Si en 2013, nous testions FL Studio 11 puis FL Studio 12 et 12.1 en 2015, en 2018 nous testons… FL Studio 20 ! Pardon ?
Il faut dire que c’est le vingtième anniversaire du logiciel né en 1998 sous le nom de Fruity Loops. À l’époque, il ne s’agissait guère plus que de l’émulation virtuelle d’un step-séquenceur analogique hardware. Son créateur Didier Dambrin a depuis fondé la société Image Line pour éditer le logiciel qui a beaucoup évolué.
Reste à savoir si derrière ce numéro de version bien rond et la barre symbolique des vingt ans d’existence, l’édition 2018 de FL Studio n’est qu’une version ultrastéroïdée du logiciel. C’est ce que nous allons découvrir ensemble, sachant que je renvoie ceux qui souhaiteraient avoir des détails sur le fonctionnement général de la STAN au banc d’essai de la version 11 expliquant tout cela.
On se cotise pour les cadeaux ?
Avant de commencer, deux choses sont à noter. La première, et non des moindres, c’est qu’à partir de cette 20e mouture, FL Studio n’est plus réservé au monde Windows mais qu’il est également compatible avec Mac OS. La seconde, c’est qu’il est très important de rappeler la politique tarifaire particulière d’Image Line qui s’avère potentiellement très intéressante. En effet, on achète FL Studio une fois dans sa vie, et toutes les mises à jour futures sont gratuites. Seuls sont facturés le passage d’une gamme à une autre.
Rappelons que les versions proposées sont les suivantes : « Fruity » à 99 €, « Producer » à 199 €, « Signature » à 299 € et enfin « All plugins » à 899 € (TTC).
Pour les détails fonctionnels de chacune de ces gammes, je vous propose de vous rendre directement sur le site du fabricant.
Les amuse-bouches
On commencera par les plug-ins, sachant que ZGameEditor Visualizer, Slicex et DirectWave gagnent chacun quelques menues améliorations. tandis que la réverbe intégrée Reeverb 2 se dote d’un modulateur ultrabasique censé donner plus de naturel à son rendu… Pour le coup, je ne suis pas très convaincu. On saluera en revanche l’ajout de deux presets à la réverbe à convolution Fruity Convolver qui la transforment tout simplement en… EQ à phase linéaire ! Et comme cela fonctionne très bien, c’est bien vu.
Terminons ce tour d’horizon des plug-ins avec un quasi-nouveau venu : le VFX Level Scaler à utiliser au sein du Patcher. Pour rappel, le Patcher est une interface graphique qui permet de créer très rapidement et simplement des chaînes potentiellement complexes d’instruments et d’effets. Je qualifie VFX Level Scaler de « quasi nouveau venu » car il s’agit en fait d’une version live du Level Scale Tool déjà présent dans le piano roll. Cette dernière offre toutefois bien d’autres possibilités que le plug dont il s’inspire, lequel se limitait à la gestion de la vélocité entrante. En effet, outre la vélocité, VFX Level scaler prend en charge les informations MIDI de relâchement, de pitch, de panoramique et celles provenant des modulateurs X et Y. Ces paramètres devraient d’ailleurs parler aux vieux habitués du logiciel, à qui Image Line réserve une petite surprise dont nous en parlerons plus loin…
Les modifications peuvent se faire selon des progressions linéaires ou logarithmiques, les courbes étant intégralement paramétrables. Il n’y a en revanche aucun preset prévu pour l’instant, ni de possibilité d’en créer. Une fonction d’humanisation est également présente avec plusieurs modes d’opération. On peut ainsi répartir les éléments aléatoires exclusivement dans le domaine positif (au-dessus de de la valeur d’origine), dans le domaine négatif (en dessous de la valeur d’origine) ou équitablement entre les deux. On dispose même d’un paramètre permettant de régler la durée de l’affichage des événements sur l’écran intégré du plug.
Comme tous les éléments du Patcher de FL Studio, les paramètres du Level Scaler sont pilotables par MIDI à condition de réaliser au préalable une télécommande dédiée au sein de ce même Patcher. À l’usage, nous bénéficions donc là d’un plug-in qui marie très bien simplicité d’utilisation et puissance, et qui fera la joie des manipulateurs de flux MIDI même si ces évolutions intéressantes n’ont rien de révolutionnaire. Aussi allons-nous voir ce qu’il se trame du côté du step-séquenceur…
Le retour des vieux amis
Voici le moment de dévoiler la surprise que j’ai évoquée plus haut. En effet, les fans de la STAN seront ravis de découvrir que le Graph Editor est de retour, après avoir été évincé de la version 12 !
