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Interview / Podcast
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Interview de Joe West (Emmylou Harris, Shakira, Justin Timberlake, Steve Earle, Indigo Girls)

Ne jamais dire jamais!

Joe West n'a jamais eu peur de s'attaquer à un projet, même tôt dans sa carrière lorsqu'il n'avait pas toujours l'expérience nécessaire. "Si vous refusez un concert", dit-il, "vous vous retrouvez dans une situation où vous vous en voulez quand vous êtes assis sur votre canapé. Alors je me suis toujours dit ‘Pourquoi est-ce que je ne pourrais pas faire ça ?’"

Interview de Joe West (Emmylou Harris, Shakira, Justin Timberlake, Steve Earle, Indigo Girls) : Ne jamais dire jamais!

"J’ai fait du surround 5.1, des mixes en Omni-Max pour le cinéma, des films et des programmes télé. J’ai fait des concerts pour HBO qui ont fini par deve­nir des DVD figu­rant parmi les meilleures ventes. C’est un truc qui s’est instillé en moi dès que j’ai commencé à bosser dans un studio d’en­re­gis­tre­ment à Pitts­burgh. Le gars qui était mon mentor là-bas n’avait peur de rien. Et il appre­nait tout au fur et à mesure.”

Cette confiance en soi qu’il a acquise a plus que payé pour West. Sa trajec­toire de carrière l’a amené de ces humbles débuts d’as­sis­tant dans un studio de Pitts­burgh à deve­nir ingé­nieur du son et produc­teur free­lance à New York, jusqu’à être à présent l’une des figures majeures de la scène de la produc­tion et de l’écri­ture à Nash­ville.

Techniques du Son
West a écrit des hits s’étant hissés au sommet des tops pour de nombreux artistes impor­tants de Nash­ville

Son CV comporte la produc­tion, le mixage ou le maste­ring pour nombre d’ar­tistes tels qu’Em­my­lou Harris, Shakira, Justin Timber­lake, Steve Earle, Matthew Sweet et les Indigo Girls, pour n’en citer que quelques-uns. Il a écrit une série de singles deve­nus des numé­ros 1 des hits pour des artistes de Nash­ville tels que Keith Urban, Toby Keith, Tim McGraw, Jimmy Wayne et Julianne Hough. La musique de West est aussi appa­rue dans plus d’une centaine de films de télé ou de cinéma.

Après dix ans passés à New York, West a été appelé à Nash­ville pour y travailler avec le produc­teur et ingé­nieur Malcolm Burn et le légen­daire produc­teur Daniel Lanois sur l’al­bum d’Em­my­lou Harris, Stumble Into Grace, et peu après il s’y installa défi­ni­ti­ve­ment.

La réus­site de West lui a permis de se construire un très joli studio dans une vaste grange, avec une confi­gu­ra­tion hybride entre maté­riel analo­gique et numé­rique. Audio­fan­zine a eu l’op­por­tu­nité de s’en­tre­te­nir longue­ment avec West sur sa carrière, son maté­riel, ses tech­niques et bien plus encore.

Commençons par parler de votre studio. À en juger par les photos, il semble abso­lu­ment gigan­tesque.

C’est une grange de 12 mètres par 18. La char­pente est en bois et le sommet du toit culmine à 9 mètres du sol. Les murs laté­raux font entre 3 et 4 mètres de haut, donc il y a du volume à l’in­té­rieur. Il y a eu un point dans ma carrière où il me fallait louer un studio de façon perma­nente, parce que louer à court terme n’avait plus vrai­ment de sens. J’en avais trop besoin. Au départ à Nash­ville, je louais une salle chez RCA (le studio RCA histo­rique, ici, à Nash­ville). Le studio A était la pièce géante dans laquelle Patsy Cline et Elvis ont travaillé, et le studio B était la salle histo­rique dont ils font main­te­nant faire des visites guidées, et le studio C de RCA a été l’es­pace de Chet Atkins pendant 10 ans. Ce n’était qu’une petite salle que je m’étais en quelque sorte appro­priée, et j’y ai passé une paire d’an­nées.

Waow, c’est cool.

