Joe West n'a jamais eu peur de s'attaquer à un projet, même tôt dans sa carrière lorsqu'il n'avait pas toujours l'expérience nécessaire. "Si vous refusez un concert", dit-il, "vous vous retrouvez dans une situation où vous vous en voulez quand vous êtes assis sur votre canapé. Alors je me suis toujours dit ‘Pourquoi est-ce que je ne pourrais pas faire ça ?’"
"J’ai fait du surround 5.1, des mixes en Omni-Max pour le cinéma, des films et des programmes télé. J’ai fait des concerts pour HBO qui ont fini par devenir des DVD figurant parmi les meilleures ventes. C’est un truc qui s’est instillé en moi dès que j’ai commencé à bosser dans un studio d’enregistrement à Pittsburgh. Le gars qui était mon mentor là-bas n’avait peur de rien. Et il apprenait tout au fur et à mesure.”
Cette confiance en soi qu’il a acquise a plus que payé pour West. Sa trajectoire de carrière l’a amené de ces humbles débuts d’assistant dans un studio de Pittsburgh à devenir ingénieur du son et producteur freelance à New York, jusqu’à être à présent l’une des figures majeures de la scène de la production et de l’écriture à Nashville.
Son CV comporte la production, le mixage ou le mastering pour nombre d’artistes tels qu’Emmylou Harris, Shakira, Justin Timberlake, Steve Earle, Matthew Sweet et les Indigo Girls, pour n’en citer que quelques-uns. Il a écrit une série de singles devenus des numéros 1 des hits pour des artistes de Nashville tels que Keith Urban, Toby Keith, Tim McGraw, Jimmy Wayne et Julianne Hough. La musique de West est aussi apparue dans plus d’une centaine de films de télé ou de cinéma.
Après dix ans passés à New York, West a été appelé à Nashville pour y travailler avec le producteur et ingénieur Malcolm Burn et le légendaire producteur Daniel Lanois sur l’album d’Emmylou Harris, Stumble Into Grace, et peu après il s’y installa définitivement.
La réussite de West lui a permis de se construire un très joli studio dans une vaste grange, avec une configuration hybride entre matériel analogique et numérique. Audiofanzine a eu l’opportunité de s’entretenir longuement avec West sur sa carrière, son matériel, ses techniques et bien plus encore.
Commençons par parler de votre studio. À en juger par les photos, il semble absolument gigantesque.
C’est une grange de 12 mètres par 18. La charpente est en bois et le sommet du toit culmine à 9 mètres du sol. Les murs latéraux font entre 3 et 4 mètres de haut, donc il y a du volume à l’intérieur. Il y a eu un point dans ma carrière où il me fallait louer un studio de façon permanente, parce que louer à court terme n’avait plus vraiment de sens. J’en avais trop besoin. Au départ à Nashville, je louais une salle chez RCA (le studio RCA historique, ici, à Nashville). Le studio A était la pièce géante dans laquelle Patsy Cline et Elvis ont travaillé, et le studio B était la salle historique dont ils font maintenant faire des visites guidées, et le studio C de RCA a été l’espace de Chet Atkins pendant 10 ans. Ce n’était qu’une petite salle que je m’étais en quelque sorte appropriée, et j’y ai passé une paire d’années.
Waow, c’est cool.
Ensuite j’ai passé un ou deux ans à un autre endroit que j’avais loué de façon permanente. Je rebondissais. Je cherchais à acheter, mais je ne trouvais pas l’endroit qu’il me fallait. Alors j’ai fini par acheter une parcelle pour y bâtir une maison, et j’ai bâti une grange en bois sur la propriété. Et je l’ai construite par nécessité. C’est un peu comme, comment dit-on déjà ? « Dans le monde de la musique, le seul moyen de finir avec une petite fortune c’est d’avoir commencé avec une grosse. » [Rires] Je n’ai jamais voulu me retrouver propriétaire d’un studio. Ça n’a jamais été quelque chose qui me faisait envie.
Mais maintenant que c’est le cas, je crois comprendre que vous en êtes heureux.
C’est une pièce qui sonne très bien. Ils en ont parlé récemment dans le magazine Mix. Je l’ai en quelque sorte conçu après avoir travaillé sur ce disque d’Emmylou Harris, et avoir bossé avec Malcolm Burn et Daniel Lanois avec tout le groupe dans une même pièce. Après ça, c’était dur de revenir à appuyer sur le bouton du talkback, et à parler à quelqu’un filmé par une caméra dans une cabine au bout du couloir. C’était dur de se retrouver à nouveau déconnectés après avoir vécu une expérience où tout était si connecté.
