Décembre, ce sont les arbres nus, ce petit froid mordant qui picote les joues, la neige qui enrichit les carrossiers, les magasins qui dégoulinent de rouge et de doré et les fans de Sonar qui se demandent s'ils mettront la traditionnelle nouvelle version sous le sapin. Voici donc que débarque la nouvelle mouture de Sonar qui au lieu de l'attendue version 9 se nomme Sonar X1. Car Cakewalk a décidé de refondre intégralement l'interface de son séquenceur. Et ça change tout. En bien.
L’interface
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Un reproche qui pouvait être fait aux précédentes versions de Sonar était son interface touffue. Si les habitués s’y retrouvaient et avaient sous les yeux simultanément beaucoup d’informations, ça pouvait être déstabilisant pour un nouvel utilisateur qui pouvait même passer à côté de fonctions intéressantes du logiciel.
L’essentiel du travail de Cakewalk pour cette nouvelle version X1 a donc constitué à repenser totalement l’interface du logiciel. On a l’impression que les développeurs de chez Cakewalk se sont demandé : « si on créait le logiciel à partir de zéro aujourd’hui, comment le ferait-on ? » Le résultat est de nouvelles fenêtres, une réorganisation des menus et fonctions et un gros travail sur le graphisme. Et disons-le tout de suite, le résultat est superbe. Tout est devenu beaucoup plus clair, beaucoup plus lisible, et l’ensemble des fonctions, notamment les plus intéressantes et les plus astucieuses du logiciel, est désormais bien plus accessible.
La nouvelle organisation de l’écran « par défaut » de Sonar rappelle l’ancienne… en mieux. Voyez les principaux éléments dans la capture d’écran (ci-dessous) « Vue globale ».
Tous ces éléments peuvent être rendus flottants, redisposés, agrandis ou réduits au goût de l’utilisateur. Et les différentes configurations peuvent être mémorisées dans 10 « screensets » dont 6 sont directement accessibles par un clic dans la barre d’outils. De quoi se faire différents environnements de travail en fonction du type de tâche et passer instantanément de l’un à l’autre.
Le Multidock situé en bas (par défaut) peut accueillir n’importe quel élément : le contenu de la piste en cours, la console de mixage, le step sequencer, la matrice, etc. On peut aussi y faire glisser le Browser, les instruments virtuels… On navigue entre les différents éléments par des onglets. Tout ceci est très pratique et rapide. Comme toutes les autres fenêtres, le Multidock peut être déplacé sur un second moniteur. C’est probablement la configuration idéale de travail : on conserve ainsi une vue piste + inspecteur maximisée sur un écran et tout le reste sur l’autre. Génial.
Bon, il y a un bug : même s’il est mis en plein écran sur le deuxième moniteur et qu’on y a mis des instruments virtuels, le mutlidock réapparaîtra en mode fenêtré à la réouverture du logiciel et les instruments virtuels repasseront en fenêtres flottantes. Plus grave, si on met l’explorateur dans le Multidock sur le deuxième écran, Sonar plante si l’on veut l’en retirer. Espérons que ce sera rapidement corrigé.
Par ailleurs, des menus thématiques ont été ajoutés directement à chaque fenêtre, permettant d’accéder à toutes fonctions et commandes utiles. Il est dommage qu’un menu du Multidock ne permette pas d’y ouvrir directement une fenêtre. Il faut toujours aller en chercher certaines dans le menu principal.
Mais globalement, ce Multidock est une très belle réussite. C’est également le cas pour le nouvel inspecteur de pistes.
Revu et amélioré, il est désormais deux fois plus large par défaut. Pour une piste MIDI, on profite de l’affichage étendu pour avoir un accès direct à de nombreux paramètres comme les contraintes à la gamme, l’arpégiateur, le groove, etc. Sur une piste audio, deux tranches sont affichées côte à côte : la piste en cours et le bus sur lequel elle sort (ou la sortie principale si elle ne passe pas par un bus). On peut aussi afficher le ProChannel sur lequel nous reviendrons plus loin et, grâce à l’ajout de menus, un vaste choix d’informations : propriétés et effets du clip ou de clip groove, propriétés de la piste, les réglages Audiosnap ou encore un très pratique espace de description ou prise de notes. Tout ceci est très accessible, immédiat et instinctif. Ce module frise la perfection.