Ensuite j’ai passé un ou deux ans à un autre endroit que j’avais loué de façon perma­nente. Je rebon­dis­sais. Je cher­chais à ache­ter, mais je ne trou­vais pas l’en­droit qu’il me fallait. Alors j’ai fini par ache­ter une parcelle pour y bâtir une maison, et j’ai bâti une grange en bois sur la propriété. Et je l’ai construite par néces­sité. C’est un peu comme, comment dit-on déjà ? « Dans le monde de la musique, le seul moyen de finir avec une petite fortune c’est d’avoir commencé avec une grosse. » [Rires] Je n’ai jamais voulu me retrou­ver proprié­taire d’un studio. Ça n’a jamais été quelque chose qui me faisait envie.

Mais main­te­nant que c’est le cas, je crois comprendre que vous en êtes heureux.

C’est une pièce qui sonne très bien. Ils en ont parlé récem­ment dans le maga­zine Mix. Je l’ai en quelque sorte conçu après avoir travaillé sur ce disque d’Em­my­lou Harris, et avoir bossé avec Malcolm Burn et Daniel Lanois avec tout le groupe dans une même pièce. Après ça, c’était dur de reve­nir à appuyer sur le bouton du talk­back, et à parler à quelqu’un filmé par une caméra dans une cabine au bout du couloir. C’était dur de se retrou­ver à nouveau décon­nec­tés après avoir vécu une expé­rience où tout était si connecté.

Techniques du Son
Le studio de West, qui comporte une salle de contrôle ouverte, a été construite dans une grande grange en bois

C’est clai­re­ment une approche tout sauf conven­tion­nelle que d’avoir installé la console dans la salle prin­ci­pale.

On a des cabines isolées, mais les cabines sont en verre, avec vue sur la salle. Donc le batteur va en cabine. En géné­ral pour moi une session c’est batte­rie, piano, orgue [un Hammond B3], guitare élec­trique, parfois une pedal steel (mais rare­ment) et puis un musi­cien addi­tion­nel dans la cabine isolée qui va jouer à peu près n’im­porte quoi allant du banjo à la guitare acous­tique en passant par le bouzouki. Et puis un chan­teur qui enre­gistre la piste-témoin dans la salle de bain. C’est ça, une séance d’en­re­gis­tre­ment normale pour moi.

Comment la confi­gu­rez-vous ?

Ils s’as­soient tous en demi-cercle, et même si deux d’entre eux sont dans des cabines isolées, ils sont vrai­ment très connec­tés visuel­le­ment : les cabines comportent de grandes vitres d’en­vi­ron 2 mètres 50 de haut qui commencent à une ving­taine de centi­mètres du sol, donc en termes d’ex­pé­rience c’est comme si tout le monde était dans la même pièce. L’ingé son est à l’in­té­rieur avec eux. On se croi­rait au beau milieu d’un camp d’en­traî­ne­ment. Tout le monde a le même état d’es­prit. L’es­prit se répand. Si la session est bonne, on peut se sentir vrai­ment connec­tés.

On dirait que c’est vrai­ment typique de Nash­ville de faire jouer autant de musi­ciens en même temps en live plutôt que de faire d’abord l’es­sen­tiel et ensuite de procé­der par over­dubs.

Oui, et je suis stupé­fait par le rythme ici. Par exemple, le syndi­cat des musi­ciens est très puis­sant à Nash­ville. Donc quand on emploie des musi­ciens, on les a pour en moyenne trois heures. Et sur une session de démo (et ce n’est pas parce qu’on parle d’une démo qu’ils ne jouent pas comme s’il s’agis­sait d’un album), on fait les prises et les over­dubs de cinq chan­sons en trois heures, ensuite tout ce qu’il reste à faire, ce sont les voix et le mixage. C’est vrai­ment incroyable. Ça en dit long sur le talent des musi­ciens, des studios et des ingé­nieurs du son. Ceci dit, on obtient parfois un son très « à la chaîne ». Il s’agit juste de faire vite. Afin de permettre aux musi­ciens d’être à temps à leur concert suivant, il vaut faire les choses rapi­de­ment.

J’ad­mire le talent des musi­ciens de studio de Nash­ville, mais on se demande si cette approche ne rend pas tout un peu homo­gène. Comme le Wrecking Crew qui jouait sur tous les disques à L.A., à l’époque.

C’est le cas. Mais ça, c’est de la respon­sa­bi­lité du produc­teur de s’as­su­rer qu’on n’en arrive pas là, mais là où lui veut aller. Il y a une route tracée, et il faut la suivre. C’est le boulot du produc­teur de s’as­su­rer que ce soit la chan­son qui ait le dernier mot.

Parlons un peu du maté­riel dans votre studio. Je suppose que vous avez à la fois du hard­ware et des plug-ins ?