C’est clairement une approche tout sauf conventionnelle que d’avoir installé la console dans la salle principale.
On a des cabines isolées, mais les cabines sont en verre, avec vue sur la salle. Donc le batteur va en cabine. En général pour moi une session c’est batterie, piano, orgue [un Hammond B3], guitare électrique, parfois une pedal steel (mais rarement) et puis un musicien additionnel dans la cabine isolée qui va jouer à peu près n’importe quoi allant du banjo à la guitare acoustique en passant par le bouzouki. Et puis un chanteur qui enregistre la piste-témoin dans la salle de bain. C’est ça, une séance d’enregistrement normale pour moi.
Comment la configurez-vous ?
Ils s’assoient tous en demi-cercle, et même si deux d’entre eux sont dans des cabines isolées, ils sont vraiment très connectés visuellement : les cabines comportent de grandes vitres d’environ 2 mètres 50 de haut qui commencent à une vingtaine de centimètres du sol, donc en termes d’expérience c’est comme si tout le monde était dans la même pièce. L’ingé son est à l’intérieur avec eux. On se croirait au beau milieu d’un camp d’entraînement. Tout le monde a le même état d’esprit. L’esprit se répand. Si la session est bonne, on peut se sentir vraiment connectés.
On dirait que c’est vraiment typique de Nashville de faire jouer autant de musiciens en même temps en live plutôt que de faire d’abord l’essentiel et ensuite de procéder par overdubs.
Oui, et je suis stupéfait par le rythme ici. Par exemple, le syndicat des musiciens est très puissant à Nashville. Donc quand on emploie des musiciens, on les a pour en moyenne trois heures. Et sur une session de démo (et ce n’est pas parce qu’on parle d’une démo qu’ils ne jouent pas comme s’il s’agissait d’un album), on fait les prises et les overdubs de cinq chansons en trois heures, ensuite tout ce qu’il reste à faire, ce sont les voix et le mixage. C’est vraiment incroyable. Ça en dit long sur le talent des musiciens, des studios et des ingénieurs du son. Ceci dit, on obtient parfois un son très « à la chaîne ». Il s’agit juste de faire vite. Afin de permettre aux musiciens d’être à temps à leur concert suivant, il vaut faire les choses rapidement.
J’admire le talent des musiciens de studio de Nashville, mais on se demande si cette approche ne rend pas tout un peu homogène. Comme le Wrecking Crew qui jouait sur tous les disques à L.A., à l’époque.
C’est le cas. Mais ça, c’est de la responsabilité du producteur de s’assurer qu’on n’en arrive pas là, mais là où lui veut aller. Il y a une route tracée, et il faut la suivre. C’est le boulot du producteur de s’assurer que ce soit la chanson qui ait le dernier mot.
Parlons un peu du matériel dans votre studio. Je suppose que vous avez à la fois du hardware et des plug-ins ?
Ouais. J’ai beaucoup de matériel analogique. Mon studio est avant tout un studio hybride. J’ai un enregistreur analogique à deux pistes, un Studer, que j’utilise quand je mixe. Quand je fais un bounce, je le fais là en analogique puis je le remets sur disque dur. Mais d’une certaine façon j’ai trouvé ce que le numérique fait très bien, et ce qu’il n’arrive pas à faire. J’ai un bon mélange entre les deux, une bonne hybridation. Ma table principale a 24 canaux API, des 312 et des 512. Donc j’ai essentiellement une console API en rack, qui sort directement vers une interface Apogee Symphony, dont je trouve qu’elle sonne incroyablement bien. Et j’ai plein de super compresseurs. J’ai une paire de Neve 32264A.
C’est cool. Quoi d’autre ?
J’ai un Variable MU de Manley, une série de limiteurs de diffusion, bref plein de compresseurs. Et je choisis entre tout ça comme on le ferait entre des pédales pour guitare. Pas forcément pour contrôler le niveau de dynamique ou autre, mais pour donner un son ou la couleur liée au passage par un gros transformateur. J’ai un vieux compresseur RCA qui venait d’une station de radio. Quand on y met une basse, ça sonne tellement bien que des gens qui ne sont pas ingés son se redressent sur leur canapé en disant « C’était quoi qui a fait ça? » Et ces trucs-là, c’est comme des boîtes magiques. Plein de ceux que j’ai n’ont même pas besoin de temps d’attaque et de relâchement, ce sont des compresseurs à ambiance, pour la « vibe ».
