 pour avoir un son classique. C’est un super micro, il est aussi à l’aise pour les solos que pour la rythmique et il sonne toujours super bien. J’ai essayé différents micros au fil des années, mais je reviens toujours au ’59 de Seymour Duncan. J’ai mis un Filter’Tron dans une de mes Explorer pour varier les plaisirs. Pour quelques chansons où je voulais un son plus propre. J’ai donc le Filter’Tron sur une guitare, mais à part ça, c’est toujours ce bon vieux ’59.
Après la guitare, ton signal part-il sur un pedalboard ?
Non pas de pédales. Juste la bonne guitare avec le bon micro, le bon ampli, et les bons haut-parleurs et les bons baffles. Parfois j’utilise une pédale d’égalisation. Mais elle se trouve derrière mon ampli avec mon technicien guitare. Parfois je suis comblé par le son qui sort de mon ampli et parfois j’ai envie de booster certaines fréquences comme lorsque tu enregistres en studio. Plus de médiums, ou plus d’aigus, ou plus de hauts médiums pour ajouter un petit quelque chose. Parfois ça fonctionne simplement mieux avec une pédale d’EQ. C’est un bon petit truc, mais ce n’est pas comme si c’était un véritable effet, et je ne l’utilise pas souvent. C’est pratique lorsque l’on loue du matériel parce que nous devons prendre l’avion.
Lorsque tu veux modifier un ampli que tu ne connais pas forcément pour obtenir un son spécifique en somme ?
Oui, tout à fait. Cela t’aide à trouver le bon son et c’est parfait pour ce genre de situation. Mis à part ça, lorsque j’ai mon propre backline je ne l’utilise pas vraiment.
Tu sais où tu vas avec ton propre matos. Au passage, nous parlions du live, mais tu as mentionné le studio. Utilises-tu les mêmes choses en live et en studio ?
C’est différent pour tous les albums. Cela dépend de la nature de la pièce et du son que nous recherchons. Sur notre dernier album c’était plus ou moins la même chose. J’avais ma tête Wizard Modern Classic Mk II reliée à un baffle Wizard ainsi que des têtes Marshall branchées sur des baffles Marshall. Et le tout était mélangé. C’était donc assez similaire à ce que nous utilisons sur scène.
Tu as beaucoup de têtes sur scène. Sont-elles toutes allumées en permanence ? Joel nous a dit avoir six têtes, bien que deux soient cassées en ce moment. Tu utilises autant d’amplis également ?
Oui, nous utilisons beaucoup d’amplis selon la taille de la scène. Évidemment lorsque nous jouons en festival la totalité de notre backline sort du camion en chariot pour aller jusqu’à la scène. Tout est allumé, mais nous avons une tête principale qui est repiquée dans le son en façade. Notre tête principale va nous donner le son général. Pour le reste de nos stacks, nous utilisons différents niveaux. Parfois Joel va se brancher sur un de mes stacks et je vais me brancher sur un des siens, car nous traversons la scène de part et d’autre.
De cette manière vous pouvez vous entendre où que vous soyez sur scène.
Oui, mais nous avons tendance à seulement faire cela sur les scènes les plus larges lorsque nous sortons tout le backline.
Quels amplis utilises-tu ? Tu as mentionné Wizard qui possède un voicing à la Marshall.
Oui, les Wizard sont fabriqués au Canada. Ils sont faits main et câblés main. C’est des amplis géniaux que j’utilise depuis quelques années. Je les utilise toujours ainsi que mes Marshall. L’essentiel de mon son vient du Wizard et des JCM 800 et DSL JCM 2000 de Marshall. Le DSL est une de mes têtes préférées. Elle sonne super bien ! Pour moi c’est une tête qui peut tout faire, des rythmiques aux solos. Lorsque nous devons prendre l’avion pour jouer quelque part et que nous sommes obligés de louer du matos, j’essaie toujours de louer un Dual Super Lead, car je sais qu’il fera l’affaire. En résumé, c’est principalement le JCM 800, le DSL et le Wizard Modern Classic. Ce sont les têtes qui sortent du lot.
Comment règles-tu tes amplis. As-tu une préférence au niveau de l’égalisation et du gain ?