Ouais. J’ai beau­coup de maté­riel analo­gique. Mon studio est avant tout un studio hybride. J’ai un enre­gis­treur analo­gique à deux pistes, un Studer, que j’uti­lise quand je mixe. Quand je fais un bounce, je le fais là en analo­gique puis je le remets sur disque dur. Mais d’une certaine façon j’ai trouvé ce que le numé­rique fait très bien, et ce qu’il n’ar­rive pas à faire. J’ai un bon mélange entre les deux, une bonne hybri­da­tion. Ma table prin­ci­pale a 24 canaux API, des 312 et des 512. Donc j’ai essen­tiel­le­ment une console API en rack, qui sort direc­te­ment vers une inter­face Apogee Symphony, dont je trouve qu’elle sonne incroya­ble­ment bien. Et j’ai plein de super compres­seurs. J’ai une paire de Neve 32264A.

« Je suis tout excité parce que Waves s’ap­prête à faire une série de plug-ins signa­ture centrée sur moi »

C’est cool. Quoi d’autre ?

J’ai un Variable MU de Manley, une série de limi­teurs de diffu­sion, bref plein de compres­seurs. Et je choi­sis entre tout ça comme on le ferait entre des pédales pour guitare. Pas forcé­ment pour contrô­ler le niveau de dyna­mique ou autre, mais pour donner un son ou la couleur liée au passage par un gros trans­for­ma­teur. J’ai un vieux compres­seur RCA qui venait d’une station de radio. Quand on y met une basse, ça sonne telle­ment bien que des gens qui ne sont pas ingés son se redressent sur leur canapé en disant « C’était quoi qui a fait ça? » Et ces trucs-là, c’est comme des boîtes magiques. Plein de ceux que j’ai n’ont même pas besoin de temps d’at­taque et de relâ­che­ment, ce sont des compres­seurs à ambiance, pour la « vibe ».

Vous les utili­sez prin­ci­pa­le­ment pour les prises ou pour le mix ?

En géné­ral je les utilise pour les prises, ne serait-ce que parce qu’on doit faire les prises rapi­de­ment. La plupart du temps, direc­te­ment dans les entrées des API. Des fois je passe par un atté­nua­teur de façon à pouvoir attaquer les API assez fort. Et ensuite réduire la sortie des API et enre­gis­trer numé­rique­ment. Et ensuite j’ex­porte la piste. Je fais une autre piste que j’ap­pelle « Basse RCA » et la piste d’ori­gine pour la session va être sur le canal juste à côté. J’uti­lise ça, mais vous savez, les plug-ins numé­riques sont telle­ment géniaux. Aucun problème pour passer de droite à gauche ou de gauche à droite. Et avec le niveau qu’a atteint la modé­li­sa­tion aujour­d’hui, sur le plan sonore ils sont équi­va­lents à leurs modèles analo­giques. La seule raison pour laquelle je me tour­ne­rais vers un modèle analo­gique, ce serait pour pouvoir attaquer un trans­for­ma­teur géant, ou l’un des véri­tables compo­sants élec­triques qu’il contient.

Vous utili­sez beau­coup de plug-ins Waves. Lesquels sont vos préfé­rés ?

J’adore le H-Comp. Je le trouve génial. Le H-EQ est super aussi. Je ne sais pas ce qu’ils ont fait avec cet égali­seur, mais autant avec les égali­seurs normaux je n’en finis jamais de régler et reré­gler, autant avec le H-EQ une fois que j’ai loca­lisé et réglé un problème il ne revient pas. Je ne sais pas comment ils font. Je ne sais pas si c’est juste l’éga­li­seur ou s’il y a autre chose derrière qui fait ça. J’aime le C4 et le C6. J’aime toujours leurs vieux plug-ins Renais­sance. J’aime la série des Chris Lord-Alge Clas­sic Compres­sors. J’aime l’en­re­gis­treur à bandes d’Eddie Kramer, le compres­seur PIE. J’aime le JJP Fair­child 670 et les Puig­Techs. Je trouve que leurs produits « signa­ture » sont vrai­ment bons.

Quoi d’autre ?

