Trois ans après le CS1x, Yamaha remet son « synthétiseur de contrôle » sur l’établi. Tout en restant dans la continuité de son aîné, l’appareil a été remis au goût du jour et est maintenant arrivé à maturité. Power !
Dans le banc d’essai du CS1x (voir PlayRecord n°7), nous parlions déjà de l’explosion que la musique Techno avait suscité sur le marché de la lutherie électronique. A l’époque, Yamaha répondait au XP-10 de son compatriote Roland. Que de chemin parcouru depuis ! Mais comme la musique qui l’anime, cette guerre entre les deux constructeurs continue à battre son plein à plus de 160 bpm. Roland semblait s’être approprié le marché grâce à sa magnifique MC-505. Qu’à cela ne tienne, Yamaha a remis une décharge de 100 000 volts à grands coups de RM1x. Dans sa riposte, la firme nippone n’en a pas délaissé pour autant les musiciens Techno à la recherche d’un synthétiseur convivial, pour ne pas dire immédiat, à prix raisonnable. Disons-le d’entrée, dans les mises au point et à prix du CS2x, le constructeur n’a pas pété les plombs !
Bleu électrique
Reprenant le look de son prédécesseur avec l’angle gauche chanfreiné, le CS2x est embarqué dans une robe légère (moins de dix kilos) et compacte. La façade, en plastique couleur aluminium, fait ressortir de façon très élégante les neuf gros potentiomètres rotatifs bleu fluo situés à gauche. Le premier contrôle le volume, les huit autres, crantés en leur centre, commandent les principaux paramètres de synthèse : enveloppe d’amplitude ADR, fréquences de coupure des filtres passe-haut et passe-bas, résonance passe-bas et deux paramètres assignables. Tous les huit sont réassignables, parfait ! Par contre, ils ne disposent pas de mode seuil, dommage pour le live. Au-dessus des deux molettes, on trouve deux interrupteurs à diode baptisés « scènes », nous y reviendrons.
De gauche à droite, on découvre ensuite un bloc de huit interrupteurs (arpégiateur, shift, sélection programmes), un LCD rétro-éclairé modeste mais suffisant, un pavé numérique pour appeler les programmes et entrer des données, quatre interrupteurs (deux modes de jeux, utilitaire et Store) et la matrice d’édition. Celle-ci est constituée d’un potentiomètre cranté servant à sélectionner six lignes de paramètres et de dix interrupteurs doubles en colonne (incrément / décrément) pour éditer le paramètre sélectionné. De plus, en édition, le potentiomètre rotatif assignable n°1 fait office de Data Entry, il ne manque rien. Par contre, le clavier cinq octaves est mou et insensible à la pression comme sur le CS1x, grrr …
Passons sur la face arrière comprenant un trio Midi complet, un port To Host, une entrée ligne mini jack stéréo (sympa), trois entrées pour pédales (deux assignables), l’horrible DC IN pour alimentation externe (fournie) et les sorties gauche / droite / casque en jack 6,35 mm. A part l’entrée audio, le strict minimum est de rigueur, la face avant nous a beaucoup plus branchés !
Y’a du jus !
Membre de la famille nombreuse des lecteurs d’échantillons, le CS2x tire ses sons d’une Rom confortable de 16 Mo (2,5 sur le CS1x), basée sur les récents modules GM de la série MU. Boostée par rapport à son aîné, la polyphonie passe de 32 à 64 voix, ce qui donne une bonne marge. On peut jouer du CS2x de deux façons distinctes : en live (mode Performance), dans lequel l’utilisateur déclenche jusqu’à quatre couches de sons, et en séquences (mode multitimbral avec un séquenceur externe), dans lequel le CS2x se comporte comme un « vulgaire » module GM 16 canaux. A noter qu’en mode Performance, la machine laisse 4 canaux à l’utilisateur et conserve 12 canaux pour le jeu multitimbral, auxquels l’utilisateur n’a pas d’accès direct, le clavier n’émettant que sur un canal à la fois.
Passons sur la panoplie sonore GM / XG (environ 600 programmes et 20 kits de batterie) qui assure à la fois une bonne qualité sonore et une bonne compatibilité GM (mis à part les saxes et les cordes solo). Le lecteur pourra se reporter au comparatif des modules GM (PlayRecord n°26) pour une analyse détaillée des sons, proches du MU100R. Le mode Performance est bien plus intéressant, car il permet de mémoriser tous les paramètres de synthèse et d’effets. Le CS2x dispose de 256 emplacements en Rom et 256 en Ram, ce qui est généreux. Classés suivant 22 catégories, les sons programmés par Yamaha sont excellents. Textures brillantes, nappes évolutives, sons agressifs, séquences arpégées, basses acides, percussions exhaustives, le petit Yamaha a tout pour plaire aux musiciens Techno / Dance, mode oblige. Il n’en délaisse pas moins les piliers de piano-bar avec de très beaux pianos électriques (« CP99 »), des orgues déchirants, des basses bien rondes (« 6Strings »), des cuivres et des ensembles de cordes assez convaincants. Voici donc une Rom pleine de jus !
Court-circuit
Editer le CS2x est une véritable partie de plaisir, car tous les paramètres sont accessibles à partir d’une simple pression sur un interrupteur ou du simple mouvement d’un potentiomètre. En mode Multi, chacun des seize canaux Midi accède à une timide dizaine de paramètres : banque, programme, volume, panoramique, départs effets 1/2/3, filtre passe-bas (coupure et résonance) et mode poly / mono. On peut tout de même mémoriser 9 Multi, sympa. En mode Performance, on dispose de 60 paramètres organisés en 6 rangées. Les deux premières concernent des réglages communs aux quatre couches sonores (maximum) d’une performance.