Il y a un truc cool avec le Wizard. Si jamais notre ingé son rencontre des problèmes à cause de la limitation des décibels, car il nous arrive parfois de devoir nous battre contre des limitations importantes dans certains endroits, eh bien on peut facilement baisser le volume, car le Wizard sonne vraiment bien même lorsque le volume est sur 3. Mais en marche normale je le règle sur 4, cela fait beaucoup plus de volume et il y a une partie du son qui vient avec le volume. Je n’aime pas vraiment descendre sous la barre de 3, car cela te fait perdre tout ça. Mais ils ont un tel niveau de sortie et un si bon son déjà autour de 4 et 5 que tu n’as jamais besoin d’atteindre le 11 de Spinal Tap ! Cela serait du bruit sans qualité sonore. Ça serait dingue. Ce n’est vraiment pas le genre d’ampli où tu dois tout régler à 10 et régler peut-être les médiums sur 5.
Et tu dois obtenir une grande partie du son du préampli comme sur la plupart des amplis modernes.
Oui.
Ce n’est pas comme avec un JMP. J’ignore si vous avez des modèles avec contrôle du gain ou non, car parfois tu as seulement le potard de volume.
Joel utilise un JMP, pas moi. Mais je vois ce que tu veux dire.
Oui, parfois tu ne peux qu’agir sur un potard de volume.
Sur le Wizard Modern Classic, il y a un sélecteur et j’adore ça, car cela te donne deux canaux : un Rhythm et un Lead. C’est un ampli basique, mais haut de gamme. Je n’aime pas les amplis avec multitudes de canaux. J’aime les choses simples et c’est pourquoi j’apprécie le JCM 800 et le Wizard. Sur le canal Rhythm le son est très propre, et si tu tires le potard tu obtiens beaucoup plus de gain. Il y a la même chose avec le canal Lead pour te permettre d’obtenir une tonne de gain, mais je ne l’utilise jamais, car c’est beaucoup trop pour mon son. Mais j’aime tous les amplis. Si j’utilise un nouvel ampli ou si je dois en louer un, je commence avec tout à midi et j’affine à partir de là. Si l’ampli est suffisamment bon, il n’y a pas besoin de devenir dingue avec tous ces réglages. S’il est suffisamment bon, le son est là sans avoir à changer radicalement les réglages.
Au sujet des niveaux, certaines têtes sont plus poussées que d’autres. C’est un mélange dans lequel certains amplis se feront plus entendre, n’est-ce pas ?
Tout à fait. Typiquement, les gens qui se trouvent tout devant vont avoir beaucoup du son des baffles. Ils vont avoir ce mélange entre tous les amplis et les différents sons où ils se situent. Mais tous les sons sont plus ou moins semblables sur scène. Je ne voudrais pas être sur le canal Lead sur un ampli et sur le canal Rhythm sur un autre et avoir des sons si différents. Tout va bien ensemble. Je prête plus d’attention aux deux baffles qui sont repiqués dans la sono, je vais apporter plus d’attention aux réglages et ils seront plus forts que les autres en volume.
En parlant des baffles, utilises-tu un type de haut-parleur spécifique ?
Ce sont tous des haut-parleurs Celestion.
Également des Greenback comme Joel ?
Hum… je ne sais plus vraiment, j’ai beaucoup changé récemment. J’utilise des versions vintage en 25 W (sans doute Greenback) et 30 W (sans doute G12H30) que je mélange. J’en ai utilisé de toutes sortes et je sais juste qu’ils sont de marque Celestion.
Pour le repiquage, aimez-vous utiliser un modèle de micro en particulier ou utilisez-vous ce qui est dispo à la salle ?
C’est notre ingé son façade qui s’occupe de ça. Il sait de quoi nous avons besoin pour avoir le meilleur son dans la salle. Je ne sais pas ce qu’il utilise précisément, nous laissons Mark qui s’occupe de notre son en façade gérer ça. Je lui fais confiance dans son rayon !
Il y a d’autres choses ou nous avons fait le tour ? As-tu d’autres éléments dans ta chaine ?
Non, je suis un guitariste très ennuyeux à vrai dire ! Je suis vieille école, je me branche dans un ampli et dans un baffle et je n’ai pas de gros pedalboard ou quoi que ce soit. Il faut juste avoir le bon ampli, c’est de ça que j’ai besoin pour mon son. Nous faisons du rock ’n’ roll avec un style à l’ancienne. Je n’ai pas besoin de toutes ces pédales.
Vous maîtrisez l’art d’obtenir ce bon vieux crunch vieille école typique de Marshall.
Exactement. Gibson et Marshall !