Il y a des trucs par Manny Marroquin. J’ai récem­ment maste­risé un enre­gis­tre­ment et je l’ai utilisé juste pour élar­gir un peu le son et c’était vrai­ment bien. Il n’ajoute pas les problèmes de phase qu’on rencontre avec les boitiers qui donnent de la largeur au signal. Et il y a quelques-uns de ses plug-ins que je commence vrai­ment à appré­cier. Le problème, c’est qu’il y en a telle­ment. Quand vous essayez de travailler, vous essayez de faire ce que vous faites, mais vous ne faites qu’al­ler cher­cher de nouveaux éléments à chaque nouveau besoin. Je trouve que la gamme One-Knob de Waves est vrai­ment bien. J’aime beau­coup Pumper et Pres­sure.

C’est inté­res­sant. Je ne me serais pas attendu à ce que quelqu’un de votre niveau utilise quelque chose d’aussi simpli­fié.

Techniques du Son
Chez Waves, le H-EQ est l’un des plug-ins favo­ris de West

J’uti­lise tout ce qui me donne le son que je veux. J’aime le Mondo­Mod et le flan­ger, le Meta­Flan­ger. En fait, que ce soit en termes de variété du cata­logue ou de niveau de service, je trouve que personne n’est au niveau de Waves. Je les trouve juste tip-top. Et même si j’ai essayé quelques trucs de chez UA, je ne sais pas, même si beau­coup de gens adorent ce qu’ils font je préfère ce que fait Waves. Je suis tout excité parce que Waves s’ap­prête à faire une série de plug-ins centrée sur moi.

J’ai entendu ça. Féli­ci­ta­tions ! C’est vrai­ment impres­sion­nant. Je sais que vous ne pouvez pas divul­guer de détails, mais ça doit être un véri­table honneur, surtout quand on voit les autres qui ont leurs plug-ins « signa­ture series ».

Clai­re­ment, oui.

Parlons mixage. Avez-vous un flux de travail parti­cu­lier que vous suivez ?

Ouais. Un peu comme avec des templates, sauf que je n’en utilise pas. Pourquoi je ne le fais pas ? Qu’est-ce que je suis bête. [rires] C’est l’his­toire de ma vie, je peux passer 35 ans à char­ger les mêmes plug-ins dans le même séquen­ceur plutôt que de faire un template. Mais oui, c’est le cas. Il y a des trucs que je mets toujours sur le bus de batte­rie, et des trucs que je mets toujours sur le bus master, et plein d’autres trucs qui se répètent d’un mix à l’autre, dans l’es­prit. Bien sûr il y a toujours des adap­ta­tions par rapport au contenu et à ce dont la chan­son a besoin, donc ça change, mais c’est vrai­ment bien parce que j’en­tends la musique d’une certaine façon.

Et évidem­ment ça a un impact sur votre façon de travailler.

Ce qu’il y a de bien c’est que quand je m’as­sois pour enre­gis­trer, j’ai une philo­so­phie. J’ai toujours été le genre d’ar­tiste qui avait besoin de faire un petit peu plus appel à son cerveau gauche par moments parce que j’ai pour mission de faire des disques. En fait, on n’a pas fait appel à moi pour être sur scène, même si je le fais aussi. Je joue les tubes que d’autres ont écrits ou autre chose. Mon art à moi, il est dans le studio. Et à chaque fois que je m’as­sois devant la console ou que je choi­sis un compres­seur, que ce soit en soft­ware ou en hard­ware, j’ap­porte une sorte d’em­preinte qui va faire partie inté­grante du mix, et qui fait qu’une fois le mix terminé les gens se diront « Hé, c’est un mix de Joe West ! ».

Et quels seraient les aspects qui « signent » l’un de vos mixes ?

J’ai toujours pensé que même si c’est la chan­son qui est centrale, c’est la batte­rie qui déter­mine la dimen­sion, l’échelle et la largeur de l’uni­vers dans lequel le mix prend place, un peu comme un cadre. Donc j’ai toujours consi­déré la batte­rie comme un élément crucial. Quand je fais un mix, je commence toujours avec ce que je consi­dère comme central. Donc pour moi au centre il y a toujours la voix. Ensuite si ça a été écrit sur une guitare acous­tique, ou quel que soit l’ins­tru­ment domi­nant dans l’ac­com­pa­gne­ment, j’es­saie de construire le mix autour de ça. Mais j’en reviens toujours à la batte­rie, pour m’as­su­rer qu’elle sonne aussi grosse et large que possible dans l’es­pace, juste­ment par rapport à ça, parce que c’est ça qui va créer un univers plus large dans lequel tout le reste va prendre place.