On rappellera rapidement aux néophytes que cette fonctionnalité, qui faisait un peu partie de l’ADN de FL Studio, permettait d’accéder à de multiples paramètres (cf. ceux gérés par le VFX Level Scaler) pour chacun des pas du step-séquenceur. La version actuelle reprend l’intégralité des fonctions des versions antérieures, avec une nette amélioration graphique et un piano roll miniature pour les hauteurs de notes.
Le sampleur retrouve quant à lui des effets qui avaient eux aussi disparu par le passé, mais gagne également de nouvelles fonctionnalités – offset et sample start – qui permettent d’éditer rapidement le point de départ d’un sample. Tout comme pour les plug-ins, il n’y a rien de renversant là-dedans et même si le retour du Graph Editor fait plaisir, c’est ailleurs qu’on trouvera les changements les plus profonds apportés par les développeurs d’Image Line.
À table ! …de mixage
Les modifications subies par la table de mixage ne sont elles non plus pas très nombreuses. On passera rapidement sur le fait que l’on dispose désormais de 125 pistes pour se concentrer sur la seule véritable grosse évolution de la console, qui est loin d’être anodine. En effet, durant les dernières années, nombreux ont été ceux qui ont témoigné sur Internet avoir rencontré des défaillances de la compensation automatique de latence des plug-ins au sein du logiciel d’Image Line (voir encadré). Et il semblerait que l’éditeur ait entendu les doléances des utilisateurs. En conséquence, les développeurs ont complètement réécrit les routines concernées pour cette version 20.
En ce qui me concerne, j’ai passé le nouveau système de compensation à la moulinette de deux bons générateurs de latence : les plug-ins LinEQ et PuigTec EQP1A de chez Waves. Dans les deux cas, la compensation automatique s’est très bien comportée, mais elle le faisait chez moi déjà dans la version 12 de FL Studio ! Je me garderai donc de tirer quelque conclusion que ce soit pour le moment. Seuls le temps et les utilisateurs nous diront si Image Line a réussi ou non son pari.
Atelier maquillage
Parmi les changements profonds opérés dans cette dernière mouture, on parlera aussi de l’interface générale. Au lancement du logiciel, on remarque tout de suite que certaines petites choses ont évolué. Ainsi, les boutons de redimensionnement et de fermeture de la fenêtre principale viennent rejoindre le coin supérieur droit de l’espace de travail, comme pour toutes les autres applications : révolution ! Si vous le souhaitez, rien ne vous empêche toutefois de revenir à une version FL Studio 12 de votre interface, ou même de la modifier totalement et de créer différents presets selon vos besoins. Voyons cela plus en détail.
Rappelons qu’il y a longtemps qu’Image Line porte une attention particulière à l’aspect et l’ergonomie de l’interface de son séquenceur. Celui-ci a même été l’un des premiers logiciels audio à proposer une interface graphique intégralement vectorisée afin de permettre le libre redimensionnement des différents éléments qui la constituent. Cette caractéristique a d’ailleurs été adoptée par la majeure partie des éditeurs concurrents pour leurs propres produits, et l’on ne peut que s’en féliciter. En plus de cette vectorisation, les versions antérieures de FL Studio proposaient déjà la possibilité de modifier l’emplacement des différents éléments de l’interface, à condition toutefois de rester dans la partie supérieure de la fenêtre de travail. Aujourd’hui, Image Line pousse encore plus loin la logique qui consiste à laisser l’utilisateur adapter son environnement de travail à ses besoins spécifiques. En effet, on n’est plus limité au seul espace supérieur pour placer ses barres d’outils : libre à chacun de les disposer où bon lui semble sur la totalité de l’espace de travail. On peut également définir l’espacement entre les différents éléments, et si cet espacement sera fixe ou flexible.
Au-delà de ça, Image-Line nous propose dans la dernière version de son soft un véritable éditeur qui nous permet de supprimer ou d’ajouter des éléments à volonté et de sauvegarder comme je le mentionnais plus haut toutes les modifications effectuées au sein d’autant de presets qu’on le souhaite.
Mais il est temps maintenant d’aborder l’élément qui a subi à mon sens les plus intéressantes évolutions, j’ai nommé la playlist.
Le gâteau, le gâteau !