Vous les utilisez principalement pour les prises ou pour le mix ?
En général je les utilise pour les prises, ne serait-ce que parce qu’on doit faire les prises rapidement. La plupart du temps, directement dans les entrées des API. Des fois je passe par un atténuateur de façon à pouvoir attaquer les API assez fort. Et ensuite réduire la sortie des API et enregistrer numériquement. Et ensuite j’exporte la piste. Je fais une autre piste que j’appelle « Basse RCA » et la piste d’origine pour la session va être sur le canal juste à côté. J’utilise ça, mais vous savez, les plug-ins numériques sont tellement géniaux. Aucun problème pour passer de droite à gauche ou de gauche à droite. Et avec le niveau qu’a atteint la modélisation aujourd’hui, sur le plan sonore ils sont équivalents à leurs modèles analogiques. La seule raison pour laquelle je me tournerais vers un modèle analogique, ce serait pour pouvoir attaquer un transformateur géant, ou l’un des véritables composants électriques qu’il contient.
Vous utilisez beaucoup de plug-ins Waves. Lesquels sont vos préférés ?
J’adore le H-Comp. Je le trouve génial. Le H-EQ est super aussi. Je ne sais pas ce qu’ils ont fait avec cet égaliseur, mais autant avec les égaliseurs normaux je n’en finis jamais de régler et rerégler, autant avec le H-EQ une fois que j’ai localisé et réglé un problème il ne revient pas. Je ne sais pas comment ils font. Je ne sais pas si c’est juste l’égaliseur ou s’il y a autre chose derrière qui fait ça. J’aime le C4 et le C6. J’aime toujours leurs vieux plug-ins Renaissance. J’aime la série des Chris Lord-Alge Classic Compressors. J’aime l’enregistreur à bandes d’Eddie Kramer, le compresseur PIE. J’aime le JJP Fairchild 670 et les PuigTechs. Je trouve que leurs produits « signature » sont vraiment bons.
Quoi d’autre ?
Il y a des trucs par Manny Marroquin. J’ai récemment masterisé un enregistrement et je l’ai utilisé juste pour élargir un peu le son et c’était vraiment bien. Il n’ajoute pas les problèmes de phase qu’on rencontre avec les boitiers qui donnent de la largeur au signal. Et il y a quelques-uns de ses plug-ins que je commence vraiment à apprécier. Le problème, c’est qu’il y en a tellement. Quand vous essayez de travailler, vous essayez de faire ce que vous faites, mais vous ne faites qu’aller chercher de nouveaux éléments à chaque nouveau besoin. Je trouve que la gamme One-Knob de Waves est vraiment bien. J’aime beaucoup Pumper et Pressure.
C’est intéressant. Je ne me serais pas attendu à ce que quelqu’un de votre niveau utilise quelque chose d’aussi simplifié.
J’utilise tout ce qui me donne le son que je veux. J’aime le MondoMod et le flanger, le MetaFlanger. En fait, que ce soit en termes de variété du catalogue ou de niveau de service, je trouve que personne n’est au niveau de Waves. Je les trouve juste tip-top. Et même si j’ai essayé quelques trucs de chez UA, je ne sais pas, même si beaucoup de gens adorent ce qu’ils font je préfère ce que fait Waves. Je suis tout excité parce que Waves s’apprête à faire une série de plug-ins centrée sur moi.
J’ai entendu ça. Félicitations ! C’est vraiment impressionnant. Je sais que vous ne pouvez pas divulguer de détails, mais ça doit être un véritable honneur, surtout quand on voit les autres qui ont leurs plug-ins « signature series ».
Clairement, oui.
Parlons mixage. Avez-vous un flux de travail particulier que vous suivez ?
Ouais. Un peu comme avec des templates, sauf que je n’en utilise pas. Pourquoi je ne le fais pas ? Qu’est-ce que je suis bête. [rires] C’est l’histoire de ma vie, je peux passer 35 ans à charger les mêmes plug-ins dans le même séquenceur plutôt que de faire un template. Mais oui, c’est le cas. Il y a des trucs que je mets toujours sur le bus de batterie, et des trucs que je mets toujours sur le bus master, et plein d’autres trucs qui se répètent d’un mix à l’autre, dans l’esprit. Bien sûr il y a toujours des adaptations par rapport au contenu et à ce dont la chanson a besoin, donc ça change, mais c’est vraiment bien parce que j’entends la musique d’une certaine façon.