« Ça ressemble davan­tage à ce qu’il se passe avec un junkie : à un moment, on sait qu’il est temps d’ar­rê­ter »

Une batte­rie qui « sonne gros » apporte beau­coup à la percep­tion qu’on a du mix en termes de dimen­sion et d’éner­gie.

Vous devriez pouvoir bais­ser nette­ment le volume d’un mix en ayant l’im­pres­sion d’écou­ter la sono d’un club. Avec l’im­pres­sion que ça bouge l’air, comme si la batte­rie se compres­sait natu­rel­le­ment. Est-ce que vous avez déjà remarqué comment parfois on baisse le niveau d’un mix et tout d’un coup on n’en­tend plus que le char­ley ? Si vous bais­sez le volume d’un de mes mixes, vous enten­drez la basse, vous enten­drez la grosse caisse, vous aurez l’illu­sion qu’il y a une sorte d’ef­fet subwoo­fer qui anime vrai­ment le système d’écoute.

Comme sur la grosse caisse ?

Ouais. Quand on écoute un disque de Led Zeppe­lin, il y a un centre unique et unifié sur l’en­re­gis­tre­ment, on a l’im­pres­sion qu’ils ne sont qu’un seul et même instru­ment. Donc en théo­rie, j’aime que la musique sonne gros natu­rel­le­ment. Avoir la sensa­tion qu’il y avait une véri­table inten­tion, et qu’on a réussi à capter cette magie à l’en­re­gis­tre­ment. Si je peux repro­duire ça et retrou­ver cette magie à l’en­re­gis­tre­ment, alors je sens que c’est bon et que c’est terminé. Je n’ai jamais envie de vouloir reve­nir sur un mix pour le retou­cher.

Donc pour vous le moment où un mix est fini appa­rait clai­re­ment ?

C’est comme dans une rela­tion, il y a un moment où on se rend compte que c’est fini. Genre OK, plus rien à faire, il n’y a plus qu’à éteindre la lumière et sortir. Pour moi, il y a un moment dans le mix où c’est ça qui se passe. Certaines personnes pensent que mixer est diffi­cile, moi je trouve ça très facile. J’ai déjà utilisé cette compa­rai­son, mais c’est comme regar­der un laby­rinthe du haut plutôt que d’être à l’in­té­rieur du laby­rinthe. Je vois les points d’en­trée et de sortie du mix. Ma façon de procé­der va être une ligne presque droite vers où je veux amener le mix, une fois que j’ai compris la chan­son, et je ne passe pas un temps fou à me perdre dans le laby­rinthe et à tomber dans des impasses. Une fois que j’ai atteint la sortie, je sais que j’y suis.

Est-ce que c’est lié au fait d’avoir une méthode bien précise, qui fait que vous avez des points de repère sur l’en­semble du parcours ?

Oui, mais en fait ça ressemble davan­tage à ce qu’il se passe pour un junkie. À un moment, on sait qu’il est temps d’ar­rê­ter. Il y a ce truc, c’est indes­crip­tible, mais au fond de moi, quand je fais un mixage, je ressens cette espèce d’an­xiété, de senti­ment de quelque chose d’in­com­plet. Et je suis là comme en manque à vouloir monter le volume de la batte­rie, en manque de mettre les guitares là, je cherche ce truc qui va vrai­ment accro­cher, ou alors je cherche ce que je pour­rais faire aux voix pour que cette section vienne percu­ter avec tel autre élément, et ça occupe toute mon atten­tion. Quand je mixe, je suis en immer­sion totale, et je le fais vrai­ment rapi­de­ment.

Est-ce que vous le réécou­tez un ou deux jours après pour faire des réajus­te­ments ?

C’est ça qu’il y a de bien à pouvoir rechar­ger ses réglages. Dans le temps, il fallait qu’un stagiaire essaie de remettre la table à ses réglages précé­dents, c’était une vraie corvée sur une SSL et je n’ar­ri­vais jamais à repro­duire exac­te­ment les mêmes réglages qu’au départ. Main­te­nant, je n’ai plus qu’à double-cliquer. Et c’est ce que je fais, en géné­ral. Disons que mon mixage m’a pris 5 à 6 heures et qu’il est terminé. J’en mets une copie sur mon télé­phone, et je la trans­mets vers mon auto­ra­dio en Blue­tooth. Je trouve que ça le fait, dans ma voiture. Ensuite je reviens, je rechange un truc ou deux et je passe à la chan­son suivante. Et voilà le travail.

C’est impres­sion­nant. Pour beau­coup de gens, cette possi­bi­lité de rechar­ger ses réglages crée une tenta­tion de passer son temps à revi­si­ter un mix.