Signalons tout d’abord quelques menues améliorations qui, sans être révolutionnaires, rendront l’expérience FL Studio encore plus agréable pour l’utilisateur, telles que le passage de 199 à 500 du nombre maximal de pistes de la playlist, ou encore la possibilité de régler ces dernières à la même taille ou de cacher toutes celles d’un même groupe en un seul clic. On notera également que la mini-preview située dans la barre horizontale de la playlist et du piano roll est désormais affichable sur deux lignes si on le souhaite, que l’audio enregistré s’affiche à présent directement durant l’enregistrement, ou encore qu’une prise de son en boucle groupe immédiatement entre elles les pistes créées par chaque répétition de la boucle. Tous ces éléments ne manquent certes pas d’intérêt, mais comme dirait l’autre, il n’y a pas de quoi décorner un bœuf non plus (pauvre bête)…
En revanche, on s’intéressera davantage à ce qui suit. Tout d’abord, on saluera l’entrée de FL Studio dans l’ère moderne – petit tacle affectueux – avec l’arrivée de deux fonctions présentes depuis des lustres chez la concurrence mais qui faisaient jusqu’ici cruellement défaut dans le séquenceur d’Image Line. La première fonction, c’est le punch in / punch out qui permet de n’enregistrer un signal qu’entre certains points de la timeline préalablement définis. Pour bien faire les choses et contrairement à certains concurrents (n’est-ce pas, Ableton Live…), le logiciel autorise même l’insertion d’autant de points d’enregistrement qu’on le souhaite. C’est très bien.
Quand à la seconde fonction, il s’agit de la possibilité d’inclure enfin des changements de signature rythmique, et ce aussi bien dans la playlist que dans les patterns à travers le piano roll. Alléluia !
Mais ce n’est pas tout. En ce qui concerne le rendering, la playlist offre maintenant trois nouvelles options très appréciables. On peut dorénavant convertir en un seul fichier audio tous les éléments MIDI ou audio d’une piste, tous les éléments sélectionnés séparément au sein de pistes différentes, ou encore tous les clips identiques d’un morceau, ce qui est très pratique pour créer rapidement des fichiers audio.
Puisqu’on parle de fichiers audio, on appréciera beaucoup également la nouvelle fonctionnalité qui permet de découper instantanément et directement dans la playlist un fichier audio en plusieurs « slices », sans plus nécessiter de passer forcément par l’outil Slicex. Cette découpe peut se faire selon des fractions temporelles, des fractions de boucle ou même selon certains presets rythmiques de styles musicaux prédéfinis, hélas non enrichissables avec ses propres presets. Mais c’est déjà fort louable dans l’état actuel des choses. Attention toutefois, concernant les presets de style musicaux, il arrive parfois que sur un matériau un peu complexe, le résultat final soit un peu surprenant et surtout dépasse un peu la durée de l’échantillon préalable. Aucun problème n’est toutefois à signaler avec des rythmiques de départ simples, ou avec la découpe selon des fractions temporelles.
Ce qui fait vraiment à mon sens le sel de cette nouvelle playlist et l’un des principaux intérêts de cette version 20 de FL Studio réside toutefois dans la possibilité de gérer plusieurs arrangements au sein d’un même projet ! Oui, vous avez bien lu : on peut désormais créer autant d’arrangements qu’on le souhaite et naviguer entre eux comme on le ferait par exemple entre les patterns, de manière totalement fluide et sans aucun temps de chargement. Et ceci inclut également l’activation de la fonction « performance mode », c’est-à-dire que vous pourrez naviguer entre des arrangements dont certains disposent de la matrice de clips « façon Ableton » et d’autres qui en sont dépourvus.
Enfin, sachez que vous pouvez également décider de fusionner deux arrangements selon plusieurs modes. Bref, c’est une fonction qui vous offre une grande liberté et qui augmente très sensiblement la fluidité de votre travail.
Ainsi, je dois dire qu’à titre personnel et en tant que testeur, j’ai tout particulièrement goûté cette fonction qui m’a évité plusieurs fois de devoir créer des projets différents selon les aspects spécifiques du logiciel que je souhaitais tester, et ainsi de ne pas avoir à me retartiner à chaque fois les temps de chargement, en particulier ceux des plug-ins (FL Studio lui-même étant toutefois très véloce à ce niveau-là). À ma connaissance, seul Studio One propose jusqu’à maintenant une solution comparable, avec le principe des « Scratch pads ».
Aucune fête ne saurait être parfaite…
Si toutes les évolutions de FL Studio que je vous ai présentées durant ce banc d’essai sont tout à fait positives et pertinentes, il me semble utile de souligner certaines choses plus discutables. J’évoquais plus haut le souci d’Image Line de proposer une ergonomie toujours plus poussée à l’utilisateur. Certes… mais à la condition que celui-ci fasse l’effort de s’adapter. On pourrait dire que cette constatation s’applique à tous les logiciels : ce n’est pas faux. Mais Image Line pousse le concept encore plus loin en refusant d’appliquer certaines conventions répandues dans le monde informatique (sur lesquelles je ne reviendrai pas en détail) et qui peuvent s’avérer déroutantes pour celui qui découvre le soft, d’autant que les raccourcis clavier ne sont pas éditables, contrairement à ce qu’on voit chez nombre de concurrents !