Et évidemment ça a un impact sur votre façon de travailler.
Ce qu’il y a de bien c’est que quand je m’assois pour enregistrer, j’ai une philosophie. J’ai toujours été le genre d’artiste qui avait besoin de faire un petit peu plus appel à son cerveau gauche par moments parce que j’ai pour mission de faire des disques. En fait, on n’a pas fait appel à moi pour être sur scène, même si je le fais aussi. Je joue les tubes que d’autres ont écrits ou autre chose. Mon art à moi, il est dans le studio. Et à chaque fois que je m’assois devant la console ou que je choisis un compresseur, que ce soit en software ou en hardware, j’apporte une sorte d’empreinte qui va faire partie intégrante du mix, et qui fait qu’une fois le mix terminé les gens se diront « Hé, c’est un mix de Joe West ! ».
Et quels seraient les aspects qui « signent » l’un de vos mixes ?
J’ai toujours pensé que même si c’est la chanson qui est centrale, c’est la batterie qui détermine la dimension, l’échelle et la largeur de l’univers dans lequel le mix prend place, un peu comme un cadre. Donc j’ai toujours considéré la batterie comme un élément crucial. Quand je fais un mix, je commence toujours avec ce que je considère comme central. Donc pour moi au centre il y a toujours la voix. Ensuite si ça a été écrit sur une guitare acoustique, ou quel que soit l’instrument dominant dans l’accompagnement, j’essaie de construire le mix autour de ça. Mais j’en reviens toujours à la batterie, pour m’assurer qu’elle sonne aussi grosse et large que possible dans l’espace, justement par rapport à ça, parce que c’est ça qui va créer un univers plus large dans lequel tout le reste va prendre place.
Une batterie qui « sonne gros » apporte beaucoup à la perception qu’on a du mix en termes de dimension et d’énergie.
Vous devriez pouvoir baisser nettement le volume d’un mix en ayant l’impression d’écouter la sono d’un club. Avec l’impression que ça bouge l’air, comme si la batterie se compressait naturellement. Est-ce que vous avez déjà remarqué comment parfois on baisse le niveau d’un mix et tout d’un coup on n’entend plus que le charley ? Si vous baissez le volume d’un de mes mixes, vous entendrez la basse, vous entendrez la grosse caisse, vous aurez l’illusion qu’il y a une sorte d’effet subwoofer qui anime vraiment le système d’écoute.
Comme sur la grosse caisse ?
Ouais. Quand on écoute un disque de Led Zeppelin, il y a un centre unique et unifié sur l’enregistrement, on a l’impression qu’ils ne sont qu’un seul et même instrument. Donc en théorie, j’aime que la musique sonne gros naturellement. Avoir la sensation qu’il y avait une véritable intention, et qu’on a réussi à capter cette magie à l’enregistrement. Si je peux reproduire ça et retrouver cette magie à l’enregistrement, alors je sens que c’est bon et que c’est terminé. Je n’ai jamais envie de vouloir revenir sur un mix pour le retoucher.
Donc pour vous le moment où un mix est fini apparait clairement ?
C’est comme dans une relation, il y a un moment où on se rend compte que c’est fini. Genre OK, plus rien à faire, il n’y a plus qu’à éteindre la lumière et sortir. Pour moi, il y a un moment dans le mix où c’est ça qui se passe. Certaines personnes pensent que mixer est difficile, moi je trouve ça très facile. J’ai déjà utilisé cette comparaison, mais c’est comme regarder un labyrinthe du haut plutôt que d’être à l’intérieur du labyrinthe. Je vois les points d’entrée et de sortie du mix. Ma façon de procéder va être une ligne presque droite vers où je veux amener le mix, une fois que j’ai compris la chanson, et je ne passe pas un temps fou à me perdre dans le labyrinthe et à tomber dans des impasses. Une fois que j’ai atteint la sortie, je sais que j’y suis.
Est-ce que c’est lié au fait d’avoir une méthode bien précise, qui fait que vous avez des points de repère sur l’ensemble du parcours ?
Oui, mais en fait ça ressemble davantage à ce qu’il se passe pour un junkie. À un moment, on sait qu’il est temps d’arrêter. Il y a ce truc, c’est indescriptible, mais au fond de moi, quand je fais un mixage, je ressens cette espèce d’anxiété, de sentiment de quelque chose d’incomplet. Et je suis là comme en manque à vouloir monter le volume de la batterie, en manque de mettre les guitares là, je cherche ce truc qui va vraiment accrocher, ou alors je cherche ce que je pourrais faire aux voix pour que cette section vienne percuter avec tel autre élément, et ça occupe toute mon attention. Quand je mixe, je suis en immersion totale, et je le fais vraiment rapidement.