C’est également le cas pour la vue des pistes. En plus de la refonte graphique qui rend les choses beaucoup plus lisibles, une fonction toute bête, mais ô combien pratique été ajoutée : un menu sur chaque entête de piste permet de choisir à la fois l’affichage du contenu de la piste et ce que l’on éditera. C’est ce que Cakewalk appelle les « filtres de piste ». Terminée la galère consistant à éditer des courbes d’automation se recouvrant, en risquant de bouger le clip lui-même si on cliquait au mauvais endroit. Désormais, ce menu permet de n’afficher et n’éditer que la courbe d’automation souhaitée. Grâce à lui, on peut choisir d’éditer les clips, les automations de pistes ou de clips ou les transitoires audio (Audiosnap). Sur une piste MIDI, l’édition des transitoires est remplacée par l’édition des notes.
Tout ceci est d’autant plus génial qu’il y a le SmartTool. Avec cet « outil intelligent », Cakewalk a réussi à sacrément fluidifier le travail à la souris. L’idée consiste à ne plus devoir changer d’outil pour effectuer différentes actions. Si les outils habituels sont toujours là, on n’a pratiquement plus besoin de les utiliser. Car la souris s’adapte automatiquement à ce qu’on fait et où on le fait.
Ainsi, on peut, sans changer d’outil, aussi bien ajouter et éditer intégralement des notes dans le piano roll, déplacer un clip ou travailler ses fade in et out sur une piste audio et modifier une courbe d’automation sur la piste d’à côté (en fonction du filtre de piste sélectionné). C’est l’endroit où l’on clique sur l’objet que l’on veut éditer qui détermine le type d’action. Très pratique. En cas de besoin, on conserve la possibilité de switcher rapidement d’un outil à l’autre en ouvrant une pop-up soit avec le raccourci T, soit par clic de la molette de la souris (il faut que celle-ci soit paramétrée en « bouton du milieu »).
Le bilan de cette refonte intégrale de l’interface est vraiment excellent. Un habitué de Sonar ne retrouvera rapidement ses repères puisque pratiquement tout est basé sur ce qui existait déjà, et il gagnera vraiment en fluidité et confort de travail (sans compter qu’il évitera d’enrichir son opticien). Quant aux nouveaux utilisateurs, ils aborderont le logiciel beaucoup plus simplement et rapidement et accéderont facilement à ses nombreux outils futés et puissants. Pour connaître ceux-ci, je les invite à lire les tests des versions précédentes puisqu’ils n’ont fondamentalement pas changé.
À ce propos, un point sera tout de même une déception pour certains : la vue partition qui reste inchangée depuis maintenant un paquet d’années. Il semblerait que les gens de chez Cakewalk ont prévu de l’améliorer, mais prennent leur temps pour pouvoir sortir une évolution importante. Espérons…
Évoquons tout de même deux nouveautés fonctionnelles apparues dans la version 8.5 qui n’avait pas fait l’objet d’un test.
La première est la matrice, un héritage de Projet 5, le séquenceur électro de Cakewalk. C’est une grille qui rappelle ce qu’on trouve dans Ableton Live où les lignes correspondent à des pistes (audio ou instruments virtuels) et les colonnes à parties de morceau.
Dans les cellules, on entre des boucles audio ou MIDI (ou des sons « one shot »). Cliquer sur une cellule déclenche sa lecture, un autre clic l’arrête. Il en est de même pour les entêtes de colonne : cliquer dessus démarre toutes les cellules de la colonne. Elles peuvent donc correspondre à des sections d’un morceau, qu’on pourra en plus mélanger. Par exemple, en cliquant sur la basse d’une autre colonne, c’est cette ligne de basse qui remplacera celle de la colonne en cours. Les déclenchements sont soit immédiats, soit synchronisés (à la mesure, la noire, la croche…). Les cellules peuvent être lues en boucles ou une seule fois. Enfin, on peut piloter tout ceci par MIDI. De quoi composer et improviser soit à la souris, soit avec un clavier maître. La matrice peut fonctionner indépendamment des données de piste (on ne joue que la matrice) ou par-dessus la lecture du projet. On peut aussi enregistrer sur les pistes ce qui est fait dans la Matrice.
L’autre nouveauté est le séquenceur pas-à-pas ou step sequencer. Il reprend le principe des séquenceurs vintage (à l’image de Rebirth). Encore une histoire de grille. Là, les lignes sont des notes (ou des éléments de batterie) et les colonnes correspondent à des temps. Très simple d’utilisation, mais assez puissant, il ne semble ne lui manquer qu’une fonction glide (ou glissando) pour imiter à la perfection un séquenceur vintage. On peut charger et sauvegarder des séquences (appelées « patterns ») indépendamment du projet.