Ceci m’amène à reparler de la nouvelle fonction d’édition d’interface, dont je trouve qu’Image Line ne tire pas encore complètement parti. Je m’explique : d’une part, les éléments présents dans l’interface par défaut ne sont pas si nombreux que cela et s’avèrent pour la plupart très utiles : les supprimer n’aura de sens que pour les utilisateurs expérimentés maîtrisant tous les raccourcis clavier. D’autre part, les éléments supplémentaires que l’on peut afficher ne sont pas très nombreux non plus (neuf en tout).
Or, comme de nombreuses STAN, FL Studio est un logiciel qui regorge de fonctionnalités perdues au fin fond de divers sous-menus. Un grand nombre d’entre elles est certes accessible via les raccourcis clavier, mais l’impossibilité de modifier ces derniers force l’utilisateur à apprendre par cœur les raccourcis prévus par défaut s’il ne veut plus perdre son temps dans les sous-menus, ce qui peut vite s’avérer fastidieux. Il me semble donc qu’il aurait été judicieux de profiter des nouvelles possibilités de configuration d’interface – et notamment de création de presets ! – pour proposer l’accès « graphique » à davantage de fonctionnalités du logiciel. Cela aurait par exemple permis à l’utilisateur de se constituer librement des interfaces différentes en fonction des situations (composition, édition audio, mixage, etc.). Connaissant l’éditeur et sa politique très consciencieuse de mise à jour, il n’est pas interdit de penser que nous ne sommes qu’à la première étape d’une évolution dans ce sens.
Conclusion
Que dire en conclusion de cette vingti…pardon treizi…, enfin bref, dernière version de FL Studio ? Eh bien, il faut se rendre à l’évidence : on ne peut pas juger cette STAN comme n’importe quelle autre, à cause de son modèle économique singulier. En effet, je le rappelle encore ici, on ne paie FL Studio qu’une seule fois dans sa vie, et toutes les mises à jour postérieures sont gratuites, qu’elles soient mineures ou majeures. Et cela influence considérablement le regard que l’on peut porter sur le logiciel, par ailleurs excellent en soi, et sur l’exigence d’innovation que l’on peut avoir (ou non) concernant chaque nouvelle édition du soft.
Disons-le tout net : si la dernière version en date avait dû être payante comme chez la plupart des concurrents, je ne sais pas si j’aurais conseillé aux détenteurs d’une version antérieure d’évoluer vers elle. Certes, on ne peut pas dire que les améliorations proposées ne soient pas intéressantes, au contraire.
Mais il faut bien se rendre à l’évidence : à part l’éditeur d’interface et la gestion d’arrangements multiples qui font à mon sens le véritable intérêt de cette nouvelle mouture, tout le reste fait davantage penser à une grosse mise à niveau, soit vis-à-vis des anciennes versions avec le retour de fonctionnalités disparues et appréciées des utilisateurs (le Graph Editor) et la correction de fonctions défaillantes (la reprogrammation de la compensation de latence dont l’avenir nous dira si elle a été efficace), soit vis-à-vis de la concurrence avec l’adoption tardive mais bienvenue de principes tels que l’insertion de changements de signature rythmique ou celle de points de punch in / punch out.
Au vu de ce constat, on se dit que l’on est tout de même loin de ce que la célébration d’un 20e anniversaire aurait pu nous laisser espérer en termes d’innovations et de surprises. Seulement voilà, les mises à jour étant gratuites pour tous les anciens utilisateurs, ces derniers n’ont absolument aucune raison de ne pas évoluer vers cette version 20, et ce, qu’ils soient restés sous Windows ou bien qu’ils aient switché vers Mac OS, puisque FL Studio 20 propose pour la première fois la compatibilité avec les ordinateurs à la pomme.
Qu’en est-il enfin pour ceux qui souhaiteraient acquérir le soft (299 €) pour la première fois ? Disons que ceux-ci auront accès à un logiciel très puissant, très stable, bourré de bonnes idées et potentiellement indéfiniment évolutif. Mais je leur conseillerais toutefois de bien essayer la démo en premier lieu car l’ergonomie générale très particulière de la STAN pourra en effet dérouter ceux qui sont habitués à des environnements plus classiques.