Est-ce que vous le réécoutez un ou deux jours après pour faire des réajustements ?
C’est ça qu’il y a de bien à pouvoir recharger ses réglages. Dans le temps, il fallait qu’un stagiaire essaie de remettre la table à ses réglages précédents, c’était une vraie corvée sur une SSL et je n’arrivais jamais à reproduire exactement les mêmes réglages qu’au départ. Maintenant, je n’ai plus qu’à double-cliquer. Et c’est ce que je fais, en général. Disons que mon mixage m’a pris 5 à 6 heures et qu’il est terminé. J’en mets une copie sur mon téléphone, et je la transmets vers mon autoradio en Bluetooth. Je trouve que ça le fait, dans ma voiture. Ensuite je reviens, je rechange un truc ou deux et je passe à la chanson suivante. Et voilà le travail.
C’est impressionnant. Pour beaucoup de gens, cette possibilité de recharger ses réglages crée une tentation de passer son temps à revisiter un mix.
Si je mixe un album entier, il est possible que je revienne sur la première chanson si j’ai trouvé un truc qui marche vraiment bien sur l’une des suivantes. Mais en général les choses m’apparaissent assez clairement. Ça fait partie de la magie du traitement de la musique, il y a quelque chose de vaudouesque qui se passe quand on est assis derrière la console, si technique que cela puisse être. Même si un type en blouse blanche pourrait très bien arriver au même résultat, il y a quelque chose de différent quand vous pouvez faire apparaître ce que vous trouvez super, ou trouver l’épicentre d’une chanson et l’exploiter au point de ressentir une sorte d’ivresse. Et puis c’est tout.
Parlons un peu d’écriture : est-ce que vos chansons vous viennent spontanément, ou est-ce que vous vous asseyez en vous disant « OK, maintenant j’écris une chanson » ?
À Nashville, ça se passe généralement comme ça: « on va s’asseoir et écrire une chanson mardi à 10h du matin », avec quelqu’un que vous n’avez jamais vu. Et c’est vraiment cool. C’était vraiment tout sauf naturel au départ, mais ça oblige à faire travailler ce muscle [de la créativité]. À la fin de l’année, on a peut-être une ou deux chansons vraiment magiques, et peut-être une cinquantaine de chansons qui sont « seulement » de très bonnes chansons. Donc il faut se pointer et s’y mettre, même si on n’en a pas toujours envie. Parce que vous ne décidez pas toujours du moment où les deux chansons magiques annuelles vont se pointer. Donc ouais, pour moi ça commence généralement avec un bout de mélodie ou un bout de musique qui a besoin de paroles. Je suis assis, je regarde la télé en jouant de la guitare et un lick me vient, et je finis par en faire une chanson. Ou des paroles parfois, mais c’est plus souvent une musique qui me vient d’abord et ensuite seulement des paroles.
J’ai remarqué que vous avez aussi sorti votre propre album solo.
En fait, le disque de Lo-Fi c’est juste un disque. C’est un pote et moi, on est tous les deux auteurs-compositeurs. Et même si on écrit pour d’autres artistes, j’essaie d’écrire chaque chanson que j’écris comme pour moi-même. Parce que j’ai l’impression que la chanson n’en sera que meilleure si je m’y implique vraiment à la première personne. Et ce sont les chansons avec lesquelles j’ai obtenu des numéros 1 en tant qu’auteur-compositeur. J’ai été numéro 1 avec des chansons que je n’avais pas forcément écrites pour quelqu’un d’autre. Donc souvent, j’essaie simplement d’en faire la meilleure version possible, et ça a fini sur un album. Et avec un peu de chance, des gens comme Kenny Chesney ou Keith Urban vont devenir fans de ce disque. Et plutôt que de devoir leur placer des chansons, c’est eux qui vont écouter celles-là pendant leur temps libre et qui diront « Hé, celle-là je veux l’enregistrer. » Donc le disque de Lo-Fi était juste un exutoire, ça ne correspondait pas à un besoin pour quoi que ce soit d’autre que ça. C’était juste pour m’affirmer, et faire un disque en lequel je crois totalement du début à la fin.