Voici des vidéos de présentation de l’interface, de SmartTool et de l’inspecteur des pistes :
Effets et instruments virtuels
Dans ce domaine, on retrouve le superbe pack déjà compris dans les versions précédentes, notamment Dimension Pro, Rapture LE, Z3TA+. Je ne cite que ceux-ci, car ce sont les plus impressionnants, sachant que certains sont vendus individuellement quasiment au prix de Sonar ! (voir les tests précédents) On retrouve aussi le SessionDrummer, un plug-in de batterie virtuelle passé en version 3 depuis Sonar 8.5. Sans rivaliser encore avec un logiciel spécialisé (mais peut-on exiger ça d’un plug-in fourni avec un séquenceur ?) ses sons sont loin d’être mauvais et trouveront leur place dans bien des prods. On y retrouve aussi de bons kits de boîtes à rythmes comme les TR de Roland et la LinnDrum.
Autre nouveauté, on trouve aussi 4 « Studio Instruments » qui existaient déjà chez Cakewalk et viennent rejoindre le pack Sonar : le SI DrumKit, sorte de Session Drumer lite, le SI Bass, le SI StringEnsemble et le SI Electric Piano. Ces instruments légers et simples offrent une palette de sons largement utilisables dont certains sont très bons. Ceux qui m’ont le plus séduit sont le Electric Piano qui comporte quelques bons sons de Rhodes (et les distorsions, chorus et trémolo qui les accompagnent souvent) et le StringEnsemble. On ne fera pas une musique symphonique avec, mais il assurera très bien dans un mix. Pour des musiques électriques, électroniques, du hip-hop ou de la pop, il permet d’avoir de beaux sons d’ensembles de cordes cohérents et crédibles sans prise de tête.
Aucun de ces instruments ne remplace un bon sampleur (mais on a Dimension Pro) ou les ténors de leurs catégories, mais ils s’avèrent des outils pratiques qui trouveront leur place dans beaucoup de prods.
Côté instruments, Sonar Producer en donne vraiment beaucoup et de bonne qualité. De quoi produire des morceaux qui sonnent vraiment dans bien des styles musicaux. Ceci est un excellent point pour quelqu’un qui démarre dans la MAO et pas mal de ces instruments raviront ceux qui ont déjà une collection de VST conséquente.
C’est aussi vrai du côté des effets. C’est désormais la version 4 (toujours LE) de Guitar Rig qui accompagne Sonar. Elle offre déjà une belle palette de sons qui devrait suffire pour les usages courants et les gens désireux d’avoir la version pro pourront upgrader à moitié prix. On retrouve bien sur les autres effets présents sur les précédentes versions, à savoir la suite Sonitus qui donne à peu près tous les effets classiques de studio, la réverbe à convolution, le TranscientShaper si précieux et efficace sur les batteries (entre autres) et les compresseurs multibandes et égaliseur à phase linéaire dédiés au mastering.
Mais on trouve aussi deux nouveaux « Strips » : le Percussion Strip et le Vocal Strip. Et les deux sont des bombes ! En fait, ils regroupent chacun dans un seul plug-in tout un ensemble d’effets adaptés. Le VocalStrip comporte un de-esseur (avec écoute du réglage), un « compander » (compresseur + expandeur), un « tube égaliseur », un doubleur et un delay. Dans le PercussionStrip, le de-esseur est remplacé par un Transient Shaper, le compresseur et l’expandeur sont séparés et un élargisseur de stéréo remplace le doubleur.
Si on ajoute que les deux comportent en entrée et en sortie un gain et une simulation de saturation à tube réglable et que le routage du signal entre les éléments peut être changé à sa guise, vous avez une idée de l’étendue des possibilités offertes par ces strips. De nombreux presets permettront de trouver un son de base qu’on pourra utiliser tel quel ou à partir duquel on pourra affiner ses réglages. Les presets peuvent chercher l’embellissement du son ou une couleur sonore donnée, mais aussi faire dans le (vraiment) destructif. J’adore ! D’autant que ça sonne vraiment bien. Certains presets donnent immédiatement à une piste brute un son de « grosse prod ».
