Chers amis, je me permets d'effectuer avec le présent article un petit aparté dans le déroulé de notre dossier.
En effet, j’ai évoqué dans l’article 55 la pédale comme mode d’écriture dans le système modal. patrick_g75, un AFien qui suit ce dossier depuis le début et que je salue m’a alors fait remarquer dans un commentaire que la définition même que je donnais de la pédale ainsi que la nomenclature que j’employais pour les exemples d’accords ne lui semblaient pas totalement appropriés. Je le remercie pour ce commentaire, et je vais donc m’atteler dans le présent article à préciser le concept de pédale, en complément et éventuelle clarification de ce que j’ai déjà écrit sur le sujet dans les articles 55 et 29.
Le point principal soulevé par Patrick_g75 était que selon la définition que je donnais de la pédale, je faisais de la note-pédale obligatoirement une note réelle à tous les accords concernés par la pédale en question, alors que celle-ci peut très bien être étrangère auxdits accords. Concernant les notes réelles et étrangères, je vous renvoie à l’article 8. De fait, cette remarque tout à fait pertinente appelle certaines précisions de ma part.
La pédale dans le jazz
En fait, cette remarque est d’autant plus intéressante qu’elle nous emmène aux différences fondamentales qui peuvent exister entre jazz et musique classique. J’ai bien conscience de l’aspect extrêmement simplificateur de ces dénominations et de la diversité et de la richesse des réalités qu’elles recouvrent, je vous prie de m’en excuser par avance.
On pourrait ainsi schématiser en considérant que le jazz intègre plus facilement la dissonance comme une composante intrinsèque du style, qui ne nécessite pas obligatoirement de résolution mais trouve sa justification en elle-même, et par elle-même, là où dans l’harmonie classique (souvent tonale) la dissonance est souvent associée à la nécessité d’une résolution. En conséquence, les notions de notes réelles et étrangères ne sont plus aussi marquées en jazz qu’en musique classique.
Ainsi, lorsque l’on harmonise un morceau de jazz, l’on considère les notes éventuellement étrangères à un accord donné bien souvent comme des enrichissements, donnant naissance à de nouveaux types d’accords. Par conséquent, les notes-pédale sont elles-mêmes davantage considérées comme des notes réelles de ces nouveaux types d’accords, plutôt que comme des notes étrangères à des types d’accords plus « classiques ». Le renversement d’accords devient alors un élément central de l’utilisation de notes-pédale dans ce type d’harmonisation. C’est la réalité que j’ai traduite dans l’exemple formulé dans l’article 55.
La pédale en harmonie classique
En harmonie classique, la réalité est un peu autre. En effet, la note de pédale doit être réelle aux accords de début et de fin, mais pas nécessairement aux accords de transition dont elle peut être étrangère, à condition toutefois que ce ne soit pas sur plus de deux accords consécutifs.
Enfin, on considère que la pédale est l’une des expressions typiques du mouvement oblique dont nous avons parlé dans l’article 22.