On commence par l’arpégiateur, le volume global, les trois effets, le nom et la catégorie. On termine par l’étendue du Pitchbend, la réponse de la molette de modulation (LFO sur Pitch, LFO sur filtre, filtre direct), du contrôleur au pied (LFO sur filtre, filtre direct, un paramètre de l’effet de variation), le portamento (mise en route et temps, pour chaque couche) et le choix du paramètre du potentiomètre assignable n°1 (29 possibilités dont des paramètres de synthèse et d’effets). Les quatre rangées suivantes correspondent aux réglages individuels par couche. On y trouve l’accordage (grossier et fin), la tessiture, la vélocité (fenêtre, offset et profondeur), l’affectation du potentiomètre assignable n°2 (paramètre et sensibilité), les enveloppes d’amplitude (ADSR), de filtre (ADSR) et de Pitch (3 temps / 3 niveaux), le LFO (à trois formes d’ondes avec vitesse, phase et profondeurs sur Pitch, amplitude et filtre) et les dix paramètres de synthèse identiques au mode Multi. Dans chaque performance, deux mémoires de scène permettent d’enregistrer les modifications effectuées avec les huit potentiomètres de la face avant. La molette de modulation autorise alors un morphing entre les deux profils sonores, superbe ! Si certains raccourcis ont été pris par rapport à un synthétiseur complet, l’essentiel a tout de même été préservé.
Electric light orchestra
Pour allumer les projecteurs, le CS2x est pourvu d’une triple section d’effets et d’un sympathique arpégiateur. Les effets comportent une réverbération (12 algorithmes), un effet d’ensemble (14 algorithmes) et un effet de variation (62 algorithmes). Ce dernier peut être un effet système ou d’insertion. En Performance, seule l’insertion est disponible, sur chaque couche. En Multi, la variation peut fonctionner selon les deux modes, sachant que l’insertion n’est, cette fois, disponible que sur un canal. Le plus grand regret est que le CS2x ne permette pas l’accès direct aux paramètres de la réverbération et de l’ensemble. Il faudra donc s’électrocuter aux Sysex !
Par contre, l’effet de variation est entièrement accessible. C’est un multi-effets complet comprenant jusqu’à seize paramètres (huit en moyenne) dont l’un (fixé) est modulable en temps réel par un potentiomètre ou une pédale. Les 62 algorithmes sont très variés, reprenant réverbérations et effets d’ensemble, en y ajoutant distorsions, simulateurs d’ampli, compresseurs, suppression de voix et des combinaisons doubles. Tous les effets sont d’excellente qualité, une tradition de Yamaha très appréciable.
Egalement au chapitre des secousses, le CS2x embarque un arpégiateur monophonique, comprenant 40 motifs orientés Techno, avec émission des notes par Midi Out. La division temporelle va de la noire pointée à la triple croche, y compris valeurs pointées et triolets. Signalons également la possibilité de scinder le clavier (arpèges à gauche avec trois doigts, accords à droite avec les sept autres) et de synchroniser tout ce beau monde via Midi. Les résultats obtenus sont impressionnants, dans la plus pure tradition Techno, on se croirait sur la chaise électrique !
Pile Midi
Sur le CS2x, le Midi se résume à sa plus simple expression : un mode Local On/Off, un canal d’émission unique et seize canaux de réception. Heureusement, l’appareil est capable de dumper sa mémoire, à savoir une performance ou toutes les performances, mais hélas pas les Multi. Seul un éditeur externe pourra piloter les changements de son en mode Multi, tel que le séquenceur logiciel XGWorks Yamaha (pas inclus, tant pis). Pour terminer, les huit potentiomètres de la face avant sont capables d’envoyer des messages de Control Change via Midi Out. Et comme Yamaha a bien fait les choses, ces derniers sont tous réassignables à différents numéros de commande. Dans ce cas, lorsque la machine reçoit un message correspondant à un contrôleur réassigné, elle envoie ce message au générateur interne en plus du message d’origine, ce qui brouille un peu les cartes. En résumé, voici une section Midi qui mériterait d’être un peu rechargée.
Bien branché
Assurément, le CS2x comble l’essentiel des défauts de son ancêtre : la Rom est passée à 16 Mo pour le plus grand bonheur des multi-échantillons et des boucles, l’arpégiateur est plus musclé, les mémoires plus importantes et les potentiomètres de commande plus nombreux (encore merci pour le filtre passe-haut). Certes, la machine a peu évolué sur le plan du clavier, des possibilités d’édition et de la gestion Midi. Mais le plus positif, c’est que sa vocation de « synthétiseur de contrôle », c’est-à-dire d’instrument convivial et immédiat, n’a pas souffert des nombreuses améliorations apportées. Un synthétiseur bien dans l’air du temps qui évitera aux branchés Techno de disjoncter au beau milieu de menus trop copieux.
On se tient au courant
Effet système : effet traité avec un départ par tranche (couche ou programme) et un retour. Exemple : réverbération, chorus…
Effet d’insertion : effet inséré sur une tranche (couche ou programme) et traité en série. Exemple : compresseur, distorsion…
Local off : fonction Midi permettant, sur un synthétiseur, de déconnecter du clavier physique le générateur de sons