Si je mixe un album entier, il est possible que je revienne sur la première chan­son si j’ai trouvé un truc qui marche vrai­ment bien sur l’une des suivantes. Mais en géné­ral les choses m’ap­pa­raissent assez clai­re­ment. Ça fait partie de la magie du trai­te­ment de la musique, il y a quelque chose de vaudouesque qui se passe quand on est assis derrière la console, si tech­nique que cela puisse être. Même si un type en blouse blanche pour­rait très bien arri­ver au même résul­tat, il y a quelque chose de diffé­rent quand vous pouvez faire appa­raître ce que vous trou­vez super, ou trou­ver l’épi­centre d’une chan­son et l’ex­ploi­ter au point de ressen­tir une sorte d’ivresse. Et puis c’est tout.

Techniques du Son
Lo-Fide­lity est le premier album de Lo-Fi, le groupe de Joe West

Parlons un peu d’écri­ture : est-ce que vos chan­sons vous viennent spon­ta­né­ment, ou est-ce que vous vous asseyez en vous disant « OK, main­te­nant j’écris une chan­son » ?

À Nash­ville, ça se passe géné­ra­le­ment comme ça: « on va s’as­seoir et écrire une chan­son mardi à 10h du matin », avec quelqu’un que vous n’avez jamais vu. Et c’est vrai­ment cool. C’était vrai­ment tout sauf natu­rel au départ, mais ça oblige à faire travailler ce muscle [de la créa­ti­vité]. À la fin de l’an­née, on a peut-être une ou deux chan­sons vrai­ment magiques, et peut-être une cinquan­taine de chan­sons qui sont « seule­ment » de très bonnes chan­sons. Donc il faut se poin­ter et s’y mettre, même si on n’en a pas toujours envie. Parce que vous ne déci­dez pas toujours du moment où les deux chan­sons magiques annuelles vont se poin­ter. Donc ouais, pour moi ça commence géné­ra­le­ment avec un bout de mélo­die ou un bout de musique qui a besoin de paroles. Je suis assis, je regarde la télé en jouant de la guitare et un lick me vient, et je finis par en faire une chan­son. Ou des paroles parfois, mais c’est plus souvent une musique qui me vient d’abord et ensuite seule­ment des paroles.

J’ai remarqué que vous avez aussi sorti votre propre album solo.

En fait, le disque de Lo-Fi c’est juste un disque. C’est un pote et moi, on est tous les deux auteurs-compo­si­teurs. Et même si on écrit pour d’autres artistes, j’es­saie d’écrire chaque chan­son que j’écris comme pour moi-même. Parce que j’ai l’im­pres­sion que la chan­son n’en sera que meilleure si je m’y implique vrai­ment à la première personne. Et ce sont les chan­sons avec lesquelles j’ai obtenu des numé­ros 1 en tant qu’au­teur-compo­si­teur. J’ai été numéro 1 avec des chan­sons que je n’avais pas forcé­ment écrites pour quelqu’un d’autre. Donc souvent, j’es­saie simple­ment d’en faire la meilleure version possible, et ça a fini sur un album. Et avec un peu de chance, des gens comme Kenny Ches­ney ou Keith Urban vont deve­nir fans de ce disque. Et plutôt que de devoir leur placer des chan­sons, c’est eux qui vont écou­ter celles-là pendant leur temps libre et qui diront « Hé, celle-là je veux l’en­re­gis­trer. » Donc le disque de Lo-Fi était juste un exutoire, ça ne corres­pon­dait pas à un besoin pour quoi que ce soit d’autre que ça. C’était juste pour m’af­fir­mer, et faire un disque en lequel je crois tota­le­ment du début à la fin. 


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Pour plus d’informations sur le Meta Pixel, les détails du traitement des données via ce service et la politique de confidentialité de Meta, veuillez consulter le site suivant Meta Privacy Policy - How Meta collects and uses user data pour Facebook et Meta Privacy Policy - How Meta collects and uses user data pour Instagram

Meta Platforms Ireland Ltd. est une filiale de Meta Platforms, Inc. basée aux États-Unis. Il n’est pas exclu que vos données collectées par Facebook soient également transmises aux États-Unis.


Vous pouvez trouver plus de détails sur la proctection des données dans la politique de confidentialité.
Vous trouverez également des informations sur la manière dont Google utilise les données à caractère personnel en suivant ce lien.