Par ailleurs, si vous avez l’habitude d’utiliser toujours les trois ou quatre mêmes effets sur tel type de piste, vous pouvez sauvegarder cet ensemble dans un « FX Chain » et le rappeler rapidement. Pratique.
On va en terminer avec les nouveautés (même si tout n’a pas été dit) avec une qui n’est pas des moindres : le ProChannel.
C’est une tranche de console complète que l’on trouve sur toute les pistes audio. Elle comporte plusieurs modules activables individuellement. Le premier est un compresseur. Je devrais dire deux puisqu’on a le choix entre deux modèles différents. Ensuite vient un égaliseur quatre bandes plus coupe-bas et coupe-haut réglables. On a le choix entre 3 types d’égaliseur : « pure », « vintage » et « modern ». On termine avec un simulateur de saturation à tubes (deux types sont sélectionnables).
Là aussi, le routage du signal entre ces éléments peut être changé. Et le ProChannel peut être enclenché pre ou post effets insérés. Là encore, c’est du tout bon au niveau son.
- String ensemble eleonor00:20
- Morceau presets Sonar X102:29
Voici une vidéo à propos de ProChannel :
Performances et ressources
Pour voir la consommation de ressources, j’ai repris sous Sonar 8 un de mes projets en cours un peu chargé : 30 pistes audio plus envois d’auxiliaires, 6 bus, 4 instruments virtuels lourds, 17 plug-ins d’effets, le tout en 24 bits / 88,2 kHz à une latence de 256 samples, soit 7,3 ms de latence totale (entrée+sortie). Je lui ai ajouté de quoi le faire craquer : la réverbe à convolution PerfectSpace sur un bus (insuffisant), puis le LP64, ce compresseur multibande à phase linéaire dédié au mastering. Là, j’ai eu des craquements audio (mais pas de drop out). La jauge de processeur Windows indiquait autour de 50 %, mais celle de Sonar montrait qu’un des quatre cœurs du processeur tapait dans le rouge.
J’ai ensuite ouvert ce projet sous X1 avec, comme sous Sonar 8, la console étendue sur les deux écrans de 20". Même résultat à l’usage : les craquements apparaissent uniquement à l’activation du LP64 (pas autrement). Mais la jauge de Windows indique une consommation autour de 60 %.
J’ai reproduit le test de différentes façons : en fermant la console, en changeant les plug-ins. Le résultat est toujours le même. X1 donne une consommation globale des ressources supérieure à la version précédente, mais ça ne change rien à l’usage, ce qui doit provenir d’une meilleure utilisation des différents cœurs du processeur.
On nagerait donc dans un océan de bonheur si tout fonctionnait à la perfection. Ce n’est pas le cas, surtout sous XP où j’ai eu droit à plusieurs plantages et je n’ai jamais réussi à afficher la boîte d’outils contextuelle.
Ça s’est beaucoup mieux passé sur le portable en Seven 64 bits. Là, je n’ai pratiquement pas eu de bug, mais c’est à de fréquents arrêts du moteur audio que j’ai eu affaire. Ils survenaient toujours à un moment où la lecture était arrêtée et où il ne se passait rien qui sollicite les ressources dont les jauges étaient d’ailleurs très basses. C’est même arrivé alors que je ne touchais pas à Sonar qui était minimisé pendant que je tapais le présent article. Ma carte son Echo Indigo IO ayant déjà montré quelques facéties sur cet ordinateur dans le passé, j’aurais tendance à lui en donner la responsabilité.
Si c’est bien le cas, Sonar s’est montré sur cette machine étonnamment stable et exempt de bugs pour une version d’avant sortie !
Conclusion
Malgré les quelques bugs (mais c’est une version pre-release, espérons qu’ils seront vite corrigés à la sortie), cette refonte en profondeur du logiciel est une très belle réussite. Sonar a conservé ce qui fait ses qualités tout en gagnant considérablement en lisibilité, facilité d’utilisation, confort de travail et productivité. Je l’ai pleinement réalisé en repassant sur la version 8 pour les comparatifs de performance : l’impression soudaine d’être revenu des années en arrière ! Le pack d’instruments virtuels et d’effets fournis est toujours de grande qualité et les nouveaux ajouts sonnent vraiment bien. Que rêver de plus ? Qu’il soit moins cher ? Justement, c’est le cas. Cakewalk a décidé de frapper fort en proposant la « grosse » version Producer à moins de 400 €.
Décidément, cette année, le père Noël s’habille